02.2 :: 𝙐ne affaire de quelques points

nda - je suis toujours désespérée par le fait que je suis totalement improductive pendant mes vacances mais beaucoup plus quand je travaille 🤡
like, j'avais un mois pour faire plein de trucs mais non, mon cerveau préfère attendre que je n'ai plus le temps pour être motivé-

sinon, j'espère que vous allez bien et que vos examens se sont bien passés ! reposez-vous si vous êtes en vacances, et encore plus si vous travaillez lors de vos temps de pause :)

pour information, le programme de publication de siepr va changer au cours de l'été. je vais laisser août de côté pour le moment, je vous en reparlerai plus tard, mais en ce qui concerne les juillets, deux changement :
- le prochain chapitre ne sortira pas le 17 juillet mais le 16 juillet !
- et il n'y aura pas de chapitre le 31 juillet, ce qui fera donc un battement de quatre semaines au lieu de deux entre les chapitres trois et quatre.

ces petits changements ne sont pas là pour vous laisser mariner sur un suspens, promis, mais simplement parce que j'ai aussi besoin de vacances et de pause dans mes publications :')
(et je réserve de bonnes surprises en août, donc merci de votre compréhension <3)

bonne lecture !

CHAPITRE DEUX - UNE AFFAIRE DE QUELQUES POINTS
▬▬▬

𝙇orsque le réveil de Tooru sonna, le lendemain matin, jour du match, il faillit adopter la même attitude que tous les autres jours, à savoir appuyer dessus pour l'arrêter et se rendormir. Il se souvint cependant qu'il avait tout intérêt à ne pas le faire, et se contraignit à laisser ce damné objet biper pendant de longues minutes, jusqu'à ce que sa sœur ouvre la porte de sa chambre pour lui jeter un coussin.

« Il est huit heures trente, souffla-t-elle ensuite. Fais taire ce truc. » Son frère rassembla le peu de forces qu'il avait ce matin-là pour lui envoyer un sourire.

« Prends exemple sur ton fils. Takeru se réveille bien plus tôt. »

Il était ironique de constater que, quand Miyuko était une fervente amatrice de grasses matinées depuis son adolescence, son fils était au contraire un véritable lève-tôt. Même Tooru était jaloux de sa vitalité ― au lycée, il allait courir tous les matins et se levait donc quotidiennement à six heures, mais n'était jamais parvenu à émerger avec énergie du sommeil. Son neveu, lui, était frais et disponible à toute heure. Dommage que tout le temps que Tooru avait passé à le garder ne lui ait pas permis d'apprendre son secret.

(Même avant que sa sœur ne revienne s'installer chez eux, il était le baby-sitter attitré de Takeru. Dès que sa sœur avait besoin de quelqu'un pour surveiller son fils, que ce soit pour une journée entière ou pour vingt minutes, c'était son petit frère qui devait venir s'en charger. Comble de l'exploitation, celui-ci n'avait jamais obtenu la moindre rémunération en échange de toutes ces heures consacrées au bien-être de son neveu ― tu ne veux quand même pas qu'il croie que tu ne viens que pour l'argent ? Comme si ce petit monstre en aurait eu quelque chose à faire...)

« Pourquoi tu es aussi matinal ? On est samedi. » finit par demander Miyuko alors qu'il lui renvoyait son coussin.

« Je vais au match de Karasuno contre Seijoh avec Iwa-chan. » Sa sœur eut un petit rire.

« Je vois que les amoureux sont de retour en lune de miel. » Tooru leva les yeux au ciel. Elle adorait se moquer de leurs disputes incessantes, qui se finissaient toujours en réconciliations affectueuses.

« Tu ne veux pas redevenir la sœur attentionnée que tu m'as montrée hier ? Je ne l'ai vue qu'une fois, ce n'est pas assez.

― Tu ne la mérites pas. Tu es trop ingrat.

― Tu es si mal placée pour me dire ça.

― J'ai toujours été une grande sœur modèle je te signale.

― Tu m'as oublié dans ta voiture !

