Chapitre 24 ⋅ Élans

Une rosée délicate imbibait les lilas de l'allée principale, ce matin-là. Leurs pétales violacés se courbaient et leurs branches ployaient sous le poids des perles d'eau, submergés par le phénomène pourtant terriblement commun mais que leurs jeunes fibres semblaient tout juste découvrir – les arbrisseaux n'avaient été plantés que l'année précédente, après tout. C'était là leur premier printemps qui touchait à sa fin, et déjà l'été suivait, porteur d'autres couleurs plus éclatantes encore sous les rayons brûlants du soleil. Un soupir échappa à Mahiru lorsque son regard les effleura distraitement ; la vie n'avait pas attendu que la nuit se disperse pour reprendre son cours, et la Golden Week s'était clôturée dans une langueur estivale.

Atsumu et elle n'avaient pas reparlé de cette nuit au sommet du mont Maya, à contempler le monde à leurs pieds – pas plus qu'il n'avait été une fois mention de cet étrange moment, sur la fin, où le volleyeur l'avait portée sur son dos pour lui éviter de marcher sur ses pieds endoloris. La douleur avait d'ailleurs disparu, mais les frissons, eux, étaient encore là ; ils refaisaient surface à chaque fois que la jeune fille y repensait. Et peut-être qu'un ou deux souvenirs les accompagnaient en même temps, histoire de mieux la hanter, comme son odeur de musc et de gel douche, ou bien la chaleur de son dos contre sa joue.

Mahiru marmonna un juron dans ses mains en s'apercevant du fil sauvage de ses pensées, avant de se laisser choir sur son pupitre pour toutes les chasser de son esprit. En face d'elle, son reflet lui jetait un regard interrogateur dans l'écran de l'ordinateur, qui avait fini par se mettre en veille en raison de son inactivité. Dépitée, la brunette fit glisser la souris pour de nouveau afficher son prochain article, ou plus exactement les trois pauvres lignes qui lui servaient d'ébauche. Un soupir découragé lui brûla les lèvres : la journée d'intégration sportive ne l'inspirait pas tant que ça. Enfin... si, le sujet l'inspirait mais se trouvait éclipsé par un autre, plus doré et plus électrisant.

— Bon sang, même quand il est pas là, cette andouille trouve le moyen de me casser les pieds, grommela-t-elle en se passant une main dans les cheveux – et ce faisant, elle se dit qu'il lui fallait prendre rendez-vous chez le coiffeur.

L'adolescente contempla encore quelques longues secondes son document quasi vierge, en quête de mots à ajouter pour au moins tenter de finir un paragraphe, avant que son esprit – qui partait encore une fois à la dérive – ne se voit ramené à la réalité par la porte du local s'ouvrant à la volée.

— Tu vas pas croire ce que j'ai vu tout à l'heure, Nomura ~

Son regard se tourna lentement vers le nouvel arrivant, dont le visage se trouvait occulté par les trois larges cartons empilés qu'il avait dans les bras, mais qu'elle identifia au timbre de voix comme Tatsuya – le troisième membre de la rédaction du journal. Aussitôt la jeune fille se leva pour lui venir en aide.

— Tu nous viens d'où, avec tout ça ? s'enquit-elle en le déchargeant d'un carton.

— De la reprographie ! Ils ont imprimé les sondages pour la journée d'intégration sportive, annonça son cadet dans un large sourire. Reste plus qu'à les donner aux délégués de classe pour qu'ils fassent passer les feuilles.

— Ah super, je vais y aller juste avant le début des cours si tu veux.

— Ça m'arrange, je te le cache pas, j'ai les jambes et les bras en compote...

La reporter lui décocha un regard interrogateur par-dessus son épaule, mais prit le temps de déposer son carton sur l'îlot central du local, avant de se tourner vers lui. Il l'avait imitée et se massait les épaules dans une tentative d'amenuiser ladite douleur.

— C'est si lourd que ça, les trois cartons ensemble ? hasarda-t-elle, non sans une pointe de scepticisme. J'ai du mal à imaginer...

— Non non, c'est juste qu'il y avait du monde dans les couloirs. Entre celles qui décident de s'arrêter en plein milieu sans réfléchir et ceux qui nettoient leur linge sale en public, c'est le parcours du combattant à traverser ce lycée...

