02.4 :: 𝙎ous l'amour et l'alcool
nda - bonjour ! :) après un mois de pause je peux désormais annoncer la reprise des publications de cette histoire, avec une autre petite modification due à la magie de l'été : pendant les quatre prochaines semaines, je ne posterais pas une fois tous les quinze jours mais toutes les semaines !
donc, oui, jusqu'au 11 septembre, un chapitre sortira chaque semaine, ce qui vous permettra de découvrir plus vite les rebondissements de cette partie (et me permet à moi de ne pas passer encore six mois sur la partie deux aha) :)
sinon, j'espère que vous allez bien et que votre été se passe bien. hydratez-vous, n'oubliez pas le covid et profitez bien <3
petit instant autopub : j'ai publié au début du mois ma participation à la bokuaka week 2021, si jamais vous êtes intéressés, c'est la première histoire sur mon profil !
bonne lecture :)
✷
CHAPITRE QUATRE - SOUS L'AMOUR ET L'ALCOOL
▬▬▬
𝘾ette fois-ci, Tooru rappela Iwaizumi bien avant que celui-ci n'ait le temps de submerger sa boîte vocale d'insultes. Les insultes, il en essuya malgré tout puisqu'il appela littéralement son compagnon à sept heures du matin, après une longue nuit d'insomnie à ressasser ses pensées. Celui-ci ne semblait pas ravi d'avoir été réveillé par une injonction à le rejoindre sur une place bien plus grande que leur petit parc, un dimanche matin.
(Mais, Tooru le savait, il viendrait. Il était certain qu'il pouvait compter sur Iwaizumi pour se plier à ce désir, aussi farfelu soit-il. Hajime prenait trop à cœur son rôle de responsable de l'ancien passeur, chargé de l'empêcher de faire n'importe quoi.)
En fin de compte, Iwaizumi arriva même avant lui à leur point de rendez-vous. Il était huit heures, personne ne se trouvait dans les rues à l'exception de quelques hères dont la vie devait être bien compliquée pour qu'ils se retrouvent dehors un dimanche matin en plein mois de février. Hajime devait potentiellement mourir de froid, enfoncé dans un simple sweat, mais il se contentait de regarder devant lui tandis qu'un fin panache de fumée blanche s'échappait de sa bouche, provoqué par les températures glaciales.
« J'aurais dû te laisser mariner des heures avant de venir, commenta-t-il lorsque Tooru s'assit à côté de lui sur le rebord de la fontaine qui ornait la grande place.
― Tu es trop gentil pour me faire ça, protesta le brun.
― Tu parles, souffla son compagnon en levant les yeux au ciel, je peux encore te jeter à l'eau si tu m'emmerdes trop.
― Méchant.
― Abruti. » Ils auraient pu continuer longuement ce débat, mais ils n'étaient pas venus pour ça, ils le savaient tous les deux. Il y avait plus important.
« Tu m'en veux pour hier ? finit par demander l'ancien capitaine.
― Qu'est-ce qui te prend de me demander ça ? releva son petit ami.
― J'essaye d'être gentil !
― Ça te va pas. T'es supposé être une bouse.
― Pardon ? »
Ce fichu surnom de bouse... Il lui collait presque autant à la peau que le Iwa-chan dont il avait affublé son amant. Il le trouvait pourtant infiniment plus offensant ― Iwa-chan, c'était juste mignon et affectueux ― mais ne parvenait pas à le faire abandonner à son compagnon, qui prenait plaisir à lui ressortir dès qu'ils se prenaient la tête pour des broutilles.
« Hier, mon psy m'a proposé de rejoindre un centre de thérapie, lâcha-t-il finalement sans préambule, incertain de la meilleure manière de l'expliquer. Il pense que c'est la dernière chose qui peut m'aider, une cure complète.
― Pour combien de temps ?
― Cela dépendra de l'évolution de ma teinte. » Toujours, flottait entre eux, adjectif muet qu'ils ne pouvaient se résoudre à prononcer.
« Tu vas accepter ? »
Sans laisser transparaître la moindre once de ce qu'il ressentait face à cette nouvelle, Hajime posa la question fatidique, la seule qui avait de l'importance peut-être. Allait-il ou non accepter cette proposition ? Allait-il faire confiance une dernière fois au système ? Lui remettre une fois encore le choix de ce qu'il allait devenir ?
