02.6 :: 𝘾e que signifie Sybille
nda - un titre philosophique pour un chapitre qui ne l'est pas, c'est parti ! :)
on passe aujourd'hui au point de vue de Hajime Iwaizumi (27) Atheltic Trainer, pour votre bonheur... j'espère. avec le retour d'un certain personnage qui fait fuser les théories :)) certains ont déjà trouvé de qui il s'agissait, et la plupart d'entre vous n'êtes pas loin, je vous rassure !
sinon, j'espère que vous allez bien, je vous souhaite bon courage pour la rentrée à venir et je vous dit à la semaine prochaine <3
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CHAPITRE SIX - CE QUE SIGNIFIE SYBILLE
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Sa mère allait le tuer, songea Hajime avec consternation, alors qu'il contemplait la tâche de café qui s'élargissait sur sa chemise blanche ― même à vingt ans, Iwaizumi continuait de demander de l'aide à sa mère pour la lessive, surtout quand on en venait à de tels costumes officiels. Le drone-serveur face à lui se dépêcha de venir dans sa direction, lui demandant immédiatement s'il avait besoin d'aide, mais il déclina avant de se redresser pour se diriger vers les toilettes.
Ce n'était pas dans ses habitudes d'être aussi maladroit, et cela l'agaçait d'autant plus de s'être ridiculisé ainsi. Si Oikawa l'avait vu, il aurait passé les vingt minutes suivantes à l'emmerder sur cette tâche qui grandissait à vue d'œil. Heureusement que son café était presque froid, ou il aurait eu une superbe brûlure en prime.
Une fois devant le miroir du café, il poussa un profond soupir en constatant l'étendue des dégâts. Il allait sans doute falloir plus que de l'eau pour faire partir cette horreur. Comble du malheur, il n'avait que sa chemise sur lui, pas même une veste quelque part pour la recouvrir. Hors de question aussi de l'enlever donc. Il n'allait pas se balader torse nu dans la capitale, c'était un coup à être arrêté pour outrage aux mœurs.
Alors qu'il contemplait son reflet d'un air désemparé et agacé, un bruit de chasse d'eau retentit, et la porte d'une des cabines coulissa pour laisser sortir un homme emmitouflé dans un sweat à capuche. Celle-ci, rabattue sur son visage, dissimulait presque complètement ses traits. L'homme se positionna sur le lavabo à côté d'Iwaizumi, et fit glisser un regard compatissant sur sa chemise et la tâche.
« Pas d'bol pour la chemise. » fit-il observer. Sa voix grave avalait certaines syllabes, signe assez clair qu'il n'était pas un homme extrêmement éduqué, mais il semblait assez sympathique pour que l'ancien champion de Seijoh marmonne en réponse :
« Heureusement que mon rendez-vous est déjà passé. » L'autre laissa échapper un rire et tourna son regard dans sa direction. Leurs yeux se rencontrèrent brièvement ― avant que l'autre ne baisse un peu plus sa capuche sur son front.
« J'suppose que ça ferait désordre d'arriver avec une telle tâche, en effet. »
Quelque chose dans l'attitude du jeune homme titillait Hajime. Il ne savait pas trop ce que c'était ― sans doute en grande partie son comportement qui cherchait clairement à dissimuler quelque chose, mais il semblait y avoir autre chose. Il ne parvenait cependant pas à mettre un mot dessus. Il finit par chasser cette pensée pour consulter l'heure sur son portable. S'il partait maintenant, il avait le temps de faire un crochet par chez lui avant d'aller voir Oikawa à l'hôpital.
Il avait déjà raté un de leurs rendez-vous quotidiens deux jours auparavant, et il avait non seulement la nécessité de s'excuser, mais aussi celle de savoir comment se portait son petit ami.
