Chapitre 26 ⋅ Bourdonnements

Kinako n'avait pas répondu tout de suite au message de Mahiru, la laissant l'espace d'une longue soirée seule face à ses émois qu'il devenait de plus en plus difficile d'ignorer, de réprimer. La reporter savait sa meilleure amie occupée, entre ses devoirs, son poste de responsable du club journal et ses cours du soir ; aussi elle n'avait pas insisté. À la place, elle s'était contenté d'attendre, de prendre son mal patience alors que ça n'était certainement pas sa plus grande qualité – et une part d'elle soupçonnait la peur du diagnostique de l'aider à mieux supporter l'attente – jusqu'à ce que la lumière de son téléphone portable finisse par déchirer la pénombre de sa chambre. Et les yeux rouges et plissés de fatigue, la brunette n'avait eu que le temps de lire sa réponse tapée à la va-vite, sa proposition d'en parler plus en profondeur au club le lendemain, avant de s'abandonner aux bras de Morphée sans plus attendre.

Pour autant, ça ne chassa nullement l'angoisse qui lui ravageait les pensées, et ce depuis qu'elle avait envoyé son message, aussi discrètement que possible lors du cours de Hiraoka-sensei. À vrai dire, ça la hanta un peu plus au fil des heures, comme un boulet qu'il lui fallait supporter à chaque instant et qui donnait l'impression de grossir à force d'être contenu, à force d'être au centre de son attention. Et la vue constante du volleyeur ne l'aida pas à prendre du recul le jour suivant, qu'importe combien il la laissa tranquille. L'auréole de ses cheveux blonds fit miroiter dans ses éclats dorés de troublants souvenirs – le taiyaki au coin d'un pupitre, la maladresse de ses attentions pourtant spontanées et puis cette vue sur un océan d'étoiles depuis le sommet du monde – pour mieux la noyer dans un énième maelström de frissons.

Aussi Mahiru se trouva un brin soulagée, non sans raison, que les cours de l'après-midi ne soient pas mixtes – cuisine pour les filles, ateliers manuels pour les garçons. Si d'ordinaire une part d'elle s'offusquait de cette séparation traditionaliste dans son curriculum, quand bien même elle était bien meilleure cuisinière que bricoleuse, l'adolescente devait bien reconnaître que ça l'arrangeait un peu de ne plus voir le minois d'Atsumu constamment dans son champ de vision. Et c'est un peu plus sereine qu'elle s'était attelée à la réalisation de ses yakitori, de sorte à finir la journée sur une note positive au possible.

Ce fut sans compter le magicien du destin, qui avait plus d'un tour dans son sac. Car au moment même où la lycéenne se débarrassait de son tablier de cuisine, quelques minutes après la sonnerie de fin de cours, son téléphone vibra dans la poche de sa jupe. Non sans un geste de la main à l'intention de ses camarades de classe sur le départ, et pensant que c'était un message de Kinako qui lui annonçait être déjà dans le local du club, Mahiru prit le temps de rassembler toutes ses affaires et de ranger son matériel, avant d'enfin déverrouiller son smartphone pour consulter ledit message :

« Ramène-toi au gymnase n°3, j'ai un truc à te donner »

Et son cœur de s'affoler un peu. En dépit du numéro inconnu et de l'absence de signature, il était impossible de ne pas en deviner l'expéditeur. Pas avec ce ton arrogant et autoritaire qui ne pouvait appartenir qu'à une seule personne de son entourage. Elle fronça les sourcils sans pour autant se détourner de son écran, quand bien même ses pas la menaient aux escaliers. Le semblant de sérénité qu'elle avait réussi à accumuler dans l'après-midi s'évapora aussitôt dans l'air, tandis qu'un curieux mélange d'agacement, de lassitude et de nervosité lui assaillait soudain les nerfs – en même temps que quelques questions.