« Oui. » s'entendit-il finalement répondre.
Il n'osa pas tourner les yeux vers Hajime après avoir prononcé ces mots. Il avait mûri cette décision toute la nuit, incapable de trouver le sommeil de toute manière. Il avait réfléchi à ce que cela signifierait s'il acceptait, et à ce que cela entraînerait, et il avait eu les mêmes réflexions concernant un éventuel refus. Il avait fini par décider qu'il voulait essayer.
Tooru n'avait plus vraiment d'espoir de voir la situation s'arranger. Ces mois passés, il avait essayé tous les traitements possibles ― qu'ils soient médicaux, psychologiques, ou dignes des grand-mères du siècle passé ―, sans déceler autre chose qu'un ralentissement en fin de compte peu significatif. Alors, cette thérapie... Il ne voulait pas s'autoriser à y croire.
Mais d'un autre côté... Il y avait Takeru, qu'il voulait continuer de voir grandir quotidiennement, et dont il voulait savoir l'identité de l'amoureux. Il y avait Miyuko, qu'il ne voulait pas laisser seule pour gérer leurs parents qui vieillissaient doucement. Il y avait ses parents justement, dont il voulait continuer d'être le fils cadet, actif et heureux. Il y avait Hajime, qu'il ne voulait pas contraindre à une vie en pointillés, alternant entre la société telle qu'il devait la connaître et le centre où le brun finirait ses jours.
Pour tous ceux-là, il voulait tenter le coup. Il voulait essayer encore un peu de changer les choses, quand bien même il ignorait comment faire, et si c'était seulement possible.
« Waouh. » L'exclamation d'Iwaizumi fit lever un sourcil au brun, et le poussa à tourner son regard vers lui. Son petit ami le dévisageait avec amusement. « Je pensais que j'allais devoir te cogner pour que tu acceptes.
― Pardon ? s'offusqua Tooru.
― J'étais certain que tu allais refuser. Que tu allais dire « ils veulent m'enfermer par avance, je veux passer du temps avec vous plutôt que d'espérer inutilement ». Ce genre de trucs de merde. » Le brun fronça les sourcils et plissa les yeux en l'observant. Cela avait en effet été sa réaction initiale, il ne pouvait pas le nier, mais entendre Hajime la qualifier aussi négativement le surprenait.
« Ça ne te dérange pas ?
― Combien de fois je t'ai dit d'arrêter de prendre tes décisions en fonction de moi ? » Hajime lui offrit un de ses rares sourires doux. « Fais ce que tu veux. Ne me sors pas que tu veux t'empêcher de faire telle ou telle chose parce que tu ne veux pas arrêter de me voir. Tu sais que je viendrais toujours.
― Tu vas rendre mes infirmiers fous.
― Tu le feras bien mieux que moi. »
Ils échangèrent un rire amusé, et Tooru s'autorisa à poser sa tête sur l'épaule de son petit ami ― une position plus qu'inconfortable pour sa nuque, mais pas pour son cœur. La réaction dudit petit ami ne fut pas longue à venir : il se décala pour que la tête de son compagnon tombe de son épaule.
« Merci, ironisa le châtain en se redressant, boudeur.
― Je ne suis pas ta chaise.
― Non, mais tu m'appartiens quand même. »
Le brun se délecta de la rougeur qui s'empara des joues de son compagnon. Si Hajime était celui qui passait le plus de temps à le prendre au dépourvu par des prises d'initiatives inattendues, Tooru conservait le monopole de celui qui arrivait le plus à embarrasser l'autre. Il fallait croire que, même après quatre ans de relation, Hajime ne s'habituait pas à sa spontanéité.
« Quand commencera la thérapie ? reprit finalement son compagnon en changeant presque subtilement de sujet.
― Sans doute demain ou mardi. Mon psy veut que cela se mette en place rapidement. Après tout... » Il était déjà au-dessus de 90. Le seuil se rapprochait dangereusement, quand bien même il stockait cette pensée loin dans son esprit.
« Oui, il n'a pas tort.
