⚜️ | CHAPITRE 6 (2)

Non. Pas ça.

Je me réveille. Encore. Pour la troisième fois de cette interminable journée. Ni dans mon lit, ni dans celui de Matthew. Dans la baignoire. Sous ses doigts, tandis qu'il lave soigneusement mon corps. Une violente nausée me retourne l'estomac alors que je me sens tout, sauf propre. Salie. Souillée.

Tellement, tellement sale.

Ayant recouvré mes forces, je me recroqueville, m'éloigne autant qu'il m'est possible de le faire sans me dévoiler. À genoux au bord du bain, il se contente de sourire, amusé par la situation, avant de se relever et tendre le bras vers moi jusqu'à effleurer ma pommette de son index sous mes yeux terrorisés. Puis il se relève, me tourne le dos afin de récupérer un peignoir qu'il présente devant mon nez.

— Tu peux sortir. Je t'ai déshabillée et lavée, mon cœur. Il n'y a rien que je n'ai pas déjà vu, lâche-t-il en haussant un sourcil, jugeant ma pudeur ridicule.

J'ai envie de vomir.

D'une humeur que je ne lui ai jamais vu, allègre et presque trop jovial, je demeure immobile. Concentrée à apaiser mon haut-le-cœur. Avant qu'il n'insiste en déposant le tissu sur un petit meuble adjacent à la baignoire :

— Soit, si tu veux passer le reste de la journée ici... Je vais t'attendre, j'ai toute l'éternité devant moi !

Il sourit toujours, adossé au mur qui me fait face, les bras croisés, comme s'il venait de raconter la meilleure blague du siècle, et moi...

Moi, je me sens mourir.

Pourrir de l'intérieur. Crever de soif. Écorchée vive par le souvenir récent de sa peau contre la mienne. Lacérée par le désir abject de son sang.

J'ai faim de sa vitalité, de lui. Après être morte deux fois consécutives en aussi peu de temps – parce que je suis morte, encore, c'était inévitable après avoir perdu autant d'hémoglobine –, mon corps immortel réclame sa malédiction, ce fluide écarlate et morbide.

Si appétissant...

Je rêve de celui de James. Toutefois il n'est pas là. Il ne subsiste que Matthew, devant moi. Prêt à s'offrir à moi si j'ose le lui quémander. Son palpitant bat dans une résonance absolument atroce. Il me tente, m'appelle de son allure paisible dans une réminiscence de notre vie passée. Il ne lui manquerait plus qu'à tendre sa paume vers moi dans une offrande plus qu'explicite.

Le gorge sèche, j'attrape le peignoir blanc et me décide à le revêtir en protégeant mes parties intimes aussitôt découvertes, trempant parfois maladroitement quelques bouts du tissu cotonneux dans l'eau tiède, presque froide.

Vulnérable et dans un état de faiblesse croissant, je suis déjà fatiguée de maintenir un telle méfiance en permanence, si loin de mon confort habituel en compagnie de mon amour.

Seigneur, ce qu'il me manque.

Croisant les bras contre ma poitrine dans une position défensive évidente, ultime barrière devant mon cœur qui martèle fébrilement mes côtes, je soutiens son regard de bronze sans jamais flancher. Lui qui ressemble si fort à mon amant. Lui qui est la cause de tous mes tourments. Lui qui ne fait que subir mes fautes d'antan.

Matthew, je suis désolée. Affreusement désolée.

— N'as-tu pas soif, mon Sacrilège ? Après tout, je t'ai vidée de ton sang.

Je ne céderai pas. Je ne peux pas faire ça. Ni à James, ni à moi, et encore moins à Matthew. Je ne peux pas lui infliger ça. Pas encore... Je ne peux pas.

Non.

Remuant la tête de gauche à droite, je m'attends déjà à le voir m'approcher, tout faire pour me tenter, pour que je cède. Et je ne suis pas sûre de réussir à lui résister.

— Ah, Elisabeth... soupire-t-il en une exaspération mi-distraite, mi-sincère. Toujours aussi têtue.

Et comme je le pensais, il se détache du mur pour venir à ma rencontre, pour me contraindre, pour mon cœur...

Non !

— Attends, Matthew... couiné-je en me reculant jusqu'à buter contre la baignoire à laquelle je me retiens, terrorisée.

— Chut, n'aies crainte, je veux juste t'aider, te soulager... N'en as-tu pas besoin ?