On est samedi matin, est-ce que vous pourriez vous disputer plus tard ? »

La voix ennuyée de leur père résonna depuis la chambre de leurs parents, et fit tressaillir les deux fautifs. Ils échangèrent un regard de défi, remettant mentalement à plus tard cette discussion qu'ils avaient de toute manière eue au moins quatre-vingt fois. Miyuko quitta ensuite la chambre de son frère, le laissant se préparer tranquillement. Même si cette interaction avait été tout sauf constructive, il se sentait léger. Il voulait que sa sœur continue de se comporter comme avant avec lui. Même une fois qu'il serait interné...

(Cette pensée le faisait frissonner, alors il l'évitait le plus possible. Officiellement, son psychiatre n'avait pas encore déclaré qu'il avait franchi le point de non-retour, mais si sa dégradation continuait sur ce chemin, il n'y couperait pas. Il avait son prochain rendez-vous dans deux jours. La sentence serait rendue à ce moment-là.)

Il retint un profond soupir, et recommença à se préparer. Cette fois, il ne serait pas pris de court par Hajime. Pour être tout à fait honnête, il n'avait pas une grande envie d'aller à ce match amical. Autant il adorait ses cadets et se faisait une joie d'avance à l'idée de les voir gagner contre Karasuno ― il n'était pas spécialement devin, il détestait juste envisager que son équipe puisse perdre ―, autant il avait plutôt envie d'éviter au maximum d'affronter les autres et de se terrer chez lui.

Ce n'était pas qu'il avait peur du regard des autres. C'était infiniment plus compliqué que cela, à un point tel qu'il n'était pas sûr de bien comprendre tout ce qui expliquait ses sentiments actuellement. Il savait qu'il ne portait pas sur son visage la marque rouge Je suis en train de devenir un criminel dormant, pas plus qu'il ne portait sur son visage autrefois Je suis le fils d'Ako Oikawa. Il savait que la plupart des gens qu'il allait rencontrer à ce match ignoreraient totalement la situation délicate dans laquelle il se trouvait.

Le problème, c'était juste... L'omniprésence de Sybille. Le rappel incessant des normes de leur société. Un rappel si incessant qu'il en était devenu inconscient. Personne n'en avait conscience, mais la façon dont chacun vivait, dans cette petite société parfaite créée par le système Sybille, ne faisait que rappeler cruellement aux autres qu'ils devaient faire attention, que l'équilibre dans lequel ils vivaient était fragile, et qu'ils devaient surtout, surtout, faire attention à leur psycho-pass. La conscience de cette épée de Damoclès était partout autour d'eux. A tel point que parfois, elle finissait par faire suffoquer Tooru, qui n'y voyait qu'un douloureux rappel que dévier de la norme n'équivalait qu'à la souffrance.

Tooru avait l'habitude de faire face aux autres, à leur jugement sourd et perpétuel, à leurs remarques murmurées dans le dos et à leurs sourires bien trop souvent superficiels. Le nombre de chutes qu'il avait essuyées dans sa courte vie lui avait appris à ne pas les laisser l'atteindre ― mais ils réussissaient encore un peu trop souvent. Il avait beau prétendre être un dur, un roi impossible à blesser, la vérité était qu'il n'était qu'un petit prince encore bien vulnérable.

Et puis, l'autre problème, c'était Tobio.

« Tooru ? » Sa sœur repassa la tête à l'intérieur de sa chambre alors qu'il cherchait la meilleure combinaison de vêtements physiques à sa disposition, perdu dans ses pensées.

« Hmm ? répondit-il simplement sans même lui adresser un regard.

Tu ne veux pas inviter Hajime ici, après le match ? » Cette fois, le brun se tourna vers sa sœur, sourcils froncés par la perplexité.

« Pourquoi ça ?

Vous devriez passer du temps ensemble. »

Tooru baissa les yeux. Sans blague. Il le savait bien. Avant que cela ne soit peut-être plus possible. Avant que sa situation ne soit définitivement placée sous la direction de Sybille. Avant qu'il ne puisse plus voir son compagnon que par l'intermédiaire d'une vitre, alors que leur conversation serait enregistrée par des drones.

