5. Sam et les femmes
Je me réveille encore engourdi de la nuit passée avec la réceptionniste de l'hôtel. Elle est endormie, ses longs cheveux bruns éparpillés sur l'oreiller. Le moment a été plutôt agréable. Je suis avantagé dans les relations sexuelles. Je n'ai qu'à lire les pensées de la fille, et je fais tout ce qu'elle veut, comme elle le veut et surtout quand elle le veut. Grâce à mon don, la si chaleureuse brunette a failli s'étouffer dans la taie d'oreiller. J'adore les voir perdre pieds comme cela. Mais maintenant, il faut trouver un moyen de la faire déguerpir de mon lit. J'espère juste qu'elle ne va pas me coller aux baskets. Je sors des draps brusquement, retrouve mon jean noir que j'enfile bruyamment. Aucune réaction, j'attrape mon paquet de cigarettes, mon Zippo que je laisse tomber par terre. Malgré le bruit de l'objet lourd qui tombe sur le parquet de la chambre, la fille ne se réveille pas. Du coup, je commence à me racler la gorge. Un petit gémissement de sa part m'encourage à continuer. Je tousse de plus en plus fort. Enfin, elle lève la tête et me fixe d'un seul il.
- Bonjour, toi ! dit-elle d'une voix qui en redemande.
- Salut, dis-je simplement.
- Si tu venais te rallonger à côté de moi, réclame-elle en tapotant la place à côté d'elle.
- Écoute, je ne veux pas être indécent ou mal poli, mais je dois partir. Je ne faisais que passer.
- Oh non ! Ne me dis pas que tu vas t'en aller tout de suite. Tu as bien le temps pour un nouveau câlin ! supplie-t-elle.
- Désolé, mais non, grogné-je en fermant la braguette de mon jean pour lui faire comprendre que la boutique est fermée.
- Très bien, c'est dommage ! répond-elle avec une moue déçue.
J'enfile mon t-shirt noir et commence à rassembler les affaires de ma conquête. Elle enroule un drap autour de son corps nu et se dirige vers la porte. Elle se retourne vers moi :
- Tu sais, je n'ai jamais vécu une nuit comme celle-ci, ça a été si ...
- Oui, je sais, la coupé-je en lui donnant ses affaires avant qu'elle n'essaie de m'embrasser et ferme la porte quasiment sur elle.
Elle sera peut-être chagrinée, mais elle s'en remettra.
Je sors de la chambre et dévale les escaliers tout en enfilant mon perfecto. Quand je passe devant la réception, je sens bien le regard de la jeune femme sur moi. Je lui fais un clin d'oeil complice.
- Au fait, comment tu t'appelles ? me lance-t-elle dans un élan désespéré.
Mais je suis déjà dehors.
Je sais que je peux paraître quelque peu irrévérencieux envers la gente féminine, pourtant, moi et mes frères avons été son allié à de nombreuses reprises. Je me souviendrais toujours de la première femme que j'ai vu :
***
Dieu voulait abrutir son précieux Adam, le soumettre jusqu'au bout. Pour se faire, il lui promit un présent. Il prit le résidu de terre qu'il lui restait de celle avec laquelle il avait créé le premier homme, un peu d'eau et surtout une côte d'Adam et il en fit un individu semblable à l'Homme, mais avec quelques atouts en plus. Il lui donna le nom d'Eve, qui signifie « vivante » ou « source de vie ». Elle était magnifique, nous n'avions jamais vu une créature aussi harmonieuse. Ses longs cheveux blonds ondulés descendaient jusqu'à sa chute de reins vertigineuse. Elle avait des formes là où moi, mes frères et Adam n'en avions pas. Sa peau parfaitement blanche était une invitation aux caresses. Ses yeux noirs et profonds observaient son environnement. De ses doigts fins et délicats, elle touchait chaque élément du jardin. Même le plus petit brin d'herbe l'émerveillait. De son petit nez légèrement retroussé, elle respirait chaque fleur. De sa bouche charnue, elle gouttait tous les fruits et s'extasiait à chaque gorgée du jus qui coulait le long de son adorable gorge. Lucifer était le plus intrigué d'entre nous par cet être si merveilleux. Il se posait discrètement sur la cime de l'arbre du savoir, qui était le plus haut du jardin, et observait Eve durant de longs moments.
***
Eh oui, les femmes ont été un des piliers de notre révolte. D'ailleurs, c'est encore pour une histoire de donzelles que je me retrouve sur terre. Et pas n'importe lesquelles, une sorcière et une démone ! Il me vient une idée. Depuis que nous sommes des créatures de l'Enfer, nous avons un lien très étroit avec les humains, en témoignent mes chers collègues les chuchoteurs. Les mortels nous détestent, nous craignent ou nous vénèrent et ces derniers ont trouvé, au fil des siècles, différents moyens de nous contacter, de nous appeler. Que ce soit avec une planche de Ouija ou encore par invocation. C'est grâce à cela que j'espère enfin pouvoir commencer mes recherches. Je dois acquérir un nouvel endroit calme, sans réceptionniste en manque d'affection si possible.
