02.7 :: 𝙐ne histoire de voiture
nda — parce que de temps en temps, il faut bien des chapitres plus légers...
et que les troisièmes années de Seijoh ont mon âme, dans tous les univers <3
j'espère que vous allez bien et que vos rentrées se sont bien passées :)) je vous souhaite bon courage pour l'année scolaire à venir, en espérant qu'elle se déroule sans anicroches !
bonne lecture !
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CHAPITRE SEPT - UNE HISTOIRE DE VOITURE
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Il fallut à Hajime quatre heures de regards noirs et d'immobilité pour obtenir des informations viables sur ce qui arrivait à son petit ami ― cela lui prenait rarement autant de temps, il regrettait que la quasi-totalité du centre de thérapie soit gérée par des drones qui n'accordaient aucune importance à son obstination. Un des thérapeutes d'Oikawa finit malgré tout par lui accorder un peu de son temps et lui expliquer posément ce qui se produisait : le facteur criminel de son compagnon avait montré des signes de dégradation subite, aussi il devait rester isolé à tout prix le temps qu'ils comprennent les raisons de ce changement.
L'homme dont Hajime n'avait pas retenu le nom avait insisté sur le fait que le facteur de Tooru n'avait pas excédé la norme, mais n'avait pas nié qu'il n'en était désormais plus très loin. S'ils ne parvenaient pas à inverser la tendance, son petit ami allait sans doute dépasser la limite dans moins d'une semaine ― et si l'augmentation se poursuivait encore, il serait officiellement incarcéré comme criminel dormant.
L'impuissance et l'injustice de cette situation avait frappé de nouveau l'ancien attaquant de plein fouet. Il détestait ne rien pouvoir faire pour changer les choses. Il aurait voulu au moins pouvoir être aux côtés du jeune homme et essayer, tant bien que mal de renverser la tendance. Tooru lui tapait sur les nerfs en permanence et était sérieusement une horreur à gérer, mais Hajime ne voulait pas le perdre. Si son compagnon était incarcéré, cela signerait d'une manière ou d'une autre la fin de leur relation ― parce que même si leurs sentiments perduraient, et ils le feraient sans doute, Tooru ne sortirait pas, et passerait le restant de ses jours en marge de la société dans laquelle appartenait Iwaizumi. Une telle pensée lui serrait douloureusement le cœur.
Puisqu'il avait un psychiatre sous la main, il en profita pour lui demander s'ils pensaient être en mesure de renverser cette tendance. L'homme sembla hésiter à lui communiquer des informations ― quel dommage qu'il soit en train de serrer la main de l'ancien attaquant au même moment... ― mais finit par céder et par lui avouer qu'en l'état actuel des choses, ils étaient incapables d'identifier les raisons du mal-être de son compagnon, et donc de trouver un remède viable.
Ce constat plongeait encore plus Iwaizumi dans un agacement total. Il avait beau essayer de tout son cœur de ne pas perdre foi en Sybille, il ne comprenait pas cette situation. Si rien ne troublait Oikawa ― outre le stress dans lequel l'avait plongé cette situation ― pourquoi se trouvait-il face à un coefficient criminel qui augmentait ? Surtout qu'Hajime pouvait le dire : Tooru n'était pas un criminel dormant, ou latent, ou peu importe le terme utilisé. On parlait d'Oikawa, bon sang. L'ancien attaquant ne serait pas allé jusqu'à dire qu'il était incapable de faire du mal à une mouche ― il savait que ce n'était pas le cas, parce que quand il perdait le contrôle de ses nerfs il pouvait frapper douloureusement quelqu'un ― mais il n'était certainement pas un criminel de quelque sorte que ce soit. Et jamais il n'en serait un.
Certains auraient été désemparés en apprenant que leur petit ami avait un facteur criminel en augmentation ; Hajime, lui, était juste agacé. Parce qu'il savait que ce n'était pas normal et réaliste. Il savait que quelque chose clochait.
