01.6 :: 𝘾e n'est pas aux autres de nous dicter nos vies
nda — preach and mark my words svp, vous ne devez rien aux autres, vivez comme vous l'entendez - sauf si vous entendez tuer les gens, là je suis pas sûre.
cette intro est messed up, ma vie aussi, mais j'espère que vous allez bien comme toujours ! je vous souhaite toujours plein de bonheur malgré la situation compliquée.
le chapitre d'aujourd'hui va marquer une rupture dans la suite de l'histoire mais j'espère que ça va continuer de vous plaire <3
le prochain chapitre sortira le 27 mars ! bonne lecture :)
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CHAPITRE SIX ― CE N'EST PAS AUX AUTRES DE NOUS DICTER NOS VIES
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« Natsu ! »
𝙎hôyô ouvrit les yeux sur ce cri et se redressa vivement, trempé de sueur et le souffle court. Il lui fallut quelques secondes pour se souvenir d'où il se trouvait ― la lumière du soleil illuminait la ruine dans laquelle ils avaient passé la nuit, exposant encore plus son état pitoyable. L'obscurité avait au moins eu le mérite de cacher les mauvaises herbes qui parcouraient le vestige de part en part. On avait du mal à croire qu'il s'agissait d'un bâtiment protégé ; ceux que Shôyô avait aperçu au sein de la capitale étaient bien mieux entretenus.
Il essaya de reprendre son calme et de contrôler sa respiration. Le cauchemar dont il venait de s'éveiller avait été saisissant de réalisme : il y avait vu sa petite sœur se faire emmener par un inspecteur, qui n'était autre que Tsukishima, tandis qu'il implorait vainement son camarade de ne pas faire ça. Mais le jeune homme blond ne l'écoutait pas et se contentait de se moquer de lui et de sa décision puérile de fuir. Le rêve s'était terminé lorsqu'il avait pointé son dominateur sur lui, et pressé la détente tandis que l'arme prenait son apparence létale.
Le central parvint à retrouver un peu de quiétude en se répétant en boucle que tout allait bien, que sa sœur dormait encore blottie contre lui, et que la SP ne les avait pas rattrapés. Il passa une main sur son front pour chasser la sueur qui le recouvrait et se redressa en prenant soin de ne pas réveiller Natsu. Lorsqu'il quitta la protection des murs de pierre, une brise froide le frappa en plein visage et acheva de le réveiller.
Contrairement à ce que son apparence délabrée laissait penser, la ruine avait un coin encore entier où le frère et la sœur avaient pu dormir à l'abri du vent, réchauffés par le feu allumé par Orru la veille. Les flammes s'étaient désormais éteintes et la pierre avait absorbé la chaleur, mais ils en avaient conservé une partie sans le vent pour souffler sur eux ; le contraste avec la froideur de l'extérieur n'en était que plus surprenant.
Le rouquin frissonna en croisant ses bras sur sa poitrine dans une vaine tentative de se réchauffer, et rejoignit la silhouette d'Orru, perché sur un monticule de pierres un peu plus loin et totalement exposé au vent. Il avait complètement disparu sous une couverture noire supposée le réchauffer pendant sa garde ― il avait veillé toute la nuit au cas où la Sécurité Publique passerait dans le coin.
« Déjà réveillé ? » le salua justement leur guide en le voyant approcher. Son nez et ses joues étaient rougis par le froid.
« Oui, répondit simplement le rouquin en frissonnant. Vous n'avez pas dormi, vous ? » Orru étouffa un bâillement peu élégant.
« Non, mais c'est pas grave. J'm'reposerai quand vous serez en lieu sûr. »
Il ponctua cette phrase d'un coup d'œil appuyé que Shôyô comprit sans problème même si la perspicacité n'était pas toujours son fort. Son regard noisette se déporta ensuite vers la dernière personne de leur petit groupe insolite, qui avait dormi sans chaleur et vaguement protégée du vent par un pan de mur. Orru avait refusé de laisser ce nouveau venu partager la même « chambre » que le frère et la sœur, nourrissant encore trop de doutes à son sujet.
