Chapitre 20 : L'enfant (2/4)

***NOTE DE L'AUTEURE : attention, scène peu ragoûtante dans cet extrait...***

Dans le noir absolu de ses paupières fermées, ses sens se focalisèrent ailleurs. Sur les gouttes qui tombaient à intervalle régulier, à droite. Sur la brise qui s'infiltrait dans les souterrains et qui chantait ses accords discordants à son oreille. Une symphonie familière qui la ramena à la période la plus sombre de sa vie. Que trouverait-elle lorsqu'elle rouvrirait les yeux ? Serait-elle toujours dans ce sous-sol austère ? Ou découvrirait-elle que tout cela n'était qu'un rêve et qu'elle n'était jamais sortie des cachots de son château ?

Derrière tous ces sons parasites, son ouïe en éveil intercepta alors un autre bruit, faible. Elle y concentra une partie de ses ressources. Un râle rauque, irrégulier, qui ne fit qu'agiter davantage encore ses souvenirs et son malaise.

Elle ouvrit brusquement les paupières.

Le couloir obscur était là, sous ses yeux, bien différent des souterrains de Roumanie où elle avait passé des siècles. Le bruit de souffle saccadé ne provenait pas de sa gorge.

Les impacts de balles la faisaient toujours souffrir, quoique moindrement. Ecaterina ignorait combien de temps elle avait passé là, les yeux fermés, mais toutes ses blessures étaient à présent entrées dans leur phase de cicatrisation. Son prochain combat risquait fort de les rouvrir, mais elle ne se viderait pas de son sang dans l'immédiat. Une conclusion opportune, puisque c'était justement dans l'immédiat qu'elle allait agir.

De retour sur ses pieds, elle se glissa une nouvelle fois au coin du couloir. Aucun mouvement à signaler, ses adversaires n'avaient pas changé de position. Le plus difficile à affronter serait, sans aucun doute possible, l'homme armé du fusil gros calibre. Une balle mal placée et elle serait incapable de poursuivre le combat. Peut-être même ne ressortirait-elle pas vivante de ce sous-sol. Cette perspective enchanterait certainement beaucoup de monde, vivant comme mort, mais malgré tout le mal qu'elle avait pu causer, malgré toute la souffrance que son existence engendrait encore, Ecaterina ne se sentait pas prête à passer l'arme à gauche de sitôt. Non parce qu'elle aimait vivre, mais parce que l'après la terrifiait.

Quand bien même, la vampire ne pouvait pas reculer. Elle savait à présent ce qui se cachait dans cette cellule, l'écho que cette situation faisait résonner en elle l'empêchait de faire demi-tour et de prétendre n'avoir rien vu.

Elle réfléchit un court instant à ses options. Qui attaquer d'abord ? Les gardes à côté de la porte ? Celui qui tenait le fusil la ciblerait aussitôt. S'occuper de lui en premier lieu ? C'était la réponse la plus sensée, mais elle devrait alors passer une première fois devant ses collègues pour l'atteindre. Elle ne manquerait pas de se recevoir une pluie de balles. Il lui fallait donc trouver le moyen de mettre hors d'état de nuire la principale menace tout en restant à une distance raisonnable des deux autres.

Elle observa son environnement à la recherche d'une idée. Comme elle s'en doutait, le couloir, par son aspect uniquement fonctionnel, n'en offrait pas beaucoup. Ses yeux se posèrent sur ses pieds et une idée germa dans son esprit.

Deux secondes plus tard, Ecaterina se positionnait au coin du mur. Elle inspira un grand coup et se précipita sur les gardes. Tous trois la mirent en joue comme un seul homme. Sa basket vola alors telle une fusée pour atterrir entre les deux yeux de sa première cible. Celle-ci bascula vers l'arrière et entraîna la chaise dans sa chute. L'un de ses collègues suivit d'un regard incrédule l'arc de cercle décrit par son camarade, soudain plus si concentré sur la vampire. Le troisième garde, en revanche, pressa sans attendre la détente.

