- Dix-huit ans -

Après le chapitre 50 



Lundi 3 mars 2025, Down-Town, Modros, Californie, États-Unis d'Amérique.



Pour célébrer son anniversaire, ils avaient investi la moitié d'une petite brasserie du centre-ville. Déjà embarrassé par l'idée de fêter sa majorité avec autant de monde, Jeremy s'était ratatiné en comprenant qu'on lui avait réservé la place en tête de table.

Il devait reconnaître que la vision d'ensemble que cela lui octroyait sur la tablée n'était pas désagréable. Respectivement à sa gauche et à sa droite, Maria et Thalia s'interrogeaient sur les meilleurs plats de la carte. Venaient ensuite Ethan et Mike, le premier constamment interrompu par les boulettes de pain que projetait le deuxième dans son assiette. À côté de son père, Grace échangeait avec Myrina. Elle alternait entre la mère de Jason, Jason lui-même et Dimitri, installé à sa droite. Aussi indolent que d'habitude, Alex murmurait des messes basses à Ryusuke, non sans zieuter en direction de Jim. À chaque croisement de regard, Alex lui adressait une mimique narquoise.

Et, à l'autre bout de la table, Rebecca. Aussi à l'aise que lui en société, à en croire les mèches nerveuses qu'elle enroulait autour de ses doigts. Jim lui jeta une œillade compatissante, à laquelle elle répondit par un sourire complice. Ce repas ne pouvait que leur rappeler les réunions des Sybaris qu'ils avaient affrontées côte à côte pendant un an et demi. Au moins célébraient-ils quelque chose ce soir, et non pas une nouvelle stratégie pour mieux conquérir la direction de la Ghost Society.


Un serveur intimidé par le nombre de convives commença par prendre les boissons. Après avoir fait les yeux doux à ses parents, Jeremy commanda un verre de punch. Une fois chaque demande notée, Thalia se pencha vers son frère :

— Tu me feras goûter ?

Comme une grimace outrée fleurissait sur le visage de Jim, sa sœur roula des yeux et lui écrasa le pied.

— T'avais quinze ans quand papa t'a fait goûter de la bière. On commence tous quelque part.

— T'as même pas encore quatorze ans ! s'indigna Jeremy en retour. Et laisse tomber la bière, c'est dégueux de toute façon.

— Parle pour toi, roucoula Maria en s'accoudant à la table. De toute façon, je vous ai à l'œil tous les deux. Jem, c'est un verre, pas plus. Thallie, tu pourras tremper les lèvres, mais c'est tout. (Comme Mike tournait la tête vers elle, des étincelles dans ses yeux argentés, elle le devança :) Michael Lohan, c'est même pas en rêve. Tu convertiras pas mes enfants en monstres de débauche.

— Je voulais juste dire que le gaspacho a l'air délicieux, s'offusqua l'intéressé en dépliant la carte du restaurant.

— Il n'y a pas de gaspacho au menu, lui signala Ethan sans même lever les yeux de la brochure.

Mike fit la moue, mais personne ne lui prêta vraiment attention. Jeremy finit par éprouver un soupçon de culpabilité, lui demanda :

— Eh, Mike, tu vas prendre quoi ? Tu me feras goûter ?

Comme son parrain portait un regard blasé dans sa direction, Jim lui rendit une moue perplexe. Au vu des circonstances, il aurait dû être en train de brailler sur la joie que lui procurait cette tablée et à quel point il aurait la gueule de bois le lendemain.

— Pour quelqu'un qui porte mon prénom, je trouve très irritant que tu n'aimes pas la bière.

Son ton condescendant tira un sourire à Jim. Le jeune homme carra les épaules en affrontant son parrain du regard.

— De un, c'est mon deuxième prénom. De deux, la bière c'est de la pisse de chat macérée.

— Espèce d'insolent, siffla Mike en dressant un index menaçant. Je te préviens, c'est pas parce que t'es majeur que tu restes pas un immense bébé qui doit m'écouter en toutes circonstances.

Comme Jeremy levait les yeux au ciel, Mike se serra la poitrine avec une grimace de douleur. En face de lui, Ethan dressa le nez de sa carte, haussa un sourcil.

— Mike, qui c'est l'immense bébé, là ?

— Moi évidemment, je suis le plus grand.

Avec un sourire las qui portait trente ans d'amitié, Ethan continua sa lecture du menu. Maria lui serra le bras dans un geste compatissant avant de retourner à ses enfants.

