- Chapitre 8 -

Samedi 28 mai 2022, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d'Amérique.



La salle 203 était fermée. Jeremy vérifia l'heure sur son téléphone, de nouveau le numéro de porte puis soupira. L'examen devait commencer dans quinze minutes. Pourtant, il était seul dans le couloir.

Deux minutes plus tard, il jura entre ses dents, fit glisser son sac-à-dos et en sortit la convocation papier que l'École lui avait envoyée une semaine plus tôt. La boule logée entre ses poumons cessa de palpiter en constatant qu'il était au bon endroit à la bonne heure.

— J'espère que je me suis pas levé un samedi à huit heures pour rien, grogna-t-il en refermant son sac.

En se redressant, il avisa une adolescente qui remontait dans sa direction. Elle ralentit à sa hauteur, indiqua la porte d'un coup de menton et demanda :

— C'est ici, pour l'exam d'entrée en 5ème année ?

— Yep. Mais le prof qui doit nous surveiller est en retard.

Elle grommela dans sa barbe avant de s'appuyer contre le mur en face de Jim. Comme elle le jaugeait en silence, il lui adressa un rictus pincé.

— Tu viens d'où ?

— Du coin, répondit-elle d'une voix évasive.

— T'as raté la première session ?

— Non, j'ai envoyé mon dossier pour être Boursière, mais j'ai été refusée. Je viens tenter une deuxième chance avec les exams écrits.

— Oh, OK. (Jim comprit au coup de menton qu'elle donna dans sa direction qu'elle lui renvoyait l'interrogation.) Euh, je suis une Recrue à la base. Mais comme j'ai quitté l'École pendant un moment, je dois repasser des épreuves. Et j'étais pas encore à Modros pour la première session. Donc me voilà maintenant.

— Une Recrue ? C'est quoi ce délire ?

Jeremy pinça brièvement les lèvres.

— Désolé, c'est un truc spécial de cette école. En gros, j'ai été repéré et recruté par un agent de la A.A. Et grâce à ça, j'ai eu le droit de rentrer à l'École sans frais scolaires. Et j'ai pas passé d'exams la première fois non plus.

— Cool. Plus simple que le système des Boursiers.

— J'imagine. Je serais jamais rentré autrement. J'avais un dossier vraiment pourri.

L'adolescente à la peau d'un brun doux étira les lèvres en sourire amusé.

— Comme quoi, le mérite fait pas tout. (Elle décolla l'épaule du mur pour lui tendre la main.) Tess.

— Jeremy.

Maintenant qu'il n'était plus obligé de s'appeler Elias, il reprenait plaisir à utiliser son prénom.


Quand le professeur finit par se présenter pour ouvrir la classe, il s'excusa et les invita à s'installer. Trois heures d'examen théorique les attendaient. Des mathématiques, de la littérature et des bases d'économie. Personne d'autre ne se présenta à cette seconde session, au soulagement de Jim et Tess. Au moins étaient-ils tranquilles avec une salle dédiée rien qu'à eux deux.

À midi, on leur accorda deux heures de pause. Après le repas les attendaient les tests d'aptitude physique. Comme pour les connaissances théoriques, un professeur jaugerait leur condition et leurs compétences sur divers exercices d'entraînement.

Comme c'était samedi et qu'aucun élève – si ce n'étaient les internes qui ne rentraient pas le week-end – ne vaquait dans les environs, Jeremy et Tess s'installèrent ensemble à une table de pique-nique pour manger.

— Alors, l'écrit ? embraya Jim en déballant le sandwich qu'il s'était préparé la veille.

— Ça va, je pense. J'ai un peu galéré sur les maths. Pas trop mon truc.

— Les maths, c'est allé pour moi. La littérature, un peu moins.

Pendant le repas, ils débattirent des réponses que chacun avait donné avant de finalement s'isoler quelques minutes. Tous deux avaient entrepris de s'échauffer et de se préparer pour les tests de l'après-midi.

Tandis qu'il étirait les muscles de ses bras et de ses jambes, Jeremy lorgna vers sa camarade. Il n'était techniquement pas en compétition avec elle, car l'École ouvrait pour la deuxième session que le nombre de places encore disponibles. Pour autant, il souhaitait savoir à quoi s'attendre.

La façon dont Tess préparait son corps le surprit dans un premier temps. Ce n'était pas tout à fait l'ordre et les mouvements qu'on lui avait appris à l'École ou au centre de formation de la Ghost Society. Elle mettait un soin particulier à assouplir ses pieds, ses chevilles et ses poignets. Tout en évitant de se faire attraper en train de la reluquer, Jim commença à courir en rond dans la cour bétonnée de l'École. Tess ne s'était pas éloignée de la table de pique-nique, où elle continuait de réveiller ses muscles en douceur avec des massages.