« Je lui proposerai. » finit-il par lâcher.

« OK. Ca fera plaisir à Takeru en plus ! » ajouta-t-elle rapidement sur un ton innocent. Tooru roula des yeux ; il trouvait cette remarque étrange, il aurait dû s'en douter. Comme pour changer de sujet, sa sœur redevint sérieuse et ajouta : « Ne fais pas attention à Kageyama, OK ? »

Elle s'éclipsa rapidement sur ces mots, sans doute pour ne pas essuyer les éventuelles remarques agacées de son frère suite à la mention de celui qu'il considérait depuis des années comme un rival horripilant. Tooru se contenta cependant de hausser les épaules en marmonnant quelques phrases inintelligibles. Il n'avait pas besoin qu'on lui fasse ce rappel ; il évitait de lui-même son cadet. Parfois, il se fendait d'une provocation, mais puisque Tobio ne réagissait pas, et qu'Iwaizumi le frappait ensuite, il avait arrêté depuis quelques temps.

De plus, il avait une raison supplémentaire d'éviter le passeur de Karasuno : il ne voulait pas de sa pitié. Il préférait encore les remarques désobligeantes des voisines et commères de son quartier, vraiment. Il avait toujours détesté se sentir inférieur à cet agaçant joueur, et ce, même dans des domaines extérieurs au volleyball.

Il savait très bien que Tobio savait pour lui. Il savait, parce que ses parents savaient. Autrefois, leurs deux pères étaient très amis, allant même jusqu'à se voir sur leur temps libre, partageant il ne savait trop quoi comme deux vieilles connaissances. C'était ainsi qu'il avait rencontré Kageyama : ils n'avaient que deux ans d'écart, alors quand les parents se retrouvaient, ils laissaient les enfants ensemble ― et Miyuko, forte de son grand écart d'âge avec son cadet, parvenait à s'éclipser.

L'amitié des adultes s'était effilochée en même temps que les rapports des enfants se dégradaient : Tooru était tout bonnement incapable de bien s'entendre avec Tobio. Il savait qu'il n'avait pas toujours fait des efforts. Dès le début, il aurait mille fois préféré pouvoir aller jouer avec Iwaizumi au lieu de tenir compagnie à ce garçon qui le suivait partout sans le lâcher d'une semelle. Il savait qu'il avait probablement été dur avec Tobio, de façon parfaitement injuste.

(Il n'avait jamais prétendu être parfait. Les autres le faisaient juste pour lui.)

Alors, bien évidemment, son ressentiment initial, parfaitement injuste mais existant, ne s'était pas évaporé lorsque Tobio avait montré un grand talent pour le volleyball. Quand tout le monde avait commencé à le féliciter, à envier ses capacités. En quelques mois, le jeune passeur avait montré autant d'aptitudes qu'Oikawa avait mis des années à perfectionner.

Ainsi, oui, Tooru n'aimait pas Kageyama. Peut-être qu'il n'y avait pas de « véritable » raison au sens où son animosité n'était fondée que sur des faits subjectifs, qui ne concernaient que lui. Mais c'était un fait dont le brun ne niait pas l'existence, et contre lequel il n'essayait pas de lutter. Il n'aimait pas Tobio, son talent pour le volley-ball et sa manie de foncer tête baissée là où personne n'aurait osé faire un seul pas.

La seule consolation qu'il retirait, et qui atténuait un peu son ressentiment, c'était que Tobio n'avait pas non plus réussi là où il avait échoué.

Tooru acheva de se préparer en enfilant un pull noir subtilisé à Iwaizumi ― l'ancien attaquant allait lui crier dessus en remarquant cela, mais qu'importe, le brun adorait ce pull et ne comptait pas le lui rendre ― et un pantalon bleu marine. Lorsqu'il quitta la maison, une vingtaine de minutes plus tard, après un passage à la salle de bain et un petit-déjeuner bien trop rapide au goût des experts nutritionnels, il avait réussi à rassembler un petit peu d'énergie pour affronter les gens qu'il allait croiser au match.