Et comment lui en vouloir lorsqu'un invité indésirable, rempli de liens avec le système Sybille et la SP, s'était ajouté comme si de rien n'était au groupe de fugitifs qu'il était censé emmener loin du pays ?
Le mauvais traitement qui lui était infligé n'avait cependant pas semblé le contrarier outre mesure, et le clandestin dormait tranquillement, emmitouflé dans un sweat épais noir et orange. Décidemment, songea Shôyô, Tobio Kageyama était une vraie énigme vivante ― ou alors il était juste terriblement stupide.
Le passeur avait surgi de la pénombre la nuit dernière, trouvant apparemment parfaitement normal de se présenter à deux fugitifs et leur guide criminel pour annoncer qu'il les avait suivis et qu'il ne comptait pas les laisser partir.
(Et après, il s'étonnait de ne pas être dans les bonnes grâces d'Orru...)
Shôyô n'en était pas revenu en le voyant apparaître sous leurs yeux. L'ironie du destin frappait avec brutalité, et n'avait visiblement pas fini de s'amuser avec eux. Il avait invectivé Kageyama en lui demandant d'où il sortait et pourquoi il les avait poursuivis ― cette pensée avait quelque chose de terrifiant quand il y pensait longuement, parce qu'en tant que fils d'inspecteur et aspirant inspecteur lui-même, il était peu probable que le passeur les ait suivis simplement pour leur faire la conversation.
Mais le jeune homme aux cheveux noirs leur avait assuré être seul et ne pas être venu pour les arrêter ― pas au sens judiciaire en tout cas.
« Je pense simplement que ce n'est pas la chose à faire » avait-il déclaré, et le rouquin était tombé des nues. Pourquoi tout le monde lui faisait-il la morale alors qu'il essayait simplement de faire ce qui lui semblait juste ? C'était terriblement agaçant.
« Comment tu nous as retrouvés ? Et comment tu savais que j'étais parti ? avait-il crié en retour à son coéquipier.
― Tes parents ont contacté la SP. Ils ont averti les inspecteurs que tu avais sans doute l'intention de quitter le pays avec ta sœur pour qu'elle ne soit pas enfermée avec les criminels dormants. » À ce moment-là, Orru avait grimacé et déclaré :
« T'as averti vos parents de tes intentions ? » Il avait semblé plus stupéfait que critique, mais Shôyô avait conscience qu'il avait saboté son propre plan en faisant cela.
« L'affaire a échu à l'unité de Sugawara et Asahi, avait poursuivi le passeur sans prêter attention à cette remarque, qui ont dérogé à leurs obligations pour interroger les membres du club sur ton attitude. Ils ont contacté Ennoshita et moi pour nous interroger.
― D'accord, l'avait coupé le central, mais comment tu as compris où j'allais aller ?
― Je connaissais l'existence du réseau, avait répondu Kageyama en déplaçant son regard sur Orru, qui avait tressailli à cette annonce. J'ai pensé que toi aussi, et que c'était ce qui avait motivé ta décision de partir, alors j'ai essayé de sortir de la ville pour aller à la rencontre d'un des membres. »
Shôyô n'avait pas su quoi répondre à cela, et c'était finalement Orru qui avait pris les devants en se redressant et en venant toiser le nouveau venu de toute sa hauteur ― bien qu'en réalité, Kageyama était plus grand que lui de quelques centimètres. Le membre du réseau avait ensuite déclaré avec agressivité :
« Tu connaissais le réseau ? T'es qui au juste ? Un des bienfaiteurs anonymes de la SP ? » Son ton était méprisant et agressif, si bien que Shôyô avait frissonné, mais Kageyama, lui, n'avait absolument pas cillé.
