Chapitre 18 : La succession (4/5)
Dissimulée dans l'ombre d'un porche, Ecaterina regarda passer l'une des nombreuses voitures de police qui sillonnaient la ville. Les patrouilles semblaient s'être renforcées, même dans le centre-ville principalement peuplé d'humains, non soumis au couvre-feu.
Quand le champ fut libre, elle tendit la tête pour apercevoir sa cible. La résidence des Lhom se trouvait là, de l'autre côté de l'avenue. Malgré l'heure tardive, de nombreuses fenêtres trahissaient de leur lumière l'activité qui régnait encore à l'intérieur. Parmi elles, celle de Mikaël, accueillante, l'invitait à le rejoindre.
Elle s'aperçut alors qu'elle n'avait pas vraiment réfléchi à la manière de procéder ensuite. Escalader le mur comme elle l'avait fait chez la baronne Engler semblait proscrit, sous peine d'alerter un occupant ou un voisin encore debout.
La vampire s'approcha prudemment de la façade et s'arrêta sous une première fenêtre éteinte. Fermée. Elle longea ainsi le mur, à la recherche d'un point d'entrée. Malheureusement sans succès.
Un vrombissement de moteur l'alerta et elle se précipita vers le porche qu'elle avait quitté quelques minutes plus tôt pour y retrouver l'abri de l'ombre. La voiture qui passa devant elle était cette fois dépourvue de gyrophares et elle se détendit légèrement.
Ecaterina braqua une nouvelle fois le regard vers la fenêtre de Mikaël en fulminant. Elle avait beau tourner le problème dans tous les sens, aucune solution digne de ce nom ne s'offrait à elle.
C'est alors que l'une des fenêtres sous celle du jeune homme s'éteignit. La vampire constata que toutes les pièces situées directement sous sa cible ne montraient plus aucun signe de présence.
Elle courut à nouveau vers le bâtiment, directement sous la fenêtre de Mikaël, se ramassa sur elle-même et bondit. Un sourire satisfait lui échappa quand ses mains se refermèrent sur la balustrade visée. Il disparut tout aussi rapidement lorsqu'elle comprit que l'ouvrage métallique n'était pas destiné à servir de prise à quelqu'un de son poids. Dans un grincement sinistre, Ecaterina vit les fixations à la pierre céder et elle se sentit attirée vers l'arrière, prête à retrouver le sol qui lui tendait les bras quelques mètres plus bas.
En un éclair, elle prit appui sur le rebord, se propulsa vers l'avant et glissa la main dans l'ouverture de la fenêtre pour s'y agripper. Une fois certaine qu'elle ne risquait plus de s'affaler lamentablement sur la chaussée, elle s'autorisa un coup d'œil à l'intérieur.
Mikaël, assis sur l'une de ses machines de sport, dans la même tenue que la veille, la fixait de ses yeux écarquillés de surprise. Elle leva une main pour le saluer comme si de rien n'était et se glissa dans la pièce.
— Monsieur ? J'ai entendu du bruit, est-ce que tout va bien ? demanda tout à coup une voix féminine à la porte.
Ecaterina n'aurait pas cru l'exploit possible, mais les yeux du jeune homme s'ouvrirent davantage encore. Il fit de grands gestes du bras à la vampire pour lui intimer de se cacher.
— Tout va bien, Louise, j'ai simplement fait tomber... quelque chose...
Devant la réponse peu convaincante de Mikaël, sa visiteuse leva les yeux au ciel et se dissimula à plat ventre derrière le lit, puis en dessous.
— Vous n'êtes pas blessé ? s'enquit la domestique.
Depuis sa cachette, Ecaterina entendit le propriétaire des lieux se lever en répondant par la négative et ouvrir la porte. Des pieds chaussés de souliers bien cirés lui apparurent dans le couloir.
— Je suis navrée, monsieur, mais je dois entrer. Monsieur Farein souhaitera savoir d'où venait ce bruit. À moins que vous ne préfériez que je le fasse monter pour qu'il vérifie lui-même.
La vampire sentit la chair de poule l'envahir. Ainsi, ce sale type se trouvait ici, dans la même résidence qu'elle ?
Mikaël se poussa et la femme entra. Ecaterina vit ses pieds se déplacer un peu partout dans la pièce, puis elle revint vers le jeune homme et se planta devant lui.
— Qu'avez-vous fait tomber, monsieur ?
Sa voix n'était empreinte ni de reproche ni de suspicion. C'était celle d'une domestique bien lasse. Peut-être n'était-ce pas la première fois qu'elle inspectait la chambre après un bruit étrange, d'où la rapidité de ses fouilles.
