02.8 :: 𝙇'heure des choix

nda - un de mes chapitres favoris! j'adore la relation de oikawa et iwaizumi, et je me suis amusée à les écrire ici <3

c'est la dernière fois que je poste toutes les semaines, le prochain chapitre sortira donc dans deux semaines seulement ! le 25 septembre donc :))

bonne lecture !

CHAPITRE HUIT - L'HEURE DES CHOIX
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Hajime avait rarement l'impression de perdre le contrôle de sa vie, mais celle-ci se faisait de plus en plus forte ces derniers temps. Surtout depuis qu'il avait croisé Orru. Il savait qu'il faisait une fixette trop peu naturelle sur ce qu'il lui avait dit, surtout que dans le même temps, tout son esprit se focalisait sur l'idée de ne pas prendre la décision à la place d'Oikawa.

Malgré tout, il s'inquiétait. Une semaine s'était écoulée depuis qu'il avait vu Oikawa, et l'état de son petit ami avait recommencé à stagner. Au moins, aucune dégradation n'avait pris place depuis, mais aucune diminution non plus, et l'humeur de son compagnon était aussi aléatoire que le temps. Parfois, il était étonnamment heureux, mais la plupart du temps, il oscillait entre fatalisme et humour cynique.

Iwaizumi avait beau tout utiliser pour le dérider ― que ce soient des coups ou des encouragements ― rien ne semblait fonctionner. Et les choses n'allèrent pas en s'arrangeant : Takeru, le neveu de son compagnon, souffrait d'une vilaine infection qui le clouait au lit et inquiétait les spécialistes. Son oncle devait donc encore plus se sentir impuissant ― un sentiment qu'Hajime connaissait bien.

Lui-même s'inquiétait pour le petit garçon. Il était allé voir Miyuko et les parents de son petit ami quelques jours auparavant, et l'enfant souffrait encore d'une forte fièvre et de tremblements. Décidément, songeait Hajime, le destin s'acharnait sur le petit noyau familial des Oikawa autour duquel lui-même gravitait.

Deux semaines après l'entrée d'Oikawa au centre, l'avenir était donc bien obscur. Hajime enchaînait ses journées de travail avec des visites au centre de thérapie et des expéditions chaotiques dans lesquelles Makki et Mattsun l'entraînaient. Et, un beau jour, alors qu'il se rendait justement à l'un de ces rendez-vous avec ses deux anciens coéquipiers, il acheva définitivement de perdre le contrôle de sa vie : il retomba sur Orru.

Cette fois-ci, il n'était nullement dans les toilettes d'un café, mais dans une rue calme qui menait au centre-ville de l'arrondissement de Nakano. Peu de personnes s'y trouvaient au moment présent ― seule une femme discutait au téléphone sur un balcon, une cigarette à la main, et un homme pianotait sur son téléphone, capuche sur le visage. Ce fut lorsqu'Hajime passa à son niveau qu'il releva la tête, et que ce dernier le reconnut.

« Encore vous ? » s'exclama-t-il en le reconnaissant. Orru grimaça devant cet accueil.

« Dis-le si j'te dérange. » Le silence observé par Hajime sembla parler pour lui.

« La SP vous cherchait.

― Ouais. J'devrais pas être ici. » La voix du jeune homme était très lasse, nota le coach sportif. Il semblait épuisé, il pouvait le dire rien qu'à sa posture et le son de sa voix.

« Alors pourquoi être venu prendre ce risque ?

― J'devais savoir si le message avait bien été transmis.

― Je l'ai déposé.

― J'sais. Mais il est pas arrivé au destinataire. » Hajime fut tenté de lui répondre que ce n'était pas surprenant vu les consignes vagues, mais ne dit rien. Si c'était surprenant aux yeux d'Orru, eh bien, cela ne l'était pas aux siens, mais il n'allait pas épiloguer plus longuement.

« Comment vous le savez ? » Mauvaise question visiblement, car Orru l'ignora royalement et se contenta de continuer de marmonner ― difficile de savoir s'il adressait à lui-même ou à Hajime aussi.

« C'est pas normal. Le message aurait dû arriver à bon port.

