Le dernier jour - Dragons déchainés

         Bon nombre de forgerons passèrent leur matinée à ranger leur matériel ne laissant que les tentes où ils dormiraient cette nuit. Du moins, s’ils ne participaient pa aux festivités jusqu’à l’aube. Le vieux forgeron fit parti de ceux désireux de hâter les préparatifs. Aussi, Quin et lui n’arrivèrent que parmi les derniers spectateurs et durent se contenter de très mauvaises places dans le public. C’est tout juste s’ils voyaient les combattants. À un moment, Quin ressentit une douleur fulgurante dans son ventre. Elle avait l’impression tout à la fois qu’un poing la déchirait de l’intérieur et que de la lave en fusion lui coulait dans les veines. Elle commençait à défaillir quand son maître la rattrapa de justesse. Elle était bouillante de fièvre.

- Non, pas ça ! Pas maintenant ! Et surtout pas ici ! dit-il tout bas.

         Fort heureusement pour lui, nul ne semblait prêter attention à eux. Les spectateurs étaient captivés par les combats et des acclamations parcouraient régulièrement la foule. Il soutint son apprentie de son bras valide et s’apprêtait à retourner discrètement vers leur tente quand il sentit une présence dans son dos. Il se retourna lentement mais ne vit personne. Néanmoins, il ressentait la présence de plus en plus intensément. Son regard se porta alors vers l’estrade de la noblesse et il la vit. Elle, la dernière Reine Dragon, elle, la mère de Quin. Elle, pour qui, selon la rumeur, Achus Astruspure aurait trahi son frère d’armes le roi Seligbur Noenë. Elle le fixait avec intensité et puis, il entendit.

- Pauvre fou, je te l’avais confiée pour que nul ne découvre son existence. Et c’est ainsi que tu la protèges !

- Agren Enodirn !

- Ne dis rien ! penses juste à ce que tu veux dire, cela évitera d’attirer l’attention des gardes sur toi.

- Dame, pardonnez moi, mais le roi a commandé la venu de tout forgeron et apprenti au tournoi, je ne pouvais refuser sans attirer l’attention sur moi ou elle.

- Je comprends. Mais, je sens la douleur de ma fille jusqu’ici avec une grande intensité. Et le risque est qu’elle la projette à la foule. Il faut l’apaiser IMMEDIATEMENT.

- Comment faire ma Reine ?

- Commences par abaisser sa température en la plongeant dans un des canaux. Cela devrait endormir également la douleur.

         Dés que Quin entra en contact avec l’eau, de la vapeur commença à se former tant elle était brûlante.

- J’ignorais, ma Reine, que le Sang De Feu pouvait être si puissant.

- C’est par ce qu’elle est une femelle SangDragon. Son corps commence à s’adapter pour lui permettre de recevoir une nouvelle vie. Le fait d’abaisser sa température permet de ralentir voire d’arrêter le cycle chose que mon cher époux ignore fort heureusement car sinon il saurait pourquoi je n’arrive pas à mettre au monde un jeune et valeureux prince de pure ligné SangDragon !

- Pourquoi acceptez-vous d’être à ses côtés dans ce cas, ma Reine ?

- Car il m’a promis que tant que je resterais à ses côtés, il ne ferait pas de mal à mes fils.

- Ma Dame, je dois vous informer dans ce cas que l’aventurier Pruine Cujene nous a appris la mort de votre fils Achar Nenoferin de la main même du roi lors de sa prise de pouvoir.

- NOOON !

         Le vieux forgeron ressentit toute la puissance de la fureur de la Reine.

- Es-tu sûr qu’il ait dit la vérité ?

- Le sceau d’Evaritervie avait été invoqué ma Dame.

         Bien qu’elle ne s’exprima plus par mot, il ressentit la fureur redoubler de puissance dans l’esprit de la reine. Mais, il y eut un bref moment de distraction quand un puissant cri de surprise suivit d’applaudissement se propagea depuis la zone du tournoi. Il devait avoir désigné le champion. Le forgeron perçu à travers les sens de la reine ce qu’il se passait.

- Est-ce lui, qui te l’a dit ? dit-elle d’une voix blanche.

         Elle lui montrait l’aventurier se tenant seul debout en lice alors que les pages emportaient les derniers blessés.

- Oui, ma Reine.

- Bien, je… mais que fait-il ?

         Le roi venait de déclarer Pruine vainqueur des épreuves et lui avait posé la question rituelle :

- Quelle faveur désirez-vous, Glorieux Vainqueur ? Demandez et si puis l’exhausser, je le ferais, ainsi parle votre Roi !

- Ce que je désire Majesté… Un duel contre vous.

         Le roi descendit alors de l’estrade jusqu’à la zone de combat. Il portait son armure et à ses côtés son épée Araknéeenne

- Comme tu le vois, jeune aventurier je vais combattre équitablement contre toi. Je n’utiliserais pas ma lame SangDragon. Es-tu prêt ?