Comme toujours, Iwaizumi l'attendait devant chez lui ― à croire qu'il avait eu peur que Tooru lui fasse faux bond au dernier moment. Un tel manque de confiance aurait pu offusquer le brun s'il n'avait pas pensé, une dizaine de minutes plus tôt, à l'hypothèse de se défiler.

« Iwa-chan ~ » Il salua son petit ami sur le ton mielleux qu'il avait employé un nombre incalculable de fois pour s'adresser à lui ― ton qui laissait toujours l'interpellé de marbre.

« C'est mon pull. » fit-il remarquer à la place, désignant du menton le vêtement du brun. Celui-ci sourit innocemment.

« Vraiment ? Comme c'est étrange. Je l'ai pourtant tiré de mon armoire. » Il s'attendait à ce qu'Iwaizumi lui hurle dessus afin de récupérer son bien, mais celui-ci se contenta de sourire énigmatiquement, avant de lâcher, sur un ton détaché, en prenant la direction de la gare routière :

« Je le récupèrerai moi-même la prochaine fois que tu l'enlèveras. »

Tooru en resta coi, parce que si la phrase était on ne peut plus normale, le ton employé par le jeune homme aux cheveux noirs était très, très suggestif. D'autant plus quand on savait à quelle occasion le brun s'était déjà emparé de ce sweat-shirt. Il ne put donc dissimuler le léger rougissement qui s'empara de lui après cette remarque, et suivit son compagnon en se mordant la lèvre pour réprimer son sourire.

Il détestait Hajime au moins autant qu'il ne l'adorait.

« Juste pour te prévenir, si tu t'avises de les imiter, je te cogne. »

Tooru tourna une moue boudeuse en direction de son petit ami, qui désignait du menton les gradins dans lesquels étaient installés les supporters de Karasuno. Au premier rang, deux anciens joueurs que l'ancien capitaine de Seijoh reconnut comme étant leur ancien champion et le précédent capitaine et passeur agaçant qui savait parfaitement bien remonter le moral de ses coéquipiers, encourageaient avec vigueur leurs cadets, accompagnés par un certain nombre d'étudiants du lycée public qui tapaient bruyamment dans leurs mains et sur les cornets.

« Quel intérêt de venir si je ne peux même pas encourager mes cadets ?

Tu peux. Mais ne crie pas. »

Le brun ravala une remarque qui lui aurait valu une exécution publique des mains de son petit ami, et observa leurs propres supporters du regard. On aurait dit le miroir parfait de ceux de Karasuno : étudiants et professeurs de leur lycée s'étaient rassemblés pour scander le Dominez le terrain que Tooru connaissait si bien. Il aperçut même, au fond, deux de ses cadets qui avaient eux aussi quitté le club : Yahaba et Kyotani. A en juger par leur attitude et leur localisation tout au fond des gradins, ils ne souhaitaient pas être aperçus ensemble ― Oikawa se fit un plaisir de leur envoyer un salut de la main lorsque leurs regards se croisèrent.

Etrangement, il se sentait bien mieux qu'il ne le pensait. Toute la matinée, il avait songé qu'il n'avait aucune envie d'aller à ce match, mais revenir sur un terrain familier, dans une atmosphère qu'il connaissait bien et qui lui manquait jour après jour, le faisait se sentir un peu mieux. Il regrettait de ne plus se tenir sur le terrain, au milieu de son équipe, mais les voir jouer lui rappelait de bons souvenirs ― et de moins bons aussi, comme lorsque Kageyama plaça une ― superbe, mais il ne l'admettrait jamais ― seconde main sur une balle de set de Seijoh.

« Il est toujours aussi insolent, grimaça Tooru après cette action.

J'aurais détesté prendre une telle attaque, approuva pour une fois Iwaizumi avec un regard compatissant pour ses cadets sur le terrain.

J'aurais voulu qu'il la rate.