Il se redressa donc pour prendre congé, mais l'autre lui bloqua le passage en tendant la jambe. Hajime haussa un sourcil devant cette attitude ; son interlocuteur, lui, se contenta de jeter un coup d'œil à la caméra qui filmait les toilettes. Cette action fit remarquer à Hajime qu'il se trouvait pile dans l'angle mort de celle-ci, une coïncidence qui passait difficilement pour telle. Cela ne fit qu'accentuer sa suspicion à l'égard de celui-ci, et il se mit presque inconsciemment en position légèrement défensive. Il ne souhaitait pas spécialement recourir à la force ― contrairement à ce qu'Oikawa aimait bien dire, il n'était pas une brute ― mais s'il lui fallait faire face à un agresseur ou quelque chose du style, il saurait le faire.
« Attends, attends. » L'autre leva les mains en signe d'apaisement ― le tutoiement fit tiquer Hajime, mais cela ne le dérangeait pas réellement, c'était plus parce qu'il était inhabituel de rencontrer un inconnu qui recourait au tutoiement alors qu'ils ne se connaissaient ni d'Eve ni d'Adam. « J'suis pas un mec louche, promis. Je veux juste parler. » L'entraîneur sportif plissa les yeux et détailla son interlocuteur.
« Il y a des meilleures manières d'aborder quelqu'un.
― Pas quand on est criminel latent. » Les yeux du jeune homme aux cheveux noirs s'agrandirent légèrement, non pas de stupéfaction face à cette révélation, mais simplement de surprise de l'entendre le dire aussi simplement. « J'sais que tu t'en doutes. T'as remarqué que j'évite la caméra. » L'inconnu était plutôt observateur ― logique s'il passait sa vie à fuir le système.
« Oui, et c'est une raison de plus pour moi pour m'en aller. » Il enjamba l'obstacle qui lui bloquait le passage, mais s'interrompit rapidement pour faire volte-face en sentant que l'autre essayait de lui attraper le bras pour le retenir.
« Sérieux ? grimaça l'autre alors qu'Hajime parait son mouvement. J'ai pris des risques pour venir te parler et tu veux même pas savoir c'que j'ai à te dire ?
― Je ne vois pas ce qu'un criminel qui fuit Sybille aurait à me dire de si essentiel.
― OK, très bien. » Hajime crut que l'autre allait laisser tomber cette conversation qui n'aboutissait à rien, mais il reprit la parole une seconde plus tard. « Je sais que t'es pas un citoyen modèle à c'point. Pas vrai ? Aller à l'encontre des enseignements de Sybille, tu l'as fait. Alors, j'pense qu'on a des choses à s'dire. »
Hajime fronça longuement les sourcils. Il savait très bien de quoi parlait son interlocuteur, il n'allait pas non plus feindre l'innocence à souhait. Mais personne n'était supposé être au courant de cela, à part le principal concerné ― même Tooru l'ignorait, même si dans son cas, c'était parce qu'Hajime ne pouvait pas lui en parler dans le centre de thérapie, pas alors qu'un drone enregistrait leur conversation. Il était sûr d'ailleurs que le brun allait bouder quand il sortirait et l'apprendrait, arguant que ce n'était pas une raison.
« Aux dernières nouvelles, vous n'êtes pas Kageyama. »
Il finit par lâcher ces quelques mots. Le jour où Tooru avait été admis au centre de thérapie ― enfin, plutôt la veille car il avait reporté son admission pour aller boire avec Makki, Mattsun et lui ― avant de se faire kidnapper par leurs deux amis, alors qu'il rentrait chez lui après avoir été congédié par son patron qui devait faire face à un problème de type « une fuite d'eau est en train d'inonder la salle avec tout notre équipement coûteux », il avait croisé le central de Karasuno et sa sœur.
(Bon, il pouvait l'admettre, il rentrait chez lui en faisant un détour par le quartier d'Oikawa. Mais puisqu'ils étaient presque voisins, cela ne comptait pas. Il voulait juste savoir si son petit ami était déjà parti au centre ou non.)
Très sincèrement, ce que faisaient le central et sa sœur ne le concernait pas. Il avait son propre lot de problèmes ― même s'ils ne le concernaient pas directement. Mais il n'avait pas pu s'empêcher d'écouter leur conversation, et avait à peu près compris ses tenants et ses aboutissants : la plus jeune avait son facteur criminel qui montait, et son aîné voulait préserver son futur en choisissant la fuite.