— Et encore, estime-toi heureux, c'était trop tôt pour que tu tombes sur les jumeaux Miya qui jouent à chat dans les couloirs.

Son interlocuteur acquiesça dans un gloussement, les yeux pétillants d'amusement quand ils se posèrent sur la silhouette de Mahiru, qui ne releva pas tout de suite. C'est seulement lorsqu'ils s'emparèrent de ciseaux afin de procéder à l'ouverture des boîte, et qu'elle intercepta son regard en coin aux touches d'innocence – une innocence trop prononcée pour pour être sincère, que la brunette plissa les paupières sous la méfiance.

— Quoi ? fit-elle à son intention, tandis qu'il dépliait la première boîte avec précaution.

— Comment ça, « quoi » ? s'enquit Tatsuya, toujours aussi ingénu – si bien qu'on croyait voir une auréole briller au-dessus de sa tête.

— Qu'est-ce qui te fait sourire comme un imbécile heureux ?

— Ah, ça ?

Ce disant, il désigna du bout de l'index son propre sourire, qu'il peinait cette fois à réprimer face au regard blasé de son aînée. Et lui de s'expliquer, les yeux de nouveau baissés sur sa tâche :

— Oh, trois fois rien. Je me disais simplement que tu n'avais pas insulté Atsumu-san pour une fois, c'est tout.

— Et... c'est pour ça que tu souris ? s'étonna-t-elle, sceptique.

— On peut dire ça. Vous progressez dans l'acceptation de l'autre, c'est cool.

À cet instant-là, le regard de Tatsuya se détourna la pile de feuilles qu'il avait attrapée à l'instant afin de percuter le sien – et mieux guetter sa réaction, surtout. Un silence se faufila entre eux, lourd de sous-entendus. Et la brunette renifla de scepticisme.

— N'importe quoi. Il est juste moins relou en ce moment, c'est tout.

— Si tu le dis, senpai, sourit l'autre sans se laisser impressionner. En attendant, c'est toi qui a parlé de lui, pas moi ~

La brunette ouvrit la bouche pour répliquer, avant de la refermer aussi sec en ne trouvant aucune réponse adaptée – et ses dents se resserrèrent lentement sur la chair de sa joue dans une vaine tentative de faire disparaître son agacement.

— T'analyses vachement pour quelqu'un qui veut rester en dehors des histoires, bougonna-t-elle en décidant néanmoins de rejoindre Tatsuya pour l'épauler dans sa tâche, et il lui décocha une œillade amusée.

— C'est mon instinct de journaliste qui me pousse à faire attention aux détails, répondit-il toujours sur le ton de l'innocence. Regarde, pas plus tard que ce matin, j'ai eu envie de passer par le patio pour aller plus vite ; je suis tombé sur un couple en train de rompre. Si c'est pas un signe, ça... !

— Tu t'es quand même pas arrêté pour les écouter comme un paparazzi ?

— Non non, j'ai tracé mon chemin. Mais quelles étaient les chances que je me retrouve face à une situation comme celle-là ? Kinako-senpai était là aussi, tu pourras lui demander. On a dû sentir qu'il allait se passer quelque chose.

Si elle ne cacha pas sa surprise à la mention de sa meilleure amie, qu'elle n'avait pas pu beaucoup voir depuis la Golden Week en raison de ses nombreuses responsabilités de rédactrice en chef, Mahiru finit par pincer les lèvres, boudeuse.

— Ouais 'fin l'Inarizaki Today, c'est pas de la presse à scandale non plus.

— Je sais bien, mais l'idée est là. On le remarque quand il se passe quelque chose dans notre entourage. Et moi, j'ai remarqué qu'il se passait quelque chose chez toi ~

La reporter leva les yeux au ciel à ces mots qui, ô combien légers et taquins, surent éveiller un ou deux pigments de rose à la surface de ses pommettes. Voilà que le sujet lui revenait en pleine face, et de la plus désagréable des manières. Non sans un coup d'œil rapide vers son camarade de club, elle se demanda un instant s'il avait été payé par un des jumeaux pour être aussi insupportable ce matin, ou bien s'il était tout simplement un de leurs lointains cousins – une question qui, comme celle sur l'éventualité d'un cerveau pour deux chez les frères Miya, resterait à jamais sans réponse. Et en constatant que le flot de ses pensées revenait encore et toujours vers le même sujet, Mahiru se dit qu'il valait mieux y couper court au plus vite.

