Prologue

Il était une fois, il y a un peu moins de deux siècles, vivait sur les côtes sauvages aux récifs écharpés de la mer Celtique une jeune femme. À l'aube de ses quinze ans, cette jeune femme fut fiancée à un homme qu'elle n'aimait ni ne connaissait. Il lui était impossible d'aller à l'encontre de la volonté de sa famille et d'ailleurs, qu'aurait-elle fait ? Les contes que sa vieille nourrice lui confiait encore au coin d'un feu joyeux, dans une petite maison de pécheur battue par les vents n'étaient, après tout, que des contes.

Or, la jeune femme décida, une fois les fiançailles annoncées et la petite cérémonie achevée – cérémonie au cours de laquelle seule la crainte de se voir enfermée dans sa chambre jusqu'au mariage l'avait tenue aussi sage que possible –, de courir à toutes jambes, les pieds fourrés dans des godillots de nombreuses fois ressemelés, vers la bicoque où sa vieille nourrice s'occupait de ses petits-enfants. Elle arriva le teint rouge, les yeux gonflés et la poitrine en feu, interrompant une discussion entre la nourrice et une vieille femme édentée, ridée, courbée par l'arthrose. Une vieille mendiante qui passait pour savoir lire l'avenir. La nourrice n'eut pas le temps d'installer la fiancée près du foyer noir de suie que la vieillarde tendait un index aux articulations gonflées et à l'ongle épais et sale en direction de la jeune femme hors de souffle :

« Aujourd'hui est un jour heureux pour toi. Allons, fillette ! Ne verse pas tant de larmes ! Regarde-moi, regarde une vieille grand-mère ! »

La nourrice voulut interrompre poliment la vieillarde, mais cette dernière posa le bol de soupe sur les briques, au pied des buches qui flambaient en crépitant dans l'âtre. Elle n'avait plus que trois dents, petites, branlantes et jaunies, mais la jeune fiancée fut captivée par les yeux d'un vert d'eau de la mendiante.

« C'est bien. Regarde bien, que mes yeux fatigués puissent voir les tiens... Oh, ta fille aura les mêmes : aussi bleus, aussi limpides. Ils deviennent noirs lorsque tu te courrouces, ma fille, et ceux de la tienne seront en tout point semblables ! Ah, çà ! Ah, çà ! »

La fiancée sentit la main osseuse de la mendiante saisir son menton comme la serre d'un oiseau de proie mais elle sentait tout son corps figé, comme si le regard fascinant de la mendiante l'hypnotisait.

« Du malheur, ça oui. Tu mourras fort jeune, mais... »

La nourrice, outrée, voulut l'interrompre, cependant la mendiante leva l'index : un sourire vint naître sur son visage de pomme blette.

« Mais ton enfant, frappée par ce malheur, connaîtra des richesses et un mystère que beaucoup tueraient pour obtenir. Elle apprendra de toi ta fougue, ton insolence et héritera d'une liberté qui t'échappe en ce jour même. Ta fille unique aura en partage bravoure, loyauté et charité... Elle ne fermera pas les yeux sur ce monde sans avoir réussi à panser de nombreuses plaies et sera bénie par la mer en personne. Mais las, je suis fatiguée. Je suis en retard, je dois aller saluer les petits tritons. Je leur parlerai de toi, ma petite. Je leur parlerai de toi. »

D'une souplesse surprenante, elle se pencha, ramassa le bol de soupe qu'elle engloutit d'un trait et se saisit de sa canne recourbée sur le bois de laquelle diverses runes étaient gravées. En sortant, elle rabattit une capuche puce sur sa tête et, l'espace d'un éclair, la fiancée stupéfaite crut voir le visage souriant d'une belle femme blonde.

« Je bénis ta maison, femme, et ses habitants. Trois fois bénis ! » lança la vieillarde d'une voix croassante.

Dehors, le ciel s'était couvert de nuages de plomb. La fiancée et sa nourrice restèrent de longues minutes sans parler, puis la plus âgée se leva, ferma la porte et, comme si rien ne s'était passé, invita sa fille de lait à partager le souper.

Un an plus tard naissait une belle enfant aux yeux d'un bleu profond. Dans son cœur, la fiancée – à présent mariée et femme – n'oubliait pas la prédiction. Le jour du baptême de la petite, des pêcheurs allèrent raconter dans tous les pubs du village que tous leurs filets et nombre de leurs nasses avaient été déchirés alors qu'ils se trouvaient en mer. L'un des plus vieux des pêcheurs déclara que les mermen, le peuple de la mer, célébraient sans nul doute quelque victoire ou orchestraient quelque vengeance, ce à quoi ses comparses plus jeunes s'esclaffèrent et l'enjoignirent à moins forcer sur la bouteille.

Le lendemain, le vieux pêcheur fut retrouvé sur une plage en fin de journée. Il portait la trace de profondes morsures et on ne retrouva que des débris de sa barque. On accusa un excès de boisson et sans doute quelque requin ou autre gros poisson. Lorsque quelqu'un fit remarquer qu'il n'avait justement pas été dévoré, on haussa les épaules et les funérailles en grande pompe du vieux pêcheur donnèrent lieu à force libations et racontars sur ces fameux mermen dont il avait fait mention précédemment.

À compter de ce jour, on retrouva régulièrement le corps d'un pêcheur taxé d'imprudence et d'ivresse sur la plage du village, marqué par ces morsures étranges.

Un an plus tard, un prêtre envoyé par l'évêché arriva dans une soutane noire, secondé par deux hommes silencieux et suivi d'une carriole bâchée. Il ne supplanta pas le curé de la paroisse mais examina les corps des pêcheurs accidentés dont le Pape en personne avait ordonné l'exhumation. Le prêtre vêtu de noir ne parla pas pendant une semaine, menant son enquête. Il finit par ordonner un rassemblement dans l'église, le vendredi soir. Il fit fermer les portes et, après avoir béni l'assemblée, déclara que des démons avaient été réveillés au cœur des océans.

La guerre contre les mermen était déclarée.

De son côté, la Fiancée devenue épouse voyait sa fillette grandir en beauté et en intelligence. La petite Charlotte, à l'aube de ses un ans, ignorait tout des mermen. Elle était heureuse, les bras de sa mère lui suffisaient.

Son bonheur prit fin cinq ans plus tard.

*

Pif paf pouf : voilà le commencement de cette romance fantasy ! 

J'espère qu'elle vous plaira !!!!

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Bisous 

Sea

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