Une telle résolution l'avait sidéré, quand bien même il ne l'avait pas montré. Fuir le système Sybille et le Japon, c'était une idée stupide. Mais, malgré cette opinion, il avait senti son cœur se tordre un peu en songeant que leur situation à lui et à ce gamin était similaire. Ils assistaient à la dégradation du facteur criminel d'un être aimé, sans pouvoir rien y faire. Malgré tout, ce rouquin avait choisi la voie de l'action, tandis qu'Hajime restait les bras croisés à attendre.
Ce n'était pas qu'il regrettait son attitude : il estimait que ce n'était pas à lui de décider à la place de Tooru ce qu'il devait faire. Son petit ami était celui qui souffrait de la dégradation de sa teinte. Quelle légitimité avait Iwaizumi pour décider à sa place ce qu'il devait faire face à elle ? Si Oikawa avait voulu fuir, Hajime l'aurait sans doute suivi. Mais ce n'était pas à lui de décider de cela. Pas alors que son compagnon avait décidé de faire de son mieux pour affronter ce qui provoquait la dégradation de sa teinte, quoi que cela puisse être.
Pour autant, il avait malgré tout éprouvé une sollicitude grandissante pour ce que faisait le central, et c'était peut-être ce qui l'avait décidé à avertir, mine de rien, Kageyama qu'il avait croisé son coéquipier avec sa sœur en train de partir vers la gare. Il n'avait pas été très étonné que son cadet lui demande juste après de le couvrir auprès de ses parents d'ailleurs. Mais encore une fois, cela ne le regardait pas. Il avait simplement accepté de fermer les yeux sur le fait que son cadet lui avait demandé de mentir pour le couvrir. Le reste n'était pas de ses affaires ― même si le dernier appel qu'il avait eu avec le jeune passeur l'avait plutôt bien renseigné sur ses intentions désormais.
Il avait été convoqué par le père de Kageyama deux jours auparavant ― ce qui l'avait empêché d'aller voir Oikawa ― et avait rémpondu honnêtement que le jeune homme lui avait demandé de le couvrir. Il savait désormais que le jeune homme était parti avec le central de Karasuno et sa sœur, mais estimait ne pas être inquiété outre mesure. Son facteur n'avait pas grimpé ; d'ailleurs, en réalité, il ne l'avait pas aidé à s'enfuir puisqu'il n'aurait jamais imaginé que Tobio puisse sincèrement fuir à son tour.
« Non, j'suis pas Kageyama, finit par souffler son mystérieux interlocuteur. Mais je sais ce que t'as fait pour lui. » Hajime fronça les sourcils davantage et attendit qu'il poursuive, un peu plus enclin à savoir ce qu'il lui voulait. « Écoute, j'vais pas passer par quatre chemins. Mon nom a pas beaucoup d'importance, alors appelle-moi Orru, tout simplement. J'ai besoin d'un coup de main, et j'ai cru comprendre que t'étais quelqu'un qui rechignait pas à aider ceux qui en ont besoin. » Hajime leva une main pour l'interrompre.
« Je ne sais pas ce que vous voulez, mais je vais être clair : j'ai aidé Kageyama parce que c'était mon cadet et que je l'aime bien. Je ne vous connais pas, et je ne compte pas mettre en danger mon facteur criminel pour vous.
― Et t'aurais bien raison. Mais ce que j'te demande, c'est juste de passer un message. Rien de plus.
― Pourquoi ne pas le faire vous-même ?
― J'peux pas aller en ville le faire. Mais j'en ai impérativement besoin. C'est pas une demande faite à la légère. »
L'homme était sincère, Hajime pouvait le dire. Il n'était pas le plus perspicace, mais il sentait au ton de sa voix qu'il ne mentait par rapport à l'urgence de sa demande. Cependant, l'ancien passeur se refusait toujours à lui rendre un service. Sans trop savoir pourquoi, il sentait que tout cela cachait quelque chose de plus grand. Qui que ce soit ce type, il était vraisemblablement un criminel dormant, voire peut-être pire, et préparait sans doute un mauvais coup.