- Oui, majesté.

         Les épées s’entrechoquèrent, Pruine sentit la puissance de l’impact. Il comprenait maintenant pourquoi les guerriers SangDragons étaient redoutés depuis leur création par le roi Prasengrim Ogëndar. Encore quelques coups de cette puissance et, soit sa lame se brisait soit son bras risquait de céder. Il réfléchissait vite. Il n’avait plus tellement le choix. Il dégaina sa dague. Ses reflets commençaient à prendre une teinte inquiétante

- Une lame SangDragon, rien que ça ! qu’espères-tu faire avec ça contre moi ? seuls un Guerrier SangDragon peut révéler la véritable puissance d’une lame SangDragon. Or je me suis assuré de tuer la plupart d’entre eux... Ah ! Ah ! Ah !

         Le forgeron sentit la fureur monter chez la reine. Elle commençait à focaliser son pouvoir vers le jeune sang mêlé. Il eut un instant une perception d’une image mentale qu’elle envoyait à l’aventurier. Celui-ci s’entailla alors la main libre à l’aide de la lame. Il l’activait avec son propre sang. Il éveillait Nenoferin et elle augmentait sa puissance. La lame irradiait. Elle semblait siffler, crier, hurler. Le combat prit une nouvelle tournure. Nenoferin, l’épée forgée à l’aide d’écaille et de sang de guerrier SangDragon était en train de s’éveiller. Le fait qu’elle soit liée au sang du père du combattant renforçait le lien qui unissait lame et porteur. Elle commençait à grandir et à prendre sa forme de combat. Le jeune guerrier souffrait. La lame étirait des tentacules qui pénétraient dans sa chair afin de puiser sa force de vie. Les attaques de Pruine avaient acquis une puissance dévastatrice. Chaque coup qu’il portait projetait une onde de chaleur qui rendait l’atmosphère suffocante, oppressante. La foule qui jusque là était restée pour assister au spectacle commençait à se clairsemer. À tout instant un mouvement de panique risquait de se former. Le roi esquivait les attaques physiques mais ne pouvait rien contre le souffle l’épée. Il sembla au forgeron que le roi tentait de rester à distance de la lame et il comprit. Le roi laissait le sang mêlé s’épuiser. Déjà les gestes du jeune homme se faisaient imperceptiblement plus lents. Le roi s’en rendit compte et se rapprochait lentement évitant la lame. Le jeune homme n’arrivait presque plus à lever l’épée. Achus Astruspure commença alors ses attaques. Elles étaient violentes, la lame SangDragon semblait crier de douleur sous les impacts répétés de la lame Araknéenne.

         Pendant ce temps, le vieux forgeron sortit son apprentie de l’eau. Elle lui sembla glacée et la porta comme il put jusqu’à leur tente tout en continuant de recevoir la vision des combats. Le garçon ne tiendrait pas longtemps. Malgré sa lame éveillée, il ne gagnerait pas. Cela était clair pour un vieux combattant comme lui. Le roi vaincrait même avec sa lame de moindre qualité.

- Pardonnez-moi vos majestés, mais je vais devoir violer le serment que je fis et reprendre les armes.

- Que comptes-tu faire dans ton état ? crois-tu vraiment vaincre le roi avec une seule main ?

- Soeur, ce garçon pourrait bien être le dernier mâle de la lignée originelle. Les autres SangDragons dont Achus Astruspure et moi-même avons reçus le pouvoir du sang que nous donnèrent les rois auxquels nous prêtâmes serment… ne sont plus

         Il rangea à sa ceinture deux lames aux fourreaux surannés et, tira d’une petite caisse un balluchon à l’odeur pestilentielle. Quin bougea dans sa demi-inconscience comme pour échapper à l’odeur. Il sortit de la tente avec son précieux chargement et regardant une dernière fois en arrière dit :

- Pardonnez-moi princesse ! puissent les dieux veillez sur vous…

         Pruine était à terre. Il arrivait à peine à ramper. Il était sans force. Achus Astruspure se contentait de lui donner des coups de pied puissants qui projetaient son ennemi au loin.

- En as-tu assez gamin ? Tu as voulu jouer avec les grandes personnes et tu t’es fait bobo… suivit un rire démentiel qui provoqua une peur intense dans la foule.

         Les spectateurs les plus fortunés étaient paralysés sur leurs fauteuils et essayaient de se faire le plus discret possible. Quand aux autres, ils n’étaient pas plus dans une situation enviable. Le vieux roi s’approchait du jeune guerrier avec l’intention évidente de le mettre à mort. C’est alors qu’un bruit effrayant émana du ciel tel un cri de défi. Un choc violent retentit quand une forme encapuchonnée frappa le sol avec une grande puissance. La poussière dissimulait les traits du nouvel arrivant mais par endroit se voyait au sol la marque de la roche brisée sous l’impact.

- Laisse le gamin, Achus, n’est pas plutôt moi que tu désires ?

