Après le chapitre 63
Mardi 27 mai 2025, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d'Amérique.
Le dernier point d'échange avec la direction de l'école de S.U.I et les Amazones s'était terminé plus tôt que prévu. Sans y réfléchir deux fois, Edward avait quitté le siège social de S.U.I pour se diriger vers leur clinique. Il y était déjà passé quelques jours plus tôt, mais une autre visite ne ferait de mal à personne. Sauf peut-être à son devoir de concilier les intérêts de la Ghost Society avec les accusations de l'École et des responsables des Mino. C'était son propre projet qui avait fini en catastrophe. C'était sur son téléphone que les appels furieux et déconcertés s'enchaînaient. C'était sa légitimité à son poste qui vacillait depuis quelques jours. Et c'était son cœur qui se tordait à défendre ces acquis au détriment des conséquences. Au détriment de son propre neveu, toujours inconscient.
De crainte que son esprit se gorge de ténèbres en conduisant seul dans l'une des voitures de prêt de S.U.I, Edward prit le bus. Une douleur sourde lui monta à l'arrière de la gorge tandis que le quartier où il avait passé son adolescence se déployait de l'autre côté de la vitre. Même s'il n'était pas souvent sorti de l'École à l'époque de sa formation, certains centres commerciaux, cinémas et pâtés de maison émergeaient de ses souvenirs.
L'espace de quelques secondes, Ed s'autorisa à imaginer sa vie s'il avait refusé la proposition de sa mère, le dernier jour de sa scolarité. Quand, son diplôme tout juste en main, Alexia Sybaris était réapparue pour l'inviter sur son échiquier d'ambitions. Pièce maîtresse de son héritage, même si elle était toujours incapable de l'appeler « mon fils » avec tendresse ou fierté.
S'il avait été capable d'accepter que son frère s'éloigne de lui pour son propre bien. S'il avait été capable d'affronter son chagrin après la mort de Lou, son premier amour.
S'il avait été capable de demander de l'aide, plutôt que d'attendre qu'une main pleine d'épines se tende vers lui, l'acculant au bord du précipice.
Edward ferma les yeux, chassa l'expression hébétée d'Ethan quand il lui avait annoncé son départ, la façon dont les taches de rousseur sur les pommettes de Lou se plissaient quand elle souriait, le calcul dans le regard sombre de sa mère, qui ne s'était jamais empli de chaleur pour lui.
La clinique de S.U.I s'était lovée dans un parc comme un chat dans une flaque de lumière. Le parvis en larges dalles était ceinturé de généreux bacs de fleurs multicolores. Des arbustes taillés égrenaient l'allée de chaque côté. Au-delà de la façade principale, on devinait les arbres qui s'élevaient dans le patio intérieur. L'enseigne annonçait sans fioritures la clinique de S.U.I.
Edward ne s'attarda pas près de l'accueil. Sans nouvelles spécifiques de son frère, il savait que Jeremy était toujours en unité de soins intensifs. Quelques volées de marches et tournants plus tard, il s'avança dans le couloir. Une fois devant la porte, il inspira puis frappa. Au bout de quelques secondes de silence, il abaissa la poignée. Ethan et sa famille n'étaient pas encore arrivés.
Le bruit des machines le crispa plus que nécessaire. La journée avait été longue, les cliquetis des doigts sur les claviers ou des stylos-billes sur le papier n'avaient pas cessé, les reproches lui étaient tombés dessus et les visios l'avaient vidé. Une part de lui ne souhaitait rien d'autre que de se laisser aller sous une douche chaude, dans sa chambre d'hôtel. Tout le reste se morigénait dans cette chambre d'hôpital.
Edward contempla la silhouette endormie de son neveu. Les regrets s'accumulaient couche par couche, « et si ? » par « et si ? ».
Et si je ne l'avais jamais entraîné dans mes plans ?
Et si je ne l'avais jamais arraché à sa famille ?
Et si je ne l'avais jamais introduit à la Ghost Society et à ses agents ?
Et si j'avais gardé un œil sur McRoy ?
Et si j'avais prêté plus attention à Akos ?