« J'ai aidé Kageyama et Hinata à accomplir ce qu'ils vouaient faire, reprit le dénommé Orru. Je leur ai filé un coup de main, comme toi tu les as aidés. Tout ce que j'veux, c'est obtenir aussi un service. Il n'y a aucune entourloupe. Tout ce que j'te demande de faire, c'est poser ceci quelque part. Ce sera tout. » Il agita une enveloppe étrangement ancienne dans sa direction. Hajime poussa un soupir exaspéré avant de croiser les bras sur son torse.
« Qu'est-ce que j'y gagne ?
― Une bonne action ? » Iwaizumi le dévisagea longuement en silence. « OK, OK. Un coup de main en retour. Ton petit ami, Oikawa c'est ça, son facteur criminel augmente non ? » Hajime se tendit un peu ― comment il savait cela ?
« Ça ne vous regarde en aucun cas.
― Exact. Mais si tel est votre désir, on peut vous faire la même prestation que vos cadets. Vous garantir une sortie rapide et simple du pays. »
L'ancien attaquant le regarda longuement sans rien dire. Une sortie du pays ? Il peinait toujours à croire que c'était possible. D'ailleurs, pour ce qu'il en savait, l'aitre pouvait très bien être en train d'essayer de l'entourlouper. Il n'avait jamais entendu dire qu'on pouvait quitter le Japon aisément. Et il n'avait aucune preuve que l'autre avait bien aidé Kageyama comme il le prétendait. En d'autres termes...
« Je ne veux pas de ça. Mais je passerai votre message. »
Le soulagement était perceptible dans l'attitude d'Orru alors qu'il lui tendit le message en question. Hajime jeta un coup d'œil sur l'enveloppe sans y voir le moindre nom inscrit, et observa le jeune homme clandestin sans rien dire, attendant plus de détails ― il n'était pas devin, aux dernières nouvelles.
« Dépose-le dans le parc de Ueno. Cela suffira. »
Le jeune homme fronça les sourcils. Tout cela lui semblait encore bien étrange et louche, mais le coach sportif était lassé de toute cette conversation. Il voulait juste s'en aller ― c'était fichu pour pouvoir se changer avant d'arriver à l'heure maintenant. Oikawa allait se moquer de lui, c'était certain.
« N'importe où ?
― Oui. »
Orru ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose, mais se figea soudainement. Hajime tendit à son tour l'oreille, intrigué. Des bruits de pas effrénés résonnèrent alors autour des toilettes, et, avant qu'Hajime n'ait le temps de dire quoi que ce soit, l'homme tourna les talons, repartit dans la cabine dont il était sorti.
L'instant d'après, un homme en costume cintré entra dans les toilettes. C'était un jeune homme aux cheveux gris qu'Hajime identifia comme étant l'ancien capitaine et passeur de Karasuno, Sugawara s'il se souvenait correctement. Il avait déjà échangé quelques mots avec le jeune homme, très calme en comparaison de ses coéquipiers ― sur ce point, ils s'étaient bien entendus : gérer un groupe de gamins qui leur servaient de coéquipiers, ils connaissaient assez bien.
D'ailleurs, l'autre parut immédiatement le reconnaître ; il hocha la tête à son intention comme pour le saluer avant d'observer les cabines de toilettes. Hajime suivit discrètement son regard. Il savait que le jeune homme aux cheveux gris travaillait désormais à la Sécurité Publique, Kageyama le lui avait dit. Ce qu'il voulait savoir désormais, c'était si oui ou non il était venu à la poursuite de ce Orru. L'ancien attaquant avait bien compris que l'autre était un criminel dormant fuyant la SP, et il se retrouvait désormais dans une délicate situation : devait-il dénoncer l'autre ?
