Chapitre 3 : L'informateur (1/4) [V2]

Cette fois encore, Mikaël s'illustra par son silence lors du trajet vers le coupe-gorge où Katrina avait donné rendez-vous à son contact. Aucune question, aucune protestation, aucune menace de prévenir les forces de l'ordre...

Le soleil commençait à descendre derrière les hauts immeubles quand ils s'arrêtèrent enfin dans une ruelle en tout point identique à celle du meurtre. La flaque de sang en moins.

Un homme les y attendait déjà. Son crâne rasé était couvert de tatouages et ses oreilles, son nez comme ses sourcils supportaient tant bien que mal les innombrables piercings qui y étaient logés. On aurait été tenté de lui donner la quarantaine, mais ses yeux rouges invitaient à la prudence quant à son véritable âge.

Il s'avança prestement en voyant Katrina approcher mais marqua un instant d'hésitation quand il découvrit Mikaël derrière elle.

— Qu'est-ce que... commença-t-il.

Elle l'interrompit d'un geste de la main.

— Ne fais pas attention, Leonid, considère-le comme un petit chien.

— Eh... protesta faiblement le jeune homme encore haletant.

Le vampire l'observa avec méfiance. Il fit ensuite quelques pas supplémentaires sans quitter Mikaël des yeux et inclina légèrement la tête devant Katrina.

— En quoi puis-je vous être utile ? finit-il par demander.

— Il y a un addict à Prémices. Je veux tout ce que tu sais à ce sujet.

Leonid resta silencieux un instant. Ses yeux naviguèrent de Mikaël à son interlocutrice et le regard pressé de cette dernière l'incita à parler.

— Le premier meurtre a eu lieu il y a une semaine. Avec celui d'hier, on en est à onze.

— Onze ? s'étrangla Mikaël.

Katrina leva une main pour le faire taire.

— Tu crois qu'il agit seul ?

Leonid haussa les épaules.

— Qu'est-ce que vous voulez que j'en sache, moi... À la base, je ne suis qu'un passeur parmi tant d'autres.

— C'est ça. « Un passeur parmi tant d'autres », hein ?

Katrina avait eu l'occasion de faire affaire avec lui, notamment lorsqu'elle était arrivée en ville. Elle avait une assez bonne idée de l'étendue de son petit trafic et ce qu'elle savait, c'est qu'il était loin de s'arrêter aux entrées illégales de vampires sur le territoire.

Mikaël s'avança alors tout en farfouillant d'une main dans son blouson, sans doute à la recherche de son badge. Il arborait un air sérieux, assuré, très « forces de l'ordre » et ô combien stupide dans cette situation.

Consciente qu'un nouveau mouvement de la main ne suffirait sans doute pas et qu'envoyer son poing dans la figure d'un agent de police n'était pas le plus judicieux, Katrina se déplaça en un éclair derrière Mikaël et lui plia fermement le bras dans le dos. Le jeune homme se retrouva à genoux, gémissant.

— T'as vraiment rien dans le crâne, toi ! marmonna-t-elle.

Leonid regarda leur petit manège d'un air interrogateur, mais les yeux menaçants de Katrina le convainquirent de garder ses questions pour lui. Il se contenta de se racler la gorge et reprit :

— Tout ce que je sais, c'est que les gens avec qui je suis en contact ne sont pas concernés.

La vampire se tut un instant et réfléchit. Leonid avait des yeux et des oreilles un peu partout à Prémices, et plus particulièrement dans l'est, où ils se trouvaient actuellement. Le fait qu'il ne puisse davantage la renseigner sur cette affaire fit naître trois hypothèses dans son esprit : soit le coupable venait de l'une des rares familles vampiriques aisées et ses proches le protégeaient sans avoir recours au monde souterrain ; soit il était arrivé par ses propres moyens en ville et avait réussi à échapper à la toile de collecte d'informations tendue par Leonid ; soit il bénéficiait du soutien d'un groupe rival au moins aussi puissant que celui de son informateur.

Certes, ces hypothèses limitaient déjà le nombre des suspects, mais pas suffisamment pour qu'elle puisse se précipiter chez qui que ce soit pour demander des comptes. Katrina sentit la frustration et l'impatience l'envahir. Combien de temps encore devrait-elle supporter le toutou des forces de l'ordre ?

— Savez-vous si des ressortissants roumains ou des roumanophones ont agi de manière suspecte, dernièrement ? demanda alors le cabot en question.

Katrina faillit laisser la surprise déborder sur son visage avant de se ressaisir. Elle dut bien l'admettre, ce détail sur le réservoir d'eau lui était complètement sorti de la tête.

Leonid tourna d'abord les yeux vers elle, en quête d'approbation. Elle leva un sourcil interrogateur et il répondit :

— Tu parles du mot sânge ? Il y a très peu de vampires roumains, tu sais ? Les chasseurs sont trois fois plus nombreux et féroces en Roumanie qu'ailleurs à cause de...

Il pâlit brusquement et se tut. Le sang de Katrina se glaça. Elle jeta un coup d'œil à Mikaël, mais ce dernier ne semblait pas avoir remarqué le malaise que dégageait à présent Leonid. Il termina d'ailleurs à sa place :

— À cause du comte Dracula, l'un des vampires originels qui est apparu là-bas, je sais. Mais nous ne pouvons décider qu'ils sont innocents simplement parce qu'ils sont rares.

— Ils sont même quasi-inexistants ici, rétorqua Leonid d'une voix nerveuse. Je vérifierai, bien sûr, mais ne t'attends pas à ce que cette piste mène à grand-chose. Une simple recherche sur internet et moi aussi, je pourrais te donner la traduction de « sang » dans n'importe quelle langue.

Katrina sentit une goutte glisser entre ses doigts et s'écraser sur le sol. Dans un soupir discret, elle s'obligea à se détendre, puis à ouvrir ses poings serrés. Elle sentit les ongles qu'elle avait enfoncés jusqu'au sang dans sa paume en sortir doucement. Quand elle reprit la parole, sa voix lui parut lointaine, étrangère.

— Renseigne-toi, ordonna-t-elle à Leonid. Tout ce que tu peux apprendre sur cette histoire, je veux le savoir aussi.

Elle tourna les talons sans attendre la réponse de son informateur et rabattit au maximum sa capuche sur sa tête. Des bruits de pas dans son dos lui apprirent que Mikaël la suivait de près. 

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