15. Le démon qui tombe à pic
Ce qui parait être une tâche blanche et floue au début à mes yeux, se veut de plus en plus net au fur et à mesure que les secondes s'écoulent. Quant à cette voix noyée dans les instruments assourdissants, elle me dit vaguement quelque chose ...
Une voix qui m'agace la plupart du temps...
Amdukias...
- Amdukias ? Qu'est- ce que tu fous là ?
- Partout où Ami passe, la monotonie trépasse ! chantonne-t-il en sautillant dans son uniforme d'officier bleu Marine, orné du sigil de Lucifer sur le devant de la chemise. Et nous sommes à la Nouvelle Orléans ! hurle-t-il en ouvrant les bras vers le ciel. Ici, c'est toujours la fête et la musique résonne à tue-tête !
- Tais toi, par pitié !
- Bon alors, analysons la situation...
Je me redresse un peu pour appuyer mon dos contre le mur en vieille brique derrière moi, le cul toujours par terre et regarde le démon de la musique faire le tour de la pièce au ralenti, une main habillée d'un gant blanc sur la taille et l'autre lui caressant le menton. Je sais que quand il est comme ça, vaut mieux ne pas l'interrompre ;
- À en juger par l'odeur d'humidité et de vieille mort, ainsi que par le manque de gout niveau décoration, je dirais que nous sommes .... Dans une tombe ! dit-il en levant un sourcil et en prenant une voix funeste.
- Wow ! dis-je en feignant d'être impressionné.
- Et nous sommes à la Nouvelle Orléans... hum... Eureka ! Le cimetière Saint-Louis ! claque-t-il des doigts
- T'es vraiment trop fort !
Je recherche désespérément mon paquet de clopes le temps que Sherlock Holmes relève les indices.
- Un archange déchu, inconscient au milieu d'une crypte qui sert visiblement, de repaire à une congrégation vaudou... énumère-t-il sur ses doigts en regardant les différents dessins sacrés sur le sol et les offrandes déposée au pieds des seules bougies nous éclairant.
- Tu brûles, Columbo !
- Sam ? se tourne-t-il vers moi
- Quoi ? répliqué je en recrachant ma fumée
- Qu'est ce que tu as fait pour énerver ses dames ? m'interroge-t-il
- Mais rien ...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'il renchérit...
- Tu as posé un lapin à une ensorceleuse ? goujat que tu es !
- C'est ça t'as raison ! Vilain démon, me frappé je la main.
- Pire ? tu as couché avec l'une d'entre elle et tu ne l'as pas rappelé ?
- Tu me fatigues, dis-je blasé.
- Tu as couché avec sa sœur ? sa cousine ? sa mère ? demande t 'il choqué en se tenant le visage.
- La ferme, face de craie !
- Tu m'as l'air un peu tendu, Samaël. Tu veux que je te joue un peu de harpe ? ça détend la harpe.
- Ça doit être reposant d'être aussi bête, pensé je tout haut malgré moi.
Mon nouveau tortionnaire s'approche de moi tenant l'instrument en question entre les bras qu'il a fait apparaitre instantanément grâce à son pouvoir démoniaque de « Prince des Mélomanes ».
Les notes aigues de l'instrument à cordes pincées, titillent tellement mon système nerveux que mes paupières se calent sur leur rythme frénétique.
- La harpe n'a aucun effet sur toi, peut-être que ceci fonctionnerait mieux ?
La harpe disparait pour laisser place à une sorte de long tube en bois dans lequel Amdukias se met à souffler très fort.
Une note très basse, méditative en ressort et je suis à deux doigts de craquer.
- Tu aimes ? c'est un didgeridoo, c'est beau hein ? dit-il entre chaque souffle.
- Arrête moi cette foutue flûte de Pan, sinon quand tu bailleras on en verra le bout !
- Un Did-ge-ri-doo ! rien à voir avec la flûte ! inculte ! C'est un tronc d'eucalyptus naturellement creusé par les termites. Autant dire que c'est le plus vieil instrument du monde humain, passionnant, tu ne trouves pas ?
La face blanche du démon me fixe, penchée sur le coté attendant une réponse sincère de ma part à cette question.
Je me relève d'un bond, jette violement mon mégot par terre et regarde Amdukias droit dans les yeux.
- Écoute, même si j'ai énormément de respect pour les créations de mon frère, ma patience à des limites ! donc à moins que tu possèdes dans ton attirail, un instrument quelconque capable de me faire sortir d'ici, tu es prié de dégager rapidement ! c'est clair ?
