02.9 :: 𝙏outes les chutes ne sont pas mauvaises
nda - cette fois, promis, c'est un chapitre plus léger... à la fin en tout cas :))
j'espère que vous allez bien sinon et que vos cours se passent bien ! ne faites pas comme moi, ne procrastinez pas vos cours et essayez de ne pas vous noyer sous la charge de travail ;)
au passage, le prochain chapitre sera le dernier de la deuxième partie ! le rythme de publication changera un peu ensuite, je vous en parle le 09 octobre plus amplement ;)
bonne lecture <3
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CHAPITRE NEUF - TOUTES LES CHUTES NE SONT PAS MAUVAISES
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« Impressionnant. »
Hajime releva à peine les yeux de l'affiche qu'il relisait à la recherche de coquilles pour observer celui qui venait de s'adresser à lui. Il l'avait reconnu rien qu'au son de sa voix et à l'apparence de ses chaussures qu'il devinait dans son champ de vision. Il les avait suffisamment vues récemment pour savoir à qui elles appartenaient.
« Quoi donc ? » demanda-t-il en achevant de noter ses remarques et en accordant finalement à Wakatoshi Ushijima l'intérêt désiré. Celui-ci s'installa à côté de lui avant d'expliciter :
« Tes travaux d'intérêt généraux. Enfin, la raison. Tout le monde en parle ici. »
Ah. Hajime pensait que, puisque le brun semblait passer énormément de temps dans son monde sans prêter attention à ce que racontaient les autres, il passerait à côté de tous les racontars qui couraient sur son sujet. Racontars certes tout à fait véridiques ― mais y avait-il réellement besoin d'en parler pendant des jours entiers ? Le jeune homme aux cheveux bruns voulait bien admettre que ses collègues aient pu être choqués par la nouvelle, mais tout de même, il n'y avait pas de quoi en faire tout un fromage à ses yeux.
Sa petite intrusion dans le centre de thérapie ― qu'il avait nuancée en rappelant qu'il se trouvait dans le centre en parfaite légalité, il avait juste un peu dérivé de son chemin ― lui avait coûté trois semaines de travaux d'intérêt généraux en guise de dédommagement. Dédommagement de quoi, songeait-il en se demandant pourquoi, dans leur société ultramoderne, ils avaient gardé l'existence de cette punition vieille de plusieurs siècles. Ce n'était pas comme s'il avait réellement endommagé du matériel. Il n'avait pas touché à un seul drone, ni une seule caméra.
Mais, les psychiatres avaient déclaré que son attitude était irresponsable, et qu'il avait troublé la quiétude des patients désireux d'être soignés. Ils avaient été à deux doigts de porter plainte contre lui pour cette intrusion, plainte qu'il était parvenu à annuler en acceptant sans protester d'effectuer ces menus travaux. Ce qui n'avait pas empêché les médias d'avoir vent de l'affaire, et si son anonymat avait été préservé, ainsi que celui d'Oikawa, tous ceux qui le connaissaient un minimum savaient qu'il passait ses soirées à effectuer ces travaux.
Il n'avait pas cherché à démentir ces accusations non plus, jugeant que c'était inutile. Il n'avait pas honte de ce qu'il avait fait. Il en était même fier d'une certaine manière. C'était sa façon à lui de protester contre ce que le système lui faisait subir ― et surtout à Oikawa. Et puis, les travaux en eux-mêmes n'étaient pas si durs : il pouvait mettre à profit ses muscles pour les effectuer rapidement et aider les drones, ce qui, d'une certaine manière, avait quelque chose de gratifiant ― il était au même niveau que des automates faits pour la construction. Bien sûr, il aurait préféré s'en passer, mais cela n'avait pas été une option évoquée par les thérapeutes qui s'étaient sentis offensés par son acte.