Après tout, il n'était pas normal que lui ait un facteur criminel moins élevé que Tooru. Si Hajime était en apparence bien plus posé que son partenaire, tout le monde savait qu'il restait bien moins calme que lui dans la plupart des situations. Si le facteur criminel d'Oikawa frôlait la norme jusque parce qu'il était capable de frapper quelqu'un en perdant le contrôle de ses nerfs, non seulement cela aurait dû se produire bien plus tôt, mais en plus il aurait dû en être de même pour lui, songeait-il souvent.
Enfin... Rien ne servait de rabâcher ce genre de raisonnement, se dit-il en acceptant pour de bon de quitter la clinique. Il n'allait pas changer les choses en tournant la situation dans son esprit. Il allait simplement se contenter de passer tous les jours en quête de nouvelles.
Puisqu'il disposait d'un peu de temps pour lui, Hajime décida finalement de se rendre au parc de Ueno pour y déposer le fameux message. Il trouvait toujours étrange de simplement le mettre où il voulait. Ce parc était absolument immense, autant dire que pour y trouver quelque chose, mieux valait chercher une aiguille dans une botte de foin. Littéralement ― cela aurait pris moins de temps. En revanche, il n'allait pas se plaindre de pouvoir s'acquitter de cette tâche aussi aisément. Il lui fallut une vingtaine de minutes pour rejoindre Asakusa, le quartier où se trouvait le parc, et une dizaine pour trouver un endroit qui lui semblait convenir : un banc reculé, dans un petit sentier où moins de gens se promenaient.
Une fois le message déposé, le coach sportif tourna les talons et repartit d'où il venait. Il se tourna un instant pour voir si l'enveloppe n'était pas trop visible, et constata que non, elle était plutôt discrète. Il espérait que personne ne la jetterait avant qu'elle ne soit récupérée. Il n'y avait même pas de nom dessus, juste un grand A tracé soigneusement.
En repartant, il aperçut, au moment de traverser une route pour rejoindre la gare de métro la plus proche, une voiture d'un bleu flamboyant qui stationnait en double file. Plissant les yeux pour distinguer ce qui se trouvait à l'intérieur, Hajime hésita avant de se rapprocher de celle-ci ― comme il s'en doutait, c'était Hanamaki à l'intérieur.
« Tu lui as vraiment volé sa voiture ? » s'enquit Hajime lorsque son camarade le reconnut et baissa la fenêtre pour lui permettre de s'adresser à lui. Makki lui retourna un sourire mesquin.
« Oui. Il essaye de m'appeler depuis deux heures. » Le pire, c'était qu'il semblait incroyablement fier de lui.
« Il n'utilise pas d'application de traçage ?
― Si. Mais je me déplace assez souvent pour qu'il ne me retrouve pas pour l'instant. D'ailleurs, je ne vais pas tarder à partir. Je te dépose ? » Hajime soupesa quelques secondes ses deux options ― prendre le métro et ainsi rester en dehors de ce conflit puéril ou accepter de revenir en voiture avec Makki, dans une situation plus confortable ― avant d'opiner.
« Merci. »
Il fit ensuite le tour de la voiture pour y grimper côté passager, tandis que Makki entrait les coordonnées de son domicile dans son GPS intégré ― Hajime fut tenté de relever le fait qu'il connaissait son adresse, mais pas comment s'y rendre, mais se souvint que son ami ne conduisait juste jamais manuellement. Il laissait l'IA conduire pour lui, tout l'inverse de Matsukawa et lui-même qui aimaient le plaisir de la conduite manuelle.
« Tu étais parti voir Oikawa ? Le centre n'est pas vraiment dans cette direction, commenta Hanamaki alors que la voiture commençait à rouler doucement.
― Je ne passe pas mon temps à aller le voir, tu sais. » Son ami lui renvoya un regard amusé qui avait quelque chose de très horripilant.
« Tu essayes de te convaincre toi-même ? » Hajime leva les yeux au ciel à cette réflexion.
« C'est la vérité. J'étais ici pour tout autre chose, bougonna-t-il pour détromper son ancien coéquipier.
