13 Wolff
— Allez lui trouver à bouffer, lui dit von Falkenstein en sortant de la grange, suivi de la gamine boitillante. Elle va nous faire une syncope, sinon.
C'est vrai qu'elle était toute maigre. Elle flottait dans ses vêtements sales. Ses cheveux collaient à son visage plein de crasse et de sang en dessous de son foulard terni. De ses mains rachitiques, elle pressait l'emballage rougeâtre du Scho-Ka-Kola contre sa poitrine aussi plate que la lande environnante. Se tenant à bonne distance de von Falkenstein, elle fixait ses galoches crottées comme si elle souhaitait disparaître à l'intérieur.
— Demandez à Dahlke, ajouta von Falkenstein.
— Compris, répondit Wolff en revissant sa flasque.
Il s'engagea dans la douce descente en les devançant. Ralenti par la gamine qui peinait à mettre un pied devant l'autre, von Falkenstein pesta régulièrement entre ses dents. Wolff lui aussi avait du mal à marcher. En colère et dépité, il avait encore un peu trop bu. Les menaces crachées par von Falkenstein lui tournaient dans la tête comme autant de corbeaux.
Le bataillon disciplinaire ! Des fossoyeurs, voilà ce que c'était, des fouilles-merdes en uniforme, composés de prisonniers de droit commun, que la SS envoyait nettoyer le pire du pire. Tout ça parce qu'il n'avait pas pu s'empêcher d'ouvrir sa gueule ! Il était resté poli, pourtant, alors qu'il aurait voulu hurler. Même s'il venait d'une famille de bouseux, il avait appris que les hommes ne devaient pas frapper les filles. Une baffe, d'accord, ça leur remettait les idées en place, mais ça ! Même si elle n'était pas allemande, même si elle avait bien failli l'estropier en l'envoyant contre ce maudit mur, elle restait une fillette. À côté de la haute stature de von Falkenstein et de la sienne, elle en paraissait encore plus diminuée. Herr SS-Hauptsturmführer n'en avait eu rien à faire. Des coups de bottes, dans son estomac, à l'en faire dégobiller ! Elle qui était si petite et démunie ! Et lui, ce fils de pute ! Avec cet air insupportable qu'il prenait souvent, le nez plissé, les babines retroussées, dans cette expression dégueulasse de quelqu'un qui aimait cogner sans raison, impunément, car il était plus grand et plus fort, drapé dans sa supériorité comme il l'était dans son uniforme de parade. Ça l'avait révulsé et il s'était retenu de le lui cracher à la figure.
Lui n'aimait ni tuer, ni infliger le mal. Il le faisait, c'est tout. Cela l'incommodait un peu parfois, mais c'était pour le Reich, la SS, la patrie et ça devait être accompli alors bon, il serrait les dents. Ça finissait par s'en aller, un peu comme s'il se forçait à déglutir une remontée de bile alcoolisée particulièrement répugnante. Von Falkenstein, lui, par contre... quelle indignité. Elle le suivait désormais avec un air piteux, recroquevillée sur elle-même. N'osant même pas croiser son regard, terrifiée qu'elle était.
Si jamais il recommençait, Wolff se promit d'intervenir.
Tant pis pour le bataillon disciplinaire. Officier supérieur ou pas, il lui péterait la gueule. Rien à faire du blâme. Il lui enverrait un poing en plein dans sa ganache insupportable de bourgeasse. Il le cognerait jusqu'à ce qu'il en avale ses canines pointues de chien ; il l'obligerait à bouffer ses dents si blanches et ses clopes avec. Ça lui apprendrait, un peu. Confronté à quelqu'un qui était en position de riposter, qui pouvait rendre coup pour coup, il arrêterait peut-être de se prendre pour le fleuron de la race. Oui, si jamais ça le reprenait, il l'arrêterait. Mais peut-être pas aujourd'hui. Il était bien trop bourré. L'avantage de la gnôle, c'est qu'elle noyait suffisamment ses sursauts de morale pour lui permettre de ne pas trop broncher.
— Quand vous aurez trouvé Dahlke et ses rations, rejoignez-moi aux transmissions, lui lança von Falkenstein, toujours dans son dos. On va envoyer un télex. Et on va avoir besoin de votre camion, aussi.