(Sérieusement, Hajime les prenait pour des dramatiques. Il avait certes désobéi à un bon paquet d'articles de leur règlement intérieur, mais n'avait pas à ce point mis en péril leurs soins attentifs. Il n'avait vu personne à part Oikawa. Sur qui leurs soins n'avaient même pas d'effets. Intérieurement, Hajime espérait que le facteur criminel de son petit ami baisserait grâce à sa visite. Histoire qu'il puisse leur envoyer leur incompétence dans les dents.)
« Je ne pensais pas devenir une star pour quelques travaux de chantier. » finit-il par répondre à Ushijima qui attendait toujours qu'il dise quelque chose. L'ironie était on ne peut plus présente dans le son de sa voix, mais Ushiwaka sembla ne pas y accorder d'intérêt, comme à son habitude.
« Je trouve aussi que leur réaction est exagérée. Mais je n'aurais jamais osé infiltrer un centre de thérapie de la sorte. » Hajime eut un petit rire désabusé à cette remarque.
« C'est infiltrer maintenant ? » Bientôt, les rumeurs allaient l'accuser d'avoir pris en otage des médecins. « J'avais un rendez-vous avec le directeur du centre. J'ai juste dévié du parcours des visiteurs.
― Pour voir Oikawa. »
Ce n'était pas un mystère pour qui que ce soit qui les connaissait un minimum qu'Oikawa était en thérapie, et même Ushijima l'avait appris. Tooru aurait pesté s'il l'avait su, mais Hajime ne lui en laissait pas l'occasion ― même s'il était très mal placé pour critiquer étant donné qu'il conservait lui aussi un ressentiment envers le joueur de volley.
« Oui.
― Comment va-t-il ? » Hajime haussa les épaules. Il n'avait pas spécialement envie de s'épancher sur le sujet, mais répondit :
« Je ne suis plus autorisé à le voir. Sa sœur m'a dit qu'il n'y avait pas de changement notable. »
Miyuko avait débarqué chez lui le lendemain de son intrusion, avant de le serrer si fermement dans ses bras qu'Hajime avait été complètement à bout de souffle lorsqu'elle l'avait relâché. La jeune femme l'avait ensuite chaleureusement remercié pour ce qu'il avait fait ― elle était et restait la seule à l'avoir fait d'ailleurs, ce que ne pouvait pas s'empêcher de noter l'ancien champion, quand bien même il n'avait pas fait cela pour être félicité.
Elle lui avait expliqué que les médecins avaient prévenu leur famille de ce qu'il avait fait ― ce qui donnait à Hajime la forte impression d'être un criminel sans foi ni loi ― et qu'il n'avait donc plus le droit de venir pour le moment. Miyuko avait une telle fougue dans les yeux en protestant contre cela que l'ancien champion avait craint, pendant quelques instants, qu'elle ne décide de mettre le feu au centre par vengeance. Néanmoins, il l'avait rassurée, lui disant que le plus important pour lui pour l'instant était d'avoir des nouvelles d'Oikawa.
Dire qu'il avait parfaitement compris la décision de son compagnon de rester était un mensonge ― car le jeune homme ne pouvait s'empêcher de détester le fait que, si aucune amélioration n'avait lieu, Tooru serait enfermé et traité comme un criminel dormant. Il aurait souhaité que son petit ami accepte de partir. Mais c'était un vœu égoïste. Tooru faisait preuve de plus de force que lui en faisant face sans ciller à ce que Sybille lui réservait. Jamais Hajime n'aurait le droit de lui en vouloir.
En rongeant son frein en attendant une évolution, Hajime se renseignait auprès de Miyuko. La jeune femme continuait d'aller voir son frère tous les deux jours, quand bien même l'état de son fils lui prenait beaucoup de temps ― Takeru ne s'était pas encore rétabli de sa maladie, et les médecins lui faisaient une batterie de tests pour la déceler désormais ― et de tenir au courant le petit ami de Tooru du mieux que possible.
L'ancien champion savait également que Hanamaki et Matsukawa avaient pris son relai pour aller voir leur ami un peu plus fréquemment et lui changer les idées. Selon leurs dires, le rire était la meilleure de thérapie ― et ils étaient experts de ce domaine avec leurs moqueries et blagues ridicules, alors Hajime les laissait faire. L'incident de la voiture semblait être derrière eux ― même si Matsukawa lui avait confié travailler sur une vengeance. Ils étaient impossibles.
