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Quasiment personne ne trouva le sommeil cette nuit-là. Dérogeant à sa promesse, Malefoy ne resta pas au chevet d'Harry une fois que le brun eut ingéré la potion. Non pas par peur du résultat, mais plutôt à cause du fait que, à peine la potion avalée, le Gryffondor s'était mis à pleurer et à hurler de douleur en se tordant en tous sens, comme sous l'effet d'un Doloris particulièrement puissant. Et MAlefoy avait rapidement eut du mal à supporter la situation...
Rogue l'avait alors conduit chez lui pour lui épargner une douleur supplémentaire inutile.
- Vous n'imaginez même pas à quel point l'entendre crier de douleur me terrifie, soupira Malefoy.
Rogue observa un silence et jeta un œil vers la porte, comme si elle allait s'ouvrir d'une seconde à l'autre mais il n'en fut rien.
Affalés dans des fauteuils en cuir qu'ils avaient installés devant la cheminée, les deux sorciers patientaient difficilement, alternant discussions et longs silences.
Vautré dans son fauteuil, Malefoy se tourna soudain sur une hanche et remonta ses jambes sur l'accoudoir. Rogue le regarda du coin de l'œil. Assis lui aussi dans un fauteuil identique, ses longues jambes reposaient sur le bord de l'âtre. Il avait un verre de Scotch à la main et, le regardant, il demanda :
- Drago, puis-je vous poser une question ?
- Bien entendu...
- Si demain matin Potter n'est pas... redevenu lui-même. Qu'allez-vous faire par rapport à... à vous deux ? demanda le sombre professeur.
Malefoy haussa un sourcil puis pinça les lèvres et ajusta une couverture verte sur lui.
- Potter m'a demandé de faire ce que j'avais à faire si demain il était encore un vampire... répondit-il après quelque secondes d'un silence pesant.
- C'est-à-dire ? demanda Rogue.
Malefoy se mordit la lèvre inférieure et le sombre professeur sembla comprendre.
- Il vous en a donné les moyens ? demanda-t-il.
Le Serpentard opina.
- Oui... Il n'y a pas longtemps, il m'a donné un pieu en bois en me disant de le cacher dans un endroit de la chambre facilement accessible pour moi au cas où il deviendrait agressif... Tout à l'heure, il m'a dit que... que je devrais faire ça parce qu'il ne veut pas continuer à vivre sans moi...
Le blond baissa aussitôt la tête et appuya son front contre le dossier du fauteuil. Rogue soupira discrètement.
- Votre relation avec lui dérange beaucoup de monde, vous vous en doutez j'imagine... fit-il.
- Peu de personnes savent à quel stade nous en sommes...
- Certes, mais si elle dérange maintenant alors que c'est un secret, imaginez une fois qu'elle sera révélée au grand jour ?
- Si Potter redevient humain, il n'y aura pas de problèmes. Je me fiche de ce que les gens peuvent penser, parrain...
Rogue haussa un sourcil. Il n'avait pas été gratifié de ce titre depuis que Malefoy avait quitté les jupes de sa gouvernante, bien des années en arrière...
- Tu es amoureux, n'est-ce pas ? fit alors Rogue, devenant familier.
- Oui... Jamais, ô grand jamais je ne m'étais imaginé tomber amoureux d'un garçon et encore moins de Potter ! Mais pendant ces quelques jours que nous avons passés ensemble, par nécessité pour lui, je me suis rendu compte que sous ses airs de Sauveur du Monde, c'est un mec normal... Et lui non plus n'avait jamais imaginé tomber amoureux d'un mec... Nous nous sommes détestés pendant sept ans, professeur et pourtant, du jour au lendemain, tout s'écroule et aujourd'hui, je le vois différemment...
- Reste-tu tourné vers les femmes ?
- Oui, résolument oui, répondit le Serpentard. Potter est et restera l'homme de ma vie, peu importe combien de temps durera notre relation, il n'y aura pas d'autre homme après lui. Si nous séparons pour X raison, je retournerais auprès des femmes.
Rogue opina lentement.
- Et... Tu sais que tu as une autre solution que d'en finir avec lui aussi radicalement... dit-il.
- Oui... Je le sais. Mais non. Il ne veut pas me transformer et je ne veux pas non plus. J'aime trop la vie pour l'abandonner, même au profit de celui qui me fait vibrer.