— D'accord, répondit Wolff sans se retourner. Mais moi ? J'ai à faire, ici...
— De la merde, vos polaks, le coupa l'autre. Déléguez.
— Et vous allez laisser votre hôpital ? Comme ça ! La 6e vous laissera pas faire, ajouta Wolff.
— On verra bien, répondit von Falkenstein alors qu'ils arrivaient au camp. Et puis ils ont Dahlke. Il aurait pu être aussi bon que moi, si seulement il n'avait pas choisi la pédiatrie.
Wolff n'avait plus d'arguments. Partout autour, ça criait en levant les tentes et en courant partout et personne ne fit attention à eux. Ils se séparèrent au poste de contrôle, von Falkenstein et la gamine apeurée se dirigeant vers le baraquement médiocre qui abritait les transmissions et Wolff convergeant vers l'hôpital de campagne.
Près de la grange qui abritait celui-ci, un attroupement s'était formé, mélange de blessés légers qui s'échangeaient des cigarettes, de gars aux bérets noirs de la division blindée et d'infirmiers vaseux mais contents de constater que l'enfer tirait désormais à sa fin. Monté sur le banc pour surplomber l'assemblée, un caporal en tenue de tankiste s'était lancé dans une anecdote hilarante qu'il illustrait à grands renforts de gestes et de cris. Wolff reconnut Armansche. Celui-ci imitait désormais le major Staub à la radio.
— On a abattu un de nos Stukas, cria-t-il. Comment ça, c'est pas nous ? Qui a descendu cet appareil ? Vous savez pas ? Vous vous foutez de moi ? C'est pas les martiens, tout de même, bordel ! Y a pas de Flakpanzers dans l'espace, vous êtes au courant ? Vous avez dit qu'ils avaient des jumelles, putain !
Il laissa passer une pause dramatique, savourant les rires incrédules avant de reprendre :
— J'ai mieux : l'avion est tombé dans un champ non loin. Deux confirmés, le pilote encore vivant. Des entrailles partout, la carlingue en feu, un massacre ! On leur a envoyé les services médicaux ! On leur a dit que c'était les polonais ! Staub était au bord de l'implosion, j'ai cru qu'il allait saigner du nez !
Hoquetant d'un rire sans joie, un homme en tapait du plat de la main sur sa gamelle. Un bandage propre lui entourait la moitié du visage. Il portait le blouson rembourré de la Luftwaffe. Il pleurait. Mugissant un flot incohérent et inarticulé, il se prostra au sol comme s'il priait, se débattant avec une folie trop absurde pour être contenue. Sanglotant comme un gosse de six ans, il cognait une motte d'herbe de ses poings nus, à s'en réduire les doigts en sang. Cela jeta un froid, qui persista jusqu'à ce que peiné, un des soignants ne le ramasse pour le ramener à l'intérieur en le tenant par les épaules. Indifférent, Armansche poursuivit son récit. Wolff se dit que ce n'était pas une guerre, mais une foutue mauvaise blague.
— Je cherche le chir Dahlke ! lança-t-il d'une voix forte, couvrant sans peine celle de l'amuseur de service.
L'interpellé s'extirpa péniblement de son groupe d'infirmiers pour s'approcher.
— Olrik Dahlke, présent ! s'exclama-t-il, puis il le reconnut. Ah mais c'est vous ? J'ai déjà dit au chir-chef von Falkenstein que je pouvais pas venir.
— Gamelle. Pas pour moi, dit Wolff, usant du ton télégraphique propre aux soldats.
— Ouais, j'ai, répondit Dahlke. Suivez-moi.
Il s'exécuta. Il n'aimait pas beaucoup Dahlke, malgré la sympathie débonnaire que celui-ci affichait en permanence. Son sens de l'humour, d'une cruelle indifférence quant à la souffrance de ses semblables, se rapprochait par trop de celui de von Falkenstein pour qu'il puisse l'apprécier. C'était un rempart comme un autre contre la démence, mais tout de même... il n'avait vraiment pas aimé comment il avait qualifié Lutz.
— Comment va-t-il ? s'enquit-il alors qu'ils entraient dans le lazaret désormais à moitié vide. Lutz.
— Lutz, Lutz, répéta Dahlke sans comprendre.