- Haaaa ! ben fallait le dire tout de suite ! j'ai ce qu'il te faut. Répond il enjoué.
- Tu te fiche de moi ?
Le vulgaire bout de bois passe aux oubliettes en un battement de cils. Ami ferme les yeux et joints ces mains en prière en relevant la tête. J'ignore ce qu'il prépare mais ça demande beaucoup de concentration.
Un son étrange sort de sa gorge, puis un faisceau lumineux apparait au-dessus de nous.
- Holala, je le sens mal... soufflé je.
Et là, un petit bol accompagné d'un maillet en miniature se dévoile entre ses doigts.
- Tu veux me faire bouffer du riz ?
- Mais tu n'y es pas du tout ! C'est un bol tibétain. Il émet des ondes sonores très puissantes capables de repousser les énergies négatives. Si j'ai bien compris, des sorcières en colère ont jeter un sort sur ce lieu pour que tu en sois prisonnier.
Je lève les yeux au ciel, de plus en plus agacé par cet échange qui s'éternise malgré moi.
- Élémentaire mon Cher Amdukias !
- Et bien je compte canaliser la fureur de ces demoiselles et la rejeter grâce à cet instrument incroyable.
- Comme si ça allait suffire...
- Il est souvent utilisé en sorcellerie pour purifier un lieu, il est donc tout à fait plausible que cela fonctionne.
- Très bien, faites donc Ô Seigneur des flonflons ! dis-je en faisant une révérence exagérée.
Ami se concentre à nouveau et frappe une fois le bol à l'aide du maillet. Un énorme gong fait écho dans la sépulture.
- Voyons si ça fonctionne, allez Sam sort !
- Tu veux que j'essaie de sortir d'ici sans savoir si ton plan a marché ?
- C'est la seule façon d'en être sûr, Allé zou ! saute petit archange !
Je prends mon élan et fonce droit vers cette maudite grille, mais mon corps entre à peine en contact avec la barrière magique que je suis projeté en arrière et me retrouve une nouvelle fois éclaté au sol.
- Cette fois je vais te tuer, c'est sûr ! dis-je en lançant un regard noir à mon soi-disant sauveur.
- Attend, pas la peine d'émettre des menaces. Je vais essayer d'une autre façon.
Il saisit le maillet et le frotte énergiquement contre le bord du bol qui émet de ce fait un son très désagréable qui ne fait rien d'autre que m'obligé à me boucher les oreilles.
- Sois patient ! je dois juste trouver la fréquence adéquate...
Le maillet continue de tourner entre les doigts du démon de plus en plus lentement.
La sonorité devient contre tout espoir plus harmonieuse, jusqu'à ce qu'une rafale remonte des entrailles de la terre sous nos pieds éclatant au passage certaines dalles du sol et déformant quelques croquis funéraires. Le vent violent, m'empêche d'ouvrir les yeux pour observer la scène.
Alors je décide de faire confiance à mon acolyte et d'attendre que le calme revienne.
Quand je peux enfin regarder de nouveau, je vois Amdukias en face de moi, droit comme un i toujours le bol tibétain en main.
Mais nous sommes bel et bien, à l'extérieur du tombeau.
- T'as réussi. dis-je perplexe.
- Je suis vexé de cette réaction surprise ! comment as-tu pu douter de mes capacités, toi qui me connais si bien ?
- Ouais justement !
- Tu es méchant Samaël ! Boude-t-il.
- J'ai jamais prétendu le contraire ! déclaré je en essayant d'épousseter la crasse sur mon Perfecto.
- Ça te tuerait de dire merci ?
J'avais déjà une réponse sarcastique en tête à lui balancer, quand je vois au loin des torches s'approcher à vive allure du cimetière.
- Regarde !
- Ho ! Diable ! Une foule en colère ! panique Amdukias.
- Pire ! des sorcières à nos trousses ! il faut déguerpir et vite !
Je sortis mes ailes et pris Ami dans mes bras pour me diriger vers le Bayou.
Arrivé sur le bord de la rive du Mississipi, une force invisible me tire brusquement vers le bas et nous roulons sur le terrain marécageux comme de vulgaires pantins.
- T'as oublié que je suis capable de me téléporter ? abruti ? s'écrie le démon. C'était pas la peine de m'offrir un vol gratuit si c'est pour te vautrer de la sorte à l'atterrissage !
- C'est pas moi, dis je en me relevant, c'est elle !
Amdukias se tourne pour observer ce que je lui pointe du doigt.
Maya et ses sorcières sont à notre poursuite...
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