Tu es le pire, Shittykawa. » L'impression de déjà-vu était si forte que le susnommé eut la certitude qu'ils avaient déjà eu cette conversation un paquet de fois également.

« J'aurais voulu qu'il la rate pour qu'on puisse en finir. »

Iwaizumi lui lança un regard peu dupe, que Tooru ignora volontairement pour se reconcentrer sur le cours du match. Malheureusement, Karasuno s'empara du premier set à la suite de cette seconde main, mais les deux amants eurent le plaisir d'admirer ensuite un jeu dépourvu de la moindre faille de leur ancienne équipe, qui leur permit de s'emparer du deuxième set tout aussi remarquablement que Karasuno avant eux.

« Joli service Kunimi ! »

Tooru ne put s'empêcher de s'exclamer fortement après le sublime ace exécuté par son cadet. Il en était presque ému ― Kunimi n'avait jamais montré de grande motivation lors des matchs, alors il n'en était que plus heureux de le voir marquer avec un service, quelque chose qui lui apportait lui-même beaucoup de fierté quand il jouait encore. Iwaizumi lui asséna un léger coup de coude ― il n'appréciait visiblement pas le fait que son petit ami s'était redressé et attirait désormais tous les regards.

« Iwa-chan, laisse-moi encourager nos cadets... » protesta-t-il en se rasseyant. Le susnommé lui envoya un regard peu attendri par le ton implorant employé par le brun.

« Non. » répondit-il sobrement.

Tooru lui tira puérilement la langue, se fichant bien d'être aperçu par les autres ― et il s'apprêtait à rétorquer quelque chose lorsque la sonnerie de son téléphone parvint à ses oreilles. Il resta quelques secondes indécis, avant de tirer son portable pour regarder qui l'appelait. Miyuko indiquait l'appareil, avec une ridicule photo de sa sœur prise par surprise ― elle l'aurait tué sur place si elle avait vu cette photo de contact.

Il échangea ensuite un signe de tête entendu avec Iwaizumi avant de s'éloigner pour lui répondre. De toute façon, le match n'avait pas encore repris, il n'en raterait peut-être pas beaucoup en répondant à cet appel. Il se demandait ce que sa sœur pouvait bien lui vouloir. Elle n'irait pas jusqu'à l'appeler pour interrompre son « rendez-vous » ― qui n'en était pas vraiment un ― avec Hajime... si ?

« Miyu ? » Il décrocha tout en rejoignant un endroit plus calme, le hall du gymnase dans lequel la rencontre se tenait.

« Petit frère... »

Le ton employé par sa sœur, ainsi que l'appellation l'alarmèrent. Sa sœur ne l'appelait jamais petit frère, sauf dans deux situations bien déterminées : quand elle essayait de l'amadouer pour qu'il sorte de sa cachette et qu'elle puisse l'étrangler, et quand elle avait besoin de réconfort parce qu'elle avait l'impression d'avoir raté ce qu'elle entreprenait.

Il ne se souvenait pas avoir fait quoi que ce soit justifiant que Miyuko ait envie de le tuer. Donc, ce devait être la deuxième explication.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? » demanda-t-il, peut-être un peu trop brusquement car des têtes curieuses se tournèrent vers lui ― pourquoi est-ce que ces gens restent dans le hall ? songea-t-il avec agacement. Ils pouvaient aller voir le match, non ?

« C'est... » Sa sœur chercha ses mots quelques secondes avant de lâcher : « Ton psy. Il est à la maison. Il veut te parler de toute urgence. »

Le sang de Tooru se glaça dans ses veines, et il eut l'impression d'avoir plongé dans une vaste étendue d'eau froide. C'était comme si tous les sons autour de lui étaient étouffés ; y compris la voix de sa sœur. Il entendait juste, encore et encore ce qu'elle venait de dire.

Il veut te parler.

Pour quelle raison votre psychologue, qui vous suivait pour une dégradation de psycho-pass, pouvait-il vouloir vous parler si soudainement, alors même que votre prochain rendez-vous était prévu deux jours plus tard ? Tooru avait beau tourner cette question dans tous les sens, avec tout l'optimisme du monde, il n'en voyait qu'une seule.

