Chapitre 8

Océane

Pour la troisième fois, je replace mon col roulé noir pourtant parfaitement ajusté en faisant les cent pas dans le minuscule salon de Malia et Lucie. J'ai l'impression d'être un lion piégé dans une cage. J'appréhende les découlées que pourrait avoir cette soirée, mais je trépigne aussi d'impatience. Toutes les cellules de mon corps sont en effervescence, tremblent de nervosité pendant que mon cœur palpite dans ma cage thoracique. Une petite partie de moi a hâte de remettre les pieds chez moi après une semaine d'absence, de revenir dans un endroit que je connais, où j'ai mes repères. Ces derniers jours se sont révélés assez éprouvants — mouvementés par beaucoup de remises en question — malgré la bonne volonté de mes amies de rendre mon séjour ici le plus confortable possible.

Malheureusement, leurs efforts n'ont pas fait mouche. Se déraciner n'est pas quelque chose de simple. Tourner le dos à tout ce que l'on a toujours connu pour s'aventurer dans l'inconnu, ce monde rempli d'incertitude, peut vite devenir terrifiant. En tournant le dos à ma mère, j'ai sauté dans un océan de contingences. Désormais, tout m'échappe, je n'ai plus le moindre contrôle, la vie mène la danse et je dois suivre le rythme éreintant qu'elle m'impose. Je n'ai pas le goût du risque, pourtant j'ai foncé tête baissée sans penser une seule fois aux répercussions que pourrait avoir un tel choix.

Je suis une personne qui angoisse énormément, surtout ces derniers temps. Ma maison, bien que plongée dans une atmosphère toxique depuis plus d'un an maintenant, est mon havre de paix. Là-bas, je sais qu'aucun jugement ne peut m'atteindre et me blesser. Malia et Lucie sont adorables, mais les nombreux regards apitoyés qu'elles me lancent à longueur de journée quand elles pensent que j'ai le dos tourné commencent à me peser : je considère ma présence comme nuisible. Une tache noire dans leur tableau immaculé. La souillure dans leur monde parfait.

Je me demande où je vais aller, après. J'ai de l'argent de côté, suffisamment pour payer un appartement en ville, mais je ne sais pas où j'ai envie de m'installer. À proximité ou, au contraire, le plus loin possible ? J'ai vingt-cinq ans, et ce n'est que maintenant que je me sens prête à quitter le nid — enfin. Quitter l'univers étincelant qui m'a vue grandir m'a toujours effrayée. Au fond, que suis-je sans tous ces artifices ? sans mon nom de famille ? Rien. Et ça me faisait peur. J'étais terrifiée à l'idée de tout perdre à l'instant où j'allais décider de voler de mes propres ailes. Comme ça, d'un claquement de doigts.

Et maintenant ? Je n'en ai plus rien à faire.

La mort de mon père a sans doute été l'épreuve la plus difficile pour moi, mais aussi la plus épanouissante. Grâce à elle, j'ai enfin pu ouvrir les yeux et permettre à la lumière de percer les ténèbres qui m'entouraient. Il m'a offert son souffle, me permettant ainsi de quitter les profondeurs de l'océan pour respirer.

Il y a un côté assez ironique à cette histoire, cela dit. Sa mort m'a offert l'opportunité de commencer à vivre. À vivre vraiment. La douleur est toujours là, logée dans ma poitrine, mais j'ai l'impression que, au cours de cette semaine, elle a diminué. J'ai moins mal, comme si ces neuf petits jours où je me suis concentrée que sur moi-même ont ouvert une brèche suffisamment large pour laisser sortir toute ma souffrance.

— Est-ce que tu comptes t'arrêter à un moment ou à un autre ? Tu me donnes le tournis, à faire la girouette comme ça.