Que lui voulait donc Atsumu ? Où avait-il bien pu obtenir son numéro de téléphone ? Et pensait-il vraiment que son message la ferait accourir vers lui dès qu'elle le recevrait, au lieu de lui mettre le vent de sa vie ? À croire que le volleyeur lisait dans son esprit, au moment même où cette dernière pensée subsistait dans son esprit, délicieusement tentante, il envoya un deuxième message :

« Et grouille-toi, ça te fera ta dose de cardio »

Un hoquet de colère lui échappa à cette injonction délibérément provocatrice, attirant les coups d'œil curieux d'un petit groupe d'élèves de première année au passage. Était-il sérieux, ou bien se payait-il encore une fois sa tête ? Et pourquoi diable la petite voix dans sa tête choisissait ce moment pour contester ses mots, pour affirmer qu'il lui faisait faire des exercices de cardio à lui tout seul depuis quelques temps ? Il fallait qu'elle lui rabaisse le caquet. Mahiru plissa les yeux et serra les dents, avant d'enfouir son téléphone dans une poche de sa veste dare-dare.

— Je vais me le faire, grommela-t-elle en dévalant les escaliers d'un pas décidé.

La foule de lycéens ne lui résista guère : elle slaloma entre les élèves de première et deuxième année, joua des coudes avec ceux de troisième année quitte à les bousculer dans le processus, puis traversa les couloirs à une vitesse pour le moins irréelle en cette heure de pointe au sein de l'établissement. Même l'atmosphère paisible du patio n'eut pas raison de son agitation, qui s'en trouva simplement accrue dans le chant des oiseaux ; elle accéléra le pas jusqu'à pousser la porte du gymnase numéro trois où Atsumu lui avait donné rendez-vous. Et y entrer fut comme foncer dans un mur de brique, où son élan se vit réduit à néant en l'espace d'une fraction de seconde.

Il était là, âme solitaire au milieu de l'immense gymnase. Sa silhouette coiffée d'or se dressait fièrement dans l'éclat du couchant, comme pour hurler au soleil que bientôt ses rayons brilleraient dans son ombre. Pour autant le volleyeur ne portait guère attention à ses alentours, fût-ce le ciel ou les pauvres mortels qu'il côtoyait sans les voir. Seule la balle semblait capturer son attention, en mouvement incessant entre l'air et ses larges mains, à rebondir encore et encore au-dessus de sa tête orientée vers le plafond. Loin de ses taquineries et de son arrogance habituelles, il arborait un visage fermé, presque vulnérable ainsi à la merci du monde, auquel il n'accordait plus le moindre regard. Ne restait plus que ses exercices de passeur dans lesquels il s'était jeté corps et âme, pour les perfectionner jusqu'à s'abîmer les mains et s'user les poignets, pour les maîtriser aussi bien que le musicien maîtrise ses arpèges.

Mahiru sentit tout l'air quitter ses poumons face à ce spectacle qui, qu'importe combien ça lui arrachait la gorge de l'admettre, était sublime – si sublime que dans les étincelles qui fleurissaient à la surface de ses pommettes à cet effroyable constat, elle en oublia presque sa colère. Presque.

— T'es sérieux avec ton message ? se ressaisit-elle alors en pénétrant dans la pièce avec confiance. Je suis pas ton chien, je te rappelle.

Le tableau se fissura. Atsumu eut un léger tressaillement d'épaules, visiblement surpris par son intervention subite, mais ça n'alla pas plus loin. La balle retomba entre ses mains agiles, et la calant sous un bras, il pivota pour lui faire face, cet horripilant petit sourire au coin des lèvres. Que s'était-elle dit, à l'instant ? Qu'elle le trouvait agréable à regarder ? Foutaises.

— Pourtant, objecta-t-il non sans arrogance, t'as rappliqué aussi vite qu'un labrador. J'imagine que t'attends une caresse derrière les oreilles et des friandises ?

Ta gueule.

Le sourire s'agrandit imperceptiblement, comme c'était sans doute la réaction qu'il avait cherché le plus à provoquer – et Mahiru se détesta de lui donner bêtement ce qu'il avait attendu. Elle secoua la tête pour rassembler ses pensées, pour chasser les idioties qui lui avaient traversé l'esprit un peu plus tôt.