Quand Jeremy fut de retour près d'elle, il craqua et s'enquit d'un air étonné :

— C'est quoi ces échauffements ?

— Oh, je fais juste ce que je connais. J'ai jamais vraiment suivi des cours comme dans cette école. Je fais de la danse, ajouta-t-elle après coup en remarquant l'éclat de curiosité dans le regard de l'adolescent.

— Cool. (En apercevant une imposante silhouette arriver depuis le Centre, Jim soupira.) Bonne chance.

— À toi aussi.

Jeremy ne put s'empêcher de rentrer légèrement les épaules quand M. Cross traversa la cour pour les rejoindre. Son crâne était toujours aussi lisse. Son air, toujours aussi implacable.

— Vous êtes que deux ? (Comme les adolescents acquiesçaient, il esquissa ce qui devait être une ébauche de sourire.) Tant mieux, je pourrais mieux vous noter.

Sans autre forme de politesse, il s'installa à la table de pique-nique que les adolescents venaient de quitter. Une fois ses feuilles d'observation sorties et son stylo en main, il lança :

— Je vais vous demander de réaliser une série d'exercices. Si vous savez pas ce que c'est, vous me demandez. Si vous y arrivez pas, c'est pas grave, on passe à autre chose. Je vous donne pas de nombre de séries à faire. Vous faites le nombre que vous voulez, mais vous vous arrêtez quand vous sentez que vous fatiguez. Faut que vous soyez en forme pour tenir l'après-midi, OK ? C'est pas du cardio. Pas tout de suite.

M. Cross prit soin d'embrasser de son regard perçant les deux adolescents.

— C'est compris pour tous les deux ? Allez, Baker, tu commences avec des pompes. Wayne, tu fais des tours de terrain.

Tess échangea un regard furtif avec son camarade, l'encouragea silencieusement avant de s'agenouiller. Jim lui souffla « bonne chance » à voix basse en s'élançant.


Deux heures plus tard, M. Cross les emmena dans l'une des salles qu'abritait le bâtiment ouest. Tess comme Jim avaient les jambes lourdes et le souffle court des exercices d'entraînement qu'ils avaient enchaînés. Tandis que le professeur déverrouillait la porte métallique, Jeremy réalisa que c'était la première fois qu'il se rendait dans l'une de ces pièces.

Une fois les lampes suspendues allumées, une salle d'entraînement couverte de tatamis s'offrit à eux. Tess entra juste derrière le prof. Jim s'octroya quelques inspirations à l'air frais avant de les rejoindre.

— La dernière étape, lâcha M. Cross d'un ton sec.

Il trimballait avec lui les feuilles sur lesquelles il avait noté ses observations de l'après-midi. Jeremy sentit sa gorge se nouer alors qu'il retirait ses baskets. Tess se tenait déjà sur les tatamis, son chignon de cheveux frisés tiré en arrière par un bandeau jaune.

— Vous êtes un peu plus nombreux, en temps normal, fit remarquer le professeur en se hissant sur le bord d'une plateforme où étaient rangés des cordes, bâtons et autres outils d'arts martiaux. C'est un peu plus fun pour les élèves. Ça risque d'être rébarbatif pour vous. Tant pis.

Jeremy inclina le cou en plissant les paupières. Ce n'était pas spécialement rassurant.

— Selon plusieurs modalités, vous allez vous affronter, reprit M. Cross en agitant ses feuilles d'observation. Ça prend fin quand l'un de vous a atteint l'objectif demandé.

Tess et Jim se tournèrent l'un vers l'autre dans une même dynamique. Après une première grimace commune, ils se jaugèrent. Jeremy espérait prendre le dessus grâce à ses entraînements réguliers au centre de formation de la Ghost. Si Tess n'avait pas menti en affirmant que sa seule expérience sportive résidait dans la danse, il aurait sûrement plus de chance de la dominer sur les tatamis.

— Première modalité, lança le prof sans se soucier de la tension qui s'était installée entre les deux adolescents, vous devez vous faire tomber sur le tatami, peu importe la manière. Pour gagner, l'adversaire doit toucher les tatamis soit avec les épaules, soit avec les genoux. Pas de coups à la tête ou à l'entrejambe.

— Dommage, commenta Tess avec un sourire narquois.