Je tourne la tête en direction de Lucie. Affalée sur son divan, une jambe repliée, la jeune femme m'observe à travers ses cils. Ses cheveux violets sont cachés sous un bonnet noir qu'elle voulait impérativement porter aujourd'hui pour « faire comme dans les films ». Je crois qu'entre nous trois, elle est la plus impatiente à se rendre chez ma mère. Elle n'y gagne strictement rien, sauf, peut-être, une ou deux piques d'adrénaline. Et je pense que c'est justement ce qu'elle recherche : à être électrisée.

Je ne connais pas beaucoup Lucie, elle reste évasive sur plusieurs points de sa vie, ce que je respecte. Elle semble tenir à ses secrets, et loin de moi l'envie de les lui arracher de force, malgré ma curiosité. Si elle souhaite se confier, j'espère qu'elle sait que je suis disponible pour lui prêter mes oreilles.

— Pardon, dis-je avec un sourire contrit. C'est le stress.

— Tu sais, quand j'étais au lycée, j'étais toujours angoissée. Ma prof de mathématiques me conseillait de coucher avec un garçon pour évacuer tout ça, tu vois ? (Je plisse des yeux, incertaine de comprendre où elle veut en venir. Elle me conseille de baiser avec quelqu'un, là ?) Et comme ma prof de maths était ma hippie de belle-mère que je détestais de tout mon cœur, j'ai décidé de suivre son conseil, mais à ma sauce.

Tout en parlant, Lucie se redresse pour être en position assise. Elle ramène ses genoux contre sa poitrine et incline la tête sur le côté.

Ses lèvres s'étirent en un sourire narquois alors qu'elle me raconte l'histoire la plus tirée par les cheveux que je n'ai jamais entendus de ma vie :

— Tu dois savoir que j'avais dix-sept ans à ce moment-là, en pleine crise existentielle. Je me cherchais encore, mais je savais déjà que je préférais les filles aux garçons. Ça, c'était clair comme de l'eau de roche. Du coup, quand elle m'a conseillée de coucher avec quelqu'un, j'ai jeté mon dévolu sur une nana. Mais pas n'importe laquelle. L'épouse de mon demi-frère.

Elle glousse en se remémorant ce souvenir.

Je cligne lentement des yeux.

Une fois.

Deux fois.

Plusieurs fois pour être certaine que je ne suis pas en train de rêver. J'ouvre la bouche pour poser des questions, mais me ravise au dernier moment. Je n'ai pas envie d'avoir des détails sur le pourquoi du comment. En levant une main pour l'agiter devant mon visage, je tourne les talons, abandonne Lucie et me rends dans la cuisine où je trouve une Malia captivée par son téléphone.

— Il manque quelques cases à ta copine, je crois, lui lancé-je en guise de salutation en me laissant tomber sur la chaise face à la sienne.

Malia lève un doigt pour me signifier d'attendre une seconde et termine d'écrire en vitesse un message, qu'elle envoie tout aussi vite. Elle semble nerveuse, je le vois à ses épaules tendues et à sa mâchoire crispée. Parfois, elle me jette de petits regards, se réintéresse à son téléphone, qu'elle finit par poser à plat sur la table après une minute.

— Tu ne m'apprends rien de nouveau, ricane-t-elle en lissant ses cheveux en arrière. Je suis curieuse : elle a fait quoi, cette fois ?

J'aime la manière dont elle articule le « cette fois ». Avec amusement, mais aussi lassitude. Un mélange étrange, mais intéressant. J'ai l'impression que Lucie agace Malia autant qu'elle la fait rire. Leur amour n'est pas anodin. Il est curieux, un poil bizarre et, surtout, incroyablement beau. Elles ont beau être aux antipodes l'une de l'autre — quand Malia souffle du froid, Lucie souffle du chaud — elles partagent les mêmes puissants sentiments.

Tout en répondant, je me lève pour aller chercher une bouteille d'eau dans le frigo :

— Pour faire bref, ta copine a couché avec l'épouse de son demi-frère pour faire chier sa hippie de belle-mère. Un truc du genre. Dans tous les cas, c'est bizarre.