« Je m'appelle Tobio Kageyama, avait-il répliqué en soutenant le regard noir d'Orru. Mes parents sont des inspecteurs de la SP, et je veux moi-même la rejoindre. »
Le central était resté encore une fois sans voix, mais pas parce qu'il ignorait quoi dire : il était simplement stupéfait que Kageyama déclare avec autant d'aplomb à un fugitif méprisant la SP qu'il voulait être un inspecteur. Ne réalisait-il pas sa situation ? Même Orru avait d'abord semblé sidéré par la réponse insolite et franche.
« Qu'est-ce que c'est qu'ce bordel, avait-il ensuite juré, avant d'observer Shôyô. Tu l'connais ?
― On est dans le même lycée, avait répondu le rouquin en observant le passeur. Et dans la même équipe de volley. » La réponse n'avait pas semblé satisfaire le fugitif.
« Donc, avait-il repris en direction de Kageyama, t'es venu nous arrêter ?
― Pas du tout, la réponse franche avait fusé, je suis juste venu empêcher Hinata de fuir avec sa sœur. »
Ledit Hinata ne comprenait absolument rien à ce qu'il se passait, même maintenant qu'il avait dormi et ainsi pu reposer son esprit pour essayer d'y voir un peu plus clair. Après cette déclaration spontanée du passeur, Orru avait décrété qu'ils n'avaient pas de temps à perdre avec des débats futiles, et avait ordonné aux deux têtes rousses d'aller se reposer au chaud, tandis qu'il gardait un œil sur le nouveau venu. Malgré tout, le central n'était pas plus avancé qu'avant.
Shôyô observa à la dérobée le visage endormi du passeur, partiellement dissimulé par la capuche de son sweat avec laquelle il s'était protégé du froid pendant toute la nuit. C'était un sweat de leur lycée, remarqua soudainement le plus petit, sans doute un de ceux qui avaient été confectionnés pour les supporters des équipes de sport. Chaque joueur de leur équipe en avait un aussi, et ils bénéficiaient en plus du nom de leur lycée de la mention « VBC » pour « Volley-Ball Club ».
Shôyô se souvenait avoir été ravi par ce cadeau lorsqu'il avait intégré le club en première année ― et il en avait été très fier, jusqu'à ce qu'il découvre que tous les lycées de la capitale bénéficiaient de leurs sweats personnalisés.
(Et que ceux de Shiratori Zawa et Inarizaki étaient créés spécialement par une grande marque de vêtements assez coûteuse ― les élèves des meilleurs lycées de la ville avaient la belle vie apparemment !)
« Qu'est-ce que tu me veux ? s'exclama soudainement Kageyama, sans ouvrir les yeux, ce qui fit sursauter Shôyô.
― Comment tu m'as vu ? s'écria-t-il après avoir poussé un petit cri de stupeur.
― Je ne t'ai pas vu, répondit l'autre comme une évidence. J'ai entendu des bruits de pas. » Il se redressa en ajoutant : « Même si je pensais que c'était le membre du réseau, pas toi. »
Il retira sa capuche, dévoilant des cheveux noirs en bataille, et s'étira pendant de longues minutes. Sa position ne devait pas être des plus confortables en effet, il devait avoir mal partout, songea le central en le regardant faire. D'ailleurs, avait-il seulement dormi ?
« Et donc ? Qu'est-ce que tu me veux ? reprit le passeur en étirant ses bras.
― J'essaye de comprendre ce que tu fiches ici, marmonna le rouquin en évitant son regard.
― Je l'ai dit hier. Je suis venu...
― Ça, j'ai compris ! le coupa rageusement Shôyô. Mais ça ne me dit pas pourquoi tu fais ça.
― J'ai besoin d'une raison ? » La réponse déstabilisa le jeune homme, qui finit par ramener son regard sur son coéquipier. À sa grande surprise, il semblait tout à fait sérieux.
« Évidemment ! Personne ne déciderait d'intervenir ainsi dans cette situation. Soit tu m'ignorais, soit tu me dénonçais à la SP...