― Écoutez, soupira Hajime, navré pour vos ennuis. Mais ça ne me regarde en rien, et j'ai déjà assez de soucis comme cela, donc je vais vous laisser. »

En son for intérieur, il se demandait pourquoi tout cela prenait des airs de vaste blague. Son esprit était déjà assez tourmenté par sa première conversation avec Orru sans qu'une seconde ne vienne le tenter davantage. Ses rares souvenirs d'histoire de la religion lui rappelaient le mythe du jardin d'Eden, avec le serpent qui tentait Eve. Il n'était pas du genre à se livrer à la poésie et aux métaphores, mais toute sa situation était déjà assez exceptionnelle comme ça.

« Attends, attends. J'suis pas venu juste pour te dire ça.

― Quoi encore ? Je ne veux pas être dans vos ennuis. Vous êtes un criminel dormant, moi un citoyen modèle de Sybille. » Une grimace intérieure accompagna cette déclaration, mais il n'en montra rien.

« Ouais, ouais, j'connais la musique. J'veux juste savoir si tu as repéré quelqu'un de bizarre en allant déposer le message.

― Vous croyez que j'ai pris le temps de regarder tous les visiteurs d'un des parcs les plus fréquentés de Tokyo ?

― Pourquoi pas ? »

Hajime resta silencieux devant cette question rhétorique, et se contenta de réfléchir aux personnes qu'il avait pu apercevoir. Rien ne lui revint néanmoins, à part cette personne qui avait retenu son regard et dont il ne parvenait pas à se souvenir de l'identité. Il la décrivit à Orru sans trop savoir si cela répondait réellement à sa question ; l'autre ne sembla pas particulièrement intrigué d'ailleurs, mais hocha la tête et ne lui demanda rien d'autre.

« OK. En passant... Ils sont partis. »

Orru n'éclaira pas sa pensée, mais Hajime avait bien saisi à quoi il faisait allusion. Il était assez heureux de cette nouvelle ― cela signifiait que la SP n'avait pas mis la main sur eux. Après l'avoir délivrée, Orru tourna les talons sans rien ajouter, mais, sous une impulsion, sans doute à cause de cette précédente déclaration, Hajime le rattrapa verbalement.

« Attendez. Vous... » Il hésita, et les mots eurent du mal à franchir la barrière de ses lèvres. « Vous faites réellement sortir les gens sans encombre ?

― Ouais. » La réponse était lapidaire, mais contenait tout ce qu'il savait. Orru lui jeta un petit coup d'œil en coin après celle-ci. « Intéressé ?

― ... » L'ancien attaquant resta silencieux. Il ne savait pas. Son esprit lui criait toujours que c'était une idée stupide. Et son cœur, lui, lui rappelait l'état inquiétant d'Oikawa. Et ses propres soucis. Il ne savait pas.

« Si t'es pas certain, décide vite. Parce que j'me casse de la ville demain, et j'y reviendrai pas avant un bout de temps. Comme tous les membres d'Eitpheil.

― Eitpheil ?

― On verra ça plus tard, grimaça Orru. Décide d'abord. »

Hajime fit la moue, avant de secouer la tête négativement. En si peu de temps, prendre la moindre décision serait précipitée. Il ne pouvait pas faire une telle chose. Alors qu'il s'apprêtait à dire explicitement à Orru d'oublier, l'autre reprit la parole.

« J'repars demain soir. Si t'as décidé, viens à la sortie est de la ville.

― Je pourrais vous balancer à la SP avec ces infos.

― J'suis pas un bleu. » rétorqua pour toute réponse Orru avant de s'éloigner pour de bon.

Iwaizumi le regarda faire avant de soupirer de lassitude. Il reprit ensuite son chemin en marmonnant à sa propre intention :

« Je suis un abruti. »

Pendant le reste de sa journée, et ce malgré les tentatives de Makki et Mattsun pour lui changer les idées de ce qu'ils appelaient ses emmerdes personnelles qui allaient lui causer un ulcère ― s'ils avaient su quelle était la teneur de ces « emmerdes », sans doute n'auraient-ils pas été aussi légers à ce sujet ―, Hajime chercha un moyen de communiquer avec Oikawa pour de bon au sujet de cette soi-disant fuite.

