« 4 octobre 2015, 4h02.

Je n'arrive pas à dormir.

Je n'avais jamais remarqué à quel point la nuit est étrange. Ce calme, ce silence qui s'abattent sur la ville sans être dérangés, si ce n'est que par de rares courants d'airs qui font frémir les arbres, cette obscurité, ce vide dans les rues. Bizarrement, je crois que j'aime bien ça ; c'est comme si le temps s'était arrêté, et que le monde s'était apaisé. On s'entend respirer, mais d'un autre côté, on s'entend penser aussi. 

Je pense à ce que m'a dit Liz tout à l'heure, je n'arrête pas d'y penser depuis.

"Au final, le sens ultime de la vie, c'est juste un concept non ?"

"C'est à dire ?"

"Je veux dire, qu'est-ce qui est le plus important entre la recherche du bonheur, la recherche du Qui suis-je ? et la recherche de la vérité du monde ? On nous rabâche sans arrêt qu'un tel est le but final de notre existence, avant d'affirmer que l'autre est aussi ce but final. Mais est-ce qu'on a vraiment tous un but en commun ? Pourquoi tout le monde cherche ces réponses ? Pourquoi tout le monde pense qu'il y a une réponse ? Est-ce que mes Pourquoi ? ont-ils une réponse aussi ?"

"Chacun à sa propre réponse à chacune de ces questions. On ne peut pas vivre sans réponses, Liz."

"Pourquoi ?"

"Parce que si on se contentait de questions sans réponses, alors on n'avancerait pas, on n'évoluerait pas, et on ne chercherait pas à évoluer. Cette curiosité, c'est qui nous caractérise en tant qu'être-humain. Alors oui, si tu veux, le sens de la vie n'est rien qu'un concept humain."

Elle s'est tue un instant, songeuse, mais elle avait l'air convaincue. Puis, elle a poursuivi :

"Et toi, comment tu réponds à ces grandes questions ?"

Cette fois, c'est moi qui me suis tue.

Je n'ai pas su quoi lui répondre, moi-même je n'en avais aucune idée, et sa question est restée sans réponse. Mais de toutes les deux, je suis celle qui en est restée la plus frustrée.

Pourtant, ça n'était pas la première fois que je me posais ces questions ;  à mon âge, c'est assez ordinaire de se demander tout un tas de choses, de s'interroger sur son identité, de s'interroger sur ce qu'on veut, surtout au sein de notre société. Malgré notre jeunesse et l'impression de liberté et de toute-puissance que certains peuvent avoir, on est constamment mis sous pression, aussi bien sous une pression sociale que sous la pression de notre futur. 

Le monde est si grand, et il y a encore des milliers de choses que j'ignore, des millions de choses que j'ai à vivre, et des milliards de choses à découvrir. Pourtant, je suis toujours là, dans cette ville insignifiante, allongée dans mon lit et incapable de m'endormir, a essayer de comprendre qui je suis et qui je veux être. »