— Je sais même pas pourquoi je suis venue, en fait, ni comment t'as eu mon numéro d'ailleurs, mais...

— C'est Kuruma qui me l'a filé quand je suis passé à ton club après le cours. J'avais demandé à Ugaki à la base, mais elle m'a envoyé bouler.

La reporter arqua un sourcil, guère surprise du refus de leur déléguée de classe qui avait tendance à mépriser les garçons qui prenaient trop de place dans la classe, mais surtout agacée par sa tendance fort agaçante à lui couper la parole.

— Kuruma ? C'est Tatsuya qui te l'a filé ? traduisit-elle, tandis que des pensées peu amènes s'envolaient vers son traître de cadet

— Ah, tu l'appelles par son prénom ? laissa-t-il échapper de surprise, mais l'impertinent retrouva bien vite son sourire taquin. Il est un peu jeune pour toi, nan ?

— Mais non ! Et c'est pas le sujet, par tous les dieux !

— Sujet sensible, je vois.

Ce disant, Atsumu leva les mains dans un signe de capitulation et les paupières à demi-closes pour la narguer encore plus, comme si c'était elle qui s'agaçait pour rien, et non lui qui s'amusait à lui taper sur les nerfs au quotidien. Un soupir sur le bout des lèvres, l'adolescente les jaugea quelques secondes du regard, lui et son sourire malicieux, avant de se rapprocher de lui à pas comptés.

— Qu'est-ce que tu me voulais ?

— Oh, maintenant ça t'intéresse ? répliqua le volleyeur en haussant les sourcils par trois fois.

— Atsumu, gronda-t-elle d'un air qui se voulait menaçant, même si ça n'impressionnait certainement pas grand monde, et il ricana.

— OK OK, c'est bon, j'ai compris.

Le volleyeur abandonna son ballon d'un mouvement leste du poignet, sans même regarder où il partait – même si ce devait un geste qu'il avait répété de nombreuses fois, puisque la balle rebondit deux fois sur le parquet avant d'atterrir dans une panière prévue à cet effet – pour enfin se diriger vers le banc de touche contre le mur. Une fois là-bas, Atsumu attrapa un sachet en papier crème et le brandit à l'intention de son interlocutrice, qui le rejoignit avec hésitation.

— Qu'est-ce que c'est ? s'enquit-elle quand il le déposa dans ses mains.

— J'ai piqué ça dans le casier de 'Samu tout à l'heure, expliqua-t-il et elle fit les gros yeux. Me regarde pas comme ça, j'avais faim !

— Mais c'est pas une excuse ! Et puis ça me dit pas ce que c'est, et encore moins pourquoi tu me le refiles...

Ce disant, Mahiru s'autorisa un coup d'œil curieux à l'intérieur du sac en papier pour assouvir sa curiosité – et aussi s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'une mauvaise blague de sa part. Mal lui en prit, car toutes les émotions qu'elle avait réussi à refouler au fil de l'après-midi resurgirent en elle sitôt que le contenu du sac accrocha sa rétine : une demi douzaine de taiyaki en vrac, prêts à être dégustés. Dorés comme le soleil, dorés comme cette tignasse autour de laquelle ses pensées gravitaient un peu trop depuis quelques temps...

Elle leva un regard alerte vers Atsumu, qui dut le percevoir comme furibond puisqu'il ne réagit pas plus que ça, enfouissant ses mains dans les poches de son jogging.

— J'en ai pris plus que ce j'avais besoin, donc voilà, c'est pour toi.

— Mais... pourquoi moi ? chercha-t-elle à savoir, confuse – et peut-être un peu mal à l'aise, aussi.

Il haussa les épaules, nonchalant comme à son habitude.

— J'sais pas. T'aimes bien les taiyaki visiblement, du coup j'me suis dit que t'en voudrais bien.