Il porte son poignet à sa bouche et plante ses crocs dans sa chair. Aussitôt, le parfum rougeâtre de sa précieuse vie flotte jusqu'à mes narines, et un goût métallique vient se répandre sur ma langue et tout mon palais. À cet instant seulement, je réalise m'être mordue la lèvre inférieure dans une vaine tentative pour me retenir.

— N'en meurs-tu pas d'envie ? Tout ce sang... Y goûter, t'en repaître jusqu'à satiété.

Non... Je ne peux pas. Je ne le ferai pas !

Je plante mes ongles dans mes paumes, si profondément qu'un liquide vient couler sur mes doigts et tomber en des gouttes pourpres sur le sol marbré de blanc. Je clos les paupières et détourne le visage, priant pour qu'il cesse sa torture, pour qu'il s'éloigne de moi. Mon corps m'implore d'abandonner, ma gorge se consume de manque, mes gencives hurlent dans mon esprit des échos sybilins et déments.

La dernière fois que j'ai ressenti une pareille souffrance, c'était lors de mon éveil. James était là pour m'aider, pour me soulager. Il m'a apaisée.

J'enfonce mes canines plus loin dans ma lippe, appui sur mes paupières dans l'espoir que tout ne soit qu'un mauvais rêve, un affreux cauchemar.

— Laisse-moi t'apaiser, mon cœur. Laisse-moi t'offrir ce que tu désire. Laisse-moi te combler.

Oui...

Une caresse sur ma joue humide. Je rouvre mes yeux plissés, souffrante et suppliante. Perdue.

— Fais-moi confiance, tout ira bien.

Je veux y croire. Je veux...

Je n'en peux plus !

Son pouce glisse sur mes lèvres, y recueille du sang qu'il lèche d'une façon un peu trop sensuelle pour mon cerveau embrumé.

Je vais perdre la tête...

J'ai chaud, tout tourne autour de moi, et j'ai soif, tellement, tellement soif...!

Puis il mord son doigt avant de le ramener contre ma bouche dans une invitation évidente. Je la sens, tout contre mes lèvres, exquise, si proche de mes papilles. Sa vitalité.

Je ne peux plus...

— C'est bien, mon cœur, me félicite-t-il lorsque je commence à desserrer l'emprise de mes crocs, trop attirée par son odeur. Fais-le. Goûte-moi. Ouvre ta délicieuse bouche... C'est ça, tu es parfaite.

Enfin.

Ce ne sont que quelques gouttes, mais elles suffisent à provoquer une explosion de saveurs sur ma langue.

Seigneur, si bon !

Sa deuxième main vient se loger à l'arrière de ma nuque et empoigner mon cuir chevelu quand je croque involontairement dans sa chair.

— Je savais que tu aimeras ça, affirme-t-il d'une voix lointaine, trop bouleversé pour conserver son flegme ordinaire.

L'espace d'une seconde, je vois James. Ce n'est plus Matthew, mais mon amant auquel je m'agripe si vigoureusement. Parce que je saisis la manche de sa chemise, la tire entre mes doigts à défaut de me scarifier les paumes.

Ah, mon amour...

Mais ce n'est pas lui. Si semblables et si différents à la fois. Là où Matthew se délecte de mon abandon, ravi par cette situation qu'il a sciemment provoquée, James aurait l'air... désespéré, désolé de notre fatalité, cette passion irrémédiablement mêlée de souffrance sans laquelle nous ne pouvons vivre.

— Oui, accroche-toi à moi Elisabeth, ne me lâche pas.

Lisa. Je suis Lisa.

Je plonge mes ongles dans son bras, l'écorche à vif autant qu'il saigne mon âme, mon esprit. Mon corps, lui, réclame toujours plus de ce fluide doucereux parcourant ses veines. Échouée pour échouée... je relâche son pouce et me rapproche de lui, mes doigts remontant ses biceps, ses épaules que je connais si bien pour écarter le col immaculé de sa tenue qui ne tardera pas à se teinter de mort.

— Matthew... hésité-je une dernière fois, mes remords surpassant momentanément ma faim.

Je suis désolée, tellement désolée. Si tu savais combien je me hais !

— Ça fait une éternité que j'attends ça, mon cœur.

Sur la pointe des pieds – habituellement, James se penche presque autant que je me cambre et je n'ai par conséquent aucune difficulté à atteindre son cou –, je commence par presser mes lippes contre sa carotide afin de percevoir une pulsation, reconnaître son palpitant. Et lorsque je le trouve, j'entends le mien y faire terriblement écho.

Je suis contre Matthew. Sur le point de mordre mon bourreau, mon tortionnaire... Mon châtiment éternel. Mon sacrilège.

Non...