― Mais dans les deux cas, tu n'aurais plus de retour en arrière possible. »
Comment un être humain pouvait-il être si borné et imperméable aux remises en question ? L'attitude de Kageyama perturbait autant Shôyô qu'elle le mettait hors de lui ; comment pouvait-il être si calme, si détaché, quand absolument aucun de ses agissements ne semblait logique ? Il avait quitté la ville, sans doute sans avertir personne, pour partir à sa recherche sans raison valable ? Mais à quoi pensait donc le passeur ?
« Je ne sais pas ce que tu penses ou ce que tu comptes faire, déclara-t-il finalement en évitant de nouveau de regarder Kageyama, mais j'ai déjà pris ma décision. Tu ne me feras pas changer d'avis. Alors tu devrais partir avant que ta teinte ne se trouble.
― Aucun problème pour ça, le détrompa le jeune homme aux cheveux noirs.
― Parce que tes aptitudes psychologiques sont parfaites ? ironisa le central en levant les yeux au ciel.
― Non, parce que mon contrôle est correct. »
Shôyô mit quelques instants à comprendre ce qu'il voulait dire, et releva soudainement la tête dans sa direction. Il découvrit alors le passeur, son téléphone dans la main, en train de consulter le contrôle de teinte qu'il venait d'effectuer avec. Il y eut un long silence qui s'étira pendant quelques secondes, au cours desquelles le central dévisagea avec consternation et stupeur le passeur, qui lui rendit un regard d'incompréhension.
« NON MAIS C'EST UNE BLAGUE ? » Les mots qui brisèrent finalement le silence n'émanèrent ni de Shôyô ni de Kageyama, mais d'Orru, qui s'était tourné vers eux et les observait, les yeux écarquillés et un doigt pointé vers le plus grand du groupe. « Un portable ? Tu te balades avec un portable alors qu'on est en fuite ?
― Je ne suis pas en fuite, objecta le passeur, apparemment incapable de comprendre le problème qu'il venait de créer.
― Mais nous si ! intervint Shôyô. Ils peuvent nous localiser ainsi, tu en as conscience ?
― Je ne suis pas en fuite, répéta Kageyama. Mes parents pensent que je suis chez Iwaizumi. Ils n'iront pas vérifier, et même s'ils le faisaient, il me couvrirait. Donc Sybille ne va pas s'intéresser à moi pour le moment. Les inspecteurs ne se préoccupent pas de moi non plus. Cela vous laisse le temps de changer de planque. » ajouta-t-il pour Orru, qui pesta malgré tout.
Shôyô se sentit un peu soulagé, mais son esprit était fixé sur quelques mots prononcés par Kageyama. Un nom, plus précisément. Iwaizumi. L'ancien attaquant venait de réapparaître dans sa situation, et il s'agissait encore d'une nouvelle surprenante.
« Iwaizumi ? répéta-t-il finalement.
― Il m'a dit qu'il t'avait croisé, opina Kageyama, comme s'il avait deviné où il voulait en venir. Et il a dit qu'il me couvrirait si je décidais de partir t'arrêter.
― Pourquoi vous tenez tous à m'empêcher de fuir ? s'écria finalement le rouquin en serrant les poings. Pourquoi vous ne pouvez pas accepter ma décision ?
― ... » Kageyama le fixa en silence quelques secondes. « Je ne peux pas parler pour Iwaizumi, mais pour moi, c'est parce que c'est ridicule. » Shôyô gonfla les joues.
« Ridicule ? Vouloir protéger ma sœur c'est ridicule ? Si c'était ta sœur qui était une criminelle dormante, qu'est-ce que tu ferais ?
― J-Je respecterais la loi ! » Le passeur avait vite repris son hésitation, mais son interlocuteur l'avait perçue malgré tout.
« Dans ce cas, riposta-t-il, tu as un cœur de pierre ou tu te mens à toi-même !
― Si tout le monde protégeait ses frères et sœurs criminels dormants, la situation serait la même qu'avant Sybille ! Il faut accepter la réalité. C'est comme ça que notre société progresse et fonctionne.