Avec un rictus amer, Edward contourna le lit puis poussa la fenêtre pour aérer. Un peu d'air lui remettrait les idées en place. En contrebas, on avait une vue directe sur la patio, où des chemins pavés ondoyaient au milieu des bosquets et des parterres de fleurs bien entretenus. Ed songea au coût de cette hospitalisation, aux assurances qui entraient en jeu. Là aussi, les juridictions se tiraient dans les pieds. Les Amazones et S.U.I réclamaient que la Ghost Society prenne en charge les frais de matériel et d'hospitalisation non prévus. La propre direction d'Edward l'invitait à contourner tout ça et à appuyer sur la nature imprévisible de la dernière épreuve du projet Réseau.
Comme si tout ce qu'avait prévu Ed, les montres, les moyens humains, la sécurité, n'avait été que du vent. Comme si ce n'étaient pas Akos et la tornade de ses convictions qui les avaient placés dans cette situation impossible.
Quoi qu'il en soit au niveau des institutions, Edward se fit la promesse de soulager financièrement son frère au besoin. L'hospitalisation de son fils était en partie sa faute, résultat de son manque d'anticipation sur les agissements de leur propre famille.
— Ed ?
Il s'arracha à la contemplation du patio dans un sursaut. Comme à son habitude depuis quelques années, Ethan avait été d'une discrétion déconcertante. Il devait revenir de l'École : il portait un sac sur une épaule et une journée sûrement aussi longue que celle d'Ed tassait ses traits.
— Ça fait longtemps que tu es là ? enchaîna son frère en refermant derrière lui.
— Deux minutes. (Ed nota la façon dont son jumeau le sondait, retint une grimace.) Je peux m'en aller, si tu veux.
— Non, t'inquiète pas. Je... c'est gentil de passer le voir.
Sans savoir quoi répondre, Edward accueillit le silence avec soulagement. Dans une routine manifestement bien huilée, Ethan déposa son sac au pied du lit, jeta un œil soucieux vers les constantes puis ajusta le bouquet de pivoines sur la table de chevet. Après quoi, il passa une main sur la tempe de son fils, évitant le côté où une compresse protégeait l'entaille fraîchement recousue.
— Salut, Jemmy, c'est papa, souffla Ethan en s'asseyant sur l'une des deux chaises en plastique. Edward est là aussi.
La main serrée sur celle du jeune homme, Ethan leva le nez vers le mur qui surplombait le lit. Des notes manuscrites côtoyaient des post-it avec des smileys et des photos de Jim ou de ses proches.
— Alexander a dû passer te voir dans la journée, parce qu'il y a un message passif-agressif signé de sa part qui n'était pas là hier, lui apprit Ethan, la voix teintée d'amusement. Il exige que tu te remettes rapidement pour te passer un savon. Il a épinglé un paquet de bonbons vide avec. Je pense que tu seras gâté à ton réveil.
Le mot « réveil » sonna creux dans la chambre. Edward profita qu'Ethan était tourné vers son fils pour grimacer ouvertement. Nourri et surveillé par les machines, Jeremy était toujours dans le coma. L'hypothermie et l'hémorragie avaient eu raison de ses forces cinq jours plus tôt.
Pendant quelques minutes, aucun des frères ne prit la parole. Ethan avait sorti un livre de son sac et le feuilletait distraitement. Il ne tournait pas une page sans jeter un œil à son fils, comme s'il craignait de rater le moindre changement sur ses traits impassibles. Quant à Edward, il était réduit au silence par la vision du corps figé de son neveu. C'était d'autant plus perturbant que Jeremy avait été une boule de nervosité, de contestations et d'émotions brutes du temps de la Ghost Society. Son visage blême ne se plissait pas de frustration ou de contentement, ses yeux clos n'exprimaient plus la moindre étincelle, ses mains ne s'agitaient pas en signe de fébrilité.
Une intervention extérieure les tira de ce silence étouffant. Sans prendre la peine de s'annoncer, quelqu'un poussa brusquement la porte avant de s'exclamer :
— Désolée du retard, y'a eu un accident sur la route !
Maria s'engouffra dans la chambre sans prêter attention aux personnes déjà présentes. Elle commença par inspecter rapidement l'état de son fils et des moniteurs qui l'entouraient puis sourit à Ethan d'un air compatissant.
— Thallie est pas avec toi ?