« J'espère que cela s'arrangera. » reprit Ushiwaka. Hajime opina en serrant un peu plus fort l'exemplaire de l'affiche qu'il lisait précédemment. Le bruit du papier froissé attira l'attention du joueur de volley sur celle-ci, et il changea ainsi le sujet : « Vous vous faites de la pub ?
― On recrute, expliqua Hajime. Deux nouveaux entraîneurs. Il y a de plus en plus de demandes, maintenant que ce centre commence à se faire connaître. »
De plus en plus d'athlètes renouaient avec l'importance d'avoir un véritable coach humain, et non seulement un programme, pour s'entraîner et se maintenir en forme. À un haut niveau, une Intelligence Artificielle ne suffisait pas pour leur créer un programme d'entraînement adapté à leurs prochaines compétitions. Il leur fallait aussi un véritable cerveau pour réfléchir.
« N'est-ce pas le rôle de Sybille que d'affecter à des postes les citoyens ? s'enquit Ushiwaka.
― Si. Mais les entraîneurs pour athlètes de haut niveau sont recensés comme indépendants par le système, puisque la plupart travaillent pour eux-mêmes et quelques athlètes spécifiques. Les affectations dans de véritables centres de remise en forme de haut niveau se font au choix des utilisateurs.
― J'ignorais que c'était aussi complexe.
― Ça ne l'est pas vraiment, commenta Hajime en haussant les épaules. C'est juste une question de préférences personnelles. N'est-ce pas un peu similaire pour les athlètes ? Sybille ne vous impose pas d'équipe.
― Mais on ne choisit pas non plus. Ce sont eux qui viennent nous proposer un contrat. »
Hajime observa un instant de silence, songeur. Cela semblait logique que les recruteurs viennent directement en effet. Mais il trouvait toujours la logique similaire en fin de compte : ils gardaient une part de liberté malgré Sybille. C'était dans cette pensée qu'il puisait suffisamment de réconfort pour tenir le coup, jour après jour.
« J'espère que vous trouverez de nouveaux entraîneurs, commenta Ushiwaka avant de se redresser. Et j'espère que l'état d'Oikawa s'améliorera.
― Merci. » fut tout ce que le jeune homme put répondre, alors que l'autre s'éloignait.
Il n'y avait pas réellement d'autre chose à dire de toute manière. Cet espoir, Hajime le partageait également ― et il voulait y croire de tout son cœur. Même si la situation apparaissait assez obscure, avec le facteur criminel d'Oikawa dont la dégradation ne cessait pas. Le sien, de psycho-pass, n'avait pas beaucoup vacillé depuis tout cela ; Hajime n'observait qu'une augmentation de deux points, laissant son facteur criminel à 57.
Le coach sportif se redressa finalement, prenant la direction du bureau de son collègue pour lui rendre l'affiche ― on lui avait demandé de donner son avis, et elle lui convenait honnêtement. En son for intérieur, il la trouvait un peu flashy mais savait que c'était la marque de leur centre d'entraînement, alors son opinion à ce sujet ne serait sans doute pas prise en compte. Une fois cette tâche accomplie, il retourna dans son propre bureau ― qui n'avait de bureau que le nom.
Un désordre sans nom régnait dans la pièce qu'Hajime ne prenait jamais vraiment la peine de ranger ; il y passait si peu de temps qu'il n'en voyait pas l'intérêt. Il n'avait pas besoin d'un bureau, il n'était qu'un simple entraîneur, certes d'athlètes de haut niveau, mais tout de même. Il trouvait cela pompeux de lui octroyer une pièce juste pour lui ― heureusement qu'il n'y avait pas son nom sur la porte, cela aurait été le comble.