Jeremy l'ignora pour demander au professeur :

— Comment ça se passe pour la notation ?

— C'est un mélange de critères, expliqua M. Cross en s'emparant d'un stylo bille. La compréhension et le respect des consignes et de l'adversaire. Les stratégies utilisées. La façon dont vous vous servez de vos points forts personnels. Comment vous compensez vos points faibles. Je juge le processus, pas le résultat. Si l'un de vous échoue à chaque exercice, c'est pas dramatique.

— Ce serait quand même nul, soupira Jim avant de se tourner vers son adversaire. Prête ?

— Carrément.

Comme elle ne savait pas quelle position adopter, Tess fléchit les genoux, leva les coudes les mains ouvertes et patienta. Comprenant qu'elle n'initierait pas le premier mouvement, Jeremy se tassa légèrement et bondit. L'air nonchalant qu'il affichait depuis le matin laissait difficilement deviner la nervosité qu'abritait son corps. Tess hoqueta quand il bloqua ses coudes pour lui faucher les jambes.

— Deuxième tour, lança le professeur en griffonnant quelques mots sur sa fiche. Reprenez vos positions.

Encore hébétée, Tess réagit tout juste quand Jeremy l'aida à se relever. Après avoir dégluti péniblement, elle se claqua les joues et calma sa respiration nerveuse. Une fois qu'elle se fut assurée que son adversaire était prêt, elle décida de lancer le jeu elle-même. Elle approcha de l'adolescent sans savoir par quel côté passer. Contrairement à elle, sa posture assurée formait un écran protecteur autour de lui. Ses genoux fléchis et ses coudes relevés promettaient à Tess une correction sévère si elle se laissait attraper.

Avant d'avoir pu le prendre de revers d'un côté ou de l'autre, elle se laissa glisser agilement sur ses talons – ses fesses frôlant le sol sans le toucher – appuya ses paumes sur les tatamis et balaya l'espace autour. Jim, surpris par le mouvement qui ressemblait plus à du hip hop qu'à une technique martiale, grimaça quand leurs chevilles entrèrent en contact. Il tint bon, ajusta son poids pour ne pas basculer, mais Tess s'était déjà relevée. Sans autre forme de stratégie, elle se jeta sur lui pour pousser sur ses épaules.

Les pieds de Jeremy décollèrent du sol pour le laisser pantelant sur les tatamis.

— Troisième tour, ordonna M. Cross sans s'émouvoir de ce qui se déroulait sous son nez.

Jeremy adressa un sourire crispé à son adversaire quand elle lui tendit la main pour le relever.

— Je me méfierai plus des danseuses à l'avenir.

Tess réagit à la blague de bon cœur en lui rendant un rictus moqueur. Quand chacun fut retourné à sa position initiale, Jeremy passa par le côté. Tess s'adapta aussitôt à ses mouvements en reculant. Jim lui faisait penser à un fauve aux épaules basses, prêt à bondir à tout instant. Pourtant, sans qu'il ait approché d'elle à moins de deux mètres, Tess se sentit basculer en arrière et resta debout que grâce à la main du professeur dans son dos.

— Hep là, attention. Baker, tu viens de perdre.

— Mais...

— Sortie de la zone, lui expliqua M. Cross en indiquant les tatamis.

Tess jura tout bas alors que son adversaire souriait de toutes ses dents.

— C'est nul, lui lança-t-elle avec irritation en retournant dans la zone. Et je suis même pas tombée.

— T'as failli.

— Ça suffit, gronda M. Cross. Deuxième modalité : vous devez immobiliser l'autre. De la façon dont vous voulez. Toujours pas de coups à la tête ou à l'entrejambe.

De nouveau, les adolescents se positionnèrent face à face. Ni l'un ni l'autre n'était en pleine forme après une heure et demie d'exercices physiques. Pour autant, leurs corps étaient parcourus d'énergie nerveuse et mordante. Ce n'était pas le moment de lâcher l'affaire.

M. Cross esquissa un sourire en coin quand ils se jetèrent l'un sur l'autre dans l'espoir de l'emporter.


Une heure plus tard, le professeur leur laissa cinq minutes à chacun pour prendre une douche dans les vestiaires qui jouxtaient la salle d'entraînement. M. Cross les entraîna ensuite vers le poste de contrôle, où il les félicita pour leur participation avant de promettre des résultats rapides.

— Bien joué, lança Tess en franchissant l'entrée, son sac de sport en bandoulière. T'as gagné la plupart des matchs.