Malia éclate de rire, le regard pétillant.

— Madame Lewis... Tu savais que Lucie et moi étions dans le même lycée ? Et que j'en pinçais pour elle alors qu'elle ignorait complètement mon existence ?

J'arque un sourcil, lui faisant comprendre que je n'en savais rien.

Mon amie sourit légèrement, aux prises avec ses doux souvenirs.

— Je te raconterai une prochaine fois, c'est une belle histoire, digne des romances à l'eau de rose que l'on trouve en librairie. Maintenant, on doit aller braquer une milliardaire !

Je grimace.

— On ne va pas la braquer. Seulement aller chercher les choses qui m'appartiennent.

Je débouche ma bouteille et prends une longue gorgée.

Malia se lève et, après avoir vérifié si elle n'avait pas reçu un nouveau message, se matérialise à mes côtés. Elle glisse un bras sous le mien, qu'elle enserre doucement.

— Mais on s'apprête à aller chercher ces choses à heure tardive et quand ta mère n'est pas là. Tu as beau vivre là-bas, ça reste sa maison. Si on se fait chopper par la police, je compte sur toi pour payer ma caution. J'ai à peine de quoi payer ce loyer.

Je lève les yeux au ciel et la rassure en lui disant qu'il n'y a aucune chance qu'on se fasse arrêter. C'est toujours chez moi, et j'ai les clés. Nous n'allons pas entrer par effraction, mais de manière tout à fait légale. Du moins, c'est ce dont j'essaye de me persuader tandis que Malia me tire jusqu'au salon. Lucie n'a pas bougé du canapé.

— Lève-toi, lui ordonne la blonde en l'effleurant du regard. On y va.

— Il était pas trop tôt ! s'exclame Lucie en se levant d'un bond, aussi surexcitée qu'un enfant la veille de Noël.

Je me surprends à me demander si c'est vraiment une bonne idée. Pas le fait de me rendre chez ma mère, mais autoriser Lucie à nous accompagner. Je ne m'inquiète pas pour Malia : elle sait bien se tenir. La gothique, quant à elle... Je soupire. Je n'ai qu'à prier pour qu'elle ne fasse rien de stupide — ce qui, je sais, sera compliqué. Dès qu'elle en a l'occasion, elle crée des problèmes.

Le trajet dure une vingtaine de minutes environ en marche. Les filles proposent d'y aller en voiture, mais je refuse d'un ton sec, qui les surprend. Je m'excuse en bredouillant avant de m'engager dans la rue sombre. C'est bête, j'en suis consciente. Un an et toujours incapable de prendre la route. Il y a quelque chose qui me bloque, un monstre au fond de moi qui rugit à chaque fois que je pose le regard sur un transport à quatre roues, me paralysant. Je n'arrive pas à empêcher le flux de souvenirs d'affluer dans mon esprit, venant le marquer au fer rouge. Cette nuit est ancrée en moi pour toujours, que je le veuille ou non. Cette phobie en est la preuve : j'ai beau aller de l'avant, il y aura toujours des cicatrices.

Mais certaines cicatrices ne peuvent-elles pas disparaître au fil du temps ?

Lucie et Malia marchent derrière moi, discutant avec entrain. Parfois, je me joins à elles, mais passe le plus clair du trajet dans ma tête, à réfléchir. Je suis toujours en train de ruminer quand nous arrivons à destination.

Toujours aussi majestueuse, ma maison se dresse fièrement dans la noirceur de la nuit avec son allée en gravier qui mène à un long escalier en pierre sombre. Des petites colonnes blanches supportent la véranda où sont posés deux canapés d'un gris cendre. Dessus, des cousins d'un rouge ardent, presque rubis, viennent ajouter un peu de couleur à cette palette assez terne. Si je me mets sur la pointe des pieds et tends un peu le cou, je peux entrevoir la lumière bleue — turquoise même — qui émane de la piscine, camouflée par les nombreuses plantes rares que ma mère s'amuse à collectionner pour je ne sais quelle raison.