― Le centre me prendra en charge jusqu'à ce que j'atteigne les 110, continua ensuite le brun en repensant à la documentation qu'il avait lue. Au-delà, ils considèreront que mon facteur criminel ne peut plus s'améliorer, et je serais transféré dans un centre pour criminels dormants. »
Un soupir franchit la barrière de ses lèvres. Le dire lui rappelait la principale raison pour laquelle il voulait refuser : il avait l'impression de sacrifier une partie de sa liberté par avance. Une fois dans le centre de thérapie, il ne serait plus libre de ses mouvements entièrement : il devrait rester dans son enceinte et ne pourrait sortir que pour de très rares occasions jugées comme ne pouvant pas aller à l'encontre de son traitement.
Ses visites seraient aussi strictement encadrées et limitées ― même si Tooru savait que cela n'empêcherait pas ses proches de venir fréquemment. Il pourrait compter sur eux pour rendre tout le personnel soignant fou avec des appels et des demandes de visite incessants. Pour le reste, le centre semblait plutôt agréable. Tout était aménagé pour le confort des visiteurs, et les prix n'étaient pas aussi élevés qu'on aurait pu le craindre. Dans tous les cas, sa mère avait assez de capital économique pour payer tous les frais pour un bon moment.
« Ça n'arrivera pas. » Hajime rompit ses pensées sombres d'un ton ferme.
« Quoi donc ? » Il avait perdu le fil de leur conversation.
« Ton transfert dans un centre de criminel dormants. Tu vas te rétablir bien avant.
― Tu as plus confiance en moi que moi-même.
― Ç'a toujours été le cas. »
Oh, que oui. Quand Tooru pensait ne pas être le meilleur et se tourmentait sans cesse en se dépréciant, Hajime était celui qui croyait encore en lui. Qui lui répétait qu'il en faisait déjà bien assez comme ça. Et qui n'hésitait pas à le frapper pour le lui faire comprendre. Chaque fois qu'Oikawa terminait un entraînement en grimaçant parce que ses muscles le faisaient souffrir, chaque fois qu'ils quittaient tous les deux un terrain les larmes aux yeux après avoir essuyé une cuisante défaite, Iwaizumi lui répétait qu'il ne devait pas porter toute son équipe sur son épaule.
Au volley, on est six sur le terrain. Dès qu'il doutait de lui et de ses compétences, Tooru repensait à ces quelques mots, hurlés par son partenaire un jour qu'il avait perdu le contrôle de ses nerfs et manqué d'en flanquer une à Kageyama. Kageyama qui faisait mieux que lui en moins de temps. Kageyama qui le dévisageait de ses grands yeux remplis d'admiration ― de cette admiration qui était un poison pour le brun et ne faisait que le renvoyer à son infériorité.
« Iwa-chan. » Il appela son compagnon en esquissant un mince sourire.
« Hm ?
― Je t'aime. »
Et cette fois, il n'essayait même pas d'embarrasser son compagnon par sa spontanéité.
✷
« Monsieur Tooru Oikawa. Vingt ans. Facteur criminel : 95. Teinte : bleu orage. » Le médecin face à lui leva un regard avenant vers celui dont il venait d'énoncer les informations personnelles, et esquissa un petit sourire qui se voulait sans doute tout aussi amical. « Vous êtes encore jeune. Cela ne doit pas faire longtemps que vous êtes entré dans la vie active. »
Le principal concerné hocha la tête sans desserrer les lèvres. Il n'était pas sûr de ce qu'essayait de signifier son interlocuteur par cette remarque, alors il en fit abstraction et observa plutôt le bureau dans lequel il se trouvait. C'était un bureau de médecin tout à fait normal, il fallait l'admettre. Bureau impeccablement rangé, à l'exception de ses dossiers personnels qui avaient été ouverts dessus, tableaux presque kitsch accrochés derrière le médecin installé à son bureau, qui était lui-même l'archétype du docteur avec ses lunettes et sa raie droite qui séparait parfaitement son front. Les diplômes de psychologie affichés sur le mur adjacent indiquaient son nom ― Norimune Kurosu ― et Tooru trouvait que cela frôlait le narcissisme.
« Bon. Le docteur Ninomiya vous a recommandé pour notre clinique, et vous semblez correspondre au profil de nos patients effectivement. » Encore une fois, il ne comprenait pas vraiment ce que son interlocuteur essayait de lui dire. « Je vous souhaite donc la bienvenue parmi nous, monsieur Oikawa. Je vous assure que vous serez satisfaits par nos services.