Il y venait pourtant pour rechercher quelque chose ; cela n'allait pas être une mince affaire, mais il était assez certain que ce qu'il désirait se trouvait dans ce capharnaüm. Il allait juste devoir tout retourner pour le retrouver ― heureusement, le sprinteur Sakusa n'arrivait que dans une heure et demie pour sa séance de course quotidienne sur tapis. Il avait un peu de temps devant lui pour retrouver ce fichu bocal.
Un bocal, oui, voilà ce qu'il était venu retrouver. Certains auraient dit qu'il était stupide de s'embêter pour un simple bocal, qu'il n'avait qu'à en racheter un autre s'il avait besoin d'un récipient ― surtout que ce bocal était complètement vide. C'était un objet en verre, dépourvu de fioritures ; à l'exception de deux lettres soigneusement inscrites sur le dessous : TO. Les initiales de Tooru.
Le bocal lui appartenait en effet, quand bien même il avait échoué dans les affaires d'Hajime. L'ancien attaquant l'avait récupéré bien des années plus tôt, lorsque son compagnon le lui avait offert pour lui souhaiter un bon rétablissement ― il était à l'époque garni de sucreries, destinées à aider Hajime à se remettre de son bras cassé à la suite d'une mauvaise chute.
Le jeune homme aux cheveux noirs avait pendant longtemps ignoré que ce bocal n'était pas un simple bocal. Il avait simplement pensé que son meilleur ami l'avait acheté avec les bonbons, ou alors qu'il l'avait chipé dans un placard de sa cuisine au nez et à la barbe de sa mère qui en possédait de très nombreux.
Les initiales avaient cependant constitué un premier indice que ce bocal était plus que cela, et Hajime avait appris le fin mot de l'histoire beaucoup plus tard, en discutant avec Miyuko ― il apprenait bien souvent beaucoup, beaucoup de choses sur le petit frère en discutant avec la grande sœur qui connaissait étonnamment bien celui-ci malgré leur différence d'âge.
Il y avait donc découvert que ce bocal était considéré, par le petit garçon de l'époque, comme un bocal magique. Il l'avait récupéré dans une fête foraine, car il s'agissait d'un prix de consolation pour une attraction ― ce détail avait fait sourire l'ancien attaquant qui imaginait sans mal la déception de son compagnon devant ce simple bocal. Le vendeur avait dû ruser d'imagination pour parvenir à lui faire avaler qu'il était magique. Mais il y était parvenu, et son meilleur ami, du haut de ses neuf ans, avait décidé quelques temps plus tard que donner ce bocal à Hajime pour qu'il aille mieux, persuadé que le récipient accomplissait des miracles.
Sérieusement, Hajime trouvait presque cela trop adorable. Il n'avait aucun mal, encore aujourd'hui, à imaginer son imbécile de petit ami remplir consciencieusement le bocal avant de lui en faire don. La scène avait quelque chose de mignon ― et il détestait son esprit pour se ramollir à ce point pour un bocal de plastique. Ceux qui disaient que l'amour n'avait rien d'une maladie avaient tort ― on en souffrait de très nombreuses conséquences.
Nul doute aujourd'hui que Tooru avait réalisé sa crédulité de l'époque, quand bien même ils n'avaient jamais reparlé du bocal ― il y avait une petite chance que le brun ait oublié ce détail, mais connaissant sa mémoire, Hajime était certain qu'il s'en souvenait très bien et désirait simplement que le sujet de sa naïveté ne revienne pas sur le tapis. Il devait également être certain qu'Hajime l'avait perdu, ce récipient de plastique usé. Ce qui était faux. Hajime l'avait gardé, et il l'avait même amené ici ― la véritable explication, c'était qu'il avait fait du rangement dans ses affaires quelques années plus tôt et qu'il avait classé cet objet dans la catégorie des Inutile, prend de la place, ne servira jamais à rien mais à conserver quand même. Une catégorie qui avait atterri ici.