Je tente de me rassurer : ce n'est que Matthew. Ce petit garçon avec lequel j'ai grandi, autrefois, avec James. Ce jeune homme qui tenait à moi autant que son frère. Mais aussi cet homme qui m'a tuée, qui s'est délecté de ma vie !

Je ne peux...

Il enroule son bras autour de ma taille et me serre contre lui, si fort que je sens l'ébauche de son désir pour moi contre mon bassin. Une ardeur que je ne partage pas et m'arrache un aveu que je me suis jusque-là efforcée de dissimuler, rouge de honte et essoufflée :

— Je te hais, Matthew.

Et je me hais plus encore.

Je ne devrai pas le détester. Je n'en ai pas le droit. Pas alors que tout est de ma faute. Ce qu'il m'a fait, je l'ai mérité. Mais mon cœur, mon âme... Il m'a tout pris. Tout arraché.

— Moi aussi, Elisabeth. Je te hais plus que tout au monde. Mais ne t'inquiète pas, rien ne pourra changer cela, susurre-t-il contre mon oreille, le souffle chaud, telle une promesse d'éternité qu'on ne peut rompre, un accord tacite et mutuel de cette haine réciproque.

Pour toutes réponses, je craque, mords et m'effondre. Dans ma chute psychique, je libère tous mes ressentiments, cette injustice de notre malédiction, d'une faute que je suis contrainte à endosser, enfant insouciante que j'étais. Ma rencoeur, ma douleur et ce malheur qu'il m'a fait subir. Contre mon gré et selon sa propre volonté. Il savait ce qu'il faisait. Lorsqu'il est venu chez nous, qu'il m'a torturée en attendant James. Lorsqu'il nous a promis mille et une souffrance, qu'il a cédé à son désir le plus malsain. Lorsqu'il nous a tué, qu'il a dévoré mon cœur.

Il aurait pu lutter... Il aurait dû lutter !

Pour nous.

Au lieu de quoi, il a sombré. Coupable à jamais. Irrémissible pour toujours. Il m'a privée de moi-même. Dépossédée de ma mémoire, de ce savoir tant essentiel.

Il m'aime.

Je le déteste !

Et tandis que je resserre l'emprise de mes crocs dans sa chair, tout pour apaiser la brûlure de mes gencives, lui infliger un millième du tourment qu'il m'impose, des flashs éclatent dans mon esprit.

Ses souvenirs.

Son enfance, d'abord. Auprès de James, de moi. Cet amour pur et innocent qu'il partageait avec sa mère. Leur relation fusionnelle... Elle était d'une gentillesse sans pareil, dévouée à sa famille. Elle chérissait ses enfants, elle me chérissait.

Mère me berce dans ses bras, chantonne cette comptine qu'elle ne réserve qu'à moi :

Like the moon in night sky,
Comme la lune dans le ciel nocturne,
My light, my brave, my lovely son,
Ma lumière, mon brave, mon bien-aimé fils,
In the darkness you shine,
Dans les ténèbres tu brilles,
Until your dreams are true comes.
Jusqu'à ce que tes rêves deviennent réalité.

James s'est déjà assoupi à mes côtés, et je me sens chanceux de pouvoir profiter ainsi de notre mère sans devoir la partager. Fier d'être son étoile, son courageux fils. Alors que parfois, elle m'ignore durant trop longtemps pour s'occuper de mon frère... ou d'Elisabeth. Mais je comprends. Elle est plus jeune, notre cadette de trois ans, comme une petite sœur que nous n'avons pas, et requiert davantage d'attention. Nous devons prendre soin d'elle. Faire preuve de toute la prévenance qu'elle mérite... et à laquelle je ne semble pas avoir droit.

Malgré tous mes efforts, mes bons résultats lors de nos cours. Je suis félicité au même titre que mon jumeau, quand bien même je le surpasse. Ignoré et abandonné.

Sleep, sleep my little child,
Dors, dors mon petit enfant,
Soon grow up you will become,
Bientôt tu deviendras grand,
And dusk will turn to daylight,
Et le crépuscule se transformera en jour, 
Until your dreams are true comes...
Jusqu'à ce tes rêves deviennent réalité...

Ma valeur n'existe qu'aux yeux de mère. Elle me voit vraiment, et ainsi, sous ses promesses d'espoir, mes craintes disparaissent comme par magie. Pour elle, je vais me hâter de grandir et exaucer mes rêves, les siens. Pour être digne d'elle.

Matthew respectait sa mère. Plus que tout au monde, elle était son point de repère. Sa raison de vivre.

