1. Retour de mission

- Arrête de gigoter !

L'homme se débat encore plus.

Je le tiens par une cheville, je ne vais pas tenir longtemps dans cette position. J'essaie de voler droit, mais avec ce clown qui gesticule la tête en bas, ça devient compliqué.

Au plus je lui dis d'arrêter de se débattre, au plus il panique.

- Lâchez-moi ! hurle-t-il.

- D'accord !

Je desserre mon emprise sur sa cheville et le regarde tomber droit comme une pierre.

Son hurlement de peur est étonnement aigu pour un homme de son envergure. C'est assez drôle d'ailleurs. Mais bon, je ne peux pas faire ce que je veux. Ce gros nigaud doit aller dans un endroit bien précis.

De plus, avec la chance que j'ai, cette masse graisseuse, tatouée va tomber dans un cercle paradisiaque pour lui, genre Luxure ou Gourmandise. Et je faillerai vraiment à ma tâche.

Les hommes comme lui vont au Tartare. C'est là que je le ramène.

J'attends encore quelques secondes et le rattrape histoire, que la panique lui serre la gorge comme si c'était ma propre main.

- Alors tu veux toujours que j'te lâche ?

L'homme soupire, mais ne répond pas, il tourne de l'oeil.

Rien que de savoir ce que cette ordure a commis durant sa vie me fait sortir de mes gonds. Il ne faut pas que j'y pense. Sinon, je pourrais bien perdre le contrôle.

Je ne suis pas un bon samaritain, ni un super-héros, mais les humains comme lui me répugnent au plus haut point.

Dans un pays déjà pauvre à la base, où les enfants sont soit soldats, soit esclaves sexuels, cette ordure a violé, torturé, découpé, saigné des enfants par millier. Il s'est baigné dans leur sang, sourire aux lèvres, jouissant de leurs souffrances. Enivré par l'odeur de la peur qu'il inspirait. Pour justifier ses actes, il prône la religion, toujours elle. Ces enfants, ne sont pas élevés dans la bonne croyance, selon ce grand sage. Et ils devaient souffrir durant de longues heures pour ça. Les humains sont vraiment la pire idée que mon créateur a jamais eue. Ils ne savent rien et veulent tout contrôler avec leur ignorance.

Toutes ces pensées polluent mon être. Je serre les dents, et les mains aussi. Je sers de plus en plus fort, jusqu'à entendre un craquement sec.

Oups...

Je me suis tellement énervé que je garde sa jambe dans les mains, mais le reste de son corps est tombé dans le vide.

Lucifer ne sera pas totalement satisfait si je ne ramène pas le colis dans sa totalité.

- Et merde !

Je plonge tête la première pour rattraper le corps inerte, toujours la jambe dans la main.

Malheureusement, je n'arrive pas à temps, le corps chute dans un divan fait de feuilles.

C'est le cercle de la Paresse. Ici, tout est fait de hamacs et de lits moelleux pour le bonheur des paresseux. J'arrive à côté de ma victime, il n'est vraiment plus très frais. Je sais que je ne peux pas rester trop longtemps, sinon la paresse s'emparera de moi et je resterai ici à flemmarder.

Je prends la jambe et essaie de la remettre en place. D'un coup des tambours, des clairons résonnent. Je n'y prête pas attention. Je sais très bien ce que cela signifie !

Amdukias ...

Amdukias est le démon de la musique et aussi, ce qui ressemble plus à un meilleur ami pour moi. Enfin, quand il ne me tape pas trop sur les nerfs.

Le problème, c'est qu'il est toujours joyeux et que ça en devient agaçant.

C'est sûr qu'avec sa tête blanche et son sourire figé, il est un peu obligé d'avoir cet air niais en permanence. Mais moi, ça m'énerve.

- Coucou, Sam ! dit-il d'un air enjoué.

- Salut, face de craie !

- Essaierais-tu de recoller cet humain ? questionne-t-il.

- Ça te pose un problème ?

- À moi ? non ! mais ça va être difficile !

- Pourquoi ?

- Parce ce que c'est impossible, Samaël !

- Ha ! décidément, ces humains n'ont vraiment rien de bien ! dis-je en jetant la jambe au loin.

- C'est une proie ? demande Amdukias en baissant la tête sur l'homme toujours inconscient.

- Oui, c'est un criminel de guerre que je ramène au Tartare.

- Et sa jambe ? Je suppose qu'elle était au bon endroit quand tu es entré en Enfer ?

- Oui, elle était attachée à son corps.

- Comment s'est-elle détachée ? m'interroge-t-il.

- J'en sais rien, elle a du tomber quand je volais et je m'en suis pas rendu compte tout de suite.

J'essaie de me dépêtrer, j'ai horreur d'avouer que j'ai perdu le contrôle.

- Tombée ? Comme ça, toute seule ?

- Ben, c'est pas très solides, ces machins. C'est pas ma faute. C'est pas moi le fabricant !

- Moui, bien sûr ! Amdukias me regarde avec son air rieur, il me connait trop bien. Mais je préfère m'en aller.

- J'te laisse, je dois aller coucher la p'tite.

Je fais un clin d'œil au démon de la musique, m'empare du corps à l'agonie et décolle dans le ciel démoniaque à l'allure d'un boulet de canon.

Je continue ma route en passant au-dessus des cercles infernaux et arrive enfin devant les portes du Tartare. Lucifer m'attend déjà.

- Toujours à l'heure, mon frère ! sourit-il en me voyant.

Lucifer demande à ses gardes d'ouvrir une cage où sont déjà entassés plusieurs individus attendant leur sort. Il pose ses yeux bleus, mais plus foncés que les miens, sur l'homme que je lui ramène et m'interroge du regard, sourcil levé.

- Petit imprévu sur la route ! dis-je en haussant les épaules.

Lucifer éclate de rire.

- Tu es vraiment incorrigible, Samaël ! lâche-il en frictionnant mes cheveux blond platine de sa main.

- Il était temps qu'on arrive ! m'exclamé-je en m'allumant une cigarette

- Effectivement ! Cet énergumène pensait aller dans un lieu paradisiaque dans son autre vie pour avoir massacré des « mécréants » comme il aime les appeler, il va avoir une sacrée surprise, déclare Lucifer en se frottant les mains.

- Tu as encore besoin de moi ?

- Non, tu as rempli ta mission avec succès, comme d'habitude, Samaël. Tu peux aller te détendre. Moi, je vais retourner dans mon bureau, réfléchir à la meilleure des punitions éternelles pour cette ordure. Mais, reste aux aguets, je ne sais pas quand tombera ta prochaine mission.

Je salue mon frère, jette ma cigarette et décolle, bien décidé à m'offrir un peu de bon temps avant que ma prochaine tâche n'arrive.

Un autre criminel de guerre, un tueur en série particulièrement prolifique ou encore un gourou coupable d'un suicide collectif cassera sa pipe et je serai là. Je l'accompagnerai tel l'ange de la mort jusqu'à sa dernière prison. C'est la tâche qui m'a été confié par mon frère, Lucifer, dirigeant de l'Enfer, de ses neuf cercles et de leurs chefs de légion. Je suis Samaël, le deuxième ange déchu, chef rebelle dans la révolte contre Dieu et chasseur de prime du Diable attendant impatiemment sa prochaine mission.

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