— Par rapport à ton cadeau d'anniversaire... Tu nous as demandé des sous pour un projet, mais tu veux pas nous en dire plus ? souffla-t-elle à son fils d'un air curieux.

— Pas tout de suite. (Comme Thalia lui adressait un regard tout aussi désarmant, il se passa une main sur le visage.) Promis, maman, je vous en parlerai. Y'a que Ryu qui est au courant... Mais je dois y réfléchir et me renseigner pour certaines choses.

— Tu lui as dit et pas à moi ? grommela sa sœur en croisant les bras.

Avec un sourire contrit, Jeremy lui ébouriffa la frange. Thalia protesta aussitôt et Maria dut intervenir avant que ses enfants se vident mutuellement leurs verres d'eau au visage.


Au milieu du repas, Jim reçut un message d'Ivana. Sa copine n'avait pas pu venir ce soir, occupée par une activité extrascolaire prévue depuis des mois. D'autres personnes de son entourage étaient absentes, mais Jim ne s'en était pas formalisé. Archer assurait le service du soir au Farfalla avec Antonio. Sa grand-mère était partie en Italie une semaine plus tôt pour rendre visite à de la famille éloignée. Quant à Ellis, il lui avait écrit un mail pendant le week-end pour lui expliquer que son épouse était tombée malade et qu'il avait préféré annuler ses billets d'avion. Ils auraient tous l'occasion de se voir à un autre moment.

Comme Jeremy tapait une réponse à Iva, une notification se déroula en haut de son écran. Un message de Rebecca.

« Je dois prendre l'air, tu veux venir ? »

Il redressa le cou pour lui répondre d'un hochement de tête, d'un bout à l'autre de la table. Jim patienta jusqu'à ce que sa cousine s'excuse poliment auprès de Ryusuke puis se leva à son tour.

— Je reviens, murmura-t-il à l'adresse de sa mère avant qu'elle ne lui pose la question.

Dans le sillage de sa cousine, Jeremy louvoya entre les tables occupées par d'autres clients, esquiva un serveur chargé d'un généreux plateau de boissons. En passant sous une arche en bois, il perçut la chaleur émise par les halogènes qui éclairaient un mur en pierres apparentes au fond de la brasserie.

Rebecca s'était faufilée jusqu'à une porte de secours qui donnait sur la rue à l'arrière du restaurant. Jeremy se glissa par l'ouverture sur la pointe des pieds, incertain de son droit à se trouver ici. La nuit avait enveloppé Modros de sa fraîcheur et de son velours d'un gris infini. De vieilles caisses en plastique aux marques à demi effacées étaient calées contre le mur de la brasserie. Un cendrier traînait sur un rebord de fenêtre. Le repère des serveurs et des cuisiniers en pause.

Avec un soupir de contentement à retrouver un peu d'air, Jim se cala contre le mur. Sa cousine, assise sur l'une des caisses, les mains dans les poches de sa veste en jean, lui adressa un rictus.

— Ça fait du bien de sortir un peu.

— Ouais. (Comme Rebecca prenait une grande inspiration, les paupières closes, Jeremy souffla :) Comment ça va vraiment, Becca ?

Sa cousine expira, rouvrit les paupières. L'ambre de ses iris accrochait la lueur des lampadaires de la rue à quelques mètres. Ses lèvres s'ourlèrent d'un sourire d'ombres et de moquerie.

— On fait aller. Je t'apprends rien, côtoyer les Sybaris, c'est côtoyer le désert et la banquise. Un coup, ils sont solaires, heureux d'être ensemble et, le jour d'après, ils s'ignorent ou se disputent. J'ai rarement vu une famille aussi unie autour de la discorde.

Jim ricana malgré lui. La tête tournée vers l'avenue principale d'où leur provenaient des ronronnements de moteurs et des éclats de voix, Rebecca ajouta :

— Dans tout ce bazar... les choses se sont un peu apaisées avec mon père. Je crois que ça nous a fait du bien à tous les deux que je devienne Fantôme. Il voit que je me débrouille bien, comme il s'y attendait. Et je trouve mon compte dans l'indépendance que j'ai gagnée.

— Parce qu'il s'imaginait que tu pourrais pas réussir ? grinça Jim avec une grimace cynique.

Rebecca haussa les épaules avant de pousser un caillou de la pointe de sa bottine.