― Peu importe ! » Shôyô ne s'exprimait plus que par des cris, tout comme son interlocuteur d'ailleurs. « Si tu veux que je change d'avis, tu devras me faire arrêter ! »
Il tourna les talons sur ces mots pour aller rejoindre sa sœur qui avait dû être réveillée par leurs cris. Il espérait qu'elle n'en avait pas trop entendu. En tournant subtilement la tête, il remarqua que Orru et Kageyama discutaient sur un ton plus bas et posé. Il ignorait s'ils parlaient de lui et de Natsu ― sans doute ― et ne voulait pas le savoir. Il espérait juste qu'Orru ne leur tournerait pas le dos non plus, pas après leur avoir offert un espoir.
À sa grande surprise, Natsu dormait encore quand il retourna dans ce qui leur avait servi de chambre pour la nuit. Il s'assit à côté d'elle et l'observa dormir paisiblement, tout en retournant dans son esprit les mots que le jeune homme aux cheveux noirs lui avait jetés à la figure. Des mots conformes à ce qu'Iwaizumi lui avait déjà dit. Des mots qui le renvoyaient à son égoïsme.
Il soupira et se laissa aller contre la pierre froide. Il aurait tué pour être de retour quelques mois plus tôt, à l'époque où ses plus grands problèmes concernaient ses notes et ses matchs de volley-ball. Tout semblait plus simple quand sa seule préoccupation était de triompher contre Seijoh, ou contre une autre équipe. Ils avaient eu de beaux matchs au cours des trois années passées à Karasuno.
Les plus mémorables les avaient opposés à Seijoh et Shiratori Zawa, mais le rouquin se souvenait aussi d'un match, lors de sa première année, qui les avaient opposés au lycée Inarizaki et qui avait été particulièrement tendu. Ils avaient d'ailleurs perdu, l'équipe de cette époque étant particulièrement forte grâce à deux jumeaux redoutables. Après la défaite, il s'était juré de prendre sa revanche sur cette équipe, mais aucun match officiel ne les avait opposés à nouveau ensuite.
Il n'oubliait pas non plus toutes les équipes qui ne venaient pas de Tokyo qu'ils avaient affrontées. Les matchs contre Datekô, de la préfecture de Miyagi, comptaient parmi les plus ardus qu'ils avaient faits, sans compter tous les autres lors des éliminatoires... En trois années en tant que central titulaire, il avait affronté tant de personnes différentes. Et si à l'époque il s'était senti fier de les avoir surpassés, aujourd'hui il regrettait un peu de ne pas être à leur place, menant une vie tranquille.
Il pratiqua quelques étirements dans le petit espace de la chambre pour s'occuper l'esprit, et attendit que Natsu se réveille. Il n'entendait aucun bruit dehors, tant et si bien qu'il finissait par se demander si Kageyama et Orru étaient encore là. Il l'espérait mais n'avait aucune envie d'aller vérifier, ne voulant pas tomber sur son coéquipier et essuyer ses reproches une fois encore.
Il se rassit au bout d'une dizaine de minutes, déjà lassé de ses faibles possibilités de mouvement. Avec un soupir, il ramena ses genoux contre son torse en soupirant. Il détestait être inactif ainsi. Il avait besoin d'action. Il se demandait ce qu'Orru attendait pour leur dire de partir. Que Natsu se réveille ? Mieux valait pourtant plutôt le faire et partir ainsi le plus vite possible. Kageyama avait beau dire, si par hasard Sybille décidait d'enquêter sur lui et découvrait la supercherie et sa localisation récente par la même occasion, tout ce que le rouquin avait fait serait réduit à néant et il finirait ses jours en prison ― dans le meilleur des cas.
Alors qu'il trépignait de plus en plus, sa sœur finit par bouger et ouvrir les yeux. Ses orbes noisette s'illuminèrent lorsqu'elle vit son frère, et son habituel sourire éclatant apparut sur ses lèvres. Elle se redressa, faisant tomber sur ses épaules ses boucles orange toutes emmêlées après cette nuit de sommeil, et le salua en étouffant un bâillement.