— La dague, lui rappela Wolff.
— Ah oui, l'omelette oculaire ! s'exclama Dahlke en louvoyant entre les couches de fortune. Il va bien ! Évacué y a une heure, direction la maison. Du bon travail, qu'on a fait. Enfin surtout le chef-chir. Une belle excision, bien propre, malgré le mégot qu'il a fait tomber dans l'orbite.
Wolff pâlit et faillit trébucher sur un brancard vide.
— Je rigole, s'empressa d'ajouter Dahlke par-dessus son épaule. Mais ça lui est déjà arrivé. Vous voulez que je vous raconte comment on a dû aller récupérer sa chevalière à l'intérieur d'une fracture ouverte, au tout début ? J'étais partisan de recoudre. Je veux dire, on a eu pire. Mais, la valeur sentimentale, et tout ça.
À son plus grand soulagement, il ne détailla pas. Il paraissait encore plus insupportable que von Falkenstein quand il se mettait à déblatérer, si toutefois c'était possible. Le drap du bloc pendait, complètement défait. Malgré l'odeur toujours présente et les résidus incrustés dans les lattes, le personnel du service sanitaire avait installé un réchaud à pétrole à même l'une des tables d'opération. Le brûleur crépitait joyeusement sous une grande marmite pleine de poule-au-pot. Tassés autour de cet autel déplacé, des gueules fatiguées et des uniformes sales en train d'enfoncer leurs museaux crasseux dans des timbales en glougloutant. La scène, comprimée dans ce cadre où l'odeur chaude de la soupe se mêlait à celle de la gangrène, lui fit l'effet d'un festin cannibale. Remarquant sa casquette, ils se poussèrent en grognant pour lui faciliter l'accès à la casserole. Les morceaux de viande blanche flottant dans leur bouillon gras lui coupèrent l'appétit. Il ne fut pas mécontent de quitter cet hôpital provisoire pour de bon, avançant avec précaution afin de ne pas renverser le potage.
*
Le poste de communications mobile de la 6e se résumait à des caissons de télétexte, des machines à écrire et des téléphones de terrain FF 33 jetés à la va-vite dans un cabanon de six mètres sur dix dont le toit était une bâche camouflée par des branchages secs. Toute la modernité germanique périclitait sous la ruine propre à la fin du front. Un foyer charbonneux achevait son agonie au milieu de troncs d'arbres usés par ceux qui s'y étaient autrefois pressés lors des nuits d'insomnie. Installée à même le sol, la gamine fixait le feu mort et les pierres noircies sans les voir. Les jambes croisées non loin, von Falkenstein s'était assis sur le tronc et appuyant un brouillon sur son genou, il rédigeait un télex à l'aide d'un crayon parfaitement taillé. Wolff se dirigea par-là, la timbale refroidissant entre les doigts.
— C'est pas trop tôt, dit von Falkenstein en se relevant aussitôt qu'il fut en vue.
Wolff ne répondit pas. Après avoir balancé un quignon de pain presque frais dans la gamelle, il fit mine de la tendre à la gamine et comme elle ne réagissait pas, il la posa devant ses pieds chaussés de caoutchouc. Humant l'odeur, elle s'en empara aussitôt pour y plonger les doigts. Il ignorait qu'on pouvait avoir aussi faim. La voir engloutir les légumes et le poulet sans mâcher ou presque avait quelque chose de touchant.
— Bah ça alors, dit-il. C'est ce qu'on appelle avoir la dalle.
Elle leva un regard inquiet dans sa direction pour le détourner aussitôt sur sa soupe.
— Elle parle pas allemand, vous vous souvenez ? lui fit remarquer von Falkenstein. Surveillez-là le temps que je donne ça aux transmissions.
La perspective ne l'enchanta guère et il le remarqua aussitôt.
— Si elle vous fracasse contre un autre mur, vous ne manquerez à personne, lieutenant, ajouta-t-il avant de partir.
Résigné, il se laissa choir sur le tronc en face de la gamine. Celle-ci terminait son repas à grands renforts de reniflements douloureux. Manger lui faisait mal, à cause des coups qu'elle avait récemment reçus, mais elle continuait tout de même. Wolff en ressentit un étrange dégoût, qu'il anesthésia immédiatement en se jetant une autre gorgée. Par-dessus sa gamelle, elle observait la flasque d'un air intrigué et il soupira.
