Pluie

La petite fille devenue adolescente marchait, sous un ciel qui commençait doucement à s'assombrir.

C'était déjà l'automne, et il y a un mois déjà, elle était retournée au lycée. Elle en revenait actuellement, son sac de cours sur le dos, et le visage enfoui dans son écharpe rouge.

Elle aimait bien, ces trajets calmes, où il n'y avait qu'elle et la musique dans ses écouteurs, où elle pouvait observer le paysage et les rues qui défilaient, les personnes dans leurs quotidiens sans qu'elles ne se rendent compte de rien, au moment où elles étaient les plus naturelles.

Ça formait, à ses yeux, le plus beau des tableaux. Elle avait une arme d'artiste, cette jeune fille. Elle aimait peindre à ses heures perdues des couleurs qu'elle ne voyait plus, des visages pour ne pas oublier, des images pour simplement s'amuser.

Mais, elle était toujours maladroite, ça n'avait pas changé. Alors, souvent, elle se mettait accidentellement de la peinture sur le corps, les mains, les vêtements, le visage. Ça faisait râler sa mère, mais, à vrai dire, elle s'en fichait. C'est dans ces moments-là, qu'elle pouvait s'oublier elle-même dans son art, qu'elle ne pensait plus à rien, qu'elle formait à l'aide de son pinceau des lignes, qui devenaient des courbes, des corps, des visages, des paysages, de la beauté abstraite. C'est dans ces moments-là, qu'une fois son œuvre finie, elle souriait à en avoir mal aux joues. C'est dans ces moments-là qu'elle se sentait bien, libre, au milieu des taches colorées et des odeurs de peinture.

Et tant pis si à la fin, elle était aussi marquée que sa toile. Parce que, parfois, elle aimait bien se sentir comme une œuvre d'art, elle aussi. Et à défaut de trouver quelqu'un pour étaler son art sur elle ou dessiner ses formes, elle le ferait elle-même. Elle serait sa propre feuille, sa propre muse, son propre support. Si personne ne voulait d'elle, et bien, tant pis. Elle s'aimerait assez pour être son propre tableau. Un tableau encadré, même.

Mais ça, ce n'était que quand elle peignait, qu'elle le ressentait. Car malgré toute sa volonté pour s'aimer, c'était compliqué, dehors. Dehors, il y avait du vent, il y avait la tempête, et la tempête, ça la faisait tanguer. Dangereusement tanguer. Alors elle s'accrochait, à des brins de rêves, des bribes d'envies, des morceaux de souhaits.

Soudain, il se mit à pleuvoir. La lycéenne leva le nez vers le ciel, et reçut quelques gouttes sur le visage. Elle s'arrêta, au milieu du parc qu'elle devait traverser pour rentrer chez elle. Autour d'elle, le vent faisait danser les feuilles colorées au sol, grincer la balançoire vide, disparaître les empreintes dans le bac à sable. Alors la pluie devint plus forte, et déjà trempée, elle se dit que de toute façon, même si elle courrait pour rentrer chez elle, le résultat serait le même.

Elle retira ses écouteurs, les rangea soigneusement, et sourit. Elle leva les bras, tourna sur elle-même, rit aux éclats. L'eau ruisselait sur son visage, dégoulinait légèrement de ses cheveux, et elle aurait presque pu avoir froid, si ce sentiment qui lui réchauffait le cœur n'était pas là.

À danser ainsi sous la pluie, elle se sentait bien.
Elle se sentait comme la reine du monde, ou bien de son monde, qui était devenu ce petit parc, aux couleurs de l'automne.
Elle se sentait
Libre.

Et à nouveau, elle a souri.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top