― Aucune thérapie n'a marché jusqu'à présent. » ne put-il s'empêcher de faire remarquer sèchement. Sa sœur lui donna un coup dans les côtes.
« C'est parce que vous n'avez pas testé notre excellence. » répondit, sans se démonter, le docteur.
Tooru lui accordait au moins le fait qu'il semblait on ne peut plus confiant. D'un autre côté, vu la quantité de diplômes qu'il avait, ce type devait avoir une certaine expérience. Le brun se sentait disposé à lui accorder sa confiance, d'une certaine façon. Même s'il conservait bon nombre de doutes sur les chances que cette thérapie-ci soit miraculeusement la bonne.
Il signa une bonne dizaine de papiers aux intitulés tous plus obscurs les uns que les autres, avant de finalement se retrouver seul avec sa sœur tandis que le médecin allait faire des photocopies. Celle-ci était la seule à avoir pu l'accompagner ― leurs parents travaillaient, contrairement à elle qui était en congés. Il ne savait pas si elle avait fait exprès de les prendre en cette période compliquée pour lui, ou si elle avait juste prévu de se reposer cette semaine par pire coïncidence. Connaissant sa sœur, il doutait qu'elle ait fait cela pour lui. Mais sa situation avait des conséquences étonnantes sur les gens, il l'avait constaté depuis longtemps.
« Tu es vraiment sûr ? demanda justement Miyuko. Tu veux venir ici ?
― J'ai déjà signé les papiers. Je suis à peu près certain que ça équivaut à un pacte de sang ici. » Il essuya un nouveau coup dans les côtes ― visiblement son humour ne faisait pas l'unanimité.
« Je veux juste être sûre que c'est bien ta volonté.
― Oui, soupira-t-il, ne t'en fais pas trop. J'en ai vu d'autres. » Pas vraiment, mais il ne voulait pas que sa sœur imagine déjà le pire. Il le faisait très bien tout seul.
« On viendra te voir. Hajime aussi je suis sûre.
― Je sais. Je peux compter sur vous. »
Elle lui frotta affectueusement les cheveux ― il détestait qu'elle fasse ce truc parce que ça le décoiffait beaucoup trop, mais elle adorait le faire pour l'ennuyer. Il ne protesta pas cette fois, parce que cela le réconfortait un peu.
« Vous comptez commencer tout de suite ? s'enquit le médecin en revenant.
― Demain, répondit sa sœur à sa place. Il a une obligation cette après-midi. »
Tooru haussa un sourcil surpris. Il ignorait qu'il a avait quelque chose du genre de prévu. Personne ne l'en avait informé en tout cas. Hajime travaillait, leurs parents aussi. Peut-être sa sœur voulait-elle juste passer du temps avec lui ? Cela n'aurait pas été si surprenant en réalité, mais cela ne lui ressemblait pas de ne pas l'en avoir averti.
« Je comprends. Nous nous verrons demain dans ce cas. Voici la liste des possessions personnelles autorisées. Venez avec, nous vous montrerons votre chambre. »
Tooru attrapa la feuille en retenant un soupir désabusé, avant de remercier le médecin. Si le bâtiment était en effet très beau, il ne s'y sentait pas vraiment à sa place. Quelque chose d'oppressant se dégageait de l'endroit. L'ancien passeur n'avait aucune envie d'y vivre, surtout pour une durée incertaine.
Il était sûr que sa chambre allait plus petite que celle qu'il avait actuellement en plus.
Quand il plaisantait en disant qu'il serait bientôt temps qu'il se trouve un appartement, il ne pensait pas vraiment à cela.
« Merci. » se força-t-il cependant à répondre.
Il se leva ensuite pour s'incliner et remercier ainsi le psychologue. Sa sœur l'imita avant de l'entraîner vers la sortie. Une fois qu'ils furent assez loin dans le couloir pour parler sans être entendus par les oreilles potentiellement indiscrètes du médecin, le jeune homme aux cheveux bruns murmura à l'intention de son aînée :
« C'est quoi cette affaire ? J'ai des obligations ? » Miyuko lui renvoya un regard amusé assorti d'un petit sourire. « Oui. De la plus haute importance si j'ai bien compris. »
Cette réponse ne l'éclairait absolument pas, aussi le brun s'autorisa un haussement de sourcils sceptique. Sa sœur, elle, semblait grandement s'amuser, et elle le guida d'un pas rapide vers la sortie du centre de thérapie. Une voiture était stationnée devant, qu'il reconnut bien vite comme n'étant pas celle de sa sœur ― elle l'avait de toute manière garée plus loin.