         Au travers de la poussière, deux traits de lumière apparaissaient. L’un était d’un rouge incandescent et l’autre d’un bleu glacial. La forme avançait et les lumières grandissaient

- Tu te décides enfin à te montrer Qurëol, toi que l’on nommait le maître des forges, porteur des lames jumelles Dercia et Nefri.

-Cela fait bien longtemps traitre…

         Pruine n’en croyait pas ni ses yeux ni ses oreilles. Cette voix, il l’avait déjà entendu, pas plus tard que le matin même à vrai dire. De la poussière émergeait pourtant le vieux forgeron. Celui-là même qui lui avait remis sa lame. Le jeune homme était si surpris par l’apparition qu’il ne perçut que trop tard l’arrivée de l’usurpateur qui lui arracha son arme déchirant les chairs au passage.

- Dis-moi une chose, dans quel trou perdu t’es tu caché pendant tout ce temps ?

- Est-on là pour faire des amabilités, frère ?

         Les épées commencèrent à danser. Elles montraient leurs vrais visages entre les mains expertes. La larme ardente frappa le sol et une trainée de feu fila vers sa cible. Le roi esquiva mais se retrouva face à un mur de pic de glace. Il recula avant d’être transpercé par un pic naissant. Il continuait à esquiver les attaques et chausse-trappes provoquées par les lames jumelles jusqu’à être assez près pour frapper. Il dévia la lame de feu vers celle de glace à l’aide de son bras. Il ressentit la chaleur de la lame malgré son gant de cuir qui dissimulait sa marque de SangDragon : les écailles qui se développaient chez tous les mâles et qui recouvraient progressivement le corps ce qui les faisaient progressivement ressembler à ces créatures des mythes et légendes : les Dragons. Il concentra son attaque sur le bras de son adversaire y mettant toute sa puissance afin de lui trancher le bras. Il eut brusquement la sensation d’être propulsé dans les airs comme par le poing d’un géant. Quand il frappa le sol, il était groggy et mis quelques secondes à retrouver ses esprits. Il comprit rapidement pourquoi Qurëol n’avait pas profité de ce moment de faiblesse pour l’attaquer. Son épée de glace était enfoncée dans le sol et il s’appuyait dessus comme à bout de force. C’est alors qu’il remarqua le bras de son adversaire. Il était d’un bleu pâle aux reflets ondulant. Il produisait des nuées d’étincelles qui se dissipaient. Son bras était protégé par un gantelet de SangDragon Bleu, comment était-ce possible se demanda Achus. A ce jour personne n’avait réussit à fabriquer de pièces d’armures SangDragon. Elles perdaient bien trop vite leurs pouvoirs. La légende prétendait que les armes SangDragon puisaient leur puissance dans le sang du guerrier qui les maniaient c’est pour cela que le pacte de sang devait être fait avant tout combat et si l’ennemi était un SangDragon, avait il lui-même découvert, cela n’était que tant mieux car la lame semblait se nourrir également de la puissance du sang de son adversaire. Quel dommage que sa lame soit restée scellée au château. Comment diable Qurëol avait-il réussit ce tour de passe-passe ? Les mouvements du bras protégés semblaient moins fluides que de l’autre détecta-t-il. Peut-être pourrait-il utiliser cela à son avantage à condition d’éviter toute attaque liée à l’un des trois artefacts SangDragon… Le combat repris de plus bel, Qurëol semblait utiliser bien moins utiliser les attaques élémentaires. Elles devaient l’épuiser bien plus rapidement qu’Achus l’avait envisagé dans un premier temps. A moins que… Achus fut frappé par la conclusion à laquelle il était arrivé. Il fut tellement surpris qu’il ne vit pas le coup de son adversaire qui fort heureusement dérapa le long d’écailles thoracique ce qui ne lui laissa qu’une entaille mais la douleur le ramena à la réalité avant que Qurëol puisse utiliser son pouvoir. Il le repoussa donc et enchaina avec coup de la paume de la main sur son nez. Le temps qu’il se remette, Achus avait réussit à s’éloigner assez et à le frapper juste au dessus du gantelet. La lame Araknéenne découpa la chair et fut ralentit par l’os. Une poussée supplémentaire fut nécessaire pour finir de le trancher. Le gantelet tomba au sol, vide… laissant tout le monde surpris

- Ainsi donc la rumeur disait vrai vieux frère ! Tu as bien perdu ton bras mais le SangDragon te permettait d’en utiliser un de substitution. Je suis impressionné mais dommage pour toi maintenant j’ai l’avantage ! dit le roi qui faisant mine de ramasser la lame de glace, alors que Qurëol s’apprêtant à porter un coup de la lame ardente ne put arrêter à temps la lame Araknéenne qui bondit comme propulsée par un ressort vers l’épaule du vieux manchot et lui trancha l’artère avant de poursuivre sa route vers la jonction de l’épaule séparant ainsi le bras du torse. Le sang jaillit, le vieux forgeron s’écroula mort.

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