Chapitre 20 : L'enfant (1/4)

***NOTE DE L'AUTEURE : attention, cette partie contient des scènes où apparaît du sang***

Ecaterina descendit quatre à quatre les escaliers et atteignit rapidement le rez-de-chaussée du bâtiment. Sans attendre, sans réfléchir, elle tourna au coin du couloir et aperçut une dizaine d'hommes tout de noir vêtus, fusils d'assaut à la main, à côté de la porte qui menait au hall d'entrée.

Son arrivée n'échappa pas aux gardes qui lui faisaient face et les armes se braquèrent aussitôt sur elle. Elles étaient certes moins dangereuses que les gros calibres qui l'avaient tant amochée quelques semaines plus tôt, mais le douloureux souvenir de la dernière fusillade générale dont elle avait été la cible l'invita à s'en méfier.

Plutôt que de foncer tête baissée comme cela avait été le cas chez la baronne, Ecaterina se mit à courir en zig-zag, parfois même sur les murs, pour éviter au maximum les balles. À mesure qu'elle approchait de ses adversaires, l'exploit fut de plus en plus difficile à accomplir. Une première balle lui frôla la tempe, une autre lui perfora une jambe. L'adrénaline, son alliée de toujours, camoufla la douleur et boosta ses muscles jusqu'à ce qu'elle envoie son poing dans la mâchoire d'un premier garde.

Celui-ci vint percuter l'un de ses collègues et tous deux roulèrent quelques mètres plus loin. Pendant ce temps-là, le pied d'Ecaterina rencontrait le ventre d'un autre homme qui fit la connaissance brutale du mur.

La vampire se tourna vers les gardes restants. Trois se concentraient toujours sur le hall d'entrée pour empêcher les Iris de Sang d'entrer, les autres avaient vraisemblablement en tête de protéger leurs collègues. Ecaterina bondit de plusieurs mètres sur le côté pour éviter une première salve de balles, puis elle revint à la charge.

Pour des hommes dont le principal travail consistait à empêcher des enfants vampires en pleine croissance de se rebeller, ils étaient sacrément précis et entraînés. À présent qu'aucun des leurs ne se trouvait dans leur ligne de mire, ils tiraient sans hésiter et avec plus de ferveur que jamais. Une balle l'atteignit au bras, une seconde au flanc. Ecaterina serra les dents, mit toutes ses forces dans ses jambes et se propulsa vers eux. Elle n'avait pas le choix, il fallait qu'elle brise leur formation. Si elle parvenait à passer le barrage de balles, ses adversaires n'auraient plus la possibilité de l'attaquer aussi facilement et elle pourrait s'occuper d'eux sans risquer de nouveaux trous dans sa veste et son pantalon. Et son corps, accessoirement...

Une dernière balle la toucha à la main, mais Ecaterina n'y fit pas attention : elle avait réussi, elle était au milieu de leur groupe. En deux temps, trois mouvements, les derniers gardes étaient à terre et elle faisait signe aux membres des Iris de Sang d'entrer.

Malheureusement, les vêtements maculés de sang et de cendres étalés dans le hall lui indiquèrent que certains d'entre eux n'avaient pas survécu aux salves de balles. Leurs camarades jetèrent des regards profondément attristés aux endroits où les leurs étaient tombés. Deux ou trois y marquèrent une courte pause, partagés entre l'envie de s'occuper de leurs morts et le devoir qui les appelait. Après avoir prononcé quelque parole silencieuse aux défunts, ils reprirent néanmoins leur route dans la direction d'Ecaterina.

Lorsqu'il arriva à sa hauteur, l'un des vampires jeta un œil horrifié aux blessures qui trouaient le corps de la comtesse. Il tendit une main vers elle, mais fut accueilli par un mouvement de recul. À l'odeur d'antiseptique qui se dégageait de sa sacoche en bandoulière, Ecaterina se doutait déjà de ce qu'il allait lui dire. Et elle n'était pas intéressée...

- Les petits auront plus l'utilité de tes services et de ton matériel que moi, annonça-t-elle en tournant les talons.

- Où allez-vous dans cet état ? persista l'homme.

La vampire balaya sa sollicitude d'un geste de la main. Il n'insista pas.

Après avoir indiqué aux renforts où se trouvait leur chef, elle se dirigea vers le fond du couloir, à l'opposé des escaliers qui menaient aux étages supérieurs. Elle ouvrit consciencieusement toutes les portes sur son chemin pour vérifier qu'aucun garde ne s'y cachait. À part quelques bureaux et réserves de documents, rien ne sortait cependant de l'ordinaire. Elle poursuivit ainsi sa marche jusqu'au bout du couloir où celui-ci tournait à angle droit au niveau d'une imposante fenêtre. Devant elle, des marches s'enfonçaient vers le sous-sol, de plus en plus sombres à mesure que la lumière naturelle peinait à les atteindre.