Miyu le poussa dans la direction de celle-ci avant de murmurer :
« Amuse-toi bien ~ »
Elle fuit ensuite aussi vite qu'elle ne l'avait poussé ; son frère était trop occupé à fixer les occupants de la voiture en question, d'une étrange couleur bleu cyan, pour s'en formaliser.
« Salut mon mignon, on t'emmène faire un tour au paradis ? »
L'homme installé côté passager baissa sa fenêtre pour le gratifier de cette salutation on ne peut plus respectueuse et polie, et Tooru leva les yeux au ciel avant de rétorquer :
« Seulement si tu me laisses la place côté passager. »
Hanamaki ricana à cette réplique et ne bougea pas d'un pouce, comme il s'y attendait. Assis à la place conducteur, Matsukawa gratifia Oikawa d'un autre rictus amusé qui appuyait sans le moindre doute les dires de son petit ami.
Leur ancien capitaine leva donc une nouvelle fois les yeux au ciel, avant de se diriger vers la portière arrière pour l'ouvrir et grimper dedans. Malgré son exaspération affichée, il était content de voir ses deux amis. Ils ne s'étaient pas vus au dernier match, alors cela commençait à faire un moment qu'ils ne s'étaient pas croisés tous les trois, malheureusement.
Il fut néanmoins surpris de trouver de l'autre côté de la banquette arrière Iwaizumi, un air blasé sur le visage. Le jeune homme portait encore sa tenue de travail, et paraissait se demander ce qu'il faisait exactement dans cette voiture.
« Iwa-chan ? s'exclama Tooru, surpris de le voir. Je croyais que tu travaillais.
― Je croyais aussi. » maugréa son petit ami. Il désigna Hanamaki de la main. « Jusqu'à ce qu'il vienne me détromper.
― Tu ne me feras pas croire que ça t'ennuie. »
Puisqu'Hajime ne répondit rien ensuite, il était aisé de deviner qu'en effet, il n'était pas si ennuyé que cela. Tooru était amusé et touché que ses anciens camarades de lycée et amis fassent tout cela pour lui. Enfin, s'il leur demandait, ils diraient sans doute que c'était juste parce qu'ils avaient besoin d'une excuse pour sécher le travail. Ils avaient la pire mauvaise foi qu'il connaisse ― après la sienne.
« Vous m'emmenez quelque part ? reprit-il ensuite en observant la route qu'ils empruntaient, essayant de deviner l'endroit en question.
― Non, c'était juste pour te faire découvrir ma magnifique voiture, rétorqua Matsukawa.
― Elle est un peu flashy non ? fit remarquer Oikawa.
― Il pense que ça dissuadera tout le monde la lui voler, expliqua Hanamaki. Parce que c'est impossible d'être discret avec une telle voiture.
― Il n'a pas tort, marmonna Iwaizumi. Sauf que les voleurs peuvent très bien mettre des hologrammes pour en changer la couleur.
― C'est pas un dispositif propre à la SP ça ?
― J'ai vu un reportage dessus, approuva Tooru, il y en a qui ont mis au point un procédé similaire. Les créateurs ont été arrêtés, mais le plan a fuité et il se répand apparemment trop vite pour que les inspecteurs parviennent à entièrement le faire disparaître. »
Rares étaient désormais ce type d'affaires, alors elles étaient particulièrement écoutées par les civils lorsqu'elles fuitaient auprès des journalistes. Entre les contrôles qui permettaient de repérer les criminels dormants et la mainmise du ministère des Affaires Sociales sur les médias, ce genre d'histoire était en général sévèrement étouffé.
« Bien tenté, ricana Hanamaki. Je rigolerais si tu te la fais voler.
― Je suis sûr que ce sera toi le responsable, rétorqua son petit ami.
― C'est déjà ma voiture d'une certaine façon.
― Oh, je t'en prie. On n'est pas mariés. On garde nos affaires.
― Quelle radinerie, ricana Oikawa.