Et bon sang, je l'avais tuée !

Sous ses yeux, sauvagement.

Il a raison de me haïr, me punir de la sorte. Quand il enfonce ses ongles dans mon bras, ma hanche, j'y décèle l'ébauche de ma rédemption, une douleur que je reçois avec soulagement. En retour, je ne le lâche pas, incapable de défaire ma mâchoire de sa carotide lorsque ses souvenirs continuent de défiler, violents de ses vérités, les origines de ce qu'il est aujourd'hui.

— Elisa... beth... gémit-il contre mon oreille.

Je ne suis plus Elisabeth... Je suis Lisa.

Mais à en croire la réminiscence qui me traverse, celle de son sang, je doute.

Peut-être étais-je déjà Lisa. Ou peut-être suis-je encore Elisabeth.

Car dans le cœur de Matthew, James et moi venions de signer notre trahison, son abandon. C'était peu avant son départ, lorsque nous vivions encore ensemble, tous les trois. Déjà des années que nous cohabitions ainsi. Autant de temps que nous avons délaissé Matthew.

Ce souvenir, je le connais. Je l'ai déjà ressenti dans la mémoire de mon amour sans parvenir à me le remémorer moi-même. Toutefois j'ignorais que Matthew était présent, qu'il nous avait vus.

Rassasié, du moins autant que je puisse l'être en me nourrissant d'un autre sang que celui d'Elisabeth, je m'approche de notre cabane plus qu'une maison. J'inspire profondément, à la recherche de certaines effluves... que je ne trouve pas. Ni James, ni Elisabeth n'ont cédé à leur soif. Et j'en suis aussi soulagé qu'agacé. Ils se mentent, se voilent la face. Persuadés de pouvoir vivre ainsi, plus proches des êtres humains que des monstres que nous sommes véritablement.

Et là où je m'en vais absorber la vie d'autrui pour ne plus les incommoder de ma faim intarissable, eux ne se gênent pas pour se satisfaire ensemble. Non pas que cela me dérange, j'y participais aussi il y encore quelques mois de cela, mais à quoi bon ? Elisabeth s'est toujours évertuée à me refuser, comme si je n'étais pas assez digne pour elle, tandis que James, mon propre frère... Il accepte seulement pour ne pas avoir à la mordre. Et finalement, il se propose aussi toujours pour moi, pour ne pas que je la morde, elle. Du moins lorsqu'il n'a pas déjà cédé et planté ses crocs dans sa peau si fine, si délicate, envers et contre sa volonté.

Il la chérit tellement... Comment ne pas le comprendre ? Moi aussi, je tiens à elle. Toutefois elle ne me laisse aucune occasion de la dorloter, prendre soin d'elle. Je n'en ai pas le droit, semble-t-il.

Arrivé devant la porte, j'hésite à l'ouvrir. Une crainte devenue habituelle de les affronter, les surprendre dans une intimité qui m'est étrangère, preuve du gouffre qui ne cesse de s'accroître entre nous. Je ne veux pas m'éloigner d'eux. Qu'importe ce qu'ils pensent, ils sont ma famille. Sans eux, je ne serais plus rien d'autre qu'un démon. Une créature de l'ombre. Un envoyé des enfers.

C'est alors qu'une voix me parvient. Ce n'est qu'un murmure, et pourtant il me paralyse, me coupe le souffle :

— James...

Des frissons me remontent l'échine. Ce n'est pas moi qu'elle appelle, ce n'est pas à moi qu'elle pense... Mais comme j'aimerai être avec elle, à la place de mon frère. Pouvoir l'aimer en toute impunité.

Dans une curiosité malsaine, et parce que je n'ose pas les interrompre sans savoir de quoi il en retourne, je me décale jusqu'à la fenêtre, aussi discret que possible. C'est alors que je les vois. Sur ce lit que nous partageons à trois à défaut de couche supplémentaire. James est adossé au mur, assis, et entre ses jambes est blottie notre protégée. Il l'étreint contre lui, une main sur sa joue, et leurs visages sont si proches qu'ils échangent certainement un seul et même souffle.

Mon cœur se serre dans ma poitrine, étouffé. Je ne veux pas voir ça. Je refuse de les voir s'aimer ainsi, si aisément, comme si je n'existais pas.

