Prix Renaudot lycéen 2015 (Partie 2)

Rencontre avec Alice Zeniter à Loudun

Lors de notre rencontre avec Alice Zeniter, nous fûmes installés dans un amphithéâtre à Loudun, et en attendant l'auteur du moment, nous relisions nos questions, anxieux à l'idée de prendre la parole devant tant de monde, même de notre âge.

Lorsque Mme Zeniter arriva, les « chuts ! » retentirent dans la salle, et elle s'assit à une table, entourée de Mme Jutane, Mme Simon et son éditrice. Après un discours très beau et vrai de Mme Simon, celle-ci demanda à Alice Zeniter si elle souhaitait prendre la parole pour commencer mais l'air horrifié et le refus net de Mme Zeniter l'en dissuadèrent. Tout de suite, en tant qu'interviewer novices et timides, sa réaction nous fit rire et détendit tout de suite l'atmosphère : nous n'étions pas les seuls intimidés. Ainsi commença le défilé de questions auxquelles Mme Zeniter répondit, pour la plupart par des métaphores que j'associe désormais à sa personne.

Avant son succès littéraire :

Lycéens : Quand avez-vous commencé à écrire ?A. Zeniter : J'ai commencé à écrire toute petite. J'ai grandi en écrivant.Lycéens : Pensiez-vous faire écrivain durant votre orientation?A. Zeniter : Pas vraiment car vivre de sa plume n'est pas souvent présentée comme voie d'orientation mais j'ai toujours voulu publier des livres et j'ai finalement tourné le dos à mon bac S. »

A propos de juste avant l'oubli :

Lycéens : Votre livre est-il une autobiographie?A. Zeniter : Je pense que je n'ai pas encore assez vécu pour écrire une autobiographie et je ne fais pas d'autofiction.Lycéens : De qui tirez-vous votre personnage G. Donnell?A. Zeniter : Je me suis inspirée d'Hemingway et de Michel Houellebecq pour créer ce personnage. Cet écrivain est à la limite entre l'analyse et l'humour noir.Lycéens : Vous êtes-vous déjà rendue dans les Hébrides, le principal lieu du roman ? Et pourquoi avoir choisi les Hébrides comme endroit?A. Zeniter : Oui, j'y ai déjà été, c'est un endroit magique, comme si on était au bout du monde et qu'il s'y désagrégeait. J'ai choisi cet endroit car la nature y est forte et l'humain, hors de propos, ce qui donne lieu à des légendes. On y entend plus les vagues et le vent que les voix humaines. Il n'y a alors plus de quotidien.Lycéens : Bien que vous ne fassiez pas d'autofiction, vous projetez-vous à travers la relation de Franck et Emilie?A. Zeniter : Il ne s'agit pas d'autofiction mais je me sers d'expériences que j'ai traversées. J'ai récemment vécu une rupture amoureuse et je me sentais tellement mal que je me demandais comment on pouvait vivre avec une telle douleur. Mais j'aime autant la littérature que les humains.Lycéens : Pensez-vous que votre roman sera adapté au cinéma?A. Zeniter : Il n'y a pas longtemps, j'aurais dit non à une adaptation cinématographique mais un ami m'a envoyé un script qui m'a beaucoup plu et désormais je médite sur la question mais mettre des visages sur les personnages de mon roman me décevrait, je pense.Lycéens : Publierez-vous une suite à juste avant l'oubli?A. Zeniter : Non, il n'y aura pas de tome 2.Lycéens : Le personnage de Galwin Donnel ne réapparaîtra donc pas?A. Zeniter : G. Donnel revient souvent, comme par exemple lorsque l'on m'a demandé d'écrire une nouvelle pour un hors-série de Télérama sur Star Wars.Lycéens : Pourquoi mettre juste avant l'oubli comme titre pour votre roman mais surtout pourquoi finir ainsi votre roman, sans dévoiler les dernières pages du roman de Donnel?A. Zeniter : Au début, le titre devait être histoire de l'oubli mais le titre était déjà pris. Et pendant longtemps la fin devait être une thèse sur le suicide de Donnel mais finalement, je suis très satisfaite du titre et de la fin de mon roman. En effet, ne pas révéler le dernier chapitre du livre de Donnel apporte un manque et un mystère plus fort que si Donnel avait fini son livre. Lycéens : Pourquoi avoir écrit « En fait, il était probable qu'une civilisation extraterrestre qui tenterait d'appréhender les différentes formes de vie sur la Terre par le biais du contenu de YouTube finît par se représenter un monde totalement dominé par les chats. »?A. Zeniter : Parce que je suis convaincue que si une forme extraterrestre tentait de se renseigner sur l'humanité par le biais de YouTube, c'est ainsi qu'elle nous percevrait.»