— Je l'ai déposée chez une amie pour la soirée, elles devaient terminer un devoir de biologie.
En acquiesçant, Maria nota enfin la présence d'Ed. Elle se figea.
— Edward, lâcha-t-elle d'un ton un peu sec.
Comme il lui adressait un hochement de tête en guise de salut, elle finit par imiter le geste. Les quelques fois où ils s'étaient croisés depuis son arrivée à Modros, la femme avait pris sur elle pour rester courtoise. Si Edward avait évité toute discussion pour ne pas envenimer les choses, il lui était reconnaissant pour sa façade de politesse. Ces dernières années, il s'était questionné sur sa légitimité à lui présenter des excuses pour les torts d'il y a cinq ans. Il n'avait pourtant jamais pu s'y résoudre. Rien n'excusait l'enlèvement d'une femme et de sa fillette pour faire pression sur d'autres membres de leur famille.
— Tu passais voir Jeremy ? finit par s'enquérir Maria d'une voix froide.
— Oui. (Il eut un veste vague vers le lit.) Ça fait plaisir de voir tous les cadeaux et les messages qu'on lui a laissés. À la Ghost, il...
En apercevant l'ombre menaçante dans les iris verts de Maria, Ed se tut. À sa surprise, ce fut Ethan qui se tourna vers lui avec une moue songeuse.
— Tu allais dire quoi ?
Les regards braqués sur lui mirent Edward mal à l'aise. Il avait causé tant de douleur au sein de leur famille. Fracassé le quotidien de Maria et de ses enfants, déchiré un peu plus la vie de son propre jumeau. En même temps, une petite voix au fond de lui ne manquait pas d'affirmer qu'il les avait tous rassemblés, malgré la souffrance.
— Au centre de formation de la Ghost Society, Jeremy était assez isolé. En dehors de Rebecca, il ne s'est pas vraiment fait d'amis. Le contexte de la scolarité n'aidait pas, mais... (Comme les visages de ses interlocuteurs ne se détendaient en rien, Ed ajouta rapidement :) Ce que je voulais dire, c'est que je suis content qu'il soit bien entouré ici.
— Il a toujours été bien entouré, répliqua Maria d'un ton acide. Tu lui as enfoncé dans le crâne que je m'occupais pas de lui comme il fallait, que je lui ai jamais offert les opportunités dont il avait besoin... et tu avais raison sur certains points, car c'était hors de ma portée. Mais je te pardonnerai jamais le garçon méfiant, blessé et qui regrettait les Sybaris qu'on a récupéré une fois sorti de la Ghost.
— Il était déjà méfiant et blessé quand il m'a rejoint.
Edward comprit que c'était la dernière chose à dire à la façon dont les pommettes de Maria se couvrirent de rose et ses yeux d'éclairs furieux. Même les traits d'Ethan s'étaient fermés.
— Tu es toujours aussi insultant et méprisant, Edward, siffla Maria, ses jointures blanchissant sur l'anse de son sac à main. Peut-être que mon fils pouvait pas rêver du même avenir ambitieux que ta fille, mais au moins était-il entouré et aimé.
— Et c'est moi qui suis insultant ? grinça Edward, la nuque raidie.
— Ne joue pas aux victimes ! gronda Maria en avançant d'un pas. Tu as hérité de l'esprit tordu de ta mère, tu as voulu contrôler la vie de tes proches comme elle a fait avec Ethan et toi. Et quand tu as vu que ça te revenait à la tronche, tu joues aux repentis. C'est pas aussi simple que ça.
— Ça suffit, maintenant.
Ethan s'était levé, une main tendue pour chacun d'eux. Il y avait une forme d'épuisement écœuré dans le regard défait qu'il leur porta tour à tour.
— S'il vous plaît, je veux pas qu'on se dispute dans la chambre d'hôpital de Jem. On réglera nos comptes plus tard.
— Pas la peine, marmonna Maria en se rembrunissant. Je te laisse avec ton frère, il est spécialement venu voir Jeremy.
Alors qu'elle tournait les talons, Edward soupira mentalement. Avant qu'elle ne disparaisse derrière le battant, il lança :
— Pardon si je t'ai blessée, Maria. Je voulais pas... amener encore plus de discorde. Simplement voir mon neveu.