La vampire descendit rapidement, prête à en découdre. Ses blessures la gênaient, mais son dernier combat était loin d'avoir suffi à évacuer toute la haine que cet endroit lui inspirait. Elle savait ce désir déraisonnable, pourtant, elle espérait de tout son cœur que des gardes l'attendraient de pied ferme en bas des marches pour lui servir de défouloir supplémentaire.

Une certaine déception la saisit donc lorsqu'elle constata que la voie était libre. Elle continua son chemin dans l'obscurité, à la fois pour s'assurer qu'aucun garde ne s'y cachait, mais également curieuse de trouver un moyen de faire exploser le bâtiment. Une chaudière à gaz, par exemple.

Après l'odeur qu'elle avait dû supporter au cinquième étage, l'humidité et les moisissures qui régnaient ici-bas embaumaient l'air d'un doux parfum printanier pour son odorat malmené. Ecaterina balaya le lieu du regard sans se donner la peine de chercher un interrupteur, la pénombre n'étant pas suffisante pour l'aveugler totalement. Les murs, en briques noires d'un côté, en béton brut de l'autre, à l'image du sol, se poursuivaient en ligne droite devant elle, vers une bifurcation d'où émanait une faible lumière jaune.

Elle s'avança dans cette direction sans s'intéresser pour le moment aux différentes portes en bois montées sur le mur gris. Ni bruit ni éclairage n'indiquait la moindre présence derrière celles-ci.

Lorsque la vampire approcha de la zone éclairée, elle réduisit l'allure et se fit aussi discrète que possible pour jeter un coup d'œil à ce qui l'attendait au coin du mur.

Le couloir se prolongeait sur quelques dizaines de mètres pour se terminer en cul de sac. Pas loin de celui-ci, deux hommes, vêtus des mêmes uniformes noirs que ceux qu'elle avait mis hors d'état de nuire à l'étage, se tenaient de chaque côté d'une porte, droits comme des i, fusils à la main. Elle les frôla brièvement du regard avant que ses yeux ne se fixent sur le troisième garde, assis un peu plus loin sur une chaise. Ou plutôt sur le fusil gros calibre qu'il avait entre les mains. Ecaterina jura silencieusement et recula de quelques pas pour réfléchir.

Qui ces hommes pouvaient-ils bien garder aussi sérieusement, au sous-sol d'un orphelinat de l'enfer ? Un enfant qui revêtait une importance particulière pour le gouvernement ? Ou des enfants ?

La vampire porta un ongle à ses dents. Peut-être Fiona et Nolan se trouvaient-ils derrière cette porte. Cela expliquerait les précautions prises par l'établissement pour s'assurer qu'elle ne pourrait pas s'en approcher. Pourtant, le fait qu'un seul de ces fusils qu'elle craignait tant se trouve ici l'interpellait. Si les dirigeants du foyer s'attendaient à voir une originelle débarquer, ils auraient logiquement équipé tout leur personnel de telles armes, sans exception, pas un malheureux individu assis sur une chaise. Les balles de ce fusil ne lui étaient donc vraisemblablement pas destinées.

Forte de cette conclusion, Ecaterina mit la question de côté pour se concentrer sur la suivante : si ce n'étaient pas Fiona et Nolan qui se trouvaient là, qui était-ce ? Ou quoi ? Elle aurait beau se remuer les méninges, la réponse lui demeurerait inconnue tant qu'elle restait cachée là.

La vampire baissa les yeux sur ses blessures. La première, sur sa cuisse, ne saignait déjà plus. Elle était cependant loin d'avoir totalement cicatrisé et le moindre mouvement un peu brusque risquait de la rouvrir. Ses plaies au ventre, au bras et à la main, en revanche, n'avaient pas encore atteint ce premier stade : ses vêtements continuaient de s'humidifier autour des nombreuses déchirures du tissu.

Elle s'appuya un instant contre le mur et ferma les yeux. Si elle pouvait gagner une ou deux minutes, ses vaisseaux sanguins auraient le temps de se comprimer pour arrêter l'hémorragie, sa chair commencerait à se refermer et elle serait en pleine possession de ses moyens pour affronter les balles de gros calibre qui ne manqueraient pas de voler sur elle dès qu'elle passerait l'angle du couloir. Peut-être. Elle l'espérait.

Ecaterina s'obligea à respirer profondément, aussi discrètement que possible. Les battements de son cœur s'apaisèrent, le froid qui s'infiltrait dans ses membres par le biais de ses vêtements humides reflua. Elle se laissa glisser au sol et détendit ses muscles pour mobiliser toutes ses forces sur sa guérison.

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