— C'est pas que j'aime bien les taiyaki, s'empressa-t-elle de protester en repensant comme lui au jour où il lui en avait offert un pour pallier son absence de repas, et le volleyeur lui lança une œillade étonnée.

— T'aimes pas ça ?

— Si ! Si, j'aime bien ça, mais... tu dis ça comme si c'était mon plat préféré alors que c'est juste que tu m'en as donné un jour où j'avais faim. Peu importe ce que tu m'aurais donné, je l'aurais mangé quand même et... bref.

La brunette arrêta de parler avant de partir dans un monologue sans queue ni tête, dévorée par l'embarras. Ce n'était pas seulement la sémantique de sa phrase qui la mettait mal à l'aise, à vrai dire c'était plutôt un prétexte pour mettre de côté tout le reste qui la préoccupait : cette énième attention, ses questions, et toutes ces petites choses dont il lui fallait absolument parler avec Kinako.

— Je vois pas trop où tu veux en venir, fit le blond avec scepticisme, sans même remarquer l'étendue de ses réflexions, avant de hausser les épaules en guise de reddition. Mais bref, c'est à toi maintenant.

— Euh, c'est gentil mais... hésita-t-elle en lui tendant de nouveau le sachet, j'aime pas trop l'idée de manger de la nourriture volée.

— C'est ce que t'as fait la dernière fois, j'te rappelle.

— Oui ben une fois ça m'a suffit, j'aimerais éviter que ça devienne une habitude.

La surprise balaya le visage d'Atsumu, qui fronça les sourcils à cette réponse qu'il n'attendait visiblement pas. Quelque part, la jeune fille comprenait sa réaction, pourtant elle tenait à s'accrocher encore un peu à ses convictions – ce qui en restait, tout du moins. C'est pourquoi elle s'efforça de soutenir le regard inquisiteur de son voisin de classe, d'affronter ces prunelles noisette que pour une raison inconnue il était devenu difficile de scruter sur la longueur. Or qu'importe le tremblement de ses jambes sans doute un peu trop tendues, qu'importe la chaleur qui naissait à la base de son cou pour remonter dans le fouillis de ses cheveux dans les première chaleurs du printemps, il lui fallait tenir.

Leurs regards s'affrontèrent de longues secondes, comme aucun des deux ne semblait prêt à céder du terrain à l'autre, jusqu'à ce que le volleyeur tourne la tête en soupirant de dépit. Et dans une moue boudeuse, il avoua du bout des lèvres :

— C'est bon, je lui ai rien piqué... C'est lui qui me les a filés tout à l'heure, mais comme ce débile a pas la notion des proportions, il m'a donné de quoi nourrir la moitié de la Chine. Dooonc je partage, conclut-il sans une seule fois la regarder de sa tirade, et elle dut se mordre la lèvre pour réprimer un sourire moqueur.

— Je vois. Et tu pouvais pas me dire ça dès le début ?

Ses pupilles inquisitrices revinrent sur elle, la foudroyant sur place.

— Je veux pas que tu t'imagines que je t'aime bien ou ce genre de truc.

— Ha, rassure-toi, j'en suis pas à ce stade non plus avec toi, répliqua-t-elle machinalement, si bien qu'il pencha la tête sur le côté avec incrédulité.

— C'est pour ça que t'es venue illico au gymnase, du coup ?

— Et c'est pour ça que tu me casses les pieds en cours depuis trois semaines ?

Leurs regards s'accrochèrent, animés d'un même éclat effronté destiné à horripiler l'autre autant que possible. Un point partout, la balle au centre. À qui le service ?

Cette ultime question demeura sans réponse, puisque les portes du gymnase s'ouvrirent soudain dans son dos et les détourna de leur conversation. Mahiru se retourna à demi pour découvrir un Ginjima médusé sur le pas de la porte, les yeux ronds comme des soucoupes en constatant sa présence dans le gymnase. Suna le talonnait, le pas traînant comme à son habitude, et si ses iris effleurèrent la silhouette de la reporter sans s'y attarder, cette dernière comprit à sa manière de fouiller les lieux du regard qu'il vérifiait s'il y avait eu une effusion de sang avant son arrivée. Instinctivement, elle recula d'un pas pour s'éloigner du capitaine de l'équipe de volley et dissiper tout possible malentendu – ceux de Tatsuya lui suffisaient.

