Neige
La jeune fille avait encore grandi. C'était une adulte, maintenant. Encore jeune et avec beaucoup à apprendre, mais tout de même une adulte, qui venait de dépasser la barre des vingt-cinq ans.
Elle avait découvert la vie des plus grands, les galères d'appartement, les responsabilités et les études dont elle avait rêvé. Des études d'art, évidemment, dans lesquelles elle s'était épanouie plus que jamais avant de se diriger vers l'animation. Et étonnamment, elle avait adoré ; faire rêver les enfants devant des dessins animés comme elle-même l'avait fait était si plaisant. Donner un peu d'espoir, de joie, et de rire, avant que la cruauté de la vie n'arrache à coups de griffe leur innocence enfantine. Mais elle voulait aussi leur apprendre, donner des leçons de vie, même si elle ne faisait que dessiner, car elle ne contrôlait pas le scénario.
Un autre rêve un peu fou s'était ajouté à sa liste ; créer un dessin animé, du début à la fin, elle-même.
Oui, elle savait que toute seule, c'était presque certain qu'elle n'y arriverait jamais, mais elle ne perdait pas espoir.
L'an dernier, sa mère était morte. Et un bout de son cœur était parti avec elle. Ça avait été un déchirement, et elle revoyait encore son doux visage, lors de ses nuits d'insomnie. Et alors, même quand elle croyait s'en être remise ne serait-ce qu'un peu, elle retombait, suffoquait, et se noyait dans son propre torrent de larmes jusqu'à ne plus en avoir.
Et qu'est-ce que ça faisait mal, cette sensation. Elle se sentait vide, incomplète. Sa mère, c'était presque son double ; elle avait été là pour elle quand elle était mal, s'était reposée sur elle. Leur complicité n'était plus non plus à démontrer.
Elle n'avait jamais connu son père ; ses parents s'étaient séparés lorsqu'elle était encore très jeune, et elle avait été élevée toute sa vie par sa génitrice. Alors elle y était attachée, reliée, et devoir couper ce fil si brusquement n'était définitivement pas agréable.
Elle était morte d'une de ces maladies mortelles qu'on redoute et qu'on déteste, sans qu'elle ne s'y attende vraiment. Elle avait toujours eu ce doux sentiment qu'on appelle espoir, l'espoir qu'elle s'en sorte.
Mais, un soir, on l'avait appelée. Elle ne s'en était pas sortie. Elle était partie.
Et en cette soirée d'hiver, elle lui manquait particulièrement. Alors elle avait appelé son petit-ami, et ça allait un peu mieux, maintenant. Elle voulait enfouir ses pensées sombres et noires au fond de son esprit et être forte.
Elle regarda dehors, et un instant plus tard, elle était dans le parc à côté de chez elle, au milieu des flocons, un sourire nostalgique aux lèvres et les joues encore un peu humides.
Il faisait déjà nuit, et froid, mais ça ne l'empêcha pas de sauter dans la neige, de s'y allonger, d'étaler ses membres, et de tracer un ange.
Et de tout là-haut, sa mère ne put que voir sa fille, incarnée en ange. Un petit ange, retombé en enfance pour quelques minutes à jouer et faire des bonhommes de neige, l'air si fragile et brisé, mais si fort à l'intérieur.
L'adulte redevenue petite fille ferma les yeux. Une larme roula sur sa joue.
Et elle sourit.
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