« Bonjour Shô...
― Bonjour Natsu ! » s'exclama-t-il en adoptant immédiatement son attitude rassurante de grand frère. Il ne pouvait pas laisser sa cadette deviner ses inquiétudes. « Bien dormi ? » La fillette hocha la tête et se redressa pour observer leur environnement.
« On a vraiment dormi là ? » s'étonna-t-elle avec une innocence désarmante. La veille, elle était encore tout endormie lorsqu'ils s'étaient installés et n'avait probablement pas réalisé l'endroit où ils se trouvaient.
« Oui, répondit son frère avec un petit sourire, on dirait bien. Orru a dit qu'on aurait un vrai lit ce soir. » Natsu sautilla à cette idée, mais perdit son enthousiasme après quelques instants.
« On est vraiment en train de partir...
― Oui, opina Shôyô en se rapprochant d'elle, on est vraiment en train de le faire. Ça ne va pas être simple, mais on aura une super vie en dehors du Japon !
― Tu es sûr ? » demanda sa sœur en plantant ses grands yeux dans les siens. Ses doutes ― elle aussi doutait de ses actions ― ébranlèrent Shôyô, mais il tint bon.
« Certain. » affirma-t-il sans rien laisser paraître de ses questions intérieures.
Sa sœur sembla un peu plus rassurée, mais son regard se déplaça ensuite sur un point derrière Shôyô et elle se cacha derrière lui. Le rouquin se retourna pour voir ce qui l'effrayait ainsi, et tomba sur Kageyama qui les observait avec un air maussade. Le central ne lui avait pas encore pardonné ses mots durs, mais il agit comme si de rien n'était.
« Natsu, je te présente Kageyama. Il est dans mon club de volley. Enfin, était..., corrigea-t-il en réalisant que le présent n'était plus approprié.
« Bonjour, lâcha le susnommé en inclinant brièvement la tête.
― Il fait peur, murmura Natsu, toujours cachée derrière son frère.
― Ne t'inquiète pas, la rassura immédiatement son aîné, il ne va rien faire. » Il ponctua ces derniers mots d'un regard de défi appuyé en direction du passeur, qui n'y réagit pas spécialement et se contenta d'expliquer sa venue :
« Orru dit que, si vous comptez partir, il ne faut pas tarder. » L'utilisation du « si » raviva la colère de Shôyô, mais il attendit que sa sœur quitte la petite pièce pour y réagir en passant devant son interlocuteur.
« Il n'y a pas de « si », dit-il à voix basse, on s'en va vraiment.
― Qu'est-ce que tu comptes faire, seul avec ta sœur, une fois à l'étranger ? riposta Kageyama. C'est une folie.
― Une folie sur laquelle tu n'as rien à dire, s'agaça le rouquin. Pourquoi mes actes t'importent tant ? Que je quitte le pays ou non, cela ne changera rien à ta vie ! »
Étrangement, Kageyama baissa les yeux ostensiblement, comme en signe de défaite. Voilà qui était surprenant, songea le central. Il ne comprenait pas les actes récents du jeune homme aux cheveux noirs. Ils avaient passé trois ans dans la même équipe sans réellement se parler, et pourtant, depuis le jour où le passeur lui avait demandé comment il allait, ils ne cessaient de se heurter l'un à l'autre.
« J'ai l'impression que ce ne serait pas normal, finit par maugréer Kageyama, toujours sans le regarder.
― Quoi donc ?
― Ma vie sans toi. »
Les mots sortirent avec une telle spontanéité que même Kageyama écarquilla les yeux, comme s'il ne réalisait qu'après coup ce qu'il venait de dire. Shôyô, lui, sentit son visage prendre une teinte écarlate. Qu'est-ce que c'était que ça ? songea-t-il, intérieurement paniqué face à l'attitude trop étrange de son interlocuteur. Qu'est-ce que cela voulait dire ?