— Écoute, je vais y aller, indiqua-t-elle à l'intention d'Atsumu. C'est pas contre toi mais j'ai rendez-vous avec...

Elle s'interrompit, écarquillant les yeux en miroir avec la réaction de Ginjima à l'instant, bien que pour elle ce soit pour une toute autre raison. Sa voix partit dans les aigus, comme soudain toutes ses pensées se bousculaient sur ses lèvres :

— Bon sang ! Kinako ! Je vais être en retard à notre rendez-vous ! Mince, quelle nouille ! Il fallait absolument que je la voie pour lui parler de...

— De ? s'enquit le blond, intrusif comme à son habitude, mais autant qu'elle blêmit, l'adolescente se rappela juste à temps de ne pas terminer sa phrase comme prévu – et son cerveau improvisa de la plus curieuse des manières.

— De mes règles.

Un ange passa dans leur conversation – et dans le gymnase par extension, car évidemment il avait fallu que Ginjima et Suna l'entendent eux aussi. Pour autant, elle ne porta aucune attention à ces derniers, pour se focaliser sur celui qui se tenait en face d'elle, de toute évidence à cours de mots – et elle se ratatina sur place à cette idée. Pourquoi donc avait-elle répondu ça ? Et pourquoi ne réfléchissait-elle jamais avant de parler ? Atsumu était au moins aussi bien stupéfait que ses comparses, la bouche entrouverte et l'œil hagard en dépit des milles questions qui y dansaient. Mahiru sentit le feu qui lui caressait la nuque s'étendre à l'arrière de ses joues et à ses tempes, brûlant comme jamais ; ça l'aida à se ressaisir une seconde plus vite que les trois garçons.

— Voilà, du coup merci pour les taiyaki, articula-t-elle précipitamment en s'emparant du sac de pâtisseries qu'il avait entre les mains. On se voit demain en...

— Attends, vous parlez vraiment de vos machins entre filles ? questionna-t-il, sincèrement chamboulé par cette « découverte ».

— Qu'est-ce que... c'est tout ce que t'as à dire là-dessus ?

L'espace d'une très courte seconde, elle considéra le volleyeur avec attention, troublée par sa réaction – même si ses propres bêtises ne l'aidaient pas à rester sereine. Or en voyant qu'il s'apprêtait à ajouter quelque chose, sans doute aussi débile que le garçon lui-même, la reporter choisit d'abréger la conversation en marmonnant un « salut » hâtif qu'il n'entendit peut-être même pas. Et tournant les talons, elle s'échappa à toute hâte du gymnase numéro trois.

C'est seulement lorsqu'elle passa les portes du bâtiment principal que Mahiru s'autorisa un soupir de soulagement, ainsi qu'à ralentir le pas. Elle s'arrêta un instant sur un pallier d'escaliers, profitant du fait que les cours étaient finis et donc qu'il y avait peu d'élèves dans les couloirs pour rassembler ses pensées – et calmer ses émotions. La panique, la peur, la colère contre Atsumu et contre elle-même, ainsi que ce petit quelque chose qui la tracassait depuis des jours – tout avait affolé son pauvre cœur qui peinait à retrouver un rythme normal, et le regard perdu sur les arbres en fleur à l'extérieur, la brunette se réjouit que le pollen ne soit pas au rendez-vous ce jour ou bien elle aurait pu en pleurer.

