Chapitre 4

Flashback : 16 auparavant

Le directeur du foyer ouvre la porte bruyamment et aboie de sa voix rauque :

" Aller les morveux on se lève le petit-déjeuner est prêt ! "

Un râlement collectif se fait entendre et nous sortons de nos lits à contre cœur. Nous nous installons en file indienne et nous nous dirigeons dans le réfectoire.

 Je me pose sur la première chaise que je rencontre et j'attends que l'on nous donne le signal pour manger. 

Après que tout le monde soit installé, j'ai enfin la permission de déguster le petit-déjeuner qui s'offre à moi : du pain, du beurre, de la confiture et du jus d'orange. Je ne vais pas faire le difficile, cela me convient très bien ce menu. 

Mais maintenant que ça fait deux ans que je suis ici, je n'arrête pas de penser au fait que la confiture de fraise de maman était bien meilleure que celle industrielle que l'on nous sert au foyer. 

Tous les matins, avant de partir à l'école je prenais mon petit-déjeuner avec elle car papa était déjà parti tôt le matin pour ouvrir la banque. C'était le propriétaire de celle-ci. Maman y travaillait en tant que secrétaire et c'est là-bas qu'ils se sont rencontrés.

 C'est aussi là-bas qu'ils sont partis... 

Je me retrouvais donc seul avec ma chère mère, mais ça ne me dérangeait pas le moins du monde. Elle me préparait mes tartines avec sa confiture faite maison que j'aimais tant et elle me regardait manger, toute souriante. 

Le matin, elle ne prenait pas le temps d'avaler quelque chose, une bonne tasse de café lui suffisait amplement pour aller travailler. Elle me déposait à l'école primaire et filait par la suite à la banque. Puis à la fin de la journée, c'est elle qui venait me chercher, toujours impeccable, tiré à 4 épingles sans un cheveux qui dépasse.

 Ce qui moi me surprenait tout le temps vu qu'à la fin de la journée, j'étais tout le décoiffé avec les cheveux en bataille. On rentrait à la maison, elle m'aidait à faire mes devoirs puis elle cuisinait le repas du soir jusqu'à ce que mon père arrive. 

Nous passions un repas dans la bonne humeur et j'allais me coucher alors que mes parents regardaient un film à la télé. Je m'endormais avec en bruit de fond la télévision que j'entendais depuis ma chambre. 

Je m'imaginais le scénario qu'il se passait en fonction des bribes de conversations que j'interceptais. Puis le lendemain matin, j'exposai mes théories à mes parents et ils me rectifiaient quand j'avais faux et me félicitaient quand j'avais juste. 

Ils étaient toujours impressionné par mon imagination débordante. Ils avaient même fini par me surnommer le '' rêveur ''.

 J'adorais leur faire partager mes histoires, j'avais le sentiment d'être important à leurs yeux. Ils m'écoutaient avec une telle attention que j'avais l'impression d'être pris au sérieux. 

Ils m'encourageaient à les écrire sur le papier pour que je ne les oublie pas et que j'en garde une trace écrite. Pour leur faire plaisir, je le fis. Et quand c'était un de leur anniversaire, je leur offrais une histoire inédite avec des illustrations et tout la totale. 

Mes parents étaient tellement fières de moi à ce moment-là. Cela se voyait à la façon dont ils me regardaient : leurs yeux pétillaient de bonheur. 

Je me rappelle aussi le week-end quand je pouvais regarder le film avec eux car je n'avais pas l'école le lendemain. J'étais heureux de passé un moment en leur compagnie.

 Tous les samedis soirs que je passais en famille était un pur moment de bonheur pour moi. C'est un des souvenirs les plus marquants que je garde d'eux. Moi installé entre mes deux parents, on rigolait tous ensemble face à l'émission que l'on visionnait. 

Ce sont ces instants du quotient qui me restent en mémoire. Nostalgique, je me remémore cette époque où tout allait bien dans ma vie. 

Puis, voyant les pensionnaires quitter la cantine pour aller se préparer pour l'école ; je fais de même. Comme chaque jour, j'ôte mon pyjama bleu pâle pour un t-shirt noir et un jogging gris simple. Ensuite, direction la salle de bain pour le brossage de temps.