S'il voulait le récupérer aujourd'hui, c'était pour le rendre à son propriétaire initial. Hajime et Tooru avaient vingt ans, et ils savaient aussi bien l'un que l'autre que ce bocal n'exauçait pas les vœux et ne soignait pas les blessures. Mais Hajime avait envie de le lui donner, en souvenir. C'était si niais qu'il avait presque envie de se flageller lui-même pour ce type d'initiatives, Tooru exerçait une influence déplorable sur lui.
(Il en avait pris conscience le jour où il avait réalisé qu'il appréciait le surnom Iwa-chan. C'était du lavage de cerveau, à son humble avis. À force de le lui répéter à longueur de journée, il l'avait imprimé dans son esprit.)
Quoiqu'il en soit, il lui fallait ce foutu bocal, car le temps le pressait de plus en plus désormais. Il continuait de refuser l'idée qu'Oikawa allait peut-être se retrouver en centre pour criminel dormant, mais il prenait une espèce de précaution à ce sujet. Pour ne pas se mordre les doigts plus tard.
Malheureusement, ledit bocal semblait avoir décidé de lui échapper. Il eut beau retourner ses tiroirs de fond en comble, l'objet ne se montra pas rapidement, poussant encore davantage sur ses nerfs déjà à vif par la situation générale. Lorsqu'il le retrouva finalement, il dut arriver à l'évidence qu'un problème de taille se posait à lui : le bocal était légèrement déformé. Sans doute que quelque chose de trop lourd avait appuyé sans cesse dessus, provoquant cette nette déformation sur le plastique. Il s'avérait difficile désormais de poser quoi que ce soit dedans, car la forme du récipient avait souffert et était assez spéciale désormais.
Néanmoins, il le récupéra ; il ne comptait de toute manière rien mettre dedans ― il n'allait pas y mettre des bonbons, Tooru n'avait plus dix ans. Même si son petit ami était assez puéril sur les bords, lui offrir des bonbons semblait assez exagéré.
Il le lui offrirait tel quel, tant pis.
Après avoir épousseté un peu l'objet et ses vêtements froissés ― il avait dû s'allonger sur le sol pour parvenir à atteindre ledit bocal ― il le rangea dans sa poche, espérant qu'il ne l'endommagerait pas de nouveau. Son petit ami était capable de lui reprocher de ne pas prendre soin de ses cadeaux. (En plus, Hajime ne pouvait rien lui reprocher. Oikawa prenait soin de tout ce qu'il lui offrait, à son plus grand malheur parfois, quand il s'agissait de cadeaux un peu trop anciens.)
La vraie difficulté allait maintenant être de lui donner ce cadeau-qui-n'en-était-pas-exactement-un. Hajime était toujours interdit de visite, cela ne changeait pas. Mais il n'avait pas envie de laisser n'importe qui le donner ― aucune offense pour Miyuko, vraiment, mais il voulait le donner à Tooru en personne. Ce qui s'annonçait un peu compliqué : il n'avait pas le droit de le voir. Et il doutait qu'entrer à nouveau dans le centre en toute illégalité soit très recommandé pour lui vu ce qu'il avait déjà commis. Cette fois-ci, il allait vraiment se retrouver avec un procès.
Peut-être pourrait-il essayer de négocier avec le directeur du centre. Il s'était excusé et effectuait sans broncher ses travaux d'intérêt généraux. Il pouvait peut-être essayer de se débrouiller pour avoir le droit de voir Tooru. Rien que dix minutes lui suffisaient ― faux, mais ce serait un argument convaincant pour l'homme. Mais encore fallait-il que celui-ci accepte de le revoir ― il semblait particulièrement rancunier, il fallait l'admettre. Plus que Tooru, ce qui était loin d'être aisé à égaler malheureusement.
Néanmoins, avant d'avoir pu décider de ce qu'il allait faire, il fut interrompu dans sa besogne par une alerte qui fit vibrer son portable. Il était supposé être en train de travailler ― même s'il avait déjà dérogé à cette règle en cherchant son bocal pour un désir personnel ― aussi il n'y prêta pas attention tout de suite ; cependant, il finit par céder en sentant que les vibrations continuaient.