— Euh... La barre... avec les poids. J'ai manqué de peu les crochets et euh... Elle a glissé et...
— Monsieur, vous devriez faire attention. Je sais que vous auriez préféré avoir accès à une véritable salle de sport, mais faire de l'exercice seul de votre côté me paraît non seulement peu judicieux, mais également dangereux.
Cette fois-ci, Ecaterina entendit sans peine la désapprobation de la femme. Elle s'imagina Mikaël baisser la tête, l'air penaud.
— Oui, Louise... Je ferai attention, je suis désolé.
La porte se referma et le jeune homme poussa un profond soupir. La vampire se glissa hors de sa cachette, puis elle sortit le second téléphone que Lee lui avait confié et le montra à Mikaël avant de le poser sur le lit devant elle.
Ecaterina prit son propre portable et écrivit un premier message. D'un signe de tête, elle invita le jeune homme à prendre l'appareil. Celui-ci, réglé en silencieux, n'avait pas émis le moindre son, mais elle sut à l'expression de son interlocuteur qu'il avait bien reçu son SMS.
« Elle m'avait l'air bien autoritaire pour une simple domestique, cette Louise... »
Un léger sourire embarrassé s'afficha sur les lèvres de Mikaël et ses doigts se mirent à danser sur le clavier du téléphone.
« C'est la gouvernante... Je la connais depuis que je suis enfant, elle m'a presque élevé après la mort de ma mère. »
Ecaterina relut plusieurs fois le message. Qu'était-elle donc censée répondre à un truc pareil ? Elle se creusait encore les méninges quand un nouveau SMS apparut :
« Merci pour le téléphone. Ils surveillent le mien au cas où toi ou un de tes alliés essaieraient de me contacter. Je me servirai de celui-ci pour te tenir au courant de ce que je peux découvrir. »
« Tu croyais que je te donnais ça pour quoi ? Pour jouer à Ghost Hunters Ultimate ? »
Mikaël porta une main à ses lèvres pour retenir un rire. La vampire le regarda faire avec surprise. Certes, sa remarque n'était pas sérieuse, mais elle n'était pas non plus drôle à ce point. Le jeune homme était-il de bonne humeur ? Ou bien le stress de sa situation actuelle commençait-il à le toucher un peu plus sérieusement qu'elle ne l'avait cru ?
« Avec toi, ça m'aurait à peine étonné... »
Ecaterina se prit à sourire à son tour. Peut-être aurait-elle dû lui installer le jeu... Pour insister autant sur le sujet, Mikaël devait vouloir essayer.
Du bruit aux étages inférieurs lui rendit tout son sérieux. Elle ne pouvait pas rester ici trop longtemps.
« Je suis devenue cheffe des Crocs Écarlates, annonça-t-elle sans autre détour. Au moindre problème, appelle-moi, je viendrai te chercher. Et si tu obtiens des informations sur Fiona et Nolan, tiens-moi au courant. »
Le jeune homme acquiesça, un mélange de tristesse et de peur sur le visage. Rester seul ici, surveillé par ses anciens collègues, ne devait déjà pas être des plus agréables à vivre, mais il se mettait également en danger en cherchant à en savoir plus sur la situation actuelle.
Une fois de plus, Ecaterina fut tentée de l'emmener avec elle. Une fois de plus, elle s'obligea à détourner le regard et à respecter la volonté de Mikaël.
« Où est Phil ? »
Si le jeune homme ne souhaitait pas la suivre, peut-être était-ce cependant le cas du chiroptère. S'il s'était calmé et n'avait plus peur d'elle, il s'était peut-être rendu compte que rester caché dans la chambre de son nouveau colocataire n'était pas aussi sûr que de rejoindre l'immeuble des Crocs Écarlates, quand bien même il n'en gardait pas que des bons souvenirs.
« Il dort dans la commode, répondit Mikaël en désignant le meuble d'un mouvement de tête. Je te dirai quand il ira mieux et qu'il sera prêt à te suivre. »
Toujours pas, donc. La vampire eut un pincement au cœur qu'elle s'empressa de soulager d'un soupir. C'était sans doute pour le mieux, finalement. Mikaël ne se retrouvait pas seul en milieu hostile et Phil pouvait profiter de la télévision comme de la présence de son ami.
Sans elle.
Ecaterina s'obligea à sourire une dernière fois, puis elle agita la main pour saluer le jeune homme. Ce dernier lui rendit son geste et elle reprit sans attendre le chemin des quartiers vampires.
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