Très sincèrement, Iwaizumi n'en avait pas une grande envie. Il ignorait qui était ce type et ce qu'il avait bien pu faire. En plus, il avait accepté de l'aider, ce n'était pas pour le trahir quelques secondes plus tard. Mais dans le même temps, s'il y avait bien une chose dont il n'avait pas besoin, c'était que sa teinte se trouble. Celle-ci avait déjà montré de légers signes d'assombrissement, bien qu'assez minimes pour être simplement mis sur le compte des récents événements. Mais s'il cachait quoi que ce soit d'une manière ou d'une autre...
Pour être parfaitement honnête, Hajime ne savait pas comment fonctionnait le système Sybille. Il ignorait si c'était parce qu'il était trop idiot, ou simplement parce que personne ne le comprenait réellement. Tout ce qu'il savait, c'était ce qu'on lui avait maintes fois répété : Sybille était un système informatique au top de la technologie actuelle, capable d'analyser la psychologie des individus et ainsi de découvrir les tendances au crime que ceux-ci pouvaient avoir. Cela, tout le monde dans leur société le savait bien.
Mais c'était la suite qui se compliquait souvent : qu'est-ce que cela signifiait au juste, analyser la psychologie des individus ? Quelles étaient ces « tendances » au crime qu'on trouvait chez autrui ? Là, les réponses se faisaient bien plus vagues. Sincèrement, elles étaient le cadet des soucis d'Hajime ― ce qui l'intéressait, lui, c'était que ses proches et lui-même aillent bien psychologiquement. Mais cette préoccupation devenait liée à ces mêmes réponses quand on en venait à des cas comme celui d'Oikawa.
Il ne comprenait pas pourquoi son petit ami voyait son facteur criminel augmenter. Hajime n'était pas du genre à ressasser ses pensées et des questions auxquelles il n'avait pas de réponses, mais cette interrogation non répondue avait fait ressortir ces autres questions plus complexes. Qu'est-ce qui faisait réellement monter le facteur criminel de quelqu'un ? On leur avait enseigné que c'était le fait d'avoir commis quelque chose de mal, ou tout simplement d'être troublé qui pouvait le faire augmenter. Mais, dans quelle mesure identifier le bien et le mal ? Dans quelle mesure déterminer qu'un stress ou une angoisse passagère était synonyme de prédisposition au crime ? Quand il se posait ces interrogations, Hajime se trouvait face à sa propre ignorance, et personne n'avait apparemment de réponse à lui apporter pour l'éclairer.
La question qui l'occupait désormais était donc : s'il ne disait pas à Sugawara qu'un criminel dormant se cachait dans les toilettes, allait-il commettre un crime aux yeux de Sybille ? C'était le cœur de sa réflexion ― mais son dilemme fut finalement résolu avant qu'il n'ait réellement le temps de s'appesantir dessus.
En effet, après l'avoir calmement salué, Sugawara s'était approché de la cabine fermée dans laquelle s'était dissimulé Orru, et, soudainement, avait enfoncé la porte d'un coup de pied si vif qu'Iwaizumi en fut surpris. La porte claqua contre le mur adjacent, laissant apparaître la cabine vide de toute âme humaine, un autre constat qui stupéfia le coach sportif. Une petite fenêtre au-dessus des toilettes avait été ouverte, indiquant la manière dont l'occupant s'était enfui.
« Limier-2, je compte sur toi. » D'une voix toujours très calme, Sugawara s'adressa à quelqu'un à travers sa montre dernier cri avant de couper la communication et de se retourner vers Hajime. « Désolé pour ça, s'excusa-t-il poliment. Une affaire un peu compliquée. Je ne savais pas que tu fréquentais ce café.
― J'éviterai à l'avenir, visiblement. » répondit simplement Hajime. L'inspecteur opina avec un certain amusement.
« Je te le conseille. »
Il ne s'appesantit pas sur les raisons de ce conseil, sans doute parce qu'il n'était pas autorisé à les révéler à un civil comme lui, mais cela arrangeait Hajime puisqu'il n'avait pas à dire s'il avait vu ou parlé à Orru. Et tout ce qui pouvait lui éviter des problèmes trop agaçants était bienvenu.