Celle qu'il redoutait.

Celle qu'il refusait de voir se profiler.

Son regard noisette glissa doucement sur la caméra la plus proche de lui ― et coïncidence ou non, il croisa l'objectif de celle-ci pointé sur lui. Il savait que ces modèles étaient équipés d'un scanner automatique de psycho-pass. Était-ce l'explication du coup de fil ? Avait-il officiellement franchi le seuil ? Avait-on prévenu ensuite son psy, jugeant que son attitude ne serait peut-être pas hostile et qu'il méritait de ne pas se faire arrêter comme un véritable criminel en fuite ?

« Tooru, je... » La voix de sa sœur lui parvint soudainement, et il s'entendit souffler une réponse qui se voulait rassurante :

« J'arrive. »

Que pouvait-il dire d'autre ? Il ne voulait pas fuir. Il s'était toujours promis de ne pas faire cela. De voir la vérité en face quand le moment serait venu. Fuir ? Pour aller où ? Pour être attrapé comme un vulgaire chien au bout de deux jours ? Tooru avait encore assez d'amour propre pour cela. Il ne fuirait pas. Il n'en avait ni l'envie, ni le courage. Il n'était pas un idéaliste.

Il n'était même plus un rêveur maintenant.

Il finit par inspirer profondément, songeant qu'il devait bouger ― les gens commençaient à lui jeter des regards de travers en passant à côté de lui. Il ne savait pas trop quelle image il renvoyait ainsi, immobile tel une statue, le regard figé dans le vide, perdu dans ses pensées.

Il pivota finalement sur ses talons, se disant qu'il devait aller chercher Iwaizumi, et tomba sur nez à nez avec lui instantanément. Hajime semblait vraiment être doté d'antennes pour deviner son état d'esprit. L'ancien champion le fixait silencieusement, un air indéchiffrable sur le visage et les bras croisés sur sa veste.

« Il faut que je rentre. » Tooru parvint à articuler faiblement. Son compagnon ne posa aucune question et hocha simplement la tête, comme s'il avait compris pourquoi cette décision soudaine ― en fait, c'était probablement le cas.

« Je t'accompagne. » lâcha-t-il simplement, confortant l'intuition du brun.

Le couple se dirigea vers la sortie sans échanger plus de mots. Tooru songea qu'il allait avoir des excuses à présenter à leurs cadets pour être partis ainsi comme un voleur, mais cela lui apparut d'une futilité absolue en comparaison avec la raison de son départ. Il avait plus important à faire pour le moment.

Ils durent attendre un moment à la gare routière ― évidemment, il n'y avait aucun train qui passait rapidement pour le ramener chez lui. Il regrettait de ne pas disposer de sa propre voiture pour rentrer. Même les sept minutes d'attente qu'ils devaient passer avant que le prochain train n'arrive lui semblèrent interminables.

Iwaizumi l'observait faire les cent pas sans rien dire, mais il finit par le retenir en posant une main sur son bras, sans doute exaspéré par ses mouvements incessants. Tooru ne pouvait pas dire que ce contact changeait quelque chose à l'inquiétude qu'il ressentait, mais il se déplaça de façon à entrelacer ses doigts avec ceux de l'ancien attaquant, qui parut se retenir de protester. Le passeur savait qu'il n'était pas un grand adepte de ce genre de contacts affectueux ― surtout en public ― mais il lui était reconnaissant de le laisser faire sans protester.

« Arrête. » La voix grave d'Hajime finit par résonner, et Tooru eut un instant d'hésitation, desserrant légèrement son étreinte sur les doigts du garçon ― mais, à sa grande surprise, son petit ami conserva leur contact. « Arrête de tout ressasser dans ton esprit. Tu sais que tes neurones surchauffent quand tu fais ça, ton cerveau ne peut pas supporter autant de pensées compliquées. » Tooru esquissa un petit sourire amusé.