 Après l'étape " toilette " on nous réunit par secteur d'établissement scolaire et on nous emmène à nos écoles primaires respectives. 

Je retrouve alors la cours de récré ainsi que tous les enfants qui ont l'air heureux et insouciants. Je rejoins mes amis qui sont dans ma classe et c'est à partir de ce moment là que je me permet de tout oublier.

 Pendant que je suis à l'école, cela me permet de faire le vide dans ma tête. C'est une sorte de bulle protectrice, quand je rentre en passant par le portail, je suis persuadé que rien ne peut m'arriver. 

Je n'ai qu'un objectif en venant ici : penser à autre chose que la mort de mes parents. 

J'ai perdu mon côté rêveur quand ils sont partis pour un monde meilleur. Pourquoi continué d'espérer et de croire en ses rêves s'ils n'en font plus partie ? Pourquoi continué d'inventer des histoires si ce n'est plus pour leur raconter ?

 Même si je semble avoir repris la vie normal, je vais à l'école, j'ai des notes convenables, j'ai des amis... Même si on a l'impression que rien n'a changé, ce n'est qu'une illusion. 

Tout a changé et c'est bien le problème. 

Moi-même j'ai changé même si personne ne rend compte. Je préfère le cacher, ne pas le dévoiler. Je commence intérieurement à en avoir marre de ma situation. 

Je sais qu'à un moment où à un autre je vais exploser. Je sens que je vais faire quelque chose qui va me dépasser, quelque chose de stupide.

 Et à ce moment là, personne ne sera là pour m'en empêcher. J'en ai ras le bol que tout le monde fasse comme si de rien n'était. 

Mes parents sont morts !

 Ce n'est plus eux qui viennent me chercher à l'école mais des inconnus. Ce n'est plus eux qui s'occupent de moi mais des étrangers.

 L'école est le seul endroit où je me sens en paix avec moi-même. Pendant ces quelques heures de tranquillité, je m'amuse avec mes copains en jouant au foot, je rigole... 

Je laisse de côté toute la tristesse et la souffrance qui me consument pour passer un bon moment et essayer de profiter de la vie.

 Cependant, une fois 16 heures passé, ma bulle de bonheur s'éclate et me revoilà dans le monde réel. Le monde où je suis censé vivre alors que j'en ai pas le moindre envie. 

Pourquoi vivre alors que toutes les raisons qui nous poussaient à vivre ont disparu ? 

Je me force à agir normalement, à ne pas laisser mes sentiments se liguer contre moi et craquer. Je joue la comédie en faisant semblant que tout va bien dans le meilleur du monde. Aux yeux de tous, je suis guéri. 

Mais c'est tout le contraire, chaque jour qui passe en leurs absence m'affaiblit. Je ne sais pas combien de temps je vais tenir dans cet état-là.

 À un moment où à un autre je vais finir par m'écrouler, sans parvenir à me relever. Je pensais avoir touché le fond mais le pire n'est pas encore passé. Et je ne sais pas si un jour le pire passera. 

J'ai l'impression que cette immense douleur sera toujours présente dans ma poitrine. Comme s'il était impossible de l'enlever et que j'étais condamné à souffrir à jamais. 

Je sais que je ne suis pas le seul dans ce cas là, tous les pensionnaires du foyer pourront le confirmer. Mais contrairement à eux, j'ai du mal à accepter ce mode de vie. Ils obéissent sans broncher en pensant que c'est le meilleur moyen de survivre. 

Mais pour moi le meilleur moyen de s'en sortir c'est de partir loin d'ici et d'être libre. Enfermé entre ces murs, je me sens compressé, comme si on m'appuyait fort sur la cage thoracique et qu'on voulait m'empêcher de respirer. 

À un moment je vais étouffer et ce sera la bascule vers ma nouvelle vie. Une vie où il n'y a pas de règles à respecter, où je suis libre de faire ce que je veux quand je veux. Je vais trouver un moyen de sortir de cet endroit et de ne plus jamais y remettre les pieds. 

Je m'en fait la promesse. 

***

Voilà le 4ème chapitre !

Alors, cela vous donne envie de savoir la suite ? 

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