― Comment va-t-il d'ailleurs ? » Takahiro, lui, ne semblait pas déterminé à lâcher prise sur le sujet. « Je voulais aller le voir mais je bosse sur une grosse commande en ce moment. »
Le jeune homme avait été embauché deux ans plus tôt dans une petite entreprise prometteuse subventionnée par le Ministère de la Culture, et il avait gravi les échelons à une vitesse assez impressionnante. Du point de vue des responsabilités et du poste, il était le mieux loti des quatre anciens joueurs d'Aoba Johsai. Seul Oikawa avait eu un poste plus impressionnant, puisqu'il avait été embauché au Ministère des Sports. A côté d'eux, Hajime, entraîneur sportif, et Matsukawa, cuisinier, faisaient plus modeste figure ― même si Hajime entraînait des athlètes de haut niveau, et que le restaurant de Matsukawa gagnait chaque jour en notoriété.
L'ancien champion hésita un bref instant sur la réponse à faire ― que dire exactement à son ami ? Lui-même ne savait pas réellement comment allait Oikawa. On lui avait dit que son facteur criminel se ternissait, mais ça, ce n'était pas lui. Oikawa était une personne fondamentalement différente des chiffres que Sybille utilisait pour le définir.
« Apparemment, les médecins ne trouvent pas ce qui a occasionné sa baisse, admit-il ensuite. Ils essayent des traitements, sans grand succès. » Makki resta un instant silencieux, le regard fixé sur la route, avant de répondre :
« Tu t'es déjà demandé s'il pouvait s'agir d'une erreur ?
― Sybille ne peut pas se tromper, rétorqua Hajime, mais tous deux savaient qu'il en doutait désormais.
― Cela ne fait pas sens si on imagine que quelque chose le tourmente actuellement. Mais si on pense à la logique de précaution de Sybille, si.
― Tu penses sérieusement qu'Oikawa pourrait commettre un crime ?
― Non, loin de là. Par contre... » Takahiro sembla chercher ses mots un instant avant de déclarer : « Peut-être que quelque chose dans son futur ne lui plaisait pas. Sybille ne voulait pas qu'Oikawa travaille au Ministère des Sports, tu te souviens ? Et si, ce futur-là était supposé amener Oikawa sur un chemin qui ne leur convenait pas ?
― Un chemin dangereux pour lui ?
― Ou un chemin dangereux pour le système ? »
Hajime resta coi quelques secondes. Ce que disait Takahiro lui apparaissait aussi sensé que complètement fou. Il était en train d'insinuer que...
« Oublie, ce ne sont que des hypothèses idiotes. » finit par reprendre le jeune homme en s'étirant. Il glissa vers lui un regard empli de sollicitude ― une des rares fois où Hajime était témoin d'un tel phénomène. « Toute cette situation craint, pas vrai ? » L'ancien attaquant opina.
« C'est compliqué de savoir quoi faire, lâcha-t-il.
― Ton chéri te manque déjà ? » Ah, le Makki qu'il connaissait bien était de retour. Iwaizumi roula des yeux.
« Pense déjà à ce que tu vas dire au tien quand il va te retrouver.
― Ah ! ricana le rosé. Ce n'est pas près d'arriver ça. On a toujours un tour d'avance sur lui.
― Pourtant, les messages qu'il m'envoie sont assez équivoques. »
Hajime tourna vers son interlocuteur son écran, affichant sa conversation avec Matsukawa. Il venait de recevoir une pluie de messages, dont l'essentiel pouvait se résumer en quelques mots : Je sais que Makki va dans la direction de chez toi, je vais l'intercepter devant. Le visage de l'ancien attaquant aux cheveux roses fut assez comique.
« Tss, il est perspicace, râla-t-il.
― Tu comptais bien lui rendre sa voiture un jour non ?
― Ouais, mais je voulais d'abord lui faire croire qu'elle avait brûlé. » Hajime le dévisagea quelques secondes.
« T'es autant une bouse que Shittykawa parfois.
― Admets que ça aurait été drôle. D'ailleurs, j'avais même l'hologramme parfait pour ça. »
Le jeune homme pressa quelques touches sur le tableau de bord, et un flash bleuté passa devant leurs yeux. Puisqu'ils étaient à l'intérieur, ils ne pouvaient pas s'en rendre compte, mais à en juger des têtes des passants autour d'eux, l'hologramme avait bien fonctionné.