Son regard tomba sur les petits tas de feuilles qu'avait constitués Tatsuya au cours de ses taquineries, redoutablement efficace comme à chaque fois – et c'était agaçant de le voir réussir à réaliser ses tâches de club tout en s'intéressant d'aussi près aux ragots du lycée. Elle attrapa alors plusieurs liasses, qu'elle rassembla contre sa poitrine.

— Je vais aller distribuer ça, indiqua-t-elle à son cadet qui dodelina de la tête en riant. Je te laisse les première année, et je m'occupe des deuxième et troisième année.

— Ça me va. N'en profite pas pour aller zieuter sur Atsumu-san au passage ~

Si Mahiru roula des yeux une dernière fois, elle ne répondit pas, à l'exception d'un grognement incompréhensible qui accentua l'amusement de son interlocuteur, avant que ce dernier ne disparaisse derrière le battant de la porte. Une fois seule, elle secoua la tête de dépit face à ses sous-entendus qui éveillaient quelques picotements dans sa nuque et ses joues, mais dont elle s'efforça de faire abstraction pour prendre la direction du bâtiment principal – et donc des salles de classe.

À un petit vingt minutes du début des cours du matin, les couloirs foisonnaient d'adolescents pas tout à fait réveillés. Certains chanceux l'étaient plus que d'autres, mais ils restaient rares, et il était difficile pour la boule d'énergie qu'était Mahiru de ne pas ronchonner un peu quand ses camarades avançaient littéralement à la vitesse d'un escargot devant elle. C'était d'autant plus agaçant pour la reporter qu'il lui fallait distribuer tous ses documents avant la sonnerie, ce qui semblait bien difficile avec ses gastéropodes de camarades. Aussi, non sans un soupir sur le bout des lèvres, la brunette entreprit de doubler cet énième groupe de première année qui la ralentissait – et au cas où s'assura d'un rapide coup d'œil qu'ils ne sécrétaient pas de bave sur leur passage, ça aurait été un comble.

Le plus gros de la distribution fut plié en un petit quart d'heure, contre toute attente. En effet, à l'étage des troisième année, plusieurs connaissances se proposèrent de transmettre les documents à leur classe – notamment Ugaki, la déléguée de sa classe, qui lui demanda si « cette andouille de Miya » ne l'embêtait pas trop au passage. Quant aux deuxième année, s'il fallait certes courir après les délégués pour leur remettre les sondages, ceux-ci s'avéraient curieusement bien plus trouvables que leurs aînés. Par conséquent, il lui restait encore un peu de temps lorsque Mahiru se figea à quelques pas de sa dernière classe à faire, la 2-6 pour être exact, en apercevant une silhouette familière adossée à l'encadrement de la porte.

— Suna ?

Les yeux olive du bloqueur central coulissèrent dans sa direction sitôt que son nom de famille traversa le couloir, pour ensuite descendre sur son visage en remarquant que celle qui l'interpellait n'était pas aussi grande qu'il se l'imaginait.

— Ah, Nomura, la salua-t-il d'un hochement de tête.

— Qu'est-ce tu fais là ? Tu t'es perdu sur le chemin de...

Le reste de sa phrase disparut dans le néant lorsque son regard intercepta du mouvement à sa droite, dans l'encadrement de la porte. Une silhouette guère familière mais pas tout à fait étrangère se révéla alors, auréolée d'une chevelure d'ébène que l'adolescente n'avait aperçue qu'une fois auparavant, si bien qu'il lui fallut quelques secondes pour mettre un nom sur ce visage connu – et Akemi esquissa un sourire large comme le soleil.

— Oh, coucou Nomura-senpai ! s'exclama-t-elle en agitant la main, et la reporter l'imita – certes avec un peu moins d'énergie.

— Je comprends mieux pourquoi t'es là, en fait, susurra-t-elle à l'intention de Suna, qui haussa les épaules.