— Pour quelqu'un qui a jamais eu d'entraînement, tu t'en sors super bien, répliqua Jim avec sincérité. Ça fait presque deux ans que je suis les cours d'écoles comme celle de S.U.I.

Tess le remercia d'un sourire pour son compliment avant d'indiquer l'arrêt de bus à une vingtaine de mètres.

— Je te laisse ici. On se verra peut-être à la rentrée, du coup.

— Yes. À plus.

Elle agita la main en partant. Jim récupéra son portable, prêt à appeler sa mère pour qu'elle vienne le chercher, mais une voix s'éleva dans son dos :

— Jeremy.

L'intéressé se retourna d'un bloc, dévisagea l'homme qui approchait sans vraiment y croire. Malgré tout, l'allure nonchalante, le regard ennuyé et la cigarette coincée entre deux doigts ne mentaient pas.

— Alex.

Alexander Maas, l'agent de la A.A qui l'avait recruté presque deux ans plus tôt, s'arrêta près de lui. Ses yeux noisette rivés à l'adolescent, il fouilla dans une poche de veste pour récupérer un briquet et allumer sa cigarette. Il en tira une bouffée avec fébrilité.

— Toujours aussi accroc.

— Toujours aussi nain, rétorqua aussitôt l'homme avec un sourire en coin.

Jim fronça les sourcils : Alex n'avait que quelques centimètres de plus que lui. D'ici quelques mois, ils feraient probablement la même taille.

— N'importe qu...

— Jeremy, le coupa Alex d'un ton narquois, je te cherche. Et t'es toujours aussi facile à trouver.

L'adolescent se renfrogna, son portable toujours à la main. Depuis trois semaines qu'il était rentré à Modros, il n'avait pas encore eu l'occasion de discuter avec son ancien recruteur. La première semaine avait été bien trop compliquée à gérer pour Jim, qui avait préféré s'isoler auprès de ses proches. Il avait passé la deuxième à rattraper le temps perdu avec Ryu, le retrouvant le soir après l'École pour traîner dans les rues de Dourney à vélo.

Le jour où il s'était décidé à contacter Alex pour organiser une rencontre, il avait appris par Ryusuke que Dimitri et Alexander étaient partis pour une semaine en mission spéciale. Quoique déçu, Jim n'avait pu s'en prendre qu'à lui-même d'avoir repoussé le moment jour après jour.

— Tes parents m'ont dit que tu passais les exams de deuxième session, souffla Alexander en lorgnant les bâtiments de l'École. Je me suis proposé de te récupérer ce soir, qu'on puisse se voir un peu.

L'homme avait affiché une moue embarrassée à ces mots. Jeremy se rassura ; apparemment, parler à cœur ouvert leur était toujours aussi difficile à tous les deux.

— T'as toutes tes affaires ? embraya l'agent en agitant les pieds comme pour se donner contenance.

— Ouais, je te suis.

Alex l'observa du coin de l'œil alors qu'ils remontaient le parking en direction de sa voiture de service. Fondamentalement, c'était le même adolescent aux cheveux ébouriffés et à l'air boudeur. Pourtant, alors qu'Alexander ne l'avait jamais craint jusqu'ici, il pressentait que son ancienne Recrue avait pris en assurance et en férocité. Physiquement, il en imposait plus. Et il se doutait que sa maturité psychologique avait suivi.

— Tu restes qu'un môme, marmonna-t-il en tirant de nouveau sur sa cigarette.

— Hein ?

— Non, rien.

Jeremy fronça les sourcils, mais ne chercha pas à percer le trouble sur le visage de son recruteur. Lui-même se sentait ému, sans être capable de dire à son ancien recruteur la teneur de ses sentiments.


Jim finit par se douter que quelque chose n'allait pas. Il avait beau être revenu récemment à Modros, il avait mémorisé les trajets qui le ramenaient chez sa mère ou chez son père. Il les avait fréquemment suivis à vélo en compagnie de Ryu ces derniers jours.

— On va où, Alex ?

Jeremy serrait son sac contre son ventre. Il aurait dû avoir pleinement confiance en son recruteur. Après tout, Alexander ne s'était jamais mis en travers de son chemin. Grâce à lui, il avait même pu procéder à l'échange de sa mère et de sa sœur, un an et demi en arrière.

Mais c'était plus fort que lui. Plus fort que la maigre relation qu'ils avaient douloureusement bâtie à coups de disputes et de soutien mutuel. Les derniers mois avaient entouré de briques dures la confiance que portait Jim à son entourage.