« Tu t'es procuré exprès un de ces systèmes portatifs. Je ne sais pas si tu es génial ou machiavélique.
― Les deux. Ça te dérange de finir à pied ? Dis-lui que j'ai eu un petit souci technique et que j'ai dû rester en arrière. J'arriverai ensuite tout doucement dans cette « épave ».
― Laisse-moi en dehors de vos bêtises.
― Tu t'ennuierais si je le faisais réellement. »
L'ancien champion leva de nouveau les yeux au ciel avant d'ouvrir la portière quand son conducteur eut immobilisé le véhicule et de descendre en soupirant. Il était fatigué par ses amis, parfois. Mais il admettait que cela avait eu le mérite de lui changer les idées un petit peu. Même s'il aurait bien voulu que Tooru soit là ― quoique, il aurait sans doute mis de l'huile sur le feu. Et empiré la situation.
Il dut marcher quelques minutes avant d'apercevoir Matsukawa, qui faisait le pied de grue devant chez lui. Quand il l'aperçut, le visage de l'ancien central s'assombrit largement, comme s'il redoutait le pire en le voyant seul, et non avec son petit ami et sa voiture. Après avoir laissé échapper un profond soupir, Hajime le salua.
« Où elle est ? l'interpella quand il le vit.
― Ta voiture ? Elle est un peu plus loin... un souci technique. » Il crut que son ancien camarade allait défaillir.
« Un souci technique ?
― Oui. Hanamaki m'a laissé seul pour regarder ce qui n'allait pas. »
Au même moment, un immense bruit résonna et les fit sursauter de concert. Même Hajime se demanda ce que l'autre avait bien pu fabriquer. Une poignée de secondes plus tard, Hanamaki arriva tout doucement, dans une voiture qui semblait avoir traversé l'Enfer. Cette fois-ci, Matsukawa ne laissa planer aucun doute sur ses priorités :
« Ma voiture !
― Son sort t'intéresse plus que le mien ? s'offusqua Takahiro.
― Évidemment ! C'est de ta faute !
― Pardon ? »
Iwaizumi les regarda se disputer quelques secondes avec lassitude, avant de se détourner pour rentrer chez lui. Ils allaient faire sortir ses voisins avec leurs cris, et il n'avait pas envie d'être lié à tout cela encore plus longtemps. Le couple semblait parti pour un de leurs désaccords vifs, qui durerait jusqu'à ce qu'Hanamaki révèle finalement la supercherie. Chose qui, le connaissant, pouvait durer encore longtemps.
L'ancien champion préféra donc rentrer chez lui. Comme il s'en doutait en voyant les volets fermés, ses parents n'étaient pas encore rentrés du séminaire auquel ils étaient partis ce matin ― une des raisons pour lesquelles le coach sportif ne voyait pas d'intérêt à prendre un logement pour lui tout seul était que sa maison d'enfance en était un : ses parents avaient toujours des invitations un peu partout.
Un petit coup d'œil à la fenêtre lui apprit vite que ses deux amis étaient partis plus vite que prévu ― mais il n'était pas certain qu'ils se soient réconciliés pour autant. Enfin, d'un autre côté, ils restaient rarement fâchés très longtemps, ils aimaient trop se liguer ensemble pour emmerder les autres. Hajime était rarement la cible de leurs taquineries ― c'était plus souvent Oikawa ― mais il savait qu'ils étaient pires à deux qu'individuellement. Du genre à épuiser n'importe qui en moins d'une minute, et à faire piquer des crises de nerfs aux personnes les plus calmes.
Une fois installé dans sa cuisine, le jeune homme aux cheveux noirs trouva quelques restes pour se préparer un repas. Maintenant qu'il était seul chez lui, il avait tout le loisir de repenser à cette journée, mais il décida de ne pas le faire. Hajime n'était pas un lâche, mais fuir ses pensées lui apparaissait comme une meilleure solution. Il n'aimait pas l'inaction du ressassement de toute manière. De son point de vue, cela n'apportait rien à la situation.