L'air perplexe, elle le toisa pendant quelques secondes avant de hausser les épaules.
— Vu que Jeremy a jamais pu t'en vouloir complètement, je me suis toujours dit que vous aviez dû tisser des liens malgré tout. Je ne vais pas t'empêcher de le voir.
Comme Ed hochait la tête, soulagé, elle se mordilla la lèvre.
— Je vais me chercher un café, tu veux quelque chose ? (Pendant qu'il réfléchissait, elle bascula vers Ethan.) Thé à la menthe ?
— Oui, s'il te plaît.
Comme il demandait un espresso à Maria, Ed retint un sourire. Ethan ne s'était donc toujours pas fait au café. Une fois le battant refermé sur Maria, Edward s'éclaircit la gorge.
— Elle est toujours aussi mordante dans ses propos, mais j'ai l'impression qu'elle se calme plus rapidement.
Ethan était retourné s'asseoir entre temps, son livre abandonné sur ses cuisses. De dos, Ed le vit hausser vaguement les épaules.
— On change tous un peu sur certaines choses.
Comme il ne s'épanchait pas plus, Edward se rapprocha du lit. Il détailla les perfusions et les pansements, les ecchymoses et les cicatrices. Il se sentait brassé, nauséeux. Cette scène lui rappelait les heures pendant lesquelles il avait veillé sa propre fille, hospitalisée quelques années en arrière après une violente chute à cheval.
— Je te promets de pas laisser McRoy s'en sortir comme ça, gronda Edward tout bas.
— Tu es sûr que c'était lui ? Il y avait au moins une dizaine de Fantômes dans le parc.
— Lazos a fini par l'avouer. Et j'ai pas encore eu l'occasion de m'entretenir face à face avec McRoy, mais sa façon d'ignorer mes appels et mes mails en dit bien assez.
Comme une ombre ternissait l'éclat ambré dans les yeux de son frère, quelque chose brûla en Ed. Dans un geste nerveux, il lui agrippa le bras.
— Tu vas pas laisser tomber, hein, Ethan ? Hors de question que cette enflure s'en sorte après le mal qu'il a fait à ton fils.
— Bien sûr que non, soupira son jumeau sans chercher à repousser sa main. C'est juste que je préfère m'attendre à rien. Notre famille mise sur l'impunité depuis tellement longtemps. Est-ce qu'on a eu réparation pour la violence de notre mère ? non. Est-ce qu'on a eu réparation quand elle a brisé ma famille et failli tuer Jeremy ? non. Est-ce qu'on a eu réparation quand tu as fait kidnapper Maria et Thalia puis que tu as mis la main sur Jem ? non.
Il avait levé les yeux sur ce dernier mot. Edward desserra sa grippe, la gorge piquante. S'il y avait bel et bien une ombre dans le regard de son frère, elle ne masquait pas complètement la flamme glacée qui y logeait.
— Le plus important pour moi, c'est que Jem s'en sorte. Qu'il retrouve son quotidien et ma fille aussi. Je vais pas épuiser mon énergie à chercher la vengeance. Ce n'est pas moi, de toute façon.
— Non, mais c'est moi, grinça Edward, dents serrées. Alors, je réitère ma promesse sur le fait que McRoy s'en sorte pas impunément, comme tu dis.
— Si c'est ce dont tu as besoin pour évacuer, alors fais-le.
Ed ravala la frustration de voir son frère si passif et recula de quelques pas. Certaines choses n'avaient pas changé, en revanche.
Avant d'avoir pu reprendre la parole, on frappa à la porte. Comme Ed était debout, il entreprit d'ouvrir le battant – et de le retenir comme Maria s'engouffrait dans la pièce en maintenant trois gobelets serrés les uns contre les autres.
Elle déposa le tout sur la deuxième chaise disponible avant de distribuer les boissons.
— Merci, souffla Edward comme elle lui tendait le café, les yeux plantés dans les siens.
— Ça fera deux dollars.
Devant l'air ébahi de son interlocuteur, elle lâcha un bref rire moqueur puis s'installa sur la chaise à côté d'Ethan. Son propre café à la main, Maria adressa un rictus sarcastique à Ed.
— T'as payé la cantine de mon fils pendant un an et demi, je vais essuyer ta note pour cette fois.