— Schnaps, dit-il, lui arrachant un froncement de sourcils.
Il dit « vodka » et elle comprit, replongeant dans son bol avec un air répugné.
— Tu supportes pas ça, toi aussi, ironisa Wolff en constatant que sa réserve était désormais vide. Vous vous êtes bien trouvés, au final, avec l'autre con. Enfin, toi au moins, tu peux pas encore m'emmerder avec des leçons sur le sevrage. J'espère qu'on t'apprendra jamais l'allemand, tiens ! Ça m'évitera d'avoir deux hygiénistes sur le dos en permanence.
Elle accueillit sa diatribe avec son perpétuel air oscillant entre la frayeur et la résignation, avant de se pelotonner en position assise, ses bras maigrelets entourant son ventre, probablement pour s'empêcher de vomir de douleur. Elle toussa, hoqueta, en recracha un peu sur le côté mais parvint à en garder la majorité.
— Ça va ? s'inquiéta-t-il en se levant dans un réflexe.
Elle en feula de haine et Wolff se rassit immédiatement. Il se sentit soudain aussi bête qu'un poteau électrique planté sur une île déserte. Il voulut s'excuser, se rappela qu'elle n'allait pas le comprendre et se tût. Demander pardon pour quoi, d'ailleurs ? Pour avoir abattu son pauvre idiot de frère à bout portant ce matin-même ? À d'autres. Il était vraiment un abruti fini.
— Et puis merde, s'excéda-t-il en jetant sa flasque vide dans le cercle de pierre noirci devant lui.
La gamine se tassa un peu plus sur elle-même comme s'il venait de la frapper. S'ensuivit un pénible moment durant lequel, tétanisé, Wolff l'écouta pleurer et frissonner. Elle finit par se taire, replongeant dans sa léthargie. Il avait presque hâte que von Falkenstein revienne. Tout ça, c'était bien trop pour lui, et il n'avait plus rien à boire pour l'oublier.
Ce fut le major Staub qui arriva à la place. N'ayant plus grand-chose à commander alors que la 6e pliait doucement bagage pour passer la relève aux forces d'occupation en bien meilleure forme, il déambulait dans son camp, à l'évidence encore plus désœuvré que Wolff lui-même. L'avisant, il s'approcha, mains dans les poches en dessous d'une vareuse déboutonnée, fronçant les sourcils sous son képi de travers.
— Il se passe quoi ici, lieutenant ? demanda-t-il de son ton de commandement.
— Mission de surveillance, major, répondit Wolff en indiquant la fille. Et c'est SS-Obersturmführer, sauf votre respect.
— Commencez pas à me les péter avec vos grades, dit Staub. C'est quoi, ça ? ajouta-t-il en indiquant la gamine d'un doigt inquisiteur. On a été clairs là-dessus, il me semble ? Pas de femmes au camp. Ça porte malheur.
— C'est pas une femme, ça, major, le reprit Wolff. C'est une petite.
— Ça pisse à croupetons donc ça n'a rien à faire ici, dit Staub en commençant à s'échauffer. Même si ça ressemble plus à un rat mort qu'à une femelle.
Wolff, qui avait eu son compte d'officiers furibonds pour le reste de la semaine, se contenta d'hausser des épaules en reprenant sa position de garde.
— Voyez ça avec le SS-Hauptsturmführer von Falkenstein, major, répondit-il. Moi, je fais juste ce qu'on me dit.
Comme tous ceux qui portaient des galons plus hauts que lieutenant, Staub ne supportait que mal la contrariété.
— Et il est où, ce maudit connard d'autrichien ? s'écria-t-il. Que je lui explique une fois de plus le règlement !
— Il est là, répondit von Falkenstein qui revenait justement.
Il se planta en face de Staub et ajouta :
— M'expliquer quel règlement, encore ?
— Le nôtre, répéta Staub en sortant enfin les mains de ses poches pour se donner un air moins débraillé. Que vous avez signé !
— Absolument aucun souvenir de ça, major, répondit l'autre avec sa nonchalance habituelle.