Après tant de jours à gamberger sur l'idiotie d'une telle décision, il lui semblait ridicule de finalement s'y jeter tête baissée. Et si quelque chose ne changeait définitivement pas, c'était bien sa volonté de ne pas prendre la décision sans l'aide d'Oikawa. Malheureusement, communiquer lui semblait impossible. Ils pouvaient bien sûr discuter, ils le faisaient déjà grandement et longuement, mais tout était soigneusement enregistré et surveillé par un drone. Nul doute que le programme du drone en question était fait pour réagir en cas de conversation à teneur inquiétante.

La discussion à mots couverts était possible, mais il lui fallait s'assurer qu'Oikawa comprenait sans ombrage ce qu'il essayait de lui dire. Or, il ne voyait pas comment cacher ces informations sans les rendre incompréhensibles. Il se retrouvait donc bloqué et dut en convenir : sa seule solution consistait à mettre Oikawa devant le fait accompli.

Il savait que le brun n'était pas autorisé à sortir pendant sa convalescence, surtout avec sa rechute, mais il connaissait par cœur la liste des exceptions. Et s'il répugnait à utiliser Takeru comme argument, il n'avait aucun remords à se servir de ses parents pour arriver à ses fins ― leurs absences répétées allaient finalement lui être utiles. Il pouvait donc largement dire que l'un de ses parents était souffrant, ou plus exactement mourant, et obtenir une autorisation de sortie.

Autorisation à l'issue de laquelle il expliquerait l'opportunité à Oikawa. Très sincèrement, Hajime ne savait pas ce qu'il espérait entendre. Ce qu'il voulait, c'était juste retrouver son petit ami à temps complet. Et en bonne santé. Rien de plus. Il ne faisait rien de mal. Il continuait de laisser Oikawa choisir. Et il ne lui forcerait pas la main.

(Il le mettrait seulement devant le fait accompli après avoir tout arrangé dans son dos, susurra une petite voix dans son esprit.)

Hajime mit donc son plan en place le lendemain matin : il posa sa journée ― son patron pesta, ses sportifs allaient sûrement rouspéter pour ce changement intempestif, mais il avait besoin d'avoir du temps devant lui pour tout préparer et être convaincant, un homme dont les parents étaient malades ne se rendait pas au travail comme si de rien n'était.

Il se rendit ensuite dans la matinée au centre de thérapie pour s'entretenir avec le directeur et psychologue d'Oikawa. L'homme le reçut dans son bureau, apparemment surpris par sa requête, mais toujours souriant, comme bon nombre de médecins, songea-t-il. Il lui offrit une tasse de thé, qu'Hajime déclina doucement, avant de lui demander ce qui l'amenait.

« Mon père est très malade. » Hajime n'était pas un bon menteur, mais il fit de son mieux pour affecter une mine grave, et un ton inquiet. « Les médecins sont inquiets pour lui. Oikawa a toujours été proche de mes parents, et de lui spécifiquement. Alors je voudrais pouvoir l'emmener le voir. »

Il exposa doucement les faits en observant les réactions de son interlocuteur. Celui-ci ne montra aucune réaction particulière, ni dans un sens ni dans l'autre. Il se contenta de décroiser les jambes, avant de les recroiser, puis de déclarer :

« Eh bien, notre politique dans ces cas-là est en effet adoucie. Si un proche est dans un état délicat, ne nous sommes pas assez sans cœurs pour empêcher nos patients de le voir. Cependant, êtes-vous certain que, compte tenu de l'état critique de monsieur Oikawa, ce soit une bonne idée ?

Que voulez-vous dire ?

Eh bien, son facteur criminel est toujours instable. Le décès d'un proche, ou en tout cas sa souffrance, pourrait aggraver cet état de fait.

Vous suggérez que je ne lui dise rien ? » Le ton d'Hajime était acide et critique.

« Pour le moment, oui. Il faut se concentrer sur sa guérison pour l'instant.