Après avoir ouvert la grille qui protège la demeure des présences indésirables, j'enjoins mes amies à me suivre. Devant la porte, je relâche mon souffle, auparavant bloqué dans mes poumons. Je permets enfin à mon cœur de battre normalement. Terminés, les palpitations et les rythmes saccadés, incontrôlables. Je m'empare de la petite clé en argent glissée dans la poche arrière de mon jean et remarque que ma main tremble.

Beaucoup.

De nervosité ou d'impatience ? Aucune idée.

Je fais rouler la clé entre mes doigts, m'imprègne de sa froideur, puis l'insère dans la fente de la poignée. Le mécanisme s'enclenche, la porte se déverrouille. Je soupire. Maintenant, il est trop tard pour reculer. J'ouvre le battant de bois, m'engouffre dans la maison et débouche dans le vaste vestibule. Je tape deux fois dans mes mains pour ouvrir la lumière. Un éclat vif explose dans le hall, fait disparaître toutes les ombres qui s'y cachaient, sournoises. D'un geste machinal, je retire ma veste et la jette négligemment sur le porte-manteau, comme je l'ai déjà fait des milliers de fois auparavant.

Je me racle la gorge en me tournant vers mes amies.

— La maison semble vide, annoncé-je tout en me dirigeant vers le salon.

Je crois entendre un « Bien vu, Sherlock » de la part de Lucie qui me fait sourire. Je m'arrête à la hauteur de l'aquarium de mes poissons et un poids dont j'ignorais complètement l'existence jusqu'à maintenant quitte mes épaules lorsque je constate qu'ils sont encore vivants. Paisibles, ils nagent dans leur eau cristalline. Je vérifie tout de même que le distributeur de nourriture est plein. Sait-on jamais, ma mère aurait pu oublier leur existence.

Ceci fait, je commence à me frotter les mains. Au travail, maintenant. Je ne suis pas venue jusqu'ici pour me prélasser, mais pour réunir le plus de choses possible.

En passant devant la cuisine, j'entends Lucie s'extasier devant notre vaste collection d'alcools. Je ricane ; je me demande comment elle réagirait si je la menai dans la cave, là où on entrepose toutes nos bouteilles rares. Elle en ferait sûrement une crise cardiaque. C'est sur cette pensée légèrement morbide que j'arrive dans ma chambre, située trois étages plus haut. Une odeur de renfermé me saute au visage et je me dépêche d'ouvrir la fenêtre pour dissiper tous les effluves qui planent dans l'air. D'un coup d'œil, je comprends que ma mère n'est pas venue une seule fois depuis mon départ précipité : tout est exactement comme je l'avais laissé.

Je contourne un jean sale et fonce dans ma penderie, là où se trouvent tous mes sacs. J'attrape le plus gros et le jette sur mon lit. Je commence à le remplir de vêtements, de mes appareils électroniques et mes albums photos, ceux où sont renfermés autant mes bons souvenirs que les mauvais. Il se retrouve bientôt plein et ça me crève le cœur : il ne contient même pas la moitié de ce que j'avais prévu de prendre. Malheureusement, je ne peux pas me permettre de tout ramener. Je dois faire des choix, aussi douloureux cela soit-il. Alors je laisse derrière moi plusieurs bibelots, des cahiers et des habits, puis passe la sangle à mon épaule. Je flanche légèrement à cause du poids, mais recouvre rapidement mon équilibre.

