Chapitre 17 : Le gang (1/4)

Lorsqu'elle atteignit l'immeuble des Crocs Écarlates quelques minutes plus tard, une bulle de chaleur brûlait toujours au fond de son cœur. Son esprit complètement accaparé par Mikaël et Phil, elle ne se rappela ses confidences à Sean qu'à l'instant où elle se glissa dans son appartement pour l'y trouver prostré à côté de ses ordinateurs, dans le noir le plus complet. Il sursauta brièvement en l'entendant entrer.

De toute évidence, il avait commencé par se renseigner sur elle et pas sur ce qui était arrivé à Isabella et aux enfants.

Ecaterina détourna le regard et enfila ses vêtements sans un mot. Une fois habillée, elle s'installa sur le canapé et attendit qu'il réagisse.

Pendant de nombreuses minutes, tous deux demeurèrent parfaitement silencieux et immobiles. La vampire sentait la nervosité et l'hésitation de son hôte, mais elle avait l'impression qu'initier une quelconque tentative de rapprochement ne ferait qu'empirer les choses. Alors elle prit son mal et sa peine en patience.

Enfin, après ce qui lui parut une éternité, une voix tremblante s'éleva de ce coin obscur où Sean s'était réfugié :

— Il savait, pas vrai ? Leonid...

À la surprise d'Ecaterina, son ton n'était pas noyé par la terreur. Elle y distingua également sa tristesse. Et même sa déception.

— Pourquoi il m'a laissée partir si facilement, d'après toi ? souffla-t-elle avec une ironie dont elle espérait qu'elle détendrait l'atmosphère. Il avait les chocottes !

— Oui, mais tu fais cet effet-là même quand on ne sait pas qui tu es vraiment, donc...

Ecaterina se dit qu'il n'avait pas tout à fait tort. Jusqu'au bout, Leonid s'était montré incroyablement sévère avec elle, sans doute pour masquer sa peur. Le comportement de l'ancien chef l'avait tant énervée qu'elle avait fini par atteindre son point de rupture. Elle n'oublierait jamais le moment où il avait compris, l'horreur qui s'était peinte sur son visage, la terreur à l'état pur.

Sean, pourtant, n'avait pas fui. Il se tenait toujours là, dans cette pièce où il savait parfaitement qu'elle allait revenir. Ecaterina se demanda si c'était sa petite stratégie pour lui rappeler qu'elle était toujours la même personne qui avait fonctionné ou si le nouveau chef des Crocs Écarlates avait plus de cran que son prédécesseur.

Dans son coin, Sean poussa un profond soupir, puis il se releva. D'abord hésitant, il finit par s'approcher suffisamment d'Ecaterina pour s'installer à une extrémité du canapé.

— Dis-moi, je veux être sûr de ne pas me fourvoyer, marmonna-t-il alors, les yeux fixés sur elle. L'originel qu'on appelle « Dracula », c'est toi, n'est-ce pas ?

Face à son silence, il déglutit et expira longuement, nerveux.

— La Valachie, c'est en Roumanie... Et je croyais que c'était un comte qui était apparu là-bas... Vlad Basarab, l'Empaleur ? C'est aussi ce que tout le monde raconte sur internet. Mais j'ai cherché un moment sur le dark web et, entre deux pages complotistes, je suis tombé sur ce site de chasseurs roumains qui parlait de sa sœur, « Ecaterina ».

Il se tut un moment et lui jeta un coup d'œil prudent, sans doute pour guetter sa réaction. La vampire resta pourtant de marbre. Mis à part l'embarras et le malaise d'entendre Sean parler d'elle comme d'une obscure figure cachée de l'histoire, elle ne savait trop quoi ressentir ni que montrer. Ecaterina n'ignorait pas que le monde prenait son frère pour le comte Dracula, mais elle découvrait à l'instant la présence de son nom sur le web. Ainsi, son identité n'avait pas totalement sombré dans les tréfonds de l'oubli, même s'il fallait plonger dans ceux d'internet pour la trouver...

Malgré l'absence de réaction de son interlocutrice, Sean décida de reprendre la parole :

— J'ai utilisé la traduction automatique, donc je ne suis pas certain d'avoir tout compris, mais même les utilisateurs n'avaient pas l'air d'accord sur le rôle de cette Ecaterina dans la légende. Pour certains, Vlad l'avait transformée lui-même pour en faire son arme. Pour d'autres, la véritable originelle n'était autre que la sœur. Je suppose que j'ai la réponse à ce mystère devant moi...

Au grand soulagement de la vampire, elle vit la peur se retirer petit à petit au fin fond des pupilles de Sean pour ne plus laisser la place qu'à la fascination. Ainsi qu'à une certaine révérence qui lui fit dresser les cheveux sur la tête.

— Je te préviens, si tu te mets à me vouvoyer et à m'appeler « madame », je t'étripe !

Le chef de gang tourna la tête, embarrassé. Sans lui laisser le temps de s'imaginer une menace que sa remarque taquine ne contenait pas, Ecaterina lui lança une manette sur les genoux et alluma la console. Une fois connecté, les dernières traces de malaise de Sean disparurent et toute son attention se porta sur le jeu. Du moins, c'est ce que la vampire crut les cinq premières minutes.

— Tu es la première originelle que je rencontre, avoua alors le chef de gang. Et, franchement, je suis plutôt content que ce soit toi. Une fois qu'on connaît ton petit secret, finalement, tu n'es pas si difficile à cerner.

— Ah non ? pouffa Ecaterina sans détourner son attention de l'écran et du combat dans lequel ils s'étaient jetés tête baissée.

— Voyons voir... poursuivit-il en assommant un troll d'un coup de poing. Tu es impulsive, casse-cou, tu fonces sans réfléchir... Pas étonnant, qui pourrait bien arrêter une comtesse ?

Un elfe ennemi levait son arc pour lui décocher une flèche et Ecaterina l'envoya valser d'un coup de gourdin. Il la remercia rapidement avant de poursuivre :

— Pour ce qui est de la violence, j'imagine que si rien ni personne ne peut te résister physiquement, se creuser la tête pour discuter doit paraître bien inutile... Bon, je t'avoue que j'apprécie moins ce trait de caractère, je n'ai pas spécialement envie de me retrouver la tête fichée dans le plafond au moindre mot de travers...

Il leva son épée scintillante et lança un combo d'attaques qui réduisit un nain et trois elfes à néant.

— Mais tant que tu ne te lâches que sur nos ennemis communs, ça me va, bien sûr.

Ecaterina activa les piques de son gourdin et le fit tournoyer au-dessus de sa tête en une toupie mortelle.

— Je prends les deux qui s'enfuient vers les bois, annonça Sean.

La vampire acquiesça et se chargea de leurs trois derniers adversaires encore sur la plage.

Tandis que la liste des objets qu'ils venaient de récupérer s'affichait petit à petit sur l'écran, le chef de gang posa sa manette sur la table basse et partit chercher d'autres jus de fruit.

— On se fait encore un combat ou deux ? proposa-t-il en se rasseyant, sa boisson à la main.

Ecaterina tendit le bras vers la sienne, lui sourit avec satisfaction et ricana :

— Plutôt trois ou quatre...

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