Il a le droit de savoir. Il voudra savoir. »

Ce n'était pas un mensonge cette fois-ci. Tooru et lui s'étaient promis de ne plus se cacher quoi que ce soit ― sa relation avec le réseau n'était pas un mensonge, mais une dissimulation provisoire compte tenu de la situation ― et Hajime ne pouvait pas accepter une telle idée.

« Très bien, soupira le psychologue en se redressant. Je vais demander à un drone de le convoquer ici. » Il se leva pour saisir une tablette et pianota dessus quelques instants. Soudainement un bip déchira le silence, les faisant tous deux sursauter. Une mine soucieuse se peignit sur le visage du médecin, et il parcourut le contenu de la tablette avec insistance. « Mince. » souffla-t-il en lisant.

Cette exclamation, presque amusante tant le mot semblait faible comparé à ce que son visage traduisait, fit se tendre Iwaizumi qui le regarda avec attention ― et sans doute un petit regard noir qu'il ne contrôlait pas, car l'autre tressaillit en le regardant et expliqua :

« Le facteur criminel de monsieur Oikawa recommence à bouger. »

Cette simple remarque plongea l'ancien attaquant dans deux états d'esprit : tout d'abord, dans l'inquiétude, car cela ne faisait pas si longtemps que le facteur criminel du jeune homme avait montré ses derniers signes d'augmentation, et il s'inquiétait de la manière dont allait réagir son petit ami face à ce nouveau changement ; puis, de la perplexité. Car tout cela semblait se produire comme le docteur l'avait insinué, mais Oikawa ignorait encore l'état prétendu de son père. Et que tout cela semblait un peu trop aller dans le sens du docteur qui paraissait être réticent à laisser le jeune homme quitter, même pour une journée, le centre.

Il mit cependant ces doutes totalement infondés de côté, et se contenta de demander des détails au psychiatre. Malheureusement, celui-ci le regardait à peine, trop occupé à envoyer des signaux, ou quelque chose de similaire à ses autres collègues. Il ne releva la tête que lorsqu'il se redressa entièrement, et lâcha quelques mots à son interlocuteur avant de quitter la salle.

« C'est une hausse de quatre points. Elle est importante, je dois y aller. Je crains que nous devions remettre notre conversation à plus tard. »

Hajime ne protesta pas, ce n'était pas nécessaire. Il préférait que l'autre s'occupe de Tooru pour l'instant. Surtout que dans son esprit naissait une réalisation qu'il n'aurait pas voulu faire, jamais : la veille, Oikawa était à 97 ― il le lui avait dit la veille. Une augmentation de quatre points signifiait...

Qu'il avait excédé le seuil.

Malgré trois demandes d'un drone infirmier, Hajime ne bougea pas du canapé sur lequel il était installé dans le bureau du directeur sans l'avoir vu une dernière fois. Il ne s'agissait désormais plus de le convaincre, mais simplement de s'assurer que son petit ami allait bien.

Théoriquement, le centre le garderait encore un peu, même si la norme avait été excédée. Ils essayeraient encore de le faire redescendre. Ils n'abandonneraient pas tout de suite la partie. Mais elle se dessinait de manière bien mauvaise désormais. Si Oikawa passait définitivement du côté des criminels dormants... Hajime et lui ne se reverraient pas. Il pouvait prétendre autant qu'il voulait qu'il ferait tout pour continuer de voir son compagnon, les centres de détention étaient des forteresses. On y enfermait pour toujours les criminels dormants. Ceux qui ne pouvaient plus aider la société.

Et Hajime refusait de voir cela arriver. Plus que jamais, la possibilité offerte par Orru lui apparaissait comme formidable. Mais il y avait toujours la question du choix à effectuer. Et désormais, Oikawa ne sortirait pas aisément du centre. Sans compter que l'échéance approchait. La journée allait se terminer sans qu'il ne puisse faire quoi que ce soit. Le cerveau du jeune homme tournait à toute allure, alors qu'il essayait d'imaginer dans son esprit ce que leur situation allait devenir.