— J'en étais sûr, marmonna Alexander sans remarquer la méfiance qui tendait le corps de l'adolescent. Je leur ai dit que tu allais t'en rendre compte.

— Me rendre compte de quoi ?

Jim avait dézippé la petite poche de son sac-à-dos. Ses doigts se refermèrent autour de son couteau-suisse. Le métal froid contre sa peau le rassénéra.

— Qu'on prendrait pas le chemin pour rentrer chez toi. Tant pis, c'était censé être une surprise.

Clignant des yeux confus, Jeremy tripota son couteau-suisse sans savoir quoi en faire. Si sa méfiance était fondée, que d'une façon ou d'une autre Alex avait décidé de le trahir, les petites lames qu'abritait son arme de fortune seraient utiles. Mais s'il se fourvoyait, il risquait de blesser – physiquement comme émotionnellement – son recruteur.

— Une surprise ?

— Tes parents. Ils ont organisé un truc pour ton retour. Avec ta famille, tes copains. Dimitri et moi, on est conviés aussi.

Jim se tut, secoué par une tornade intérieure. Depuis qu'il était rentré, il avait passé des moments précieux en compagnie de ses parents, de sa sœur ou de Ryu. S'il était touché par l'intention, il se demandait comment réagir.

— Je crois que y'a une histoire d'anniversaire commun avec ta sœur, aussi ? Même si ça fait presque trois mois que ton anniversaire est passé.

Ces mots tirèrent un sourire dépité à Jeremy, qui se prit le visage entre les mains.

— Ça va pas ?

— Si, si.

Jim ne chercha pas à en souffler plus. Sa gorge était trop nouée. Dire qu'il avait soupçonné Alex, pendant quelques minutes, de chercher à l'enlever. La culpabilité jetait du rouge sur le bleu serein que l'annonce d'Alexander avait provoqué.

À quel point l'enseignement d'Edward Sybaris l'avait-il rongé de l'intérieur ?

— Si ça te dit rien, ajouta son recruteur en remarquant son air abattu, je peux faire demi-tour, te déposer chez toi et tout expliquer à tes parents.

— Non, non ! s'exclama Jeremy en se redressant. C'est juste que... je m'y attendais pas.

Alex le lorgna d'un air dubitatif.

— C'est le principe d'une surprise.

— Oh, la ferme, soupira sa Recrue en se frottant les yeux.

Alexander ne pipa mot tandis qu'il s'enfonçait dans les rues de Down-Town à la recherche du café que lui avaient indiqué Ethan et Maria.

Alors que Jim se détendait perceptiblement sur le siège passager, Alex marmonna :

— Ils vont tous sûrement te prendre dans leurs bras, te dire je t'aime ou d'autres trucs comme ça que font les familles. Peut-être s'excuser, t'offrir des cadeaux ou...

— Alex, ça va plus du tout être une surprise là, le coupa l'adolescent avec un rire gêné.

— Ouais. Pardon. (Son recruteur se racla la gorge avant d'ajouter :) Ce que je veux dire, c'est que... Avant que les autres la fassent... Ben, je tiens à m'excuser, Jeremy. Pour pas t'avoir soutenu correctement quand t'as débarqué à l'École après la disparition de ta famille. Pour pas t'avoir écouté et cru. Je m'en suis voulu longtemps. J'ai échoué dans mon rôle de recruteur.

Jim ne trouva pas de réponse adéquate. Un an et demi plus tôt, quand le monde semblait s'écrouler autour de lui, il aurait rêvé d'entendre ces paroles. À présent, il n'était plus en colère contre son recruteur. Même si Jeremy reconnaissait que ces paroles étaient un pansement sur son cœur à vif. Une réparation à l'un des nombreux torts que ses proches lui avaient fait subir.

— Si t'es pas trop en colère contre moi, reprit Alex d'une petite voix, j'aimerais essayer de me rattraper.

Jeremy ricana tout bas, les yeux brûlants. Il serra les poings sur les sangles de son sac pour juguler la montée d'émotion, mais sa voix tremblait quand il répondit :

— J'avoue que je flippais un peu de retourner à l'École sans toi. Alors, merde, oui, t'as intérêt à continuer d'être mon recruteur.

Alexsourit tandis que la devanture du café où ils avaient rendez-vous apparaissait.Ce que Lauren, sa fiancée, avait initié des mois plus tôt en le rassurant àpropos de Jim était en train de se refermer pour de bon. Il avait le pardon deJeremy. Son accord pour continuer un bout de chemin ensemble. Un nouveau départpour tous les deux.

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