― Je devrais utiliser cet argument pour empêcher Oikawa de piquer mes sweats. » observa Iwaizumi, en lui jetant un regard. Son petit ami y répondit avec un sourire.
« S'il n'y a que ça, je te demande en mariage quand tu veux. »
Mattsun et Makki mimèrent des grimaces écœurées, mais Hajime ne répliqua rien ― Tooru avait encore réussi à l'embarrasser, il le savait et s'en réjouissait. C'était si simple. En plus... Il ne mentait pas. Il n'avait pas encore pensé au mariage, surtout pas vu sa situation compliquée. C'était malheureusement le cadet de ses préoccupations actuelles ― il devait d'abord s'assurer de rester un citoyen modèle pour avoir le droit de se marier.
En revanche, l'idée de se marier avec Hajime ne lui inspirait que de la joie. Passer le restant de ses jours avec son petit ami lui plaisait. Il ne savait pas si ces sentiments étaient partagés... Mais il l'espérait. Quand tout serait terminé, s'il parvenait à soigner sa teinte et son facteur criminel, peut-être parviendrait-il à rassembler son courage pour demander Iwaizumi en mariage comme il venait d'en faire la plaisanterie.
« Epargnez-nous vos scènes de ménage mielleuses, reprit Matsukawa. Sinon, on vous abandonne.
― Après m'avoir fait poser une demi-journée de congés ? Vous rêvez, rétorqua Hajime, et son ton ne souffrait aucune contestation. Pour me faire descendre de cette voiture avant d'avoir atteint notre destination, il vous faudra beaucoup, beaucoup de force. » ajouta-t-il avec son effrayant sourire.
A la place de Hanamaki et Matsukawa, Tooru aurait trouvé cette menace très dissuasive, mais vu le sourire qu'ils échangèrent, les deux comparses ne semblaient pas si effrayés que cela. Bande d'inconscients. Ils devaient se croire trop immunisés face à la foudre d'Iwaizumi, tant elle était tombée sur leur capitaine seul au cours de leurs années au lycée.
Ils roulèrent pendant un bon moment, tant et si bien que Tooru se demanda s'ils allaient le faire sortir de la ville. Ils s'arrêtèrent cependant avant de passer sur le périphérique, près de ce qui ressemblait... à un petit bar.
« Sérieux ? releva Tooru en descendant de la voiture. C'est ma dernière après-midi de liberté et vous m'envoyez me souler ? »
« Oikawa... » Mattsun posa une main sur son épaule. « Ce qui nous manquera le plus chez toi, ce sont les âneries que tu dis quand tu as trop d'alcool dans le sang. Donc, on va faire le plein aujourd'hui, jusqu'à pas d'heure. »
L'ancien capitaine de Seijoh le dévisagea longuement, oscillant entre l'envie de rire et celle de l'insulter. Comment ça, c'était ce qui allait le plus leur manquer ? Il était vrai que leurs séances de beuverie étaient rarement concluantes, et qu'il disait suivent un nombre de stupidités trop élevé quand il avait ce l'alcool dans le sang. C'était d'ailleurs à cette occasion qu'il avait eu une de ses disputes les plus mémorables avec Hajime, après qu'ils aient tous les deux trop bu et échangé un baiser alors qu'ils n'étaient encore que des meilleurs amis.
« Je ne bois pas, commenta d'ailleurs Hajime. Il faut quelqu'un pour vous ramener.
― Franchement, Iwaizumi, soupira Makki. Il y a le pilote automatique.
― Peu importe. Il faut quelqu'un de sobre pour vous gérer tous les trois alcoolisés. »
(Et le pauvre savait de quoi il parlait... il avait été leur ange gardien à chaque soirée, car depuis sa dispute mémorable avec Tooru, il avait refusé de boire, peu importe les tentatives d'Hanamaki et Matsukawa de le convaincre. L'ancien passeur aimait se dire que c'était parce qu'il ne voulait pas reproduire une dispute violente avec lui. La vérité était sans doute plutôt qu'Iwaizumi aimait avoir le contrôle de ses gestes...)
« Tu n'as aucun humour, commenta Matsukawa. Il faut qu'on en profite voyons !
― J'ai l'impression d'être sur le point de mourir, lâcha Tooru après un instant. Ou d'enterrer ma vie de garçon. » Il adressa un nouveau clin d'œil à Iwaizumi qui leva les yeux au ciel.