Avec tout ça cependant, il était définitivement complètement en retard. Surtout quand il découvrit que toute la rue était barrée par les drones de la SP et que les personnes présentes étaient invitées à ne pas se déplacer pour l'instant afin d'éviter les mouvements de foule qui permettraient à celui qu'ils poursuivaient de s'éclipser discrètement. Cette fois, il pouvait vraiment prévoir sa mort imminente : si sa mère ne le tuait pas pour la tâche de café, Oikawa le ferait pour avoir raté leur rendez-vous deux fois. Il allait bouder, il le sentait ― son petit ami avait l'attitude d'un enfant de six ans en quasi-permanence.
Cependant, rester dans le coin l'arrangeait pour une grande raison : il voulait légèrement savoir si ce Orru allait être attrapé ou non. Parce qu'après tout, s'il l'était, Hajime n'avait plus besoin de déposer le message, pas vrai ? (Une petite voix en son for intérieur lui répétait qu'il le ferait quand même. De toute manière, mieux valait qu'on ne trouve pas ce message sur lui un jour.)
Il essaya de grapiller des informations tant bien que mal en écoutant les conversations des autres clients du café, dont certains étaient mieux placés près de la rue pour apercevoir ce qui s'y passait. Cependant, fidèlement à la politique de la Sécurité Publique de ne pas en dire trop pour éviter les paniques et les psycho-syndromes collectifs, personne ne semblait avoir beaucoup d'informations. En tout cas, Hajime n'apprit rien de plus que ce qu'il ne savait déjà : les inspecteurs cherchaient quelqu'un. Sans doute quelqu'un de dangereux à en juger par les moyens déployés ― Iwaizumi avait aperçu un autre inspecteur au loin, et plusieurs autres hommes et femmes se déplaçaient aux alentours, sans doute des exécuteurs.
Il n'était d'ailleurs pas le seul à être arrivé à cette conclusion, car il sentait que tout le monde autour de lui commençait à devenir fébrile. Lui-même faisait des efforts pour ne pas laisser l'anxiété ambiante déteindre sur lui ― il savait qu'il s'agissait des premiers symptômes d'un psycho-syndrome collectif.
Au bout d'une demi-heure d'attente, le quartier fut finalement libéré par les inspecteurs ― mais, à en juger par leurs expressions graves, ils n'étaient pas arrivés à leurs fins. Sans doute avaient-ils libéré le quartier plus pour faire retomber la tension accumulée. Hajime ne pouvait pas savoir si leurs facteurs criminels s'étaient beaucoup troublés sous la pression, mais vu les réactions de plus en plus paniqués qu'il avait observées, il n'avait pas beaucoup de doutes sur cette question.
Le coach sportif jeta un coup d'œil à l'heure une fois qu'il fut autorisé à retourner chez lui, et soupira en voyant qu'une grande partie de sa fin de journée avait été zappée par tout cet incident. Sentant l'enveloppe contenant le message dans sa poche, il se demanda ce que celui-ci avait de si important pour justifier qu'un criminel dormant prenne le risque de se faire attraper par la SP juste pour le délivrer.
D'une manière ou d'une autre, il avait beau ne pas être perspicace, il le pressentait : quelque chose était en train de se tramer. Cependant, il n'avait aucun moyen de savoir de quoi il pouvait bien s'agir.
✷
Le lendemain, après avoir miraculeusement échappé à un assassinat orchestré par sa mère suivant la découverte de l'état irrécupérable de sa chemise neuve, Hajime scruta les journaux télévisés et numériques dans le but de découvrir s'ils abordaient ou non l'incident de la veille. Il doutait que cela soit le cas ― ces incidents, qui causaient déjà des psycho-syndromes collectifs, étaient en général soigneusement tus dans les médias pour « ne pas inquiéter plus que de raison la population ».
Ce fut en revanche Miyuko qui lui apporta des informations supplémentaires ― il la croisa dans le métro en allant travailler, elle-même accompagnait son neveu chez le médecin après qu'il ait commencé à se sentir quelque peu patraque. Tout en jetant fréquemment des coups d'yeux inquiets dans sa direction, la jeune femme lui raconta ce qu'elle avait entendu dire par les commères de leur quartier (pour un peu, elles remontaient presque dans l'estime d'Hajime).