En vain. Cela ne semblait faire aucun sens pour lui. Être séparé de celui qu'il connaissait depuis douze ans. Ne plus pouvoir le voir comme avant, simplement en sortant de chez lui. Hajime passait ses journées à pester contre Oikawa, à souhaiter ne plus le revoir le coller de la sorte, mais il ne pouvait même pas considérer que cela puisse réellement se produire. Il était terriblement pitoyable.

Finalement, lorsque le directeur daigna revenir dans son bureau, Hajime lui resservit son regard inquisiteur à la recherche de réponses ; il ne savait pas quelles questions formuler, alors il se contenta d'attendre qu'on lui dise quelque chose.

« 102. » lâcha le médecin après une seconde. Les poings d'Iwaizumi se resserrèrent légèrement ― nulle ambiguïté sur le chiffre, malgré l'absence de contexte.

« Il va descendre. » C'était plus une affirmation qu'une question.

« Peut-être. » Le jeune homme comprenait d'où venait le pessimisme de Tooru ; même ses médecins ne semblaient pas être du genre à voir le verre à moitié plein.

« Tenez moi au courant. »

Il glissa finalement cette demande aux airs d'ordre avant de se lever du canapé (enfin) et de quitter le bureau. Il glissa avant de partir un dernier regard au plan d'évacuation qu'il avait pu fixer attentivement pendant toute son attente. Plan qui indiquait exactement l'emplacement de toutes les chambres, et des pièces du personnel, et des sorties de secours.

Il ne pouvait pas obtenir une sortie d'Oikawa ? Dans ce cas, il se rendrait lui-même auprès de son compagnon. Il n'avait qu'à éviter les drones infirmiers ― dont les mouvements étaient heureusement prévisibles, grâce à leur programme ― et à trouver la chambre de son compagnon. L'étape la plus périlleuse en réalité, car il ignorait totalement où celui-ci se trouvait. Et puisqu'il lui fallait être discret, il allait devoir éviter d'évoluer au hasard complet.

Une fois qu'il fut parvenu au niveau des chambres, il réalisa cependant que la tâche allait être plus simple que prévu : il lui suffisait de voir dans quelle pièce allaient et venaient les médecins et drones pour le deviner.

Désireux de ne pas se faire repérer, le jeune homme se dissimula dans un coin de mur à l'écart, essayant de se soustraire à tous les regards. Il lui faudrait guetter un moment où personne ne désirerait voir à son compagnon pour pouvoir lui parler. Moment qui ne mettrait pas trop de temps à arriver il l'espérait.

Il lui sembla néanmoins qu'il patientait longtemps, trop longtemps pour que ses nerfs tiennent le choc. Il paraissait toujours y avoir quelqu'un, et les rares moments où les drones partaient, ils revenaient toujours très vite. Malgré tout, après une durée bien trop importante de minutes écoulées, il finit par avoir une opportunité lorsque le dernier drone vint se positionner devant la chambre de Tooru dont la lumière était éteinte.

Utilisant un vieux tour de film d'action, Iwaizumi attira son attention en jetant une pièce du côté d'une chambre éloignée avant de se faufiler vers la pièce gardée soigneusement précédemment. Mieux valait qu'il ne se soit pas trompé de porte ― autrement, sa tentative de trouver Oikawa s'arrêterait net, car il se ferait sans le moindre doute prendre par l'occupant réel de la chambre. Néanmoins, juste après qu'il eut refermé la porte le plus silencieusement possible, il entendit la voix familière de son compagnon ― et cet horripilant surnom.

« Iwa-chan ? »

La pièce était plongée dans une obscurité quasiment parfaite, en comparaison avec le couloir parfaitement illuminé dont il venait. Il ne chercha néanmoins pas d'interrupteur ― il ignorait où ils se trouvaient et comment ils fonctionnaient, et se doutait également qu'une caméra se trouvait quelque part dans la chambre. Si quelqu'un surveillait constamment les vidéos, cette personne ne tarderait pas à se rendre compte de sa présence, lumière ou non, mais rester dans cette semi-obscurité lui permettait de gagner du temps ― sauf s'il s'agissait de caméras équipées d'infrarouge bien sûr...