Rogue pinça les lèvres et hocha la tête. Malefoy lui fit un petit sourire puis il se recroquevilla sous sa couverture et entreprit de faire une somme.
Loin du calme du salon du professeur de Potions, cependant, les deux vampires, l'Infirmière et McGonagall regardaient avec douleur Harry se tordre de douleur sur son lit.
- Ligotez-le, Mrs Pomfresh, demanda alors Linda en regardant l'Infirmière. S'il se débat trop, il risque de se blesser...
Pomfresh hocha latpete jeta un sortilège sur le lit où se tortillait Harry. Aussitôt le brun se retrouva magiquement attaché au lit, plaqué sur le ventre. Il continua néanmoins à s'agiter mais au moins, il ne pourrait plus se faire mal.
- J'ai mal pour lui... soupira alors Linda en serrant ses bras autour de son buste, sous son châle.
- Faire repartir des organes morts depuis plusieurs semaines est un acte douloureux, long et incertain. Ce serait comme... utiliser la magie après des mois de privation, fit Ram en croisant les bras à son tour sous son ample cape. Mrs Pomfresh, Madame, vous devriez aller dormir, nous allons le veiller.
- Très bien, mais réveillez-moi au moindre changement, dit Pomfresh.
- Entendu.
McGonagall et elle quittèrent alors la chambre, mais pour ne pas aller bien loin. Elles s'installèrent le bureau de de la Directrice de Gryffondor et se partagèrent une bouteille de Cherry...
L'aube éclairait froidement le château. Un crachin glacial rendait le paysage flou et Malefoy, debout sur le perron du château, frissonna. Un châle rouge se posa sur ses épaules et le Serpentard tourna la tête vers Linda.
- Vous n'allez pas dormir ? demanda le jeune homme.
- J'ai somnolé une heure ou deux cette nuit, répondit la femme vampire. Cela suffira jusqu'à la prochaine journée. Et toi ? A-tu dormi ?
Malefoy soupira.
- A peine... Comment va-t-il ?
- Après avoir passé plusieurs heures à se débattre et à gémir de douleur, maintenant, il semble apaisé, il dormait quand je suis sortie prendre l'air.
Malefoy hocha lentement la tête.
- Ça a fonctionné ? demanda-t-il.
Linda pinça les lèvres.
- Il est trop tôt pour le savoir, dit-elle. Mais dis-moi, qu'a-tu prévu de faire, si cela n'a pas fonctionné ? Harry t'a-t-il donné des... directives, en cas d'échec ?
Malefoy baissa les yeux. Il regarda vers la Forêt Interdite et hocha la tête.
- J'ai un pieu en bois dans notre chambre... dit-il en croisant les bras.
- Je vois... Il te l'a demandé ?
- Oui.
- Il t'aime, n'est-ce pas ? Et toi ?
- Moi aussi, répondit le blond en hochant la tête. Je sais ce que vous pensez, l'amour entre un humain et vampire est impossible, l'un est immortel, l'autre va vieillir et mourir inexorablement... C'est pourquoi Harry m'a demandé de faire ça s'il se réveille vampire. Il ne veut pas vivre en sachant que je finirais par me détourner de lui un jour ou l'autre, aspirant à une vie normale et souhaitant une famille.
Linda soupira de façon très féminine.
- C'est un choix cruel mais nécessaire... dit-elle en souriant doucement. Un vampire mort est préférable à un vampire dépressif...
- Vous avez connu ce genre de cas ? demanda alors le Serpentard.
- Un vampire qui aurait préféré mourir plutôt que de naître ? Oui. C'est rare car la plupart sont contents d'avoir une seconde chance, mais quand le cas se présente, le pauvre ne fait pas long feu. Mais il y a une histoire qui m'a particulièrement touchée, cependant.
- Laquelle ? Comment cela s'est terminé ?
- L'histoire s'est bien terminée...
Malefoy pencha la tête sur le côté.
- C'est-à-dire ?
- Parce que je suis devant toi.
Malefoy regarda alors la femme près de lui. Il haussa les sourcils et Linda sourit.
- Rodolf était encore humain quand je suis tombée amoureuse de lui, dit-elle. Il travaillait dans un bar, de nuit, dans les années dix-huit cent, et je venais de m'installer dans sa ville. J'étais sortie pour dîner et je suis tombée sur lui. Comme tu as dû le constater, c'est un beau gabarit...