« Apparemment, les enfants des Hinata ont disparu, expliqua-t-elle en évoquant leurs voisins un peu éloignés ― il ne broncha pas à cette nouvelle qu'il connaissait déjà et attendit la suite, et la Sécurité Publique les recherche activement. Ils sont venus à la maison nous demander si on avait vu quelque chose de suspect. Et ils nous ont montrés des photos de personnes en nous demandant si on les avait aperçus dans le coin.
― Ils pensent à un enlèvement ? » Miyuko le dévisagea comme s'il avait dit quelque chose de ridicule.
« Je vois mal ce que ça pourrait être d'autre. Une fugue peut-être, mais pour aller où ? Ils auraient forcément été repérés par les scanners de rue en plus. »
Pas s'ils comptent quitter le pays, songea le coach sportif, qui savait que c'était le cas. Il s'abstint cependant de dire quoi que ce soit et lui demanda si l'inspecteur qu'elle avait vu ressemblait à Sugawara ― ce qu'elle lui confirma. Ces renseignements à l'appui, le jeune homme était quasiment certain que les deux événements étaient liés pour la SP. Ce qui venait donc également confirmer ce qu'Orru avait dit en expliquant qu'il avait aidé Kageyama et Hinata à quitter le pays. Même si le jeune homme ignorait où ils étaient actuellement, force était d'admettre qu'ils n'étaient pas entre les mains de la SP. Ce qui confirmait donc aussi qu'il était réellement en mesure de faire sortir les gens du pays.
Hajime n'avait pas changé d'opinion concernant ce fait ― il était toujours persuadé que ce n'était pas sa décision. Même si en l'état actuel des choses, il était le seul à pouvoir organiser une quelconque fuite du pays... Il ne pouvait pas prendre cette décision de lui-même. Il n'était pas celui qui se retrouvait dans cette situation. Et il se refusait à prendre une décision aussi importante seul, quand elle concernait plus que lui.
Certains diraient peut-être que c'était de la lâcheté ; et ils étaient libres d'en penser ce qu'ils voulaient. Simplement, considérant qu'Oikawa n'avait jamais émis un quelconque désir de partir, alors même que son futur disparaissait doucement derrière une grille, Hajime ne se sentait pas la résolution de le faire. Partir ? Pour aller où ? Il n'y avait pas de paradis de l'autre côté de la mer. Où qu'ils aillent, ils rencontreraient des difficultés. Et puis... Tout espoir n'était pas encore perdu.
« J'espère qu'on les retrouvera en tout cas, reprit Miyuko. C'est terrifiant de se dire qu'un criminel a pu venir jusqu'à notre quartier tranquille. » Hajime opina. Même s'il savait qu'il n'en était rien, il comprenait le point de vue de la jeune femme, qui ignorait que les deux enfants étaient partis de leur plein gré. « D'ailleurs, elle ajouta ensuite, c'est bientôt l'anniversaire de papa. On n'a pas trop le cœur à la fête, mais on ne veut pas se laisser abattre, alors on pensait organiser un dîner ce week-end. Tu es le bienvenu.
― C'est très aimable de m'inviter. » Miyuko ricana.
« Après toutes ces années, on ne va pas te laisser tomber simplement parce que Tooru n'est pas là pour le moment. Profites-en pour souffler loin de la sangsue qu'il est. »
Hajime n'aurait sans doute pas dû, mais il rit. Sangsue. C'était le meilleur adjectif possible pour Oikawa. Une sangsue qui se collait en permanence à lui ― dormir avec le brun était un vrai supplice, parce que non seulement il avait le sommeil agité mais en plus il se collait à lui ― et qui aspirait toute son énergie. Et de loin.
« Je viendrais. Vous comptez inviter d'autres personnes ?