Il s'attendait d'emblée à voir le nom de Matsukawa ou Hanamaki s'inscrire sur son écran, mais constata qu'il s'agissait en réalité de notifications provenant des sites d'actualité. Il en recevait habituellement très peu ― cela l'ennuyait d'être dérangé pour savoir ce qu'avait dit le ministre de l'économie dernièrement ― et filtrait de toute manière soigneusement les actualités qui l'intéressaient. Néanmoins, il arrivait parfois que, lorsque l'actualité annoncée était de prime importance, tous les citoyens de Sybille recevaient les notifications, qu'elles soient désactivées ou non. Il fallait bien les tenir au courant des retournement de situation de l'actualité ― disaient-ils.
Hajime parcourut d'un œil désabusé les titres, dans l'ordre décroissant de leur réception. La porte-parole du Ministère des Affaires Sociales s'adressera à une salle de journalistes ce soir. Toujours aucune nouvelle des Affaires Sociales, que faut-il en déduire ? Les citoyens se déchirent sur la grande question qui fait suite à ces révélations : est-ce une info ou une intox ? La Sécurité Publique en plein sous le feu des projecteurs une fois encore, après la diffusion d'une étrange vidéo sur Internet. Qui sont donc les fameux membres du réseau Eitpheil ?
Si l'intérêt d'Hajime avait déjà été piqué en lisant l'avant-dernier titre, il le fut encore plus en découvrant le dernier intitulé, qui était en réalité le plus ancien. Le réseau Eitpheil ? Ce nom lui évoquait un grand nombre de choses aujourd'hui ― mais il n'avait jamais vu aucun article sur ce réseau en question. Aussi, il cliqua sur le lien pour découvrir de quoi il retournait ― et peut-être comprendre, grâce à cela, les autres titres de l'actualité.
Il aboutit sur un long article qui commençait par une image ; l'entraîneur sportif haussa les sourcils en découvrant une femme ― enfin, il supposait que c'en était une vue sa silhouette ― portant un masque traditionnel et une tenue toute en noir. Les seules touches de couleurs de cette personne étaient son masque rouge et ses cheveux blonds qui encadraient le masque.
Hajime descendit en diagonale l'article, avant de trouver ce qui avait déclenché une telle flambée d'articles aux titres polémiques. Une vidéo avait été mise en ligne dans la nuit, dans laquelle la femme, qui se présentait comme s'appelant Mellori, avait lâché une information de taille : elle faisait partie d'un groupe de criminels dormants traqués par Sybille, car ils aidaient des « criminels erronés » à s'échapper. En d'autres termes ― des gens condamnés par Sybille sans motif.
Il n'avait pas fallu longtemps pour que les médias et les internautes s'enflamment, comme le constatait désormais Hajime. Théories, accusations, tentatives de justification, on trouvait de tout sur les réseaux sociaux. Le jeune homme essaya d'éviter les articles aux titres les plus enflammés ― il les jugeait un peu trop douteux et aguicheurs pour dire totalement la vérité, et la situation était telle qu'il n'était pas certain que les robots de Sybille aient pu bien effectuer leur travail de vérification d'Internet.
Il parvint à isoler d'autres informations qui semblaient plutôt fiables à force de lecture. Apparemment, la SP avait été publiquement accusée par cette Mellori de se plier aux ordres de Sybille aveuglément, sans prendre la peine d'analyser les situations qui pouvaient choquer par leur invraisemblance. Elle donnait même plusieurs exemples ― dont un qui ressemblait vaguement au cas du central de Karasuno à ses yeux, mais sans nommer les concernés.
Ladite SP avait gardé le silence pendant plusieurs heures malgré les demandes des journalistes pour les convaincre de parler, mais venait d'affirmer que leur porte parole s'exprimerait un peu plus tard dans la journée. Sans doute le temps de mettre au point une défense convenable, songea Hajime. Même si, honnêtement, il était surpris de voir autant de protestations. D'ordinaire, les défenseurs de Sybille se seraient empressés de décrier et de parler de diffamation, surtout qu'aucune preuve concrète n'était présentée. Sans doute la voix de ceux qui critiquaient était-elle plus forte.