Malefoy hocha la tête. Rodolf avait tout d'une armoire à glace, aussi bien le physique que le caractère...
- En voyant ce jeune homme si fort, je me suis régalée d'avance, reprit Linda en passant la pointe de sa langue sur ses canines. Je n'avais pas mangé depuis des semaines, faute aux chasseurs de vampires de l'époque qui traquaient le moindre personnage un peu atypique. J'avais donc très faim et j'ai suivi Rodolf jusque chez lui, dans le plus grand silence... jusqu'à ce qu'il ne se plante sur le seuil de sa porte d'entrée, se retourne et ne dise : « Montre-toi vampire, que je connaisse au moins le visage de ma Faucheuse. »
Malefoy haussa les sourcils, surpris.
- Il a vraiment dit ça comme ça ?
- Oui, répondit la jeune femme en souriant. Ces mots sont restés gravés dans ma mémoire tellement j'ai été surprise.
- Qu'avez-vous fait ensuite ?
- Ensuite ? Comme tout animal prit au piège, j'ai cherché à fuir. J'étais encore très jeune à l'époque et je craignais tout le monde. De plus la chasse aux vampires était un sport national à l'époque... Malheureusement pour moi, trop affamée, je n'avais pas remarqué que ma traque m'avait emmenée dans une rue passante et animée. Je n'avais pas d'autre choix que de me montrer. Je me suis alors avancée dans une flaque de lumière, sous un lampadaire à la flamme vacillante et Rodolf a paru surpris en me voyant. Il m'avouera plus tard qu'il s'était attendu à voir un homme.
- Vous êtes tombée amoureuse à ce moment-là ?
- Non, bien des semaines plus tard, répondit Linda en secouant lentement la tête. Le soir où j'ai été démasquée, Rodolf m'a laissée partir mais il avait piqué ma curiosité. Pendant des jours ensuite, je l'ai espionné à travers les fenêtres de sa maison, suivit depuis son bar jusque chez lui et vice versa. J'ai découvert qu'il n'était pas homme à sortir tous les soirs mais qu'il le faisait volontiers pour peu qu'on le lui demande, qu'il était célibataire et sans enfants. Deux semaines après notre première rencontre, j'ai décidé de l'aborder et là encore il m'a surprise à le suivre.
- Il a dû faire une drôle de tête, non ?
- Oui, plutôt. C'était un mélange de surprise et de colère. Pas le moins du monde apeuré, il m'a invitée chez lui et tu n'es pas sans savoir qu'un vampire ne peut entrer chez les gens sans y avoir été au préalable invité.
Malefoy hocha la tête.
- Il l'a fait délibérément ? Avec tous les risques que cela comporte ?
- Oui. On ne fait pas entrer une personne normale en lui disant : « Entre, je t'invite... » à haute et intelligible voix...
Malefoy eut un mouvement de tête pour marquer l'évidence et Linda reprit :
- Rodolf était un Moldu de son vivant, mais un Moldu à l'esprit très ouvert. Il croyait en l'existence de la magie, des dragons, des êtres surnaturels, et voir un vampire en chair et en os devant lui était plus une source de fascination que de peur. D'abord intimidée, je n'ai pas osé entrer plus loin que le petit corridor. Lui avait disparu dans une vaste pièce et c'est quand je l'ai vu revenir avec un gobelet en étain que j'ai compris...
Malefoy grimaça.
- Un verre de sang je suppose...
- Oui, et humain. Le sien.
- Sérieusement ?! s'exclama Malefoy en regardant la jeune femme avec stupeur. Mais...
Linda sourit, clairement perdue dans ses souvenirs.
- Il savait parfaitement que je le suivais depuis notre première rencontre mais il faisait comme si de rien n'était, dit-elle. Il m'a alors expliqué qu'il s'était prélevé du sang chaque jour depuis deux semaines, à l'aide d'une seringue, en prévision de notre première rencontre car il voulait parler avec moi et non être dévoré...
Malefoy resta coi, la bouche entrouverte.
- Je ne sais pas quoi dire, avoua-t-il alors. C'est une rencontre pour le moins... inhabituelle.
- Je ne te le fais pas dire... J'ai mis un peu de temps à m'en remettre.