Son regard tomba sur le sachet de taiyaki dans sa main, et portée par la curiosité – ainsi que la faim, sans doute – elle l'ouvrit de nouveau. Les pâtisseries, en forme de daurade, n'avaient pas bougé, certes un peu bousculées par la course qu'elle venait de réaliser, mais toujours aussi alléchantes que tout à l'heure avec leur pâte dorée qui donnait l'impression de croustiller sous les dents. Mahiru hésita un instant, effrayée à l'idée qu'Atsumu ait décidé de lui faire une mauvaise blague en dépit de la franchise de son aveu. Elle repensa à sa moue boudeuse à ce moment-là, à ses traits délicats rehaussés par l'arrogance sitôt que la demoiselle avait posé le pied dans le gymnase, à ses attentions sans nul doute maladroites mais aussi on ne peut plus sincères... Son cœur se serra en s'apercevant du fil cruel de ses propres pensées, tandis que la description qu'elle avait un jour faite du volleyeur à sa mère lui revenait à l'esprit. Peut-être un peu bête mais pas méchant. Et alors que sa volonté s'écaillait dans les regrets, l'odeur caramélisée qui lui chatouilla les narines la seconde d'après eut raison d'elle.

Le taiyaki était doux et sucré, tiède comme une fin de matinée estivale, meilleur encore que tout ce que l'adolescente aurait pu imaginer. La pâte de haricot rouge fondait sous la langue et la coque dorée du poisson pétillait dans la bouche à mesure qu'on la mâchait. C'était comme croquer un petit bout de paradis, un péché que les dieux pourraient bien lui pardonner sans hésitation tellement c'était bon. Et l'estomac gâté par cette dégustation, à cette seconde bien précise où sa main se perdait malgré elle dans le sachet pour piocher un deuxième taiyaki, Mahiru se dit que peut-être, vraiment peut-être, elle aimait bien Atsumu.

Il fallait vraiment qu'elle parle à Kinako.

Ainsi vint le déclic, qui la sortit de sa torpeur. Abandonnant le rebord poussiéreux de la fenêtre, elle reprit son ascension des escaliers avec détermination jusqu'à atteindre le premier étage – où se trouvaient la plupart des locaux de club. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, la brunette se retrouva devant la porte familière du club journal, essoufflée et persuadée que sa meilleure amie lui tirerait les oreilles pour son retard au rendez-vous. Pourtant à peine eut-elle posé la main sur le battant que ce dernier s'ouvrit à la volée sous son nez, la surprenant au passage, pour révéler la silhouette de Kinako. Cette dernière s'arrêta net dans son élan, visiblement étonnée de trouver Mahiru derrière la porte. Puis la réalisation sembla la frapper, et elle abattit sa propre paume sur son front.

— Ah oui, mince, notre discussion... grimaça-t-elle en jurant contre elle-même pour son oubli, avant de se ressaisir bien vite. Écoute, je peux pas là, j'ai des courses à faire au Konbini pour ma mère avant que ça ferme. On n'a qu'à remettre ça à une prochaine fois, d'accord ?

Kinako n'attendit pas sa réponse ; la reporter n'eut que le temps de cligner des yeux, hébétée par son débit de paroles, avant que son amie ne la contourne et s'éloigne en quelques rapides enjambées pour disparaître au bout du couloir. De longues secondes durant, Mahiru resta figée, les bras ballants et l'œil hagard, incapable de trouver comment réagir. Puis son corps se remit en mouvement, machinalement porté vers l'intérieur du club dont la porte était toujours entrouverte suite au départ de sa camarade – du travail l'y attendait, après tout. Toutefois, juste avant d'entrer pour de bon et de fermer derrière elle, la demoiselle ne put s'empêcher de jeter un ultime coup d'œil intrigué dans le couloir, vers l'endroit où sa meilleure amie avait disparu.

Quelle mouche avait bien pu piquer Kinako ?

Pfiou, encore un gros bébé de 3,6k mots. Cette fanfic me dépasse complètement xD Mais on avance, et pas qu'un peu. Osez me dire qu'il est pas mignon avec ça, le petit Tsumu ~ Je sais pas trop quoi vous raconter ce soir, alors je vais simplement espérer que ce chapitre vous a plu (et si c'est le cas, n'oubliez pas de voter !!) et vous donner rendez-vous à la semaine prochaine. Encore merci de lire cette fanfic ♡

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