Il jeta un petit coup d'œil a informations une fois de plus pour voir s'il y avait quelque chose concernant le fameux Orru ― même s'il doutait toujours que la SP ferait une annonce publique ― mais ne trouva rien, pas même le moindre fait divers qui aurait pu sous-entendre une intervention de la SP. Cela le laissait songeur. Ce criminel dormant avait-il vraiment réussi à échapper les barrages tendus par les inspecteurs ?
Il ne savait pas vraiment pourquoi il s'en préoccupait autant d'ailleurs. Il n'avait rien à voir avec ce type ― mais avoir accepté de déposer sa lettre le liait en soi d'emblée avec lui. Il avait accepté par sollicitude, et aussi pour que l'autre le laisse tranquille. Peut-être aurait-il mieux faire de ne rien faire d'ailleurs. Mais cet homme semblait avoir tiré Kageyama d'affaire. En temps qu'aîné, Hajime lui en était reconnaissant.
Il lui paraissait malgré tout étrange qu'un criminel dormant apparemment aussi recherché par la SP soit venu en aide de la sorte à Kageyama et les deux Hinata. Orru avait dit que c'était leur but, aider les gens à partir. Mais pourquoi, comment, avec quels moyens ? Hajime avait du mal à bien saisir ce qu'ils cherchaient.
Une idée lui tournait pourtant en tête ― toujours la même.
✷
Trois jours s'écoulèrent avant que l'ancien attaquant ne soit finalement autorisé à revoir son compagnon. Trois jours pendant lesquels il se présenta chaque jour au centre pour prendre des nouvelles, avant de repartir une fois obtenue la confirmation que rien n'avait changé. Le quatrième jour, il eut la surprise d'être averti que le facteur criminel de son compagnon avait finalement baissé suffisamment pour qu'Hajime soit autorisé à venir.
Pour Iwaizumi, c'était une excellente nouvelle ― il y avait bien des semaines que le facteur criminel de son compagnon n'avait pas diminué. Mais il savait aussi que ce n'était pas encore suffisamment satisfaisant pour être compté comme un vrai progrès. Et, comme il s'en doutait, Tooru avait la mine sombre lorsqu'il le rejoignit dans la salle de visite, escorté par un drone, ainsi que de vilains cernes.
« Toi qui te vantais d'avoir une peau parfaite, commenta Hajime en s'asseyant en face de lui.
― Elle est parfaite quand je prends une dose suffisante de soleil, rétorqua étonnamment Oikawa ― l'ancien champion s'était attendu à ce qu'il s'enferme dans une attitude fermée comme sa mine le laissait suggérer.
― Vous n'avez pas une terrasse ou quelque chose comme ça ?
― Si, mais c'est la première fois que je sors depuis plusieurs jours. » soupira Tooru. « D'ailleurs, tu n'es pas venu à nos derniers rendez-vous.
― Ouais. Désolé pour ça. Le père de Kageyama a voulu me parler, et je n'ai pas pu me présenter ensuite. » Etonnamment, Tooru ne posa pas de questions sur ce fait, laissant Hajime enchaîner : « La fois d'après, le quartier dans lequel je me trouvais a été bouclé par la SP. Ils cherchaient un criminel dormant je crois. En tout cas, interdiction de partir. » Son petit ami le regarda cette fois avec intérêt ― et une lueur qui ne lui inspirait rien de bon.
« Quel quartier ?
― Shibuya. Tu sais, j'étais au café où tu as travaillé pendant l'été de notre dernière année pour te faire de l'argent. » Une petite moue naquit sur le visage de son interlocuteur.
« Ah ! Iwa-chan, ne me dis pas que tu me remplaces déjà en invitant tes collègues à ce café ! J'ai toujours su que je devais me méfier de ton collègue là, ce Watari. »
Hajime adressa un regard blasé à son petit ami alors que celui-ci se mettait à déblatérer de telles âneries. A de tels moments, il se souvenait pourquoi Tooru était la pire personne à qui raconter des histoires ― il trouvait toujours un point sur lequel protester, alors même que rien n'avait été sous-entendu par son compagnon avant.
(Et il aimait un peu trop jouer avec les nerfs d'Hajime, et dramatiser sur tout et rien quant à leur relation. Iwaizumi savait très bien que, derrière ses plaisanteries, Oikawa cachait beaucoup de craintes et d'insécurités. Ce qui ne signifiait pas qu'il les accueillait avec plus de sollicitude.)
