quarante-cinq

« 8 janvier 2016, 17h30.


Cela faisait un moment que Seth et moi n'avions pas vraiment discuté. J'avais cette terrible impression que lui et moi commencions à nous éloigner, que nous avions perdu la précieuse connexion qui nous liait l'un à l'autre. En fait, j'avais l'impression que nous ne nous comprenions plus. C'était comme s'il m'entendait sans vraiment m'écouter. Je croyais parler à un mur, et ça me tuait intérieurement de le perdre, lui que je considère comme la seule personne à qui je peux me confier entièrement. Lorsque je lui parlais de Caleb et de ma difficulté à voir son visage tous les jours, quand je lui avouais à quel point c'était difficile de n'être plus rien pour lui, et quand j'attendais son réconfort, Seth me paraissait être ailleurs.

Et aujourd'hui encore, il ne me paraissait pas vraiment présent pour moi.

"Tu ne m'écoutes plus, Seth... je lui ai dit. Mais si toi tu ne m'écoutes plus, alors je n'ai plus personne à qui parler."

Prononcer ces mots ont réellement déclenché une crampe au niveau de mon diaphragme, en plus de laisser un goût âpre sur ma langue.

Seth a finalement levé les yeux sur moi.

Son regard m'a glacé le sang.

Jamais il n'avait manifesté ne serait-ce qu'une once de colère à mon égard et jamais il n'avait sérieusement haussé la voix en me parlant. Ce regard, cependant, témoignait d'une amertume si profonde et si sincère que je n'ai pas pu m'empêcher de baisser le regard. J'étais pétrifiée, ses yeux me crachaient une haine d'un froid polaire, et j'étouffais sous le silence de plomb dont il me régalait.

"Non, Sam. Ca fait des semaines que je t'écoute me répéter la même chose, maintenant c'est toi qui va m'écouter. Etre triste, c'est une chose. Mais toi, on dirait que tu ne cherches même pas à améliorer les choses, tu refuses de passer à autre chose. Le monde continue de tourner, arrête de croire que tout est terminé, de te morfondre nuit et jour alors que, vraiment, ça n'est que Caleb Ellis qui t'as larguée au bout d'une pauvre semaine. Si tu croyais le connaître, tu te trompes. Arrête de tout dramatiser, et surtout, fais-le descendre du piédestal sur lequel tu l'as mis. Arrête d'en faire un dieu à chaque fois que tu penses à lui, bordel ! Oh, et aussi, arrête d'être aussi égocentrique et hypocrite. Ca n'est pas parce que je ne te dis pas ce à quoi tu t'attends que je ne t'écoute pas ou que je ne comprends pas. Je comprends. Je serai toujours ton ami, Sam. Mais il faut que tu comprennes que tu n'es pas seule au monde, et que, moi aussi, j'ai des choses qui me préoccupent, et que je ne peux pas être ton putain de journal intime !"

Seth était au bord des larmes. Ses yeux brillaient d'une lueur douloureuse, et je ressentais comme une lutte intérieure qu'il s'efforçait de ne pas laisser exploser. Il est resté de longues secondes à me fixer, une phrase prête à jaillir de ses lèvres, et je savais que s'il la laissait s'échapper il fondrait immédiatement en larmes.

J'aurais dû le serrer dans mes bras, lui laisser trouver le temps de me l'avouer. Mais je suis restée bouche bée, à attendre de cueillir son aveu.

"Sam, je suis gay."

Il a enfoui sa tête entre ses mains, et s'est mis à pleurer sans s'arrêter. Il était inconsolable.

Seth, mon rayon de soleil, mon ami loyal et généreux, brisé sous mes yeux. Seth, si malheureux en m'avouant pourtant quelque chose de si beau.

"Mon père me déteste, j'avais besoin de quelqu'un, mais t'étais pas là pour moi ! C'était juste moi, moi pour toi et toi pour toi. Mais ça, tu ne le voyais pas, tout ce que tu voyais, c'était ce putain de Caleb Ellis, ce fantasme perdu que tu regardais de loin alors que, juste à côté, j'étais là, à essayer de rassembler ce qui s'était brisé chez toi alors que, moi-même, j'étais en ruine !"

C'est vrai. Je n'ai été qu'une sale conne égocentrique. Seth, je suis vraiment désolée. »

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