Malgré tout, je ne parviens pas à bouger. Figé, coincé devant cette fenêtre, tel l'inconnu que je suis, le regard perdu sur leurs silhouettes floues. Ils demeurent si longtemps immobiles qu'un instant, je me demande si le temps ne s'est pas suspendu. Jusqu'à ce que leurs lippes s'effleurent, d'une lenteur folle et pleine d'hésitation. Je crois rêver... je veux rêver ! Que tout ceci soit un cauchemar. Mais il est bien trop réel, et ce baiser, je devine à leurs façons incertaines de se découvrir qu'il s'agit de leur premier. Le premier d'une longue, très longue série.

— Elisabeth...

Il susurre son prénom tel un serment désespéré. Et dans une évidence qui me tord les tripes, elle l'accepte dans son cœur et le partage sur ses lèvres.

Moi, elle ne m'acceptera jamais.

J'ai mal, mal de cette solitude, mal de cette trahison, mal de cette fatalité qui s'acharne ainsi sur moi. Mon palpitant tombe en lambeaux tandis qu'une larme m'échappe, et enfin, mon corps se mouvoie. Il recule, vacillant, revient sur ses pas avant de tourner les talons dans un instinct de survie inattendu. Et je m'en vais. Loin, très loin. Le plus loin possible d'eux, ma famille.

Il a tout vu. Notre premier baiser, oui, et le début de cet attachement physique auquel nous ne pouvons nous soustraire, désormais. C'est une chose de revoir cette scène dans les yeux de mon amour, en ressentir tout le dévouement, toute la sincérité... mais c'en est une autre d'y assister dans les sentiments de Matthew, y percevoir toute sa détresse et son affliction.

Bouleversée par ce que je viens de vivre, l'âme en vrac, je relâche mon bourreau et m'écarte de lui. Essuyant ma bouche du carmin qui la recouvre, je réalise sans étonnement que quelques larmes ont dévalé mes joues en écho à la souffrance qu'il endurait. Mon cœur est terriblement lourd, encore trop marqué par ces réminiscences dont je suis coupable.

— Je suis désolée... m'excusé-je aussi bien pour ce souvenir que pour ma morsure.

Car en relevant le visage vers lui, je vois l'étendu des dégâts. Et comme à chaque fois que des images du passées trop violentes me reviennent en mémoire, je suis incapable de me contrôler. Je mords trop fort, et ses plaies rubescentes dégoulinent de plasma. Sa chemise blanche ne l'est plus du tout, aussi ne tarde-t-il pas à la déboutonner, bien loin d'être gêné à l'idée de se dévêtir devant moi. Au contraire, la situation semble délectablement l'amuser.

— Ne t'excuses pas, c'est ce que nous sommes, ce que tu es. J'adorerais réduire ton corps à l'état de charpie inerte, tu sais... Alors fais bien ce que tu veux du mien.

À ces mots, il se penche vers moi et plisse les yeux, tout sourire. Moi, je me contente de remuer la tête, sourcils froncés dans une moue désespérée.

Je ne veux pas de ça, je ne peux pas vivre ainsi.

Il s'avance. Son amusement apparent le désertant aussi vite qu'il l'avait habillé, et agrippe fermement mon menton entre son pouce et son index.

— Je crois que tu n'as pas bien compris, Elisabeth, dit-il en appuyant exagérément sur mon prénom, comme s'il recelait tous mes secrets les plus terribles. Tu es comme moi, exactement comme moi. Et plus tu t'efforceras de le nier, plus tu souffriras de la vérité. Pas pour m'en déplaire, tu l'imagines bien, mais je le jure sur ma vie : tu comprendras, tu sauras combien nous sommes pareils, et tu me supplieras, tu me céderas ton âme... ton cœur.

Non... Ça ne se passera pas comme ça.

Je ne le laisserai pas m'avoir. Pas cette fois. Je lutterai jusqu'à la dernière seconde, et c'est lui qui comprendra. Il verra combien il est humain, et il saura que tout peut changer.

— Je ne suis plus Elisabeth, je suis Lisa.

Et lui aussi, il peut devenir quelqu'un d'autre. Quelqu'un de mieux. Pas pour moi, ni pour James, mais pour lui-même.

Il le deviendra. Quoiqu'il m'en coûte.

⚜️⚜️⚜️

Fiooouuu, quelle deuxième partie...!

Deux souvenirs, dont un qui n'est pas des moindres, on peut dire que j'en ai bavé. Mais je suis très fière de l'ensemble de ce chapitre 6 qui présente à merveille Matthew.

Alors, l'aimez-vous ? Ou le détestez-vous ? C'est tout ou rien, avec lui, et j'espère que malgré tout vous êtes partants pour la suite de cette aventure !

Les prochains chapitres promettent un paquet de torture psychologique, alors bon courage et à bientôt 😘

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