« J'étais juste venu faire une pause après un rendez-vous avec un athlète, répliqua-t-il sur un ton blasé. Et crois-moi, Watari a d'autres plans en vue que moi désormais.
― Ah ! Tu reconnais qu'il était intéressé !
― Et je crois que tu as déjà été assez clair sur la question. »
Un petit sourire fier fleurit sur les lèvres de son petit ami ― franchement, il n'avait pas de quoi l'être. Venir le trouver en pleine pause pour lui offrir des fleurs et l'embrasser en face de tous ses collègues était un événement qui avait été suffisamment éprouvant pour les nerfs de l'ancien attaquant comme cela.
« Soit, soit. La SP à la recherche d'un criminel dormant, répéta l'ancien passeur, songeur. Rien d'inhabituel, mais c'est rare qu'ils bouclent des quartiers comme ça.
― Sans doute un criminel dormant en fuite depuis longtemps, lâcha Hajime. Rien qui ne nous concerne dans tous les cas.
― Pas pour le moment. » Iwaizumi leva un regard intrigué dans la direction de son compagnon, qui rajouta doucement : « Tant que je ne suis pas un criminel dormant.
― Tu ne seras pas un criminel dormant.
― Je suis à 96, Iwa-chan. » La lassitude et la résignation dans la voix de Tooru agacèrent le susnommé. Il ne voulait pas entendre ce genre de choses.
« Et quoi ? Tu veux déjà demander ton transfert pour finir tes jours dans un de ces centres miteux ? »
Son ton était brusque, et Tooru grimaça. Hajime regretta un peu d'avoir été aussi cassant, mais il était sérieusement agacé par ce revirement d'attitude. Il pensait pourtant que, avec sa décision de venir ici, son compagnon avait repris du poil de la bête. Il comprenait que la situation était compliquée pour lui, et que l'avenir lui apparaissait incertain. Mais il détestait cette attitude. Il ne voulait pas que son petit ami baisse les bras aussi simplement.
« Je ne veux pas, non, souffla finalement Tooru après un silence. Mais je ne suis pas sûr d'avoir le choix. » Hajime pouvait voir ses deux mains posées sur la table, et ses poings serrés ― ses jointures étaient blanches. Sans se soucier de si cela lui était autorisé ou non, l'ancien attaquant posa une main sur sa main pour la serrer. Il crut pendant quelques secondes que l'autre allait le rejeter, mais il ne bougea pas malgré la tension présente.
« Tooru. » l'interpella-t-il doucement, plus que d'habitude. Assez en tout cas pour lui faire relever les yeux dans sa direction. « N'abandonne pas.
― Je n'abandonne pas. » Le ton de la voix de son ami tremblait légèrement et était inhabituellement sec. Lorsqu'il ancra son regard dans celui de son compagnon, celui-ci brillait d'une lueur très sérieuse mais aussi désespérée. « La dégradation de ces derniers jours n'était causée par rien de spécial. Les traitements ne marchent pas. Qu'est-ce qu'il me reste comme espoir ?
― C'est en perdant espoir que tu aggraves ton cas. » essaya de plaider Hajime. Son ami fit la moue.
« Bien tenté Iwa-chan, mais on me l'a déjà sortie celle-là, et rien ne change. »
Il voulait bien le croire, honnêtement. Il savait que Tooru avait testé un nombre incalculable de traitements, de toutes sortes. Il s'était accroché à l'espoir déjà longtemps ― plus qu'Hajime ne l'aurait cru possible d'ailleurs. Et il savait qu'il ne pouvait pas lui en vouloir d'atteindre ses limites. Mais cela le révoltait de le voir accepter un sort aussi injuste. Surtout que...
« Je ne veux pas que tu partes en centre. » Il murmura ces mots doucement. Il ne voulait pas qu'ils soient captés par les caméras, pas par volonté de dissimulation, mais parce qu'ils n'appartenaient qu'à eux.
« Iwa-chan... » La voix de son compagnon s'était faite un peu plus posée alors qu'il murmurait à son tour son surnom. Il retourna son poing pour serrer la main de l'ancien attaquant dans la sienne.
« Sérieux, Shittykawa, t'as pas le droit de me faire ça. » Un mince sourire étira les lèvres du susnommé.
« Je sais. Ne me frappe pas. » Hajime lui adressa un regard agacé mais aussi amusé. Comme s'il était si violent.
« Si tu y vas je te frapperai, ajouta-t-il néanmoins. Tous les jours.
― Ce sera compliqué si je suis enfermé.
― Si tu crois que ça va m'arrêter, tu te trompes lourdement. » Nouveau sourire amusé.
« Toujours aussi brutal.
― Je ne suis pas brutal. C'est toi qui es trop agaçant.
― Pas du tout. Tu n'as pas de sang-froid.
― Tu fais perdre son sang-froid à n'importe qui.
― Non !
― Bien sûr que si !
― Tu exagères ! »
Et ils étaient repartis pour l'une de leurs disputes dont ils avaient le secret, sous le regard du drone qui aurait sans doute été désespéré s'il avait eu une âme et était doté de ces sentiments. Parfois, Hajime songeait qu'ils étaient incapables de communiquer autrement de toute manière. Les discours mielleux, ce n'était pas leur truc ― enfin, Oikawa savait les faire, mais ils sonnaient toujours un peu trop faux à son goût. Ils lui rappelaient trop toutes les âneries qu'il débitait quand il se prenait pour un tombeur et qu'il essayait de se faire bien voir de ses groupies et admiratrices.
(Et non, cela ne tapait pas sur les nerfs de l'ancien attaquant seulement parce qu'il était jaloux, comme ses coéquipiers aimaient le dire. Cela lui tapait sur les nerfs parce qu'elles étaient insupportables, à se pâmer pour le moindre sourire, et qu'Oikawa était quatre fois plus tête à claque quand il se croyait irrésistible. En plus, Hajime n'avait plus de raison d'être jaloux désormais.)
« Aah Iwa-chan, se plaignit finalement Tooru après avoir perdu une fois encore leur joute verbale puisqu'Iwaizumi lui avait assené un coup au bras.
― Quoi ?
― Tu es horrible.
― Arrête de te plaindre que je te...
― Tu me redonnes espoir alors que je sais que c'est idiot. »
La deuxième réplique d'OIkawa coupa la sienne, et Iwaizumi resta silencieux ensuite. Il observa son petit ami qui avait détourné les yeux ― yeux qui brillaient un peu trop pour que cela soit totalement naturel. L'ancien attaquant retint le soupir qui lui venait ― pas d'agacement pour une fois ― et rappela sa présence à son compagnon en serrant un peu plus fort ses doigts.
« Tu n'es pas censé perdre ce foutu espoir.
― Toi et moi on sait que...
― On ne sait rien du tout. Arrête de croire que tout est tracé d'avance. Tu le disais toi-même. Si Sybille ne veut pas que tu deviennes un joueur de volley, tu trouveras un moyen de le devenir par toi-même. Tu n'as jamais laissé cette machine dicter ta vie. Ne le fais pas maintenant. »
Oikawa resta longuement silencieux après cette déclaration, si longtemps qu'Hajime crut qu'il avait mal fait de lui dire cela. Néanmoins, après ce long silence, Néanmoins, après ce long silence, le jeune homme l'attira soudainement jusqu'à lui et l'embrassa doucement mais fermement. Déstabilisé, le jeune attaquant se laissa malgré tout faire et approfondit à son tour le baiser pendant quelques instants.
Ils restèrent ainsi un instant avant que le drone qui ne les surveillait ne vienne leur rappeler que la durée du rendez-vous touchait à sa fin. Ils étaient toujours limités par ce temps qui leur manquait, parce qu'ils ne pouvaient pas échapper à la réalité de l'état d'Oikawa et à sa situation. Et cela agaçait encore plus Hajime.
Parce que malgré ce qu'il avait dit, il craignait de ne pas avoir su redonner à son compagnon la force de lutter contre ce destin qui se dessinait.
Et qu'il se sentait toujours très, très impuissant.
Trop peut-être pour continuer d'oublier les mots d'Orru.
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