Comme elle n'avait pas l'air d'attendre de réponse de sa part, Edward s'appuya contre le mur, légèrement hébété. Même s'il avait maintenu Maria enfermée pendant plus d'un mois à la Ghost Society, il n'avait pas tellement échangé avec elle. Chaque discussion était un étonnant rappel de leur méconnaissance mutuelle.
Ethan et Maria échangèrent quelques murmures, ponctués de gestes en direction de leur fils. Ed observa la danse de leurs doigts, les regards d'appréhension qui se répercutaient. Oh, Brooke lui manquait. Il aurait aimé parler de Becca avec elle, s'inquiéter pour son avenir à deux, qu'ils lui organisent un anniversaire surprise. N'importe quoi, en fait.
Sa peine fantôme fut rapidement chassée par la vision de la main d'Ethan s'entremêlant à celle de Maria. Il avait noté leur rapprochement en le mettant sur le compte d'une entente parentale enfin arrivée à son terme. D'après leurs doigts liés et les sourires plus tendres qu'ils se confièrent, il y avait un peu plus qu'une entente parentale.
Mal à l'aise, Edward s'éclaircit la gorge.
— Je peux vous laisser.
— On s'est même pas embrassé, Ed, le rabroua Maria en roulant des yeux. Tu es encore pire que Jeremy.
Comme Edward se redressait du mur, incapable de se décider sur un comportement approprié, il croisa le regard de son frère. La flamme de glace avait disparu. Il y régnait toujours une ombre, plus vaporeuse. Un écho du fantôme qu'Edward s'efforçait de chasser.
Un « Je suis désolé » silencieux, un « Je sais qu'elle te manque » qui hurlait sans bruit.
Et face à la compassion sur le visage de son frère, la compréhension sur celui de Maria, le fantôme l'étreignit. Peignit ses souvenirs de son sourire d'étoile filante, de ses taches de rousseur qui rappelaient les constellations qu'elle enseignait à leur fille, de l'éclat doré des bougies dans ses cheveux de nuit. Un parfum de jasmin dansa dans la pièce, le transporta dans la petite maison de plain-pied où leur fille avait grandi, le lova dans le canapé défraîchi où ils avaient passé des soirées blottis l'un contre l'autre.
Edward ressentit le besoin physique de l'étreindre, de faire de ces souvenirs d'étoiles des feux d'artifice dans son cœur, de ce murmure de jasmin un cri de sa chair. Mais ce n'était qu'un fantôme, qu'un écho, qu'une illusion. Et il n'y avait que son désarroi et son chagrin au creux de ses bras.
— Ed ?
La maison, le jasmin, les murmures d'étoiles, tout disparut. Brooke s'évapora de son cœur et de sa chair, ne laissa que des frissons sur ses bras, un regret infini dans son âme.
— Tu veux prendre l'air ?
Ethan s'était levé, l'avait rejoint près de l'entrée. La lueur soucieuse dans ses yeux, ses traits crispés de gêne et d'impuissance... Edward retint un rictus amer, même s'il ne put s'empêcher d'y voir un reflet d'une scène vieille de vingt-cinq ans. C'était auprès de son frère qu'il avait cherché du réconfort à l'époque de la mort de Lou, son premier amour.
Et Ethan n'avait pas su l'accepter, ce jour-là. Creusant le sillon de leur rejet encore un peu plus.
— Pourquoi pas.
La reconnaissance qui perça sur le visage de son frère repoussa les frissons et l'acide. Ethan termina son thé d'une rasade, récupéra le gobelet vide d'Ed et les jeta tous deux à la poubelle. Après quoi, il déposa un baiser sur la tempe de Maria.
— On peut descendre dans la cour intérieure, lui proposa-t-il en le précédant dans le couloir. Maria m'a dit que c'était très bien fleuri.
— Oui, j'ai vu par la fenêtre.
Avant de quitter la chambre, Edward porta un regard à son neveu puis à Maria. Avec l'écho d'un sourire encourageant, elle lui adressa un hochement de tête. Ed fit de même en retour, apaisé.
Ethan l'attendait deux mètres plus loin. Bien vivant, promesse d'un peu plus que des fantômes dans les recoins de son esprit.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top