L'ancien attaquant se demandait quel était l'objectif du réseau ainsi. Eux qui s'étaient cachés pendant tout ce temps, pourquoi soudainement se révéler ainsi au grand jour ? Hajime se demandait ce qu'ils cherchaient à accomplir ainsi. Créer un psycho-syndrome collectif ? Cela risquait bien d'arriver en effet, surtout avec les réactions contradictoires que cela allait susciter. Avec cet acte, le réseau Eitpheil se plaçait en plein dans la ligne de mire de Sybille, encore plus qu'avant. Le jeune homme aux cheveux noirs eut une petite pensée pour Orru, et se prit à espérer que le jeune homme avait fui une bonne fois pour toute la SP. À ses yeux, cette vidéo était une brutale provocation... qui cachait peut-être un désir d'Eitpheil de se venger pour quelque chose... Mais encore une fois, il extrapolait sans doute.
Hajime finit par se tirer du mutisme dans lequel il s'était enfermé pour lire tout cela, avant de soupirer et de ranger son portable. Sakusa allait bientôt arriver, il n'était plus temps pour lui de bailler aux corneilles. Il avait son propre travail, qui ne devait pas être impacté par sa vie personnelle ; c'était le mantra de Sybille, mais aussi le sien, il n'aimait pas l'idée de profiter de ses problèmes pour s'octroyer du repos ou des mots doux. Et il en avait déjà assez marre qu'on discute sur son compte pour les raisons qui l'avaient poussé à braver ainsi la sécurité d'un centre de thérapie.
Il passa donc le reste de sa journée déjà entamée à aider le jeune sprinteur prometteur dans son entraînement. Ils se connaissaient auparavant rapidement, de par leurs matchs entre leurs lycées, car le jeune homme aux cheveux noirs faisait lui aussi partie de l'équipe de volley. Il faisait partie des athlètes de haut niveau recrutés tardivement par Sybille, car n'ayant jamais passé le test d'aptitudes spécial, malgré ses compétences impressionnantes en athlétisme. Et il venait depuis quelques temps au centre où travaillait Hajime pour recevoir un coaching personnalisé, une tâche dont il avait hérité par le gré du hasard.
Le courant passait bien entre eux ; ils étaient tous les deux du genre discrets, peu friands des conversations pour ne rien dire. Ils partageaient donc de bonnes séances à deux, calmes et souvent assez reposantes, en comparaison avec d'autres athlètes plus énergivores que d'autres pour le jeune homme aux cheveux noirs.
Ils eurent donc une bonne séance de deux heures ― au cours de laquelle personne ne les dérangea, et même Sakusa ne lui parla pas de ses travaux d'intérêt généraux. Il savait qu'il était au courant, parce qu'il avait décalé une de leurs séances qui finissait trop tardivement en comparaison avec ses heures de travail, mais, contrairement à tous les autres, il ne lui fit aucune mention de celles-ci, à son grand bonheur.
Une fois leur session terminée, Hajime enchaîna avec une autre séance pour une remise en forme d'un tennisman avant de pouvoir quitter son travail. Direction désormais le bâtiment en construction sur lequel il devait travailler pendant encore deux heures. Une routine s'installait doucement dans sa vie ― il ne lui manquait que de pouvoir caser une visite à Oikawa, quand les médecins seraient de nouveau prêts à l'accueillir.
Au moins, Miyuko lui donnait de nouvelles assez fréquentes. D'ailleurs, elle venait de lui envoyer un message, sans doute pour le tenir au courant. Il le lut rapidement, ignorant volontairement les notifications supplémentaires concernant le scandale de la vidéo d'Eitpheil. Et le contenu du message le fit piler net.
Toory est à 99. Son facteur a baissé de quatre points.
C'était la première baisse qu'il connaissait depuis son hospitalisation dans le centre.
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