— Il a toujours eu confiance en moi, mais je pense qu'il pouvait pas s'empêcher d'imaginer le pire. Surtout après ce qui est arrivé à ma mère.

Comme une ombre interdite tombait sur le visage de son cousin, la jeune femme enchaîna aussitôt :

— Et puis, mine de rien, ton départ brutal l'a pas mal secoué. Il avait de vrais projets pour toi. Il a dû reconsidérer les choses, accepter que je serais forcément sur le terrain un paquet d'années avant d'accéder à des postes de management.

Même si Jeremy s'était douté que sa fuite avait déstabilisé les plans de son oncle, il n'aurait pas cru qu'Edward s'en retrouve autant impacté.

— C'est à toi plus qu'à lui que j'ai fait du tort en partant, grommela-t-il en croisant les bras.

— Tu as raison, mais... pas complètement non plus. (Devant la moue perplexe de son cousin, Rebecca esquissa un demi-sourire.) Il a vraiment monté son plan dans un objectif initial d'assurer mes arrières et de m'éviter une carrière de terrain où je risquerais ma vie comme ma mère. Mais... tu es resté un an et demi, Jem. C'est pas rien. Je pense que t'avais fini par creuser ton trou dans son cœur.

De surprise, Jeremy en laissa retomber les bras. Il dévisagea sa cousine à la recherche d'une lueur de moquerie, mais les traits de Rebecca étaient aussi mortellement sérieux que d'habitude.

— Il... il s'en foutait de moi, Becca. Je veux dire, en tant que membre de sa famille. J'étais juste son pion, même si je sais qu'il a fait ça pour te protéger et pour améliorer ta carrière.

À ces mots, les traits de Jim se pincèrent un peu plus.

— M'enfin, il aurait fallu commencer par te demander ce que tu voulais vraiment.

Rebecca rit tout bas, sortit les mains de ses poches pour les frotter l'une contre l'autre.

— Il a tellement été paumé toute sa vie que je pense pas qu'il se soit rendu compte qu'il prenait le contrôle de la mienne.

— Tu m'étonnes, grogna Jeremy en faisant la moue. C'est pas pour rien que mon père a coupé les ponts avec lui. Mais bon, au moins, il a compris maintenant.

Comme sa cousine hochait la tête d'un air machinal, Jim s'agita nerveusement. Le verre de punch remuait dans son estomac.

— Mais... tu le penses vraiment ? Ce que tu as dit sur sa façon de me voir ?

— Je le pense vraiment, oui, affirma Rebecca en plantant son regard implacable dans le sien. Au début, t'étais qu'un fardeau pour nous tous. Tu connaissais pas les codes de notre famille, tu parlais à peine notre langue. Puis tu t'es adapté, Myrina t'a pris sous son aile et moi aussi... En un an et demi, on a tous appris à se connaître. Ça m'étonnerait franchement que mon père soit resté de marbre tout ce temps.

— Il a jamais rien montré, pourtant, marmotta Jeremy, le nez tourné vers l'avenue au loin. Il me parlait à peine, sauf à propos des cours et de ses objectifs. Pour quelqu'un qui était censé être mon père, il est resté super distant.

Le brouhaha du restaurant et le ronronnement constant de la ville lui répondirent. Face au silence de sa cousine, Jim se tassa. Il n'avait pas voulu paraître amer et immature. C'étaient pourtant des questionnements qu'il avait nourris lors de son séjour à la Ghost Society. Des incertitudes qui l'avaient accompagné pendant des mois après son départ.

— Tu as vraiment aucune idée ? finit par souffler Rebecca en glissant le menton dans sa main.

— À part qu'il est pas très doué pour les relations humaines ?

— Il est plus subtil que tu le crois.

— Pour être subtil, ça c'est clair, grogna Jeremy, la gorge bizarrement nouée. Pas un mot sympa pour moi en plus d'un an. Juste ses félicitations quand mes notes augmentaient.

— C'est déjà vraiment bien, le nargua Rebecca avant de soupirer. Jeremy, mon père a voulu rester à sa place vis-à-vis de toi.

Agacé par la remarque, l'adolescent se décolla du mur. Comme il avait laissé sa veste à l'intérieur, la chair de poule avait envahi ses avant-bras dénudés.

— Sa place ? Elias Sybaris, c'était censé être son fils. Je sais que ton père est loin d'être un bisounours, mais il a fait vraiment aucun effort pour nouer un lien avec moi.