— Ça me paraît évident, oui, j'ai redoublé et je me retrouve coincé avec le moulin à paroles que voici.

— Pff, fais pas le fier, Rin, t'as dit toi-même que tu trouvais ça marrant.

Un rire nerveux ponctua cependant la phrase, difficilement retenu par la plus jeune, pour traverser l'écho du couloir. Si Suna lui accorda un regard bref où dansait une touche d'affection, son attention revint bien vite sur sa camarade de classe. Il la désigna d'un geste du menton :

— Et toi, qu'est-ce que tu fais là ? Si tu cherches Atsumu, c'est pas ici que tu vas le trouver, tu sais.

— Pourquoi tout le monde croit que je lui cours après comme s'il avait du miel aux fesses ? se renfrogna la reporter, plus que blasée par cet énième sous-entendu.

— Du miel aux... ?

— Faut dire que le nom d'Atsumu-senpai est souvent suivi du tiens dans les ragots, lui répondit Akemi d'un air songeur, ce qui sembla interpeller son petit-ami.

— Tu t'intéresse aux ragots, toi, maintenant ?

— C'est pas vraiment ça... Les filles de ma classe en parlent tout le temps, et vu que je suis déléguée, elles se sentent obligées de m'en faire part.

— Te faire part de quoi, Akemi-chan ?

La voix jusqu'alors extérieure à leur conversation résonna dans le couloir et se faufila jusqu'à leurs oreilles, se marquant par son timbre atrocement familier désormais qui permettait d'identifier sans problème à qui elle appartenait. Trois réactions tout à fait différentes purent ainsi être observées successivement sur le trio : là où le visage d'Akemi s'illumina comme un sapin de Noël quand elle se hissa sur la pointe des pieds pour saluer le nouvel arrivant, il n'en fut pas de même pour les deux autres – Suna plissa les paupières de lassitude, et Mahiru se raidit imperceptiblement, tant sous l'agacement que pour réprimer le curieux frisson qui lui courut sur l'échine au souvenir de leur nuit au-dessus des étoiles urbaines.

Pas le temps pour cette dernière de se poser davantage de questions, cependant, puisqu'un bras s'abattit sans crier gare sur son épaule lorsqu'Atsumu s'appuya nonchalamment sur elle et s'invita dans leur discussion avec le tact d'un rhinocéros.

— Oï Suna, l'entraînement de ce soir est prolongé d'une demi-heure.

— Pourquoi ? s'enquit ce dernier avec méfiance, tandis que Mahiru se débattait pour se soustraire à ce contact pour le moins électrisant.

— Atsumu, laisse-moi... tenta-t-elle de protester, mais lui l'ignora.

— Celui de mardi pro' est annulé à cause du conseil d'administration, expliqua-t-il, donc on rattrape sur les autres jours. Ce sera comme ça jeudi et vendredi aussi, du coup.

— OK, je note...

— Super. Tu pourras emmener ta copine en date mardi soir, comme ça ~

D'un coup d'œil vers le haut, la reporter le vit narguer son coéquipier de trois haussements de sourcils grivois, pas peu fier de sa taquinerie. En face, Suna lui décocha un regard blasé mais ne répondit pas, laissant plutôt le silence s'installer dans la conversation. Mahiru en profita pour sauter sur l'occasion.

— Quand t'auras fini de me prendre pour un accoudoir, je pourrai faire ce pour quoi je suis venue à la base ? soupira-t-elle en agitant sa dernière liasse de documents devant le nez du volleyeur, qui n'avait pas bougé d'un iota.

— Ça dépend ce que t'es venue faire, répliqua-t-il sans pour autant se redresser, avant de s'emparer des feuilles pour les inspecter. C'est quoi ?

— Rien qui ne te concerne.

— Si ça me concerne pas, pourquoi il est écrit « à l'attention des élèves d'Inarizaki » ?

Ce disant, le volleyeur lui décocha un sourire vainqueur, auquel l'adolescente répondit par un sifflement faussement admiratif.

— Oh, j'ignorais que tu savais lire, Atsumu-kun.

— Qu'est-ce que tu dis ? Je t'entends mal, fit-il en se penchant pour appuyer un peu plus son poids sur son épaule, et elle grogna en retour.