« Je n'arrive pas à savoir si tu es sérieux ou non, et sincèrement je préfère l'ignorer.
― Toujours aussi méchant, bouda doucement le brun.
― Tu es mal placé pour parler, Shittykawa. » Mattsun et Makki laissèrent échapper des exclamations amusées et exagérément outrées.
« Il ressort déjà le surnom insultant.
― Et il n'a pas une goutte d'alcool dans le sang.
― Cette soirée va être fantastique.
― Je vais vous tuer. » conclut l'ancien attaquant, les faisant ricaner.
Ils entrèrent ensuite dans le bar sans plus de cérémonies. L'endroit était calme ― ils étaient après tout encore en plein milieu de l'après-midi ― et le robot barman s'occupa d'eux tout de suite, prenant leurs commandes et les apportant presque dans le même mouvement. Iwaizumi s'en tint à sa promesse de ne rien consommer d'alcoolisé et se contenta d'un cocktail sans alcool, tandis que les trois autres étaient bien moins raisonnables et prenaient des consommations plus excentriques.
« Ça fait longtemps qu'on n'avait pas fait ça, souffla Hanamaki après avoir pris une gorgée de son cocktail.
― Sans doute depuis la fin de la saison de volley de nos cadets de cette année, opina Tooru. Vu qu'on ne s'est pas vus au match amical.
― Dommage, on aurait pu trinquer à cette dernière victoire. » Cette remarque rappela alors soudainement au passeur que jusqu'à présent, il ignorait comme s'était terminé le match.
« Ils ont gagné ?
― Oui. T'as raté ça ? s'esclaffa Hanamaki. Je pensais que tu serais aux premières loges pour voir ton cadet préféré rater ses passes. »
L'expression cadet préféré renvoya d'abord Tooru à Yahaba, et il fronça les sourcils, incertain de comprendre ce que lui disait son ami. S'il avait raté ses passes, ils n'auraient pas gagné... Il perçut ensuite l'ironie du ton de son ami, et vit l'image de Kageyama se dessiner devant ses yeux.
« Il a raté ses passes ? » répéta-t-il, surpris ― et quelque peu ravi, il le confessait. Il avait raté ce qu'il attendait depuis tant d'années ? Il allait le regretter toute sa vie.
« Ouais. Enfin, à l'échelle des passeurs normaux, ce n'était pas vraiment rater, mais pour lui, c'était évident qu'il n'était pas concentré.
― Je me demande pourquoi, renchérit Matsukawa. Au début, il avait l'air en pleine forme. Et puis, tout d'un coup, son jeu a changé un peu. »
Effectivement, le jeune homme aux cheveux bruns n'avait pas été particulièrement frappé par une inconsistance dans le jeu de son cadet. Il avait au contraire eu l'impression qu'il était en pleine forme. Le changement avait donc dû s'opérer après son départ.
« J'aurais voulu voir ça, finit-il par murmurer en prenant une gorgée de son cocktail.
― T'es vraiment une bouse, répliqua Iwaizumi.
― Iwa-chan !
― Il a raison. T'es un passeur, tu devrais compatir.
― Mais non, tu es trop méchant pour ça. »
Ils s'y mettaient à trois pour en rajouter. Tooru les détestait quand ils faisaient ça. Il vida son verre d'une traite ― sous le regard courroucé d'Iwaizumi ― avant d'en recommander un. Ils enchaînèrent ainsi les verres un bon moment, discutant de toute et de rien : la promotion de Matsukawa qui lui avait permis d'acheter sa voiture, Hanamaki qui avait failli être viré pour s'être disputé avec son chef et les mésaventures d'Iwaizumi dont le lieu de travail venait d'être inondé.
Le sujet de la dégradation du facteur criminel de Tooru ne vint pas sur la table une seule fois de leur soirée, pas plus que celui de son hospitalisation en centre de thérapie, et le brun en fut heureux. Lorsqu'il rentra chez lui tard ce soir-là, raccompagné par Iwaizumi, il se sentait étrangement bien. Il était inquiet pour le futur incertain qui se dressait devant lui, mais il voulait se sentir optimiste. La petite voix dans son esprit se taisait, pour une fois.
Et les lèvres d'Iwaizumi sur les siennes jouaient beaucoup là-dedans.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top