« C'est méchant, Iwa-chan. Je te rappelle que j'étais quasiment major de promo.

Quasiment. » appuya son petit ami. Le brun n'était passé qu'à quelques points près de ce titre, chose qui l'agaçait un peu ― mais c'était encore une fois un peu le cadet de ses soucis.

« Ça ne veut pas dire que je suis un idiot, il bougonna légèrement.

Tooru. » Comme toujours, le simple fait d'entendre l'ancien champion prononcer son prénom le fit immédiatement se tourner entièrement vers lui pour le regarder dans les yeux ― était-ce seulement possible d'être aussi faible pour une seule personne ? « Tu es le plus grand idiot que je connaisse. Genre, vraiment.

Iwa-chan- » Le brun essaya vainement de protester, mais son petit ami le coupa :

« Tu es un immense idiot qui ne sait pas se débarrasser de ses mauvaises habitudes. S'il faut que je te cogne pour te faire parler tous les jours, pour que tu n'intériorises pas tout, je le ferais.

Avec toutes tes pulsions agressives, je suis étonné que ton facteur criminel soit aussi bas. »

Il perçut distinctement la légère tension qui frappa son interlocuteur alors qu'il prononçait ces mots ― et il s'insulta lui-même mentalement. Il était effectivement un immense idiot. Sans y penser, il venait de toucher une corde sensible ― et quand bien même cette corde sensible le concernait lui, et non Hajime, il réalisait que sa remarque ressemblait bien plus à une pique blessante qu'à une plaisanterie comme il le désirait initialement.

Quand ils étaient enfants, et même encore récemment, Tooru charriait souvent son compagnon sur le fait que, malgré tous les coups qu'il infligeait et dont il menaçait les gens, son facteur criminel était stable. Pas autant que celui de l'ancien passeur, mais bien loin du seuil.

Sauf que maintenant, son facteur était en pleine augmentation. Son facteur allait dépasser le seuil. Il ne pouvait plus dire cela sur le ton d'une plaisanterie. Ce n'en était plus une.

Il voulut s'excuser, mais le train tant attendu entra enfin dans la gare à ce moment précis, entraînant avec lui un bruit sourd qui avala ses excuses. Le brun se sentait maudit. Détesté par le monde entier. Et très, très stupide.

Iwaizumi lâcha sa main lorsqu'ils montèrent dans le wagon ― pas le choix, avec le monde qui en descendait sans prêter attention à tout ce qui les entourait ― et ne la reprit pas ensuite. Il n'évitait pas le regard de son petit ami ― ce n'était pas son genre de toute manière ― mais son expression était difficile à décrypter une fois encore. Peu à l'aise à l'idée d'essayer de se justifier dans un train bondé, le capitaine ne prononça pas un mot du trajet, préférant se lyncher intérieurement pour sa maladresse.

Son auto-flagellation diminua à mesure qu'ils se rapprochaient de leur arrêt, et il recommença à ressasser ses pensées. Il se demandait ce qui allait se passer pour lui désormais. Il se demandait s'il allait être arrêté. La perspective l'effrayait, honnêtement. Tooru admettait rarement ce qui lui faisait peur. Mais ça, ça le terrifiait. Même s'il avait compris depuis longtemps que ce n'était pas une hypothèse, mais une certitude ― à moins qu'il ne parvienne à apaiser la montée de son facteur par la thérapie. Ce qui, pour l'instant, n'avait pas porté ses fruits.

Lorsqu'ils arrivèrent enfin, Oikawa tremblait presque d'angoisse. Il se jugeait lui-même pour cela. Il n'était pas si faible, d'ordinaire. Il ne voulait pas donner cette dernière image de lui-même ; surtout pas devant Hajime, même si le jeune homme l'avait déjà vu au plus bas à de nombreuses reprises.

Ils descendirent lentement du train, se frayant un chemin parmi la foule dense qui en faisait de même. La présence de son petit ami à ses côtés rassurait un peu Oikawa, même s'il admettait que l'inquiétude ne disparaissait pas, malheureusement. Elle continuait de lui enserrer la poitrine comme un étau ferme.