— C'est pas vrai, t'es vraiment usant...

Un ricanement frémit au coin de ses lèvres et vibra à travers son épaule en raison de leur troublante proximité, si bien que Mahiru déglutit pour mieux gérer sa gêne – fichues hormones. En revanche, son silence laissa au blondin tout le temps de déchiffrer le contenu des feuilles, à savoir le sondage pour la journée d'intégration sportive. Ça ne l'enchantait guère, d'ailleurs, à en croire la façon dont ses lèvres se pincèrent dans une moue boudeuse.

— C'est débile de faire un sondage pour ça, lâcha-t-il alors. Ils ont qu'à tous jouer au volley et puis c'est marre.

— Peut-être que certains n'ont pas envie de jouer au volley ? suggéra la reporter en retour, sceptique.

— Faut pas les écouter ceux-là, ils ont juste pas de goût.

— Ah ouais, t'es un maître dans l'art de la diplomatie...

Malheureusement pour elle, Atsumu ne releva pas l'ironie, se fendant d'un large sourire arrogant quand il se pencha un peu plus vers – et sur – la brunette qui lui servait d'accoudoir. Elle retint son souffle, comme sa chaleur corporelle l'assaillait un peu plus ainsi que son odeur, cet étourdissant mélange de rosée automnale et de musc – une réaction qu'il ne sembla même pas remarquer.

— N'est-ce pas ? Franchement, envoyez-moi à l'ONU même ; d'ici cinq ans, il n'y aura plus de guerre.

— Si seulement on pouvait, soupira Mahiru un peu rêveusement, en réponse à la première partie de sa phrase.

— Tu dis ça parce que tu m'as pas vu régler les conflits au sein de l'équipe. N'est-ce pas Suna ?

Sur ces mots, le volleyeur tourna la tête vers son coéquipier en quête de son soutien... pour ne trouver que le mur immaculé du couloir des deuxième année. Un hoquet de surprise échappa au garçon, qui se redressa – enfin ? – de l'épaule de Mahiru. Cette dernière frémit lorsque la fraîcheur du printemps succéda à son bras, mais n'eut pas le temps de se poser de question.

— Bah, il est passé où ? fit Atsumu en cherchant du regard le bloqueur central comme sa petite-amie. Tu les as vu partir, toi ?

— Je sais pas, il a dû s'enfuir à cause de tes... commença à supposer la brunette, avant de se faire interrompre par l'arpège emblématique de la sonnerie.

Les deux lycéens se raidirent d'un même mouvement à ce son pourtant guère désagréable, mais qui ne voulait dire qu'une seule chose : ils étaient en retard. Une pointe d'agacement courut sur les nerfs de Mahiru à cette idée, renforcée par la flopée de sensations inexplicables qui la traversaient à chaque fois qu'il était dans les parages en ce moment, et laissant libre cours à ses émotions, elle pivota vers son camarade de classe pour lui asséner un coup dans le bras à l'aide de sa liasse de feuilles – ce n'était nullement douloureux et ça ne réglerait pas le problème, mais ça la soulageait un peu.

— C'est de ta faute, gros nigaud !

— Eh ! protesta-t-il en l'esquivant, même si un ricanement frémissait déjà au coin de ses lèvres. Si tu répondais pas à tout ce que je dis, on n'en serait pas là non plus.

— Peu importe, répliqua-t-elle dans une œillade assassine. Le résultat est le même : j'ai pas pu donner le sondage aux 2–6 alors qu'ils doivent le rendre demain dernier délai. T'es content de toi ?

Un soupir excédé ponctua la réprimande, tandis que Mahiru se pinçait l'arrête du nez comme si cela allait trouver une solution à ce nouveau problème que le garçon provoquait dans sa vie. Le silence plana un instant sur leurs deux silhouettes esseulées, rompu çà et là par les bruits lointains des cours qui débutaient, jusqu'à ce que la reporter entende des pas se rapprocher d'elle – et il était facile d'en deviner l'origine.

— Qu'est-ce que tu... commença-t-elle avant de pousser un couinement de surprise quand le volleyeur lui arracha ses feuilles des mains. Atsumu, bon sang !

— C'est là, la classe des 2-6 ? s'enquit-il pour toute réponse en désignant la porte coulissante d'une classe un peu plus loin.