Hajime laissa cette possibilité de côté pour ne pas s'inquiéter davantage, et essaya à tâtons de trouver son petit ami en plissant les yeux pour discerner une silhouette. En fin de compte, il le trouva en le heurtant soudainement ― quelle idée aussi de s'asseoir sur le sol, songea-t-il en comprenant un peu plus son environnement et en se baissant à son tour. Tooru lui vint en aide en se déplaçant légèrement ― ce qui ne les empêcha pas d'entrer en collision à plusieurs reprises.

« Tu prends trop de place, commenta à voix basse Hajime.

C'est toi qui viens ici sans autorisation, rétorqua son compagnon.

Je le fais pour toi, espèce de bouse. »

Tooru semblait étonnamment normal. Iwaizumi aurait plutôt pensé qu'il serait démoralisé. Inquiet. Il savait que son petit ami avait la fâcheuse habitude de tout garder pour lui sans partager ce qu'il ressentait, mais, à force d'insultes, Hajime avait plutôt bien réussi à lui faire perdre cette habitude avec lui. En attestaient leurs dernières discussions où le brun avait laissé éclater ses inquiétudes.

« Qu'est-ce que tu fabriques ici ? souffla finalement Tooru. On n'avait pas rendez-vous. Et je suis à peu près certain que ce n'est pas le drone devant qui t'a laissé passer.

J'ai appris pour ta rechute. » Son compagnon resta silencieux un instant ; instant qui permit à Hajime de trouver sa main abîmée par les entraînements intensifs, même des années plus tard.

« Je pensais qu'ils attendraient avant de vous prévenir. Ils savent peut-être que ce sera définitif. » Hajime lui broya les doigts sans crier gare ; Tooru laissa échapper une légère exclamation de surprise qu'il retint néanmoins assez bien pour que personne ne bouge dehors. « Iwa-chan..., lâcha-t-il, une grimace de douleur dans la voix.

Ne recommence pas.

Tu es si violent. » Le jeune homme se retint de recommencer sa manœuvre, préférant en venir au but avant de se faire repérer.

« J'ai rencontré un type. Un criminel dormant. Il fait partie d'un groupe de criminels je crois, mais ils n'ont jamais commis de vrais crimes. Ils aident juste les gens à sortir du pays. Je sais qu'ils ont aidé Kageyama, et il semble effectivement qu'il soit parti, alors...

Attends, attends, le coupa Tooru, Tobio est parti ? » Ah, oui, il ne lui avait pas parlé de cela. Cela lui revenait.

« Ouais. Je n'ai pas les détails. Mais il a quitté le pays.

Mais pourquoi donc ? » La voix de Tooru trahissait sa stupéfaction et son incompréhension.

« Pour suivre le numéro 10 de Karasuno. Je crois. Il voulait protéger sa sœur, donc il a quitté le pays et Tobio est parti avec lui. C'est ce qu'on a bien voulu me dire en tout cas. Quoiqu'il en soit, reprit Hajime, ce type peut refaire la même chose. Te faire sortir. Nous faire sortir. »

Le silence qui suivit sa déclaration fut si long qu'Hajime crut que son compagnon s'était endormi en plein milieu de sa réflexion ― il s'en inquiétait d'ailleurs, car il appréhendait la réaction de son compagnon quant à cela. Finalement, après un bout de temps difficile à estimer en raison de l'obscurité, Tooru lui serra subitement la main, pas aussi fort qu'Hajime ne l'avait fait auparavant mais assez pour le faire sursauter.

« Tu es vraiment une brute à pouvoir faire ça sans ciller, marmonna Tooru en retirant sa main de la sienne, sans doute pour la masser et faire partir la douleur suscitée par ce qu'il venait de faire. Et t'es un idiot aussi.

On se demande qui est le plus idiot de nous deux.

Toi, sans le moindre doute.

Pardon ? » Hajime prit son ton le plus menaçant ― mais sans le regard assorti, cela marchait moins bien selon son expérience personnelle.

« Je ne veux pas partir. » trancha son compagnon. Iwaizumi accepta cette affirmation en essayant de ne pas ciller, quand bien même il se sentait extrêmement confus vis-à-vis de celle-ci.