— Qu'est-ce que vous foutez avec une civile en plein campement ? ajouta Staub, rougissant au fur et à mesure. C'est pas toléré, ça, vous le savez parfaitement. Une aussi jeune et mal nourrie, en plus ! C'est tordu.
Wolff était d'accord mais n'en montra rien. Ce n'était pas à lui d'intervenir dans les prises de bec entre galonnés. Face à la colère de Staub, von Falkenstein garda un silence indifférent, ce qui eut le don d'agacer d'autant plus le commandant.
— Expliquez-vous au lieu de vous allumer une sèche, exigea celui-ci.
— Je réfléchis quoi vous mentir, major, dit von Falkenstein sans se démonter le moins du monde.
Il tira une bouffée de sa cigarette avant de reprendre :
— Je pourrais vous dire qu'elle a la rage, que j'avais besoin qu'on me cire les bottes ou même que je comptais changer d'animal domestique. Mais ça serait du temps perdu, alors on va dire que c'est confidentiel.
À l'air de Staub, Wolff crut que celui-ci allait faire une attaque. Cela lui arrivait régulièrement, surtout lorsqu'il adressait la parole au responsable de son propre hôpital militaire pendant plus de cinq minutes. Cette capacité systématique à faire naître un début de congestion cérébrale chez les gradés de la régulière avait valu un respect universel à von Falkenstein, et ce, dès le début ; même parmi les plus méfiants envers son uniforme. Wolff se prépara mentalement à noter tous les détails qui pourraient nourrir son futur récit de la mémorable conversation qui s'annonçait. La bouche entrouverte, Staub se demandait visiblement si la présence d'une civile loqueteuse valait la peine de s'accrocher avec quelqu'un dont les diatribes avaient acquis le statut de légende dès le deuxième jour de mobilisation.
— Changer d'animal domestique ? répéta-il seulement.
— J'ai un chat, expliqua von Falkenstein. Noir. Il s'appelle Gustav.
Staub ne sut pas quoi répondre. Comme la plupart des engagés de la 6e, il se retrouvait vite désarçonné par l'attitude de von Falkenstein et Wolff eut presque envie de le plaindre. Tel un hibou famélique aux yeux ronds, la gamine suivait leur échange tout en essayant de s'enrouler dans son foulard pour se protéger du froid.
— Soit, dit Staub. Faites ce que vous voulez. Mais pas ici.
— J'attends la réponse à mon télex et après, on quitte votre territoire, c'est promis, répondit von Falkenstein avant de jeter son mégot.
Staub palabra encore un peu, juste pour la forme, soucieux de ne pas perdre sa face d'autorité suprême des environs. Mais comme Wolff s'en était rendu compte dès le début, il était impossible de s'opposer à von Falkenstein dès qu'il avait une idée en tête. Lorsque cela arrivait, tout se pliait à sa volonté, y compris le major, d'une manière ou d'une autre. En général, il obtenait ce qu'il réclamait. C'en était surnaturel.
— Très bien, céda enfin Staub. Mais par pitié, couvrez-là, elle n'arrête pas de trembler.
Comme aucun d'eux ne réagit à son constat, il finit par se débarrasser de sa propre vareuse et la jeter en direction de la gamine. La veste atterrit sur ses genoux pointus en un bruit de tissu mou. Elle s'enroula à l'intérieur, ridiculisée par le vêtement deux fois trop grand.
— Vous avez envoyé un télex à qui ? demanda Wolff lorsque Staub fut enfin parti chercher des noises ailleurs.
Von Falkenstein s'étala plus qu'il ne s'assit sur le tronc qu'il occupait. Mal installé, il décida de se laisser glisser au sol, étendant ses bottes jusque dans les cendres humides.
— À ma mère, dit-il d'un ton sérieux.
Il éclata d'un rire désagréable devant l'air incrédule de Wolff. En l'entendant, la gamine rentra les épaules.
— À l'Ahnenerbe, à qui d'autre ? poursuivit-il en s'étirant. J'ai dit que j'avais enfin résolu l'affaire Bereznevo et que je possédais toutes les preuves nécessaires.
— Et vous pensez qu'ils vont répondre ?
— On va voir. De toute façon, ça ne changera rien. On la leur amènera quand même.
Wolff n'aimait pas beaucoup ce « on ». Cela le désignait comme complice.
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