― Sans doute les Kageyama. »
Ah. L'ambiance s'annonçait formidable. Takao n'avait pas repris attache avec lui après leur conversation aux airs d'interrogatoire, et il n'avait en réalité pas grand-chose à reprocher à Hajime, mais celui-ci redoutait qu'il ne reprenne ses questions dans l'espoir de trouver et comprendre ce que son fils avait fait.
Il garda néanmoins ses doutes pour lui, et se contenta de continuer d'échanger des banalités avec Miyuko jusqu'à ce qu'ils atteignent son arrêt. Souhaitant un bon rétablissement à Takeru, le jeune homme aux cheveux noirs descendit du train en se faufilant entre la masse de tokyoïtes, essayant de ne heurter personne par inadvertance.
Néanmoins, alors qu'il atteignait finalement la sortie, son regard fut attiré par une silhouette dissimulée derrière une colonne. Son attitude en elle-même n'était pas inquiétante, mais le jeune homme aux cheveux noirs repéra dans sa posture les mêmes habitudes que celles qu'il avait observées chez Orru : un regard qui ne laissait aucun angle mort autour d'eux, et une tendance à éviter les caméras et les scanners.
Son visage était moins couvert que celui d'Orru, aussi leurs regards se croisèrent quelques secondes. Ce bref contact visuel surprit Iwaizumi : il était certain d'avoir déjà vu cette personne. En revanche, impossible de se souvenir d'où. Quant à son nom, ce n'était pas la peine.
Cette brève vision perturba Hajime pendant tout le début de sa journée de travail : il avait l'impression de passer à côté de quelque chose d'important. D'un autre côté, les similitudes constatées avec Orru lui soufflaient de ne pas non plus trop creuser : il risquait de se retrouver encore impliqué dans des affaires problématiques. Mais ce nom qui ne lui revenait pas l'agaçait.
(Heureusement, la surcharge de travail qui s'abattit sur lui vers la fin de la journée eut tôt fait de chasser cette mystérieuse inconnue de ses pensées.)
Quelques heures plus tard, en quittant son bureau, il se rendit au centre de thérapie ― cette fois-ci, sans s'arrêter nulle part. Il savait que s'il ne se présentait pas immédiatement, Oikawa allait le bouder encore plus longtemps ― un vrai gosse. Et puis, même s'il ne l'admettait qu'en son for intérieur, il avait envie de voir son petit ami.
Ils avaient passé tellement d'années à vivre quasiment ensemble ― théoriquement, deux quartiers les séparaient, mais ce n'était qu'un détail en fin de compte ― qu'il était étrange de ne plus le voir aussi fréquemment. Bien sûr, depuis qu'ils avaient quitté les bancs du lycée, ils se voyaient un peu moins, mais leur relation avait fait qu'ils avaient continué de se voir toutes les semaines. Là, quand bien même cela ne faisait pas si longtemps qu'il ne l'avait pas vu, Hajime réalisait qu'il ne pouvait plus le voir aussi souvent qu'autrefois. Et aussi facilement. Désormais, il devait prendre rendez-vous, se plier à un scanner et donner tous ses biens personnels au drone-concierge.
Sans oublier bien sûr le drone-aide-soignant qui surveillait tous leurs échanges. Il aurait bien voulu avoir plus d'intimité avec son petit ami. Déjà qu'un des psychiatres avait tenté à mots couverts de lui poser des questions sur leur relation ― apparemment, un regard noir avait suffi à lui rappeler de ne pas pousser le bouchon trop loin.
Iwaizumi avait tout fait comme d'habitude : il avait pris rendez-vous et s'était excusé pour ne pas être venu la veille sans prévenir. Pourtant, quand il se présenta à la porte du centre de thérapie et qu'il exposa l'objet de sa visite, on lui interdit d'aller plus loin avant de lui dire que ce ne serait pas possible finalement de voir son petit ami.
« Pourquoi ? protesta-t-il. J'ai pris rendez-vous et...
― Navré, le coupa le drone, mais ce ne sera pas possible. Son facteur criminel a augmenté. »
Et sans se préoccuper de l'impact de ces informations sur Iwaizumi, le drone se détourna et reprit sa tâche.
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