C'est donc celui-ci qu'elle visa en second. Une fois de plus, elle sauta à gauche, à droite, en haut, en bas pour éviter un maximum de balles. Dans ce couloir étroit, une chaussure en moins, ses blessures à peine cicatrisées, sa mobilité n'était pas au beau fixe. Un premier impact toucha sa cuisse, un second son bras. Les dents serrées, une jambe à la traîne, elle atteignit pourtant sa cible et l'envoya dans les vapes d'un revers de la main. Elle allait se tourner vers le dernier homme quand un coup de feu lui vrilla les tympans. Elle sentit sa tête partir en arrière sous l'effet du choc.

Lorsqu'Ecaterina recouvra ses esprits, elle était allongée sur le sol de terre battue. Son œil droit ne transmettait plus qu'un paysage d'obscurité à son cerveau endolori et, au regard de la douleur insupportable qui lançait tout un côté de son visage, elle comprit que cette dernière balle y avait fait de sacrés dégâts.

Si elle n'avait pas été une originelle, cette blessure aurait été le coup de grâce, elle ne serait plus qu'un tas de cendres. Mais il restait encore un peu de sang en elle, et donc un peu de vie. Décidément, elle avait tout d'un monstre. À la respiration saccadée et horrifiée qui emplissait le couloir, elle comprit que le troisième homme était arrivé à une conclusion similaire.

Au prix d'un immense effort de volonté, au mépris de la souffrance qui irradiait dans tout son corps, elle prit appui sur ses mains pour se redresser. Son bras gauche céda aussitôt, touché en deux endroits. Elle persista pourtant et, une fois assise, au bord de l'évanouissement, posa son œil valide sur le garde qui l'avait touchée. Celui-ci, tremblant de la tête aux pieds, s'accrochait à son fusil comme à une bouée de sauvetage.

- Aïe... marmonna-t-elle.

Le garde bondit en arrière en poussant un bref cri terrifié, trébucha et rampa aussi loin d'elle qu'il le pouvait. Elle ne pouvait pas vraiment lui en vouloir. De son point de vue, la vampire faisait sans doute davantage office de zombie, désormais.

Bien consciente qu'elle perdait rapidement du sang, Ecaterina se laissa une nouvelle fois tomber à terre. De profondes inspirations suivies de longues expirations firent grandement décélérer son rythme cardiaque, jusqu'à ce que l'hémorragie se tasse. Sa vitesse de régénération dépassait de loin celle des vampires de bas rang, mais il lui fallut encore de longues, très longues minutes avant que le flot d'hémoglobine ne cesse de se déverser de son corps. Elle se releva ensuite doucement, sans mouvements brusques. La moitié de son visage arrachée par le coup de feu la lançait toujours et son œil droit manquait à l'appel. Elle se rappela alors le temps qu'il avait fallu à son bras pour repousser après sa fuite de Prémices et grimaça en s'imaginant rentrer dans cet état auprès des Crocs Écarlates. Si ses subordonnés la voyaient réapparaître comme une fleur sans la moindre séquelle quelques jours plus tard, ils comprendraient bien vite qu'il y avait anguille sous roche.

Ecaterina secoua la tête et se concentra sur le présent. Les gardes qu'elle avait assommés faisaient toujours leur petit somme par terre et le dernier semblait s'être fait la malle. Sage décision. Elle se tourna donc vers la porte blindée dont émanait la respiration rauque et saccadée. D'abord tentée d'y envoyer un coup de pied, ses jambes flageolantes lui rappelèrent rapidement de ne pas tenter le diable.

Agacée de se retrouver une nouvelle fois dans l'état lamentable qui lui avait presque coûté la vie un mois plus tôt, elle se pencha sur les humains à terre en pestant. La clé se trouvait là, dans la poche du garde qui portait encore la trace de sa chaussure sur son front.

Fébrile, elle glissa sa trouvaille dans la serrure de la porte. La réticence la saisit alors. Elle savait ce qu'elle allait trouver derrière. Elle ne le savait que trop bien. Les souvenirs rejaillissaient dans sa mémoire, se mêlaient une fois de plus au présent.

Elle les balaya d'un soupir et tourna la clé.


***NOTE DE L'AUTEURE n°2 : À partir d'aujourd'hui, je passe à un rythme de publication d'une partie par semaine uniquement (le vendredi), et ce jusqu'à nouvel ordre ! Plus d'infos dans la partie "Conversations" de mon profil, j'espère que vous comprendrez... Désolée à tous ceux que la nouvelle déçoit... :/ ***

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top