01.5 :: 𝘾elui qui devint un criminel
nda — je suis très très heureuse de poster ce chapitre, parce que le réseau Eitpheil y apparaît enfin et que je les aime fort <3
pour rappel, le réseau Eitpheil n'existe pas dans Psycho-Pass, j'ai inventé l'organisation pour le bien de cette histoire (mais il est certain que des groupes du genre existent dans l'univers selon moi, c'est impossible que personne n'ait jamais essayé de lutter de cette manière contre Sybille à mon humble avis–) :)
Pour autant, je lève l'ambiguïté tout de suite, les personnages sont bien des personnages d'Haikyuu, même si aucun nom familier ne vous sera donné dans un premier temps ;)
comme toujours, j'espère que vous allez bien, je vous remercie pour la lecture et je vous donne rendez-vous le 13 mars pour le chapitre six !
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CHAPITRE CINQ ― CELUI QUI DEVINT UN CRIMINEL
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𝙏outes les personnes qui connaissaient Shôyô auraient dit en apprenant son projet de fuite qu'il était irresponsable et inconscient. Ses parents les premiers, mais aussi de nombreux camarades de classe qui le fréquentaient plus ou moins : tous savaient à quel point le central du club de volley masculin était du genre à foncer sans réfléchir aux conséquences.
Pourtant, cette décision-là, il ne l'avait pas prise à la légère. Il l'avait pesée longuement dans son esprit et s'était demandé si c'était réellement la chose à faire. Pouvait-il fuir Sybille ? Le Japon ? Était-il en mesure de s'en sortir seul avec sa sœur ? Il y avait tant de questions dont la réponse semblait être négative. Le jeune homme n'avait cependant pas l'intention de se fier à ce pessimisme. Il ne savait rien des « antécédents » de ce genre de plan. Il n'en avait jamais entendu parler, mais ne pouvait pas imaginer que personne n'avait jamais tenté de fuir l'autoritarisme du système. Peut-être avaient-ils échoué et étaient désormais six pieds sous terre, considérés par Sybille comme des criminels et exécutés. Mais peut-être aussi avaient-ils réussi à fuir.
Il s'accrochait à ce mince espoir. Et puis, même si personne n'avait jamais réussi, cela ne signifiait pas que lui n'y arriverait pas. Il n'avait pas l'intelligence de Tsukishima mais il savait se débrouiller. Il s'en sortirait, il le fallait.
Contrairement à ce qu'il avait dit à Yamaguchi et Tsukishima, il ne les attendit pas pour connaître le bilan de leur entretien. Il ne chercha pas non plus Kageyama qui devait encore attendre son tour. Dès qu'il eut mis un pied hors de la salle, il prit la direction de la gare pour retourner chez lui. Le matin même, il avait dit à ses parents qu'il rentrerait vers seize heures ― il avait menti sur l'heure de son entretien. Ils n'allaient donc pas s'attendre à le voir revenir si tôt, et c'était tant mieux.
De son trajet en train, il ne garda aucun souvenir. Il était concentré sur ce qu'il allait faire une fois de retour chez lui. Il consulta brièvement ses messages et découvrit alors que Sugawara et Asahi lui avaient adressé des encouragements pour l'examen plus tôt. Il les remercia chaleureusement avec un peu de retard et leur dit que tout s'était bien passé. Ce n'était pas vraiment un mensonge. Rien ne s'était mal passé à proprement parler.
Lorsqu'il aperçut sa maison, il se fit tout petit ― encore plus qu'il ne l'était déjà ― et contourna l'entrée pour atteindre la fenêtre de la chambre de sa sœur. Il jeta un coup d'œil à l'intérieur et l'aperçut en train de jouer par terre, comme la veille. Leurs parents ne semblaient nulle part en vue. Il toqua doucement à la vitre et mit un doigt sur ses lèvres lorsque Natsu releva la tête et le vit. La fillette sourit, se redressa et vint lui ouvrir.
« Shô ? demanda-t-elle doucement. Tu joues ? » Il hocha la tête en souriant.
« Oui. Tu viens ?
― Où ça ? