Chapitre 16 : Le retour (1/5)
Peu avant vingt-deux heures, Ecaterina salua les trois gardes assis autour du feu de camp, les fusils qu'elle avait volés aux chasseurs entre les mains. Elle s'enfonça ensuite dans la forêt où elle tomba bientôt sur un arbre qui semblait avoir été tranché de haut en bas. Ses deux moitiés, unies par un bon mètre de tronc, tenaient encore tant bien que mal ensemble.
L'homme qui devait la conduire à Prémices n'était pas encore arrivé.
Les mains dans les poches, elle se mit à inspecter les alentours. Le sous-bois, éclairé par la pleine lune et les étoiles, était moins sombre que la nuit où elle s'était battue contre les chasseurs. Tous les arbres et les buissons lui apparaissaient clairement. Ses cinq sens étaient en alerte, comme d'habitude lorsqu'elle ne se sentait pas parfaitement en sécurité, mais en cas d'attaque, sa vue seule lui suffirait pour se défendre. Cette possibilité lui paraissait cependant peut probable : avec une telle visibilté, si chasseurs il y avait dans le coin, ils ne tenteraient sans doute rien ce jour-là.
Du mouvement dans son dos la fit se retourner. L'homme des Crocs Écarlates approchait, accompagné de deux autres réfugiés. L'un des deux visages lui était familier : il s'agissait de l'un des rares habitants du camp à ne pas avoir profité de la dernière vague de naturalisation pour plier bagage. Elle avait cru que la vie en tente lui plaisait autant qu'à Aldric, mais peut-être avait-il simplement manqué sa chance ce fameux jour. Quant au troisième, c'était un homme d'apparence assez jeune et féroce. Ses sourcils froncés particulièrement fournis et son regard sombre appelaient à la méfiance et au respect. Une recrue de choix pour un gang, si tant était qu'il acceptait de se soumettre à l'autorité de ses chefs. Et cela n'avait pas l'air d'être dans ses projets immédiats.
En la voyant près de l'arbre, les traits du passeur s'éclairèrent et il la salua d'un léger signe de tête.
- Nous sommes tous là, allons-y, déclara-t-il.
Tous les quatre marchèrent quelques minutes à l'orée du bois, puis ils quittèrent l'ombre des arbres. Les hauts murs de Prémices leur faisaient face à quelques centaines de mètres, mais aucune tente ne s'élevait en dessous : ils avaient quitté les environs du camp. Cet endroit n'était pourtant pas si inconnu pour Ecaterina : une bûche d'arbre un peu plus loin, sur la gauche, marquait l'entrée de l'ancien tunnel condamné, celui qu'elle avait inspecté dès son arrivée.
Leur guide plaça son dos contre un tronc, face à la ville, puis il fit une grande enjambée, suivie d'une seconde. Neuf pas plus loin, il s'arrêta et s'accroupit.
Quand Ecaterina s'approcha, elle le vit rouler un tapis d'herbe clairesemé se fondant parfaitement dans les teintes du sol. En dessous, ne se trouvait pas de la terre mais un étrange matériau grisâtre d'apparence molle. Quand il vit son air interrogateur, l'homme tapota du poing sur l'objet. Le geste ne produisit pas le moindre bruit.
- Ce truc absorbe tous les chocs qui lui arrivent dessus, expliqua-t-il dans un chuchotement. Si quelqu'un marche sur la trappe, il ne la repérera pas au bruit qu'elle produirait si elle était uniquement en bois.
Ecaterina dut bien admettre que la technique était ingénieuse. Marquer l'entrée d'un tunnel secret d'un objet sorti de nulle part était un coup à se faire repérer. Mais ne la dissimuler que d'un tapis d'herbe et de feuilles mortes était un peu léger.
L'homme attrapa le petit anneau logé dans la trappe et la souleva avec effort. En dessous, un puits d'un noir abyssal descendait à la verticale dans les profondeurs de la terre.
Ecaterina fut invitée à descendre en premier. Elle ne se fit pas prier, plongea un pied dans l'obscurité et chercha à tâtons la première barre de l'échelle qui leur permettrait de descendre silencieusement jusqu'au fond.
Une fois en bas, elle fut accueillie par une forte odeur de terre et d'humidité. Ses yeux distinguaient difficilement un tunnel étroit d'à peine un mètre de hauteur qui s'enfonçait dans l'inconnu. Le réfugié à l'air antipathique ne tarda pas à la rejoindre, suivi de leur guide. Quand ce dernier, à la lueur d'une lampe torche, lui indiqua d'avancer, Ecaterina comprit que le quatrième vampire du groupe ne les avait accompagnés que pour fermer la trappe derrière eux. Sans doute un membre des Crocs Écarlates infiltré dans le camp qui contactait le gang dès qu'il repérait une recrue potentielle.
Elle se rappela la semaine et demie à attendre dans sa tente percée que quelqu'un la contacte pour entrer à Prémices et songea avec amertume que ce type n'était pas d'une efficacité fulgurante.
La marche dans le tunnel parut durer une éternité. L'inconfort de ces longues minutes - si ce n'étaient de longues heures, Ecaterina avait rapidement perdu la notion du temps - pliée en deux commença bientôt à peser sur la vampire. Elle fut à deux doigts de se changer en chauve-souris pour soulager sa peine, mais l'idée de faire son grand retour à Prémices nue comme une de ces fichues limaces l'encouragea à prendre sur elle.
Enfin, la lampe tenue par leur guide éclaira un mur contre lequel reposait une échelle en bois. Elle semblait fragile, et c'était sans doute le cas. Ce tunnel n'était pas uniquement un point d'entrée à Prémices, mais également une porte de sortie pour le gang s'il était attaqué. Rien de tel qu'un bon précipice pour ralentir des humains une fois l'échelle réduite en pièces.
Lorsqu'elle atteignit le puits de sortie, Ecaterina savoura la hauteur sous plafond en s'étirant allègrement. Elle saisit ensuite les premiers barreaux et se hissa vers le haut.
- Frappe une fois contre la porte, lui indiqua le passeur, quelques mètres plus bas.
Quand elle se retrouva face à un battant en bois aussi étroit que ke tunnel qu'elle venait de quitter, elle y donna un simple coup sec qui résonna dans le vide. La petite porte s'ouvrit aussitôt et la lumière artificielle de la pièce sur laquelle ils avaient débouché l'éblouit aussitôt. Il fallut quelques secondes à ses yeux pour s'habituer à la clarté soudaine.
Elle se hissa hors du tunnel, une main en visière sur son front, et fit quelques pas pour permettre à ceux qui la suivaient de monter à leur tour.
Ils se trouvaient dans un sous-sol aux murs de briques noires, dans une pièce vide éclairée d'une ampoule jaune dont la chaleur peinait à égayer le décor. Devant eux, une volée de marches semblait émerger du sol en terre battue et menait vers l'obscurité des étages supérieurs.
Elle connaissait cet endroit : c'était celui où elle avait rencontré Leonid un an plus tôt à son arrivée à Prémices.
- Katrina ? s'étonna alors une voix enfantine.
- Salut, Sean, répondit-elle en apercevant le visage familier du vampire.
À la différence de l'ancien chef du gang, le garçon qui la dévisageait de ses yeux rubis était jeune. Le premier venu lui aurait donné à peine plus de dix ans. Ecaterina savait pourtant qu'il allait plutôt sur le demi-siècle.
Il glissa derrière ses oreilles les boucles brunes qui tombaient en cascade sur ses frêles épaules puis plongea une main dans la poche de son survêtement. Il en ressortit ce qu'Ecaterina reconnut comme des ébauches de cartes d'identité.
- Tu la connais, Sean ? s'enquit le passeur.
Sa question ressemblait davantage à une demande de confirmation qu'à de l'étonnement.
- C'est une ancienne membre, marmonna Sean en observant attentivement les papiers qu'il tenait en main avant de s'adresser une nouvelle fois à la vampire. Tu te fais appeler Hécate, maintenant ? Pourquoi changer ? Tu es dans de si mauvais draps que ça ?
- Demande-toi plutôt ce que faisait Leonid ces derniers temps pour se faire coincer ainsi par les flics, ricana Ecaterina.
- Comment tu...
Il se tut. Ses yeux se levèrent doucement vers Ecaterina et il fronça les sourcils.
- Je crois que tu as des choses à me raconter...
Elle haussa les épaules et il soupira, résigné.
- Bon, commençons par les photos qui finaliseront vos cartes. Nous parlerons ensuite du moyen de paiement pour les différents services que nous vous offrons.
Sur ce, il jeta un bref coup d'œil à Ecaterina. Il se souvenait visiblement de la façon dont s'était achevée sa coopération avec le gang la dernière fois et redoutait de se trouver à la place de Leonid un an après. La vampire lui sourit en retour, un petit air amusé sur le visage. Elle ne comptait cependant pas laisser les choses s'embourber autant cette fois-ci. Et pour ce faire, elle se montrerait franche dès le départ avec Sean. Le nouveau chef de gang n'était pas au bout de ses surprises cette nuit-là.
Sans attendre qu'il invite les deux réfugiés à le suivre, elle s'avança et lui prit l'ébauche de sa carte d'identité. Ses yeux se posèrent avec satisfaction sur le nom qui y était inscrit. La promesse qu'elle faisait ainsi à Cula.
- Une fois qu'on en aura fini avec ça, un petit raid ou deux sur Dance with Blades IV, ça te tente ? demanda-t-elle distraitement à Sean. Ça fait plus d'un mois que je n'y ai pas joué, ça me tue...
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