Bouche bée, la brunette écarquilla les yeux mais ne répondit pas, tant parce que toutes les insultes qu'elle voulait lui balancer se bloquèrent dans sa gorge qu'à cause de la stupidité de la question – puisqu'une plaque de bois au-dessus de la porte indiquait le numéro de la classe. Pourtant, la bêtise de son interlocuteur n'avait d'égale que son audace à toute épreuve. Car sous ses yeux éberlués, Atsumu n'attendit pas sa réponse et toqua sans la moindre hésitation à la porte qu'il avait indiquée.

Il n'allait quand même pas... ?

Mahiru sentit ses lèvres trembloter d'appréhension – et d'un petit autre chose aussi. Était-ce parce que le blond prenait cette folle initiative de lui venir en aide pour lui éviter des problèmes à son club, ou bien était-ce à cause de ce petit clin d'œil malicieux qu'il lui adressa par-dessus son épaule ? Toujours est-il qu'au moment où un « entrez ! » étouffé leur parvint depuis l'intérieur, mue par le stress, la demoiselle se plaqua contre le mur. Et s'il ricana de cette réaction, à accentuer les pulsations effrénées de son cœur, sa volonté à lui ne vacilla pas.

— Bonjour, roucoula-t-il en passant le seuil, ce qui déclencha quelques émois au sein de la salle – et si elle n'avait pas été autant sur le qui-vive, la brunette aurait sans doute roulé des yeux. J'ai un petit quelque chose à vous remettre de la part du journal du lycée...

— S'il te plaît, ne parle pas de moi, articula-t-elle dans une prière silencieuse, pendant que lui expliquait en quelques mots rapides le contenu du sondage. S'il te plaît, Atsumu...

— ... et du coup, ce sera à rendre à Nomura Mahiru de la 3–5 avant jeudi. Elle vous l'aurait volontiers amené elle-même, mais là elle est occupée à se cacher derrière le mur.

Le cœur de l'adolescente rata un battement à ces mots, et elle se tassa un peu plus contre ledit mur dans un juron étouffé. Quelques insultes se bousculèrent sur ses lèvres, toutes dirigées contre le garçon dont les cheveux dorés appelaient à être tirés de toutes ses forces, et ça ne se calma pas quand il ressortit de la salle avec cet habituel sourire stupide planté sur le visage. Or Atsumu sut habilement éviter le drame, comme il en avait pris une étrange habitude ces derniers jours.

Certes c'était un peu gauche et dénué de délicatesse, sans beaucoup d'égards pour les convenances ou pour les nerfs à fleur de peau de Mahiru ; pour autant cela sut la réduire au silence au point d'en oublier sa colère contre lui. Sa large main de volleyeur se referma sur son poignet, l'emprisonna dans sa chaleur et la foudroya d'un irrépressible frisson. Et d'un geste peut-être un peu brusque, qui se marquait par sa soudaineté et par l'élan qu'il prenait en même temps, Atsumu l'attira à sa suite.

— Maintenant, faut qu'on se grouille, Mahiru, on est déjà en retard.

Et ils s'élancèrent dans le couloir.

Oh la la, cette histoire me dépasse totalement, la moitié des trucs qui se passent n'étaient absolument pas prévus, mais yolo comme on dit :') Encore un gros bébé, de presque 3800 mots, avec de sacré avancées à nouveau. OK, il y a des insultes... mais y'a d'autres choses aussi 👀

J'en profite pour vous souhaiter à tous de passer un très bon réveillon de Noël, et si vous ne le fêtez pas pour x raison, de passer une bonne soirée et des bonnes vacances. Voilà mon humble cadeau, peut-être pas le meilleur, mais j'espère qu'il égaiera un peu votre après-midi (et si ça vous a plu, n'hésitez pas à voter ~). Mon cadeau, quant à moi, je l'ai déjà : c'est vous et toute votre gentillesse dans cette histoire (et dans La Fenêtre d'en face aussi). Vraiment, ça me va droit au cœur, donc merci à vous de la lire et de l'aimer autant. Vous êtes les meilleurs 💖

Sur ce, je vous laisse, j'ai des macarons à préparer. Merry Christmas ✨

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