Prochaine direction, le bureau de mon père. Je prends un autre sac, celui-ci plus petit, et me rend dans la pièce qui était autrefois son antre. Je ne réfléchis même pas en m'emparant de ses photos, de ses livres, de ses revues scientifiques préférées, de ses souvenirs, des derniers morceaux de son âme, tout ce qu'il chérissait de son vivant. Mes yeux me piquent, mais aucune larme ne veut couler, pas même lorsque, en ouvrant un tiroir, je tombe sur un petit ourson blanc qui tient contre sa petite poitrine duveteuse un cœur rouge où mon prénom en fil d'or est tissé. Mon cœur cogne un peu plus fort dans ma poitrine tandis que mes mains s'enroulent autour de la peluche.

Tellurique.

Un prénom un peu nul pour un ourson, j'en conviens, mais c'est ce qui le rendait si unique à mes yeux.

— Et voici Tellurique, Océane. Ton nouveau meilleur ami, m'avait annoncé mon père en me le tendant.

J'avais huit ans à l'époque. Je me rappelle avoir détesté cet ourson à l'instant où j'avais posé mon regard sur lui. Il était beau, là n'était pas le problème, mais il n'avait rien de spécial. Rien qui pouvait me distinguer des autres. C'était une peluche. Juste une peluche, du genre que l'on retrouve dans tous les magasins de jouets.

— Tellurique ? avais-je répété d'un ton dédaigneux. Pourquoi son nom est aussi moche, Papa ?

Mon père avait souri, mais j'avais vu que ma remarque l'avait légèrement déstabilisé.

— Sais-tu ce qu'est une tellurique ?

J'avais baissé les yeux.

— Non, c'est quoi ?

Papa s'était assis sur le canapé de son bureau et avait joyeusement tapoté la place libre à ses côtés. Je m'étais laissée tomber sur le divan et il m'avait fourré l'ourson dans les mains.

— Pour faire simple, ma chérie, une tellurique c'est une planète de taille moyenne dotée d'une surface solide et d'un noyau très, très chaud.

J'avais haussé un sourcil.

— Et cet ourson en peluche t'a fait penser à une planète ?

— Non, bien sûr que non. C'est la personne à qui cet ourson appartient désormais qui me fait penser à une planète.

Je m'étais renfrognée, vexée.

— Je te fais penser à une planète ? C'est pas gentil.

Il avait secoué la tête.

— Tu ne cherches jamais très loin, Océane. La logique est parfois dissimulée ou cachée derrière l'illogisme, mais elle est quand même là, à portée de main. Comme je te l'ai dit, une tellurique est une planète de taille moyenne avec une surface solide et un noyau chaud, n'est-ce pas ? (J'avais opiné du chef.) Eh bien, si l'on suit cette logique, la Terre est une tellurique, elle est même le prototype d'une tellurique. Et tu sais ce que la Terre a de particulier ? Elle contient la vie en son centre, un monde.

— D'accord... avais-je soufflé, incertaine de voir où il voulait en venir.

Il s'était alors emparé de mes mains, qu'il avait pressées délicatement.

— La Terre est donc un monde. Et toi, Océane, tu es mon monde à moi.

Étrangement, ce souvenir ne me fait pas pleurer. Au contraire, il m'arrache un gloussement, qui se mue rapidement en éclat de rire. Je secoue la tête, le corps secoué par mon hilarité, et serre Tellurique contre ma poitrine, un peu comme si je voulais qu'il se fonde en moi.

Mon rire finit par s'estomper, ne devient qu'un lointain souvenir. Ma prise sur Tellurique se fait moins ferme et mon regard se perd dans le vide. Je sens mes lèvres s'étirer en un doux souvenir, paisible. Pour la première fois, la tempête qui fait rage en moi se calme. La douleur dans ma poitrine s'estompe, elle aussi. J'ai beau chercher, je ne la trouve pas. Il ne reste que... de la paix. Une paix agréable, que j'accueille les bras ouverts.

Je lève la tête, braque mon regard sur le plafond. Si je me concentre un peu, je peux imaginer que c'est le ciel que je fixe en ce moment.

— Toi aussi, tu étais et es toujours mon monde. 

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