« J-Je, il n'avait jamais vu Kageyama être gêné ou bafouiller, et cela le stupéfia encore plus que tout ce qu'il s'était passé avant, je veux dire que t'es tellement bruyant et voyant que ce serait bizarre que tu ne sois plus jamais dans mon champ de vision ! s'écria-t-il avec ferveur.
― Je ne suis pas bruyant ! protesta Shôyô ― un peu trop fort, ironiquement.
― Ben voyons ! On n'entend que toi sur le terrain !
― C'est faux ! »
Revenir à cette dispute « normale » le soulagea un peu. Kageyama agissait vraiment trop bizarrement pour qu'il ne parvienne à comprendre ce qui se passait dans son esprit, et il préférait lorsque leurs interactions redevenaient aussi simples que cela. Même si leurs disputes faisaient parfois naître un étrange pincement dans son cœur...
« De toute manière, bougonna finalement Shôyô, on se serait sans doute perdus de vue après le lycée alors tes explications ne valent rien !
― On aurait eu les réunions des anciens ! » Il était vrai que leur lycée organisait deux de ces réunions, une de tous les anciens élèves de leur promotion l'année prochaine, et une de leur club, à la même période sans doute. Mais même ainsi, Shôyô ne comprenait pas vraiment pourquoi le passeur qui ne l'avait jamais réellement regardé pendant trois ans de club lui portait cet intérêt soudain.
« Reprends une vie normale, finit-il par lâcher en détournant à son tour le regard. Tu ne devrais pas avoir trop de mal à te faire à mon absence. »
Bizarrement, Kageyama serra les dents en entendant cette réplique et ne sembla pas accepter cette réponse défaitiste. Shôyô voulut accélérer le pas pour rejoindre sa sœur et Orru qui les observaient avec intérêt de loin, mais Kageyama attrapa soudainement le poignet de son interlocuteur pour le retenir.
Cependant, il ne déclara rien. Aucun mot ne sortit de sa bouche, et le passeur se contenta de fixer Hinata de son regard naturellement noir qui le mettait mal à l'aise ― il avait l'impression que l'autre allait sortir un couteau pour l'égorger d'un moment à l'autre. Au bout de quelques secondes de silence et de regard intense, il lâcha le central, toujours sans desserrer les lèvres.
Shôyô ne comprenait pas ce qui venait de se produire, mais reprit son chemin pour rejoindre sa sœur et Orru. Kageyama ne le suivit pas, et le plus petit vit en se retournant qu'il avait tiré son portable de sa poche pour passer à un appel. Orru le regardait d'ailleurs faire en affichant une moue hargneuse.
« Il est trop inconscient, marmonna-t-il en le foudroyant du regard. Il va tous nous faire prendre, c'est certain !
― Mais il vaut mieux qu'il agisse comme si tout était normal, non ? lâcha Shôyô en l'observant également. Comme ça, les inspecteurs se rendront compte le plus tard possible qu'il a menti.
― Tu sais, gamin... » Le qualificatif fit frémir Shôyô mais il retint une protestation. « Ça fait quelques années que j'fuis ces inspecteurs et si j'ai retenu une grande leçon, c'est qu'ils sont fourbes et abandonnent pas facilement. Ils enquêteront sur toi tant qu'ils le pourront, et ils négligeront aucune piste. » Cette pensée fit frémir le central, et leur guide dut s'en rendre compte puisqu'il ajouta : « Mais au moins ils sont en sous-effectifs depuis longtemps. Dès qu'une plus grosse affaire leur tombera dessus, ils t'abandonneront au profit de celle-ci. Fais-toi discret suffisamment longtemps et tu pourras te déplacer sans crainte de tomber sur un inspecteur au coin de la rue.
― Combien de temps cela prendra ? » Le fugitif prit une petite seconde pour réfléchir avant de secouer la tête négativement :
« Difficile à dire. L'idéal serait qu'ils doivent faire face à un psycho-syndrome collectif ou une alerte de dépassement de seuil assez importante pour les occuper un moment. Assez en tout cas pour que tu puisses passer la frontière.