— C'est ce que tu voulais, au fond ?

Il y avait une sincère curiosité dans la voix de Rebecca. Malgré le froid qui tombait dans la ruelle, une chaleur pleine d'embarras s'empara du visage de Jim.

— Je voulais pas qu'il s'imagine que je lui pardonnais, expliqua-t-il d'un ton bougon. Mais... j'aurais aimé... qu'il soit pas aussi distant. À part toi et Myrina, y'avait pas grand-monde pour me parler.

— Tu sais, mon père est une contradiction vivante. Il a voulu faire de toi son fils, tout en sachant que tu étais son neveu, rien de plus. (Comme Jeremy serrait les dents, Rebecca se leva et se planta sous son nez.) C'est par respect pour tes liens avec ta famille, avec tes parents, qu'il n'a pas cherché à construire quelque chose avec toi. Je suis persuadée qu'il s'est attaché, mais qu'il n'a rien voulu développer. Tu restais le fils de son frère, quoi qu'il en dise.

— C'est tordu.

Un rictus plissa les lèvres de Rebecca. Avec souplesse, elle se glissa à côté de lui contre le mur.

— Ouais, c'est les Sybaris.

Avec un soupir, Jeremy s'adossa de nouveau. Les effluves du restaurant leur arrivaient en pleine face. Nourriture frite, viandes marinées et légumes épicés se mêlaient dans une danse de saveurs.

Les cousins restèrent silencieux jusqu'à une silhouette passe par l'interstice de la porte de secours. Thalia avait enfilé son cardigan à gros pois pour sortir.

— Ça va ?

L'adolescente considéra tour à tour son frère et sa cousine, unis dans un silence pensif et morose.

— On discutait de la famille, expliqua Jim avec un sourire contrit.

Les yeux verts de Thalia perdirent de leur pétillant. Elle serra les pans de son cardigan comme pour se protéger de ce sujet épineux.

— C'est parce qu'on a vu Edward ?

— En partie.

Une moue peinée creusa le visage de Thalia. Rebecca se décolla du mur en premier.

— Désolée, Thalia, je t'ai piqué ton frère pour dire des choses pas très drôles. Mais je te le rends.

L'adolescente ouvrit la bouche pour la rassurer, mais aucun mot ne se forma sur sa langue. Elle aurait menti en affirmant que la départ de table de Jeremy depuis plusieurs minutes ne l'avait pas frustrée.

— Vous battez pas pour moi, soupira Jim en passant un bras autour des épaules de sa sœur. Je te suis, Thallie.

Rebecca les devança à l'intérieur. Avant que Jeremy passe la jambe par la porte de secours, Thalia le retint par le bras. Son regard béait d'inquiétude.

— Ça t'a perturbé de revoir Edward ? Et Rebecca ?

— Oui et oui, avoua Jeremy dans un soupir. Mais t'en fais pas, mon p'tit clown. On en a discuté avec Becca. Et puis, Edward est pas là ce soir. Alors on l'oublie et on fête mon anniversaire comme il se doit, OK ?

Lèvres pincées, Thalia relâcha son frère. Quand serait-elle acceptée au sein des discussions sérieuses de sa propre famille ?

— Thalia ?

Jim lui tenait la porte. Thalia lui jeta un regard peu amène avant de croiser les bras et de planter les talons dans le goudron abîmé de la ruelle.

— T'as le droit de discuter de notre oncle avec moi aussi, Jim. Je te rappelle qu'il nous a gardées enfermées pendant un mois, avec maman. Et j'ai plus neuf ans.

À la façon dont les yeux de son frère se voilèrent, Thalia comprit le poids de ses derniers mots. Un sourire mi-fier mi-triste lui étira les lèvres.

— Je sais, Thallie. Je veux juste t'épargner ces conneries familiales.

— J'y serais confrontée un jour, rétorqua l'adolescente sans sourciller. Même papa se confie plus à moi maintenant. Il m'a dit ce qu'Alexia Sybaris lui a fait subir quand il était petit.

Face à l'expression heurtée de Jim, Thalia s'agrippa nerveusement les mains.

— Je commence à comprendre sa relation avec notre oncle. Mais je comprends pas vraiment celle que tu as avec lui. Et même avec Rebecca ou Myrina, je... je vois bien qu'elles sont sympa, mais... Je voudrais juste faire partie de ça, moi aussi.