Les méthodes de travail d'Alice Zeniter :

Lycéens : Comment créez-vous vos personnages?A. Zeniter : J'aime les personnages principaux qui sont marginaux. Ils observent donc regardent les autres ce qui permet une tournure d'histoire intéressante comme le personnage de Franck qui est fort de valeur et a donc besoin d'aider.Lycéens : En parlant de Franck, pourquoi l'avoir affublé d'un prénom pareil?A. Zeniter : Avant d'écrire mon histoire, j'ai fait une liste de prénoms peu communs pour mon livre. Car dans un roman les héros ont toujours un prénom qui leur correspond parfaitement mais ce n'est pas comme ça dans la vraie vie. Le choix des prénoms est arbitraire, ce sont les parents qui décident et le prénom n'ira pas forcément à la personne.Lycéens : Comment faites-vous pour donner autant d'intensité à tous vos personnages sans exception?A. Zeniter : Je suis juste au milieu entre l'écriture et la mise en scène. Je mets ainsi mes personnages en scène pour qu'ils prennent vie. Mais j'ai aussi besoin d'avais extérieurs. Une fois qu'un personnage a son propre caractère, il y a une cohérence qui se fait dans le roman.Lycéens : Voulez-vous faire passer un message à travers votre livre?A. Zeniter : Non, je n'essaie pas de faire passer de message particulier à travers mes écrits. Si je le voulais, j'organiserais plutôt une conférence.Lycéens : Vous isolez-vous pour écrire?A. Zeniter : Oui, l'isolement, qu'il soit mental ou physique, est nécessaire pour se mettre en autarcie car l'acte d'écrire est solitaire. D'ailleurs, je vais bientôt partir en Bretagne pour commencer un nouveau roman dans une cabane de pêcheur isolée. Je l'ai déjà commencé et cela fait des mois, voir des années, voir toute ma vie que j'attends de l'écrire.Lycéens : Quels conseils donneriez-vous pour écrire ou publier un roman?A. Zeniter : Ne pas compter ses heures. Ecrire quand on veut. Ne jamais se dire que l'on continuera un passage quand on aura de l'inspiration. Mais surtout : lire.Editrice d'Alice Zeniter : Avant qu'une maison d'édition ne vous publie, il faut avoir écrit plusieurs livres.Lycéens : Avez-vous l'angoisse de la page blanche?A. Zeniter : Je ne me sens pas obligée d'écrire donc non, je n'ai pas l'angoisse de la page blanche. Et puis pour écrire, je puise dans l'énervement que me procurent les personnages que je n'aime pas autant que dans la tendresse que j'ai pour d'autres. Mais l'écriture de certains passages sur Donnell a été compliquée.Lycéens : Vous est-il arrivé de vous lasser de votre livre?A. Zeniter : Oui, à force d'aller-retour entre moi et mon éditrice, j'étais dégoûtée de toujours améliorer mon livre.Lycéens : Préférez-vous écrire sur papier ou sur un ordinateur?A. Zeniter : Je commence toujours à écrire sur papier. J'ai plusieurs carnets où j'entasse mes idées. C'est d'ailleurs un bordel pas possible. Une fois que j'ai plusieurs bouts de l'histoire, je commence à taper à l'ordinateur. Je me sers beaucoup de frises chronologiques, je dessine des cartes...Lycéens : Y a-t-il un moment de la journée que vous préférez pour écrire?A. Zeniter : Je suis une vraie marmotte donc je n'écris pas le matin et, en général, je n'écris jamais longtemps, peu importe l'heure.Lycéens : Vous arrive-t-il de vous perdre dans ce que vous écrivez parfois?A. Zeniter : Est-ce que je me perds dans mon écriture? Non. »

Cette rencontre fut un véritable moment de partage et je le garde parmi mes meilleurs souvenirs. Le style d'écriture d'Alice Zeniter est fluide et compréhensif alors si vous souhaitez lire un livre sans savoir lequel choisir je vous conseille vivement juste avant l'oubli et pour ma part, j'attends avec impatience son prochain roman !

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