Le Serpentard hocha la tête sous l'évidence.
- Et... Quand l'avez-vous transformé ?
Linda leva les mains et les agita vivement.
- Oh là, bien après ! s'exclama-t-elle, amusée Je me suis rendu compte que j'étais amoureuse après deux mois de rendez-vous réguliers au cours desquels il notait toutes nos discussions afin d'en faire un jour un livre. Cela faisait presque trois mois que nous nous connaissions et comme tout homme qui se respecte, que ce soit des années dix-huit cent ou de maintenant, un soir il a cherché à aller plus loin mais je l'ai repoussé, sous prétexte que je n'étais pas comme lui... Il a insisté et j'ai fini par céder... Et là tout s'est corsé... acheva Linda.
Son visage s'assombrit brusquement.
- J'étais vampire depuis moins de cent ans et mon corps avait encore des sursauts de vie, notamment lors de grandes émotions. Cette nuit avec Rodolf en a été une et je me suis rapidement découverte enceinte...
Malefoy haussa les sourcils.
- Enceinte ? Je croyais que cela ne fonctionnait que dans l'autre sens...
- Moi aussi... soupira Linda. Mais j'étais bel et bien enceinte... Du moins jusqu'à ce que je perde l'enfant. Quand il l'a appris, Rodolf en a été malade. Je l'ai alors volontairement éloigné de ma vie et je suis repartie en voyage. Je ne suis revenue en Angleterre que bien des mois plus tard et j'ai appris alors une horrible nouvelle.
- Il était arrivé quelque chose à Rodolf, c'est ça ?
Linda hocha la tête tristement.
- Il était devenu infirme, répondit-elle. Il avait fait une chute à cheval et s'était brisé le dos. Les médecins n'avaient aucun espoir pour lui, mais moi je ne pouvais pas me résoudre à le laisser comme ça. Je l'aimais toujours malgré les mois écoulés, et une nuit, je me suis introduite dans sa chambre et je l'ai mordu. Je n'ai pas réfléchi, j'ai agi. Il a été mon tout premier humain engendré et quand il est parvenu à faire les liens entre ses souvenirs et sa vie actuelle, nous sommes devenus un couple aussi solide que du granit. J'ai mis au monde le premier bébé vampire de l'histoire d'Angleterre six mois plus tard. Aujourd'hui, mon corps pourtant mort continue de produire les fluides nécessaires à la procréation de nourrissons, et je n'ai de cesses d'être enceinte...
Malefoy sourit doucement. Bien que tragique, l'histoire était jolie. Il soupira et Linda l'imita.
- Pour en revenir à Harry, fit alors la femme vampire. Tu as le choix, il l'a aussi. Moi je ne l'avais pas. C'était ça ou alors je regardais mourir l'homme de ma vie... Tu fais bien de vouloir rester humain. La vie immortelle n'a rien de drôle, Drago. Moi je ne suis pas seule, j'ai une famille, mais Harry et toi n'aurez jamais de famille à vous. Harry est trop connu en Angleterre pour qu'un clan l'accepte et il ne pourra en créer un qu'en transformant un vivant et ça, je sais qu'il n'en a aucune envie. Il n'est pas ainsi, nous le savons tous les deux.
Le blond pinça les lèvres. Soudain un bruit de galopade se fit entendre et ils se retournèrent.
- Monsieur Malefoy ! Miss Linda !
C'était Mrs Pomfresh qui arrivait au grand galop, tenant ses jupes devant elle.
- Que se passe-t-il ? demanda Linda en pivotant.
- C'est... C'est Potter... Il... Je crois que ça a fonctionné !
Malefoy sentit le sang se retirer de son visage. Il jeta un regard à Linda puis partit ventre à terre en direction de l'Infirmerie. Linda regarda Pomfresh en souriant.
- Allons-y tranquillement, ils ne vont pas s'envoler, fit-elle avec un sourire amusé.
Pomfresh, essoufflée, hocha la tête puis les deux femmes reprirent le chemin de l'Infirmerie, bras-dessus bras-dessous, l'une cherchant son air, l'autre, un peu de calme.
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NdA : Nous voici à l'avant-dernier chapitre. J'espère que cette histoire vous aura plue et je vous attends nombreux sur toutes les autres que je vais prochainement publier, et croyez-moi, il y a de quoi faire !
Bises, Taery.
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