― La frontière ? » répéta le rouquin, intrigué.
Le Japon étant un archipel de plusieurs îles, il avait du mal à comprendre pourquoi son interlocuteur lui parlait d'une frontière. Leur pays n'avait aucune région en commun avec une autre puissance ― c'était d'ailleurs une des raisons pour lesquelles il avait pu réaliser une parfaite autarcie sans qu'un pays étranger ne s'y oppose réellement.
« C'est comme ça qu'on appelle la zone qui sépare la mer où les lois du Japon s'exercent et la mer internationale, au sein du réseau, expliqua Orru en comprenant sa confusion. Une fois que tu l'auras passée, toi et ta sœur aurez plus à vous inquiéter de Sybille. Vous avez commis aucun crime donc les autres pays auront aucune charge contre vous concernant ça. » Et ils seraient libres, termina intérieurement Shôyô, même si c'était plus complexe que cela en vérité et qu'il en avait conscience. « Sache juste, reprit Orru, qu'on a aucun contact à l'extérieur du Japon. On demande à ceux qui parviennent à s'enfuir de plus nous contacter et on en fait de même. Une nouvelle vie commence pour eux, et s'ils comptent garder leur origine secrète, c'est mieux qu'ils agissent comme si de rien n'était vis-à-vis d'nous.
― Ils ne peuvent pas expliquer qu'ils viennent du Japon ?
― C'est compliqué, avoua leur guide en se frottant la tête ― plutôt la capuche, et j'suis pas le mieux placé pour t'répondre ― moi, mon boulot, c'est juste d'emmener les fugitifs chez Corbetti. Mais, ce que j'sais, c'est qu'les étrangers voient souvent d'un mauvais œil les émigrés japonais, surtout illégaux comme vous. Enfin, on peut pas vraiment les blâmer pour cela. On fait pas mieux, même avec la politique migratoire qui en train de se mettre en place. »
Shôyô ne maîtrisait pas bien le sujet délicat que constituait cette politique, mais il voyait de quoi parlait Orru. Depuis quelques années, le Japon avait commencé à s'ouvrir à des migrants étrangers ― surtout pour tenter de lutter contre les nombreuses tentatives d'immigration illégale ― mais un grand nombre de japonais voyaient cela d'un mauvais œil. La politique était fréquemment remise en cause et beaucoup demandaient son durcissement ― alors même qu'on disait qu'elle était déjà l'une des plus dures du monde.
« C'est le moment d'être certain d'ce que tu fais, conclut Orru en posant une main sur son épaule. Si je t'emmène chez Corbetti, tu pourras plus faire demi-tour. »
Shôyô hocha la tête pour manifester son approbation ; ses lèvres étaient collées par le stress qui venait subitement de s'abattre sur lui. Ses doutes lui revenaient une fois encore alors qu'il prenait la mesure de la situation qui les attendait lui et sa sœur. Cette dernière vint justement se rapprocher de lui et lui prendre la main en signe d'encouragement, et il lui en fut reconnaissant.
Il vit ensuite Kageyama les rejoindre, sa conversation apparemment terminée, l'air toujours aussi menaçant. Orru lui demanda de qui provenait le coup de fil, et il répondit simplement qu'il s'agissait d'Iwaizumi qui lui demandait combien de temps il devait continuer de dire qu'ils étaient ensemble.
« Et qu'est-ce que t'as répondu ? s'enquit Orru après avoir obtenu cette information. Que tu rentrais maintenant ? J'ai pas l'intention de t'emmener chez Corbetti.
― Corbetti ? répéta le jeune homme d'un air confus.
― T'occupe ! » soupira Orru. Il croisa les bras sur son sweat en attendant la réponse.
« Je lui ai dit de laisser tomber le mensonge.
― Comment ça ? » Kageyama l'observa avec un grand sérieux.
« Je pars avec vous. Que cela vous plaise ou non. »
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