« Tooru. » Iwaizumi souffla son prénom à quelques pas seulement de sa maison. Lorsque le brun se retourna pour lui faire face, il lui donna un coup sur l'épaule, ferme mais pas violent. « Respire. Tu es toujours toi. Peu importe ce que le système peut dire. »

L'ancien capitaine le jurait, son petit ami était le pire du monde. Même quand rien n'allait dans son existence, il suffisait qu'il arrive avec son manque absolu de grâce pour tout rendre insignifiant ; mais peut-être que le vrai problème, c'était juste que Tooru était complètement dingue de lui.

En arrivant devant chez lui, il se sentait légèrement mieux ; mais cela ne dura pas, car son regard noisette tomba ensuite sur un drone de la SP attendant patiemment devant chez lui. Il avait de plus en plus envie de fuir. Loin, le plus loin possible. Mais cela n'aurait rimé à rien.

Il s'en approcha doucement, toujours suivi d'Iwaizumi. L'engin pivota dans leur direction, et ses soi-disant yeux lumineux brillèrent légèrement alors qu'il devait analyser leur identité. Et scanner leur psycho-pass. Tooru n'avait même pas osé contrôler le sien avec son portable. Il craignait trop d'y découvrir un nombre à trois chiffres, déjà.

Cependant, le drone n'afficha que deux chiffres à côté de son nom : 95. Tooru fixa ces deux chiffres un moment. Il n'était pas encore au seuil. Mais il commençait à devenir un citoyen au stade critique. Il n'allait pas être arrêté, mais il doutait que son psychologue n'était venu que pour lui transmettre cette information.

Le nombre finit par disparaître au profit d'un second : 50. Le psycho-pass d'Hajime. Il était trouble, ne put s'empêcher de songer l'ancien passeur. Loin d'être critique, mais trouble malgré tout. Tooru glissa un regard dans sa direction, mais son compagnon n'y prêta pas vraiment d'attention, se contentant de lui faire signe d'entrer chez lui.

« Je t'attends.

Non, refusa le brun. Rentre. Je t'appellerai. »

Iwaizumi lui adressa un regard qui voulait clairement dire Cause toujours tu m'intéresses. Soit. Le brun se détourna de lui pour finalement rentrer chez lui. Un silence de mort régnait chez lui, et il aperçut tout de suite que tout le monde était réuni dans le salon. Tous les regards convergèrent vers lui quand il entra ; seul Takeru manquait à l'appel.

« Monsieur Oikawa. » Son psychologue sourit et vint lui serrer la main. « Navré d'être venu à l'improviste de la sorte.

Vous êtes venu m'arrêter ? » Les mots franchirent tous seuls ses lèvres. Il n'avait pas le temps pour la diplomatie.

« Vous avez vu votre psycho-pass ?

95.

Vous n'avez pas franchi le seuil. Vous êtes encore un citoyen libre. » Encore. Le mot résonna dans son esprit.

« Alors, pourquoi être venu ?

Parce que force est d'admettre que la situation ne change pas, monsieur Oikawa. La thérapie que nous avons commencé tous les deux a ralenti la situation, mais votre facteur criminel reste préoccupant. Or... » Il pianota sur la tablette qu'il avait avec lui avant de la tendre au brun. « Une place vient de se libérer ici. C'est un centre de thérapie. » Tooru encaissa ces mots avec la violence d'un coup de poing.

« Quelle différence alors, entre ça et une arrestation ?

Ce centre n'est pas pour les criminels dormants, mais simplement pour les citoyens à un seuil critique, comme vous. Vous serez encore libre de vos mouvements. Mais vous serez plongé dans un univers entièrement dédié à votre bien-être. L'effet n'en sera que plus bénéfique. »

Tooru retint un soupir avant de baisser les yeux vers sa famille. Sa sœur et son père avaient un air si désolé sur le visage que son cœur se brisa un peu plus. Mais le coup final qui y fut porté venait de sa mère.

Entre ses larmes, elle hochait la tête positivement.

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