Je ne pouvais révéler à Sacha que ma mère avait trahi la promesse de ne rien dire. Je décidai donc de tout garder pour moi et de mettre d'autant plus d'ardeur à montrer à mon compagnon combien je le désirais à mes côtés. Il avait déjà suffisamment de problèmes sans avoir à s'inquiéter en plus de la solidité de mon amour. Au risque de paraître lourd, je me mis à lui chuchoter des mots doux, à lui serrer la main ou lui caresser la joue dès que l'occasion se présentait.
Le soir même de la discussion avec ma mère, je fis courir sur son flanc une main légère. Comme il était allongé sur le côté et me tournait le dos, je n'eus aucun mal à lui effleurer les fesses. Il se montra assez réceptif et, au moment où je me rapprochais avec l'idée de lui glisser des baisers dans le cou, il se retourna pour attraper ma bouche sur laquelle ses lèvres fondirent. En un éclair la peur passa dans mon esprit qu'il ne soit aussi conciliant que pour des « mauvaises raisons », comme je l'avais craint une fois. « Je l'ai fait parce que j'en avais envie ! », m'avait-il opposé, et ce souvenir balaya mes soupçons présents comme il avait balayé ceux du passé. Ses bras s'enroulèrent autour de moi pour m'empêcher de m'éloigner, alors ce fut une autre image qui me revint en mémoire, une scène encore antérieure, quand il avait redouté, après une engueulade, que je l'abandonne à son sort. Aussitôt, l'envie de l'étreindre redoubla. L'envie que la nuit entre par tous les interstices, qu'elle dévore l'espace alentour et qu'il ne reste plus, à la fin, que nous, que lui, que le déploiement de son corps merveilleux, avec juste un morceau de lit pour que je puisse l'y embrasser. Sa respiration devenait plus sonore, sa langue délaissa la mienne comme il ouvrait plus grand la bouche pour chercher de l'air. Forcé de me reculer, je fus surpris de la soif qui se lisait sur son visage. Ses pupilles n'étaient voilées d'aucune ivresse, elles me fixaient sans vaciller : il savait parfaitement ce qu'il voulait. Du même coup, je pris conscience de l'intensité de mon désir. Mon entre-jambe était déjà à moitié dressée et elle continuait de s'échauffer. Pour ne rien arranger, Sacha plaqua sa main par-dessus le tissu de mon sous-vêtement. J'étais perdu. Mes pensées se mirent promptement à fouiller la chambre. Ah oui, c'était ça...
- Pourquoi tu t'arrêtes ? chuchota Sacha.
- Après ce que t'as foutu, je peux pas m'empêcher de penser à ma mère. Est-ce que tu as vraiment... ?
- Mais non, Martin, soupira mon chéri sans pouvoir dissimuler le rire que lui inspirait sa farce. J'avais de l'argent sur moi, je suis passé à une autre caisse, elle a même pas vu que j'achetais quelque chose, alors à moins de considérer que ce fric était à tes parents avant d'être à toi et de finir entre mes mains...
Je le fis taire d'un baiser. J'avais ma réponse. Mes préoccupations évaporées, mon corps se défit de ses raideurs. Sacha m'avait ôté mon haut, il happait entre ses lèvres l'un ou l'autre de mes tétons. Je m'allongeai sur lui, pressé de le soumettre aux mêmes caresses.
Mais je dus rapidement m'interrompre pour le faire taire une nouvelle fois. Il plaqua ses deux mains sur sa bouche, me privant de ses baisers. J'en fus décontenancé, mais repris mon affaire qui ne fut pas seule à se remettre en route. A présent, les gémissements avaient l'air de venir d'une grotte souterraine ; ils n'en résonnaient pas moins. Sacha ne pouvait se réfréner. Il ne simulait pas ses simulations.
- Ne fais pas de bruit, le suppliai-je.
Des pas se firent justement entendre dans le couloir. L'un de mes parents devait s'être levé pour aller aux toilettes. Je n'osai plus esquisser le moindre geste, Sacha coupa de même sa respiration. Il nous semblait que même le froissement régulier des draps pouvait nous trahir. Nous étions comme suspendus dans le temps et l'espace, avec entre nous de cruels élancements qui partaient de sous mon nombril.
Inutile de préciser que nous eûmes trop peu de courage pour tester nos talents de ninjas. Je dus me rabattre sur les baisers torrides. Mais alors l'un d'eux fut le départ d'une sale histoire de voisinage. En rentrant d'une promenade, je retins Sacha devant la porte et l'embrassai une dernière fois avant d'avoir ma mère dans les parages. Il se trouva qu'un témoin nous observait depuis un trou de la haie. Un peu plus tard, alors que j'allais chercher le courrier, un « psst » provenant de ce même trou me fit dresser l'oreille. La voisine voulait entendre de ma bouche ce que visiblement elle avait fort bien compris, à savoir que l'autre garçon et moi étions en couple. Satisfaite, elle me répondit que ce n'était qu'une phase, comme si son avis m'était indispensable. En rentrant, je trouvais ma mère occupée à empaqueter des moules à gâteaux et j'appris qu'une après-midi pâtisserie était prévue le lendemain, samedi, chez ma nouvelle ennemie. Devant mon air maussade, ma mère m'interrogea. Or, ayant pris connaissance du détail de l'affaire, elle m'envoya promener, me disant que je me vexais pour rien et qu'il n'y avait qu'à ne pas y prêter attention. Aussi fus-je bien surpris le lendemain, de retour d'une autre promenade, de la trouver toujours à la maison. Je lui demandai si j'avais mal compris et si elle n'était pas censée être chez la voisine.
- J'en viens ! gronda-t-elle.
L'horrible commère lui avait fait part de ses impressions sur Sacha, impressions qu'elle ne pouvait répéter mais qui lui avaient été si désagréables qu'elle avait claqué la porte en se promettant de ne plus jamais mettre les pieds là-bas.
Ce petit discours était un des signes de ce qui s'était passé entre ma mère et Sacha au magasin. Depuis ce jour, elle était aux petits soins avec mon chéri, c'est-à-dire plus encore qu'avant, au grand dam de Sacha qui, gêné de lui avoir tant révélé de sa personne, faisait de son mieux pour se soustraire à ses attentions. Il s'était d'ailleurs échappé à l'étage dès qu'il avait aperçu ma mère dans la cuisine. Ces débordements d'affection n'agaçaient pas que lui : mon père regardait ce spectacle d'un œil réprobateur. Quand ma mère eut fini de se plaindre, il plia bruyamment son journal et demanda, depuis le canapé où il était assis, si ça valait bien la peine de se fâcher pour ça avec tout le quartier ?
Ainsi passèrent les jours, dans une curieuse atmosphère, puis Astrid débarqua avec toute sa petite famille.
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