« Tu ne mérites pas de finir dans un centre pour criminels dormants.

Et toi encore moins, riposta son petit ami. Si on se fait prendre, c'est ce qui se passera.

Ils ne se sont pas fait prendre.

C'est ce que tu dis. Ce que ce type dit. On ne peut rien savoir. Il y a tant de choses qu'on ne comprend pas dans ce monde. Qu'on ne sait pas. J'ai du mal à croire qu'il soit si simple de quitter le système. Comment ce type peut-il circuler s'il est un criminel dormant ?

Justement, c'est un peu plus compliqué que cela. » Il hésita à continuer, car il savait qu'il en avait déjà beaucoup dit et que leur conversation était potentiellement toujours enregistrée. Tooru parut néanmoins lire dans ses pensées, car il murmura :

« La caméra ne fonctionne pas.

Pardon ?

Je l'ai recouverte. Avec un pull. Juste après avoir plongé cette pièce dans l'obscurité. Ils n'ont pas remarqué, et le tissu assourdit les bruits. Tant qu'on ne hausse pas la voix, ils ne comprendront pas ce qu'on dit sans un excellent logiciel pour le décrypter.

Qu'est-ce qui te dit qu'ils n'en ont pas un ? » objecta Hajime. Même dans la pénombre, il pouvait discerner le sourire de son petit ami quand il se pencha pour l'embrasser.

« Ce ne sont pas des inspecteurs. Et on fera en sorte de ne leur donner aucune raison de s'interroger sur les raisons de ta venue. » murmura-t-il contre ses lèvres.

Hajime trouvait la stratégie un peu déconcertante à son goût ― difficile pour lui de conserver le sens des priorités et des raisons de sa venue quand il pouvait de nouveau sentir la chaleur de son compagnon contre sa peau et sur ses lèvres ― mais joua le jeu, estimant que sa stratégie semblait assez logique et devrait fonctionner ― même s'il n'était pas sûr d'apprécier le rôle d'amoureux transi qu'il allait lui donner.

(Était-il complètement faux au fond ? C'était une autre question.)

« Ce type est poursuivi par la SP. Je ne sais pas trop comment il se débrouille pour circuler sans leur échapper, mais je sais qu'il va partir ce soir justement parce que cela devient dangereux. » Oikawa resta silencieux quelques instants avant de soupirer longuement ― son souffle chaud caressa l'omoplate du jeune homme face à lui.

« C'est insensé, Iwa-chan. Partir, quitter ce pays, pour aller où ? Je ne pense pas que nous trouverons un meilleur endroit ailleurs. Et puis... » Il resta silencieux quelques secondes. « Je ne veux pas fuir. »

Tooru laissa le silence les envelopper de nouveau après cette déclaration, laissant son compagnon songeur. La fuite... comment qualifier en fin de compte l'attitude qu'avait adoptée tous ceux qui avaient suivi Eitpheil ? Était-ce une fuite, comme le disait Tooru ? Ou un acte de courage ? Entre ceux qui restaient et faisaient face à leur destin de criminel dormant, et ceux qui préféraient aller affronter un monde qu'ils ne connaissaient pas pour repartir de zéro, qui avait le plus de courage ?

Hajime l'ignorait, en toute honnêteté. Pour lui qui les observait de loin, tous avaient du courage. Celui de faire face à la réalité. Celui de tout abandonner pour sa liberté. Ils avaient du courage, et une force peu commune en fin de compte. Il le réalisait. Ceux qui restaient, ceux qui partaient, ceux qui aidaient ; tous avaient une force qu'il leur enviait.

Comme leur silence se prolongeait, Hajime se déplaça légèrement pour poser une main sur le visage de son petit ami et l'embrasser soudainement ― pour une fois qu'il prenait l'initiative de ce type d'acte d'affection. Oikawa répondit à son baiser, et ils n'échangèrent pas d'autres mots tous les deux jusqu'à ce que les drones ouvrent la porte de la chambre du jeune homme et illuminent sans pitié leurs yeux habitués à l'obscurité.

L'essentiel avait été dit.

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