Ses yeux la démangèrent alors qu'elle soufflait ces paroles. Son sentiment d'exclusion des sujets capitaux ne datait pas d'aujourd'hui. Être la cadette de sa famille l'avait auréolée de plus de tendresse et d'insouciance, tout en l'entravant dans l'appropriation des difficultés de sa propre famille.

— On... on veut pas t'exclure, tu sais, s'étrangla Jeremy en bafouillant à moitié. C'est juste que... tout te revient pas, Thallie. T'as pas à porter ce poids familial.

— Toi non plus, répliqua-t-elle de but en blanc. Alors laisse-moi porter avec toi, Jimmy.

Cette fois, c'est dans les yeux de Jeremy que se présentèrent les larmes. Thalia déverrouilla ses appuis pour s'engouffrer par la porte de secours et, au-delà, dans les bras de son frère. Il lui coupa à moitié le souffle en l'étreignant, inconscient de la force que cinq ans d'entraînement lui avaient conférée. Thalia enfonça les doigts dans ses épaules pour se hisser à moitié à son cou et réduire la pression. Même si c'était douloureux, elle voulait inscrire cette sensation au plus profond de ses os. Ils partageaient leur sang, leur nom et pas assez de cet héritage familial. Même s'il était toxique, maudit, Thalia désirait plus que tout s'aligner avec son frère pour en récupérer le poids.

Ils ne se lâchèrent que lorsque la voix de Maria s'éleva dans le couloir :

— Il y a un problème ?

Comme ils tournaient des visages baignés de larmes – soulagement, amertume, réconciliation – vers elle, Maria se précipita à leur hauteur. Elle manqua trébucher sur ses escarpins, peu habituée à en porter, puis se stabilisa grâce aux mains que lui avaient tendu ses enfants.

— Mes chéris, qu'est-ce qu'il y a ?

Elle avait agrippé l'épaule de son fils d'un côté et passé ses doigts à l'arrière du crâne de Thalia de l'autre. Même si Jim la dépassait depuis plusieurs années déjà – et que sa fille ne tarderait pas à le rejoindre – Maria les serra contre elle.

— Ça va, maman, lui assura Thalia en acceptant le bras de sa mère dans son dos. C'est juste que... c'est beaucoup d'un seul coup.

— Beaucoup d'émotions ?

Comme Thalia acquiesçait, Maria leva les yeux vers son fils. Jeremy avait gardé les paupières closes pour juguler ses larmes. Elle passa une main sur sa joue, essuya les vestiges de sa peine.

Ils s'étaient à peine démêlés les uns des autres qu'Ethan les retrouva dans le couloir. À leur vue, l'appréhension palpable sur son visage fondit. Comme ses pieds hésitaient, malgré ce que criaient ses yeux, Maria l'invita à les rejoindre d'un geste de la main.

— J'invoque mon véto, lâcha Maria en serrant les doigts d'Ethan dans les siens. C'est câlin général.

Tandis que Jim soupirait en souriant, Thalia se blottit contre ses parents. Maria saisit son fils par l'épaule pour qu'il l'étreigne en retour. Jeremy grommela des paroles inintelligibles alors qu'il se retrouvait coincé par le bras de son père.

— Joyeux anniversaire, mon grand, murmura Ethan comme la tête de son fils reposait près de son épaule. Promis, maintenant que t'es adulte, on te laissera tranquille avec ça.

— Eh, protesta Maria en enfonçant un doigt dans le flanc de son compagnon, je m'engage pas dans cette promesse. Jim, que tu aies huit, dix-huit ou quarante-huit ans, tu seras toujours mon bébé.

— Sauvez-moi, geignit Jeremy en libérant l'un de ses bras pour se saisir le front.

Sa sœur s'esclaffa et ses parents sourirent d'un air contrit, mais aucun d'entre eux ne fit mine de casser l'embrassade. Ce furent les appels répétés de Mike depuis l'autre bout de la brasserie qui les séparèrent. Maria embrassa ses enfants une dernière fois, déposa un baiser au coin des lèvres d'Ethan puis se dirigea vers la salle de restauration.

Sur le chemin jusqu'à la grande tablée qu'ils occupaient près des baies vitrées, Jim échangea un regard complice avec sa sœur. Les étreintes successives avaient malmené sa coiffure. D'un geste qui évoquait quatorze ans de chamailleries et d'affection, il termina de lui ébouriffer les cheveux.

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