Le lendemain arriva lentement comme s’il ne voulait pas survenir. Pruine se présenta aux premières lueurs de l’aube à la tente de Quin et de son maître. Il trouva ce dernier assis en tailleur à l’entrée de la tente. Il examinait à la lueur du feu mourant l’épée en acier Araknéen, la tenant de sa main valide et la pointe appuyant sur un bloc de liège. Finalement il cala l’épée contre son épaule et la bloqua de son moignon avant de commencer à tapoter la lame ainsi que Quin l’avait fait quelques jours auparavant. Il ne semblait pas avoir remarqué la présence de l’aventurier jusqu’à ce qu’il ait fini son examen de la lame.

- Vous êtes bien matinal, mon garçon. Dit-il en se relevant lentement. Décidément ce n’est plus de mon âge. Oh ! mon pauvre dos.

- Merci de votre aide, maître forgeron.

        Pruine regarda autour de lui et demanda ensuite tout bas :

- Savez-vous vraiment qui je suis ?

- Êtes-vous Achar ou Eljist?

         L’aventurier resta interdit à l’évocation de ces deux noms.

- Achar était mon père.

         Ce fut au tour du forgeron de se montrer surpris. Il prit le visage de son vis-à-vis dans sa main valide et fit pivoter sa tête la scrutant avec intensité.

- Du sang humain coule dans tes veines. Ta croissance est donc plus rapide ! marmonna le vieil homme, plus pour lui-même que pour le jeune homme. D’où mon erreur. Un sang mêlé, moins puissant qu’un sang pur mais suffisamment puissant pour battre des humains ordinaires. Bien plus jeune que je ne le pensais, moins expérimenté, aussi…

- Pardon, maître forgeron, vous disiez ?

- Excuse-moi, mon garçon, je pensais fort…

         C’est à cet instant que Quin sortit de la tente, le regard encore lourd de sommeil.

- Bonjour, maître ! vous avez encore veillé toute la nuit ! Je ne comprends pas de quoi vous avez si peur, je suis bien plus…

- Quin !

         La jeune fille alertée, se rendit brusquement compte de la présence de l’aventurier.

- Bonjour Pruine, comment allez-vous ce matin ? Prêt au combat ?

- Bonjour Quin, avez-vous…

- Mon apprenti a fait du bon travail selon moi. La lame devrait pouvoir résister à quelques combats supplémentaires mais ne résistera pas longtemps contre une autre lame Araknéenne. C’est pourquoi je voudrais que vous preniez le petit coffret qui se trouve par terre sous ma cape.

         Il s’y trouvait une petite boite sans prétention, à l’aspect extérieur de bois brut abîmé par endroit par des coups et taché d’huile et de scorie de forge. Tout au plus une boite trainant à proximité d’une forge et où seraient stockés des outils pensa Pruine en la prenant.

- Bien ouvrez-la maintenant et l’objet dans le parchemin huilé est pour vous. Elle était à votre père. Son nom est Nenoferin.

         Pendant que le forgeron disait cela, Pruine avait déplié la toile et y avait trouvé une dague dans un étui finement sculpté. Quand il la sortit de son fourreau, il vit qu’elle avait une lame teinte en rouge orangée évoquant par endroit des flammes dansant sous l’effet de la lumière.

- Elle est magnifique !

- Prenez garde, ne la sortez qu’en dernier recours car sa simple détention peut signifier votre mort.

- Vous voulez dire que c’est…

- Oui ! le coupa net le vieux forgeron alors que des bruits se faisaient entendre alentours. Le camp des forgerons commençait à s’éveiller en cette journée qui devait être la dernière du tournoi. Elle se finirait par un banquet en l’honneur du Champion et du nouveau Forgeron Royal puis chacun pourrait repartir de son côté.