Je me dirige vers les quais de la capitale française. Les petits hôtels n'y manquent pas. J'entre dans le premier que je vois. À la réception, un vieil homme au dos voûté me donne la clé de la chambre la plus modeste. C'est sûr que ce n'est pas avec lui que je serai dérangé comme la nuit précédente. La piaule n'est pas beaucoup mieux que la première. Je trouve quelques bougies déjà bien consumées qui feront l'affaire pour mon rituel. Je les allume et les pose par terre. Je m'assois en indien sur le sol, pose les mains sur mes genoux et vide mon esprit en prenant de grandes inspirations. Ce serait plus facile d'invoquer directement Alrinach, mais malheureusement, le Léthé lui a fait perdre son essence démoniaque. Il m'est donc impossible d'entrer en contact avec elle.
Une fois que je suis complétement détendu, je commence à psalmodier une très ancienne prière pour invoquer la sorcière infernale qui l'accompagne :
« Ceridwen
Où que tu sois,
Je fais appel à toi
Sur les ailes de ces mots qui se déplacent,
Quelle que soit la distance,
Traverse le temps et l'espace
Et apparais en ma présence. »
Rien ne se passe.
J'attends encore quelques secondes, le silence envahit la pièce. Je dois avoir oublié quelque chose, mais quoi ?
Je réfléchis, je me trouve ridiculement pathétique dans cette position. Un des fondateurs de l'Enfer qui n'est même pas capable d''appeler l'une de ses créatures. Il faut dire que la seule personne que je convoque lors de mes missions, c'est Lucifer. Et avec lui, c'est beaucoup plus simple.
Enfin, un éclair de génie me vient. J'ai besoin d'ingrédients pour ce rituel ! comment ais-je pu l'oublier !
Il me faut du matériel de magie.
Je sors et demande aux passants que je croise où l'ont peut acheter des articles mystiques. La plupart me disent de regarder sur internet. C'est quoi internet ? je viens de l'Enfer, moi !
Au bout de quelques heures, je tombe enfin sur une jeune femme un peu bohème, qui connait une boutique ésotérique non loin de là.
Le magasin s'appel « L'arc-en-ciel ». Pourquoi pas. Les humains sont étranges quand il s'agit de trouver des noms.
Une petite sonnette retentit quand j'ouvre la porte. Une femme âgée au look de diseuse de bonne aventure m'accueille en souriant.
- Bonjour, étranger, bienvenue dans l'antre du mystère.
- Bonjour, j'ai besoin de quelques ingrédients pour un rituel d'invocation.
- Quelle créature veux-tu invoquer ? me demande-t-elle.
- La sorcière Ceridwen.
- Il me faut te mettre en garde, c'est une sorcière extrêmement puissante.
- Oui, je sais, réponds-je en soupirant, plutôt lassé par cette conversation insignifiante.
La vieille femme sort de son comptoir et se dirige vers l'un des rayons dans le fond de sa boutique.
- Tu m'as l'air sûr de toi, très bien. Il te faut de la sauge à brûler, de l'encens, cinq bougies noires, du sel pour tracer un pentagramme et quelques graines de carvi pour libérer l'esprit, dit-elle en me posant les ingrédients dans les mains.
Elle se redirige derrière la caisse et me dit le prix.
- Tu sais comment ça se déroule ? me demande-t-elle en ouvrant son tiroir.
- Oui, à peu près ! répondé-je, agacé.
- Il faut tout d'abord faire brûler lentement la sauge pour purifier la pièce, ensuite trace un pentagramme avec le sel, place les cinq bougies, sur les pointes de l'étoile et pour finir brûle l'encens avec les graines de carvi. Respire la fumée à fond et concentre-toi sur l'incantation. Tu en connais une efficace ?
- Oui, c'est bon, je sais comment faire !
- Méfie-toi, inviter un être comme elle peut s'avérer dangereux. On se perd facilement en Enfer.
- Pas moi ! Je connais chaque recoin des neuf cercles infernaux.
- Comment peux-tu en être aussi sûr ?
- C'est moi qui les ai créés, dis-je en lui faisant un clin d'œil.
La vendeuse fronce les sourcils, essayant de comprendre ma dernière phrase. Je lui adresse un dernier regard et sors de la boutique pour retourner accomplir mon rituel.
Cette fois, j'ai tout ce qu'il me faut. J'applique à la lettre les instructions de la vieille femme et m'installe au milieu du pentagramme. J'inhale la fumée de l'encens et des graines de carvi et répète encore une fois l'incantation, avec plus de conviction.
« Ceridwen
Où que tu sois,
Je fais appel à toi
Sur les ailes de ces mots qui se déplacent,
Quelle que soit la distance,
Traverse le temps et l'espace
Et apparais en ma présence. »
Un courant d'air venant de nulle part éteint les bougies noires, une lumière bleue éclate et m'aveugle. Quand je rouvre les yeux, un spectre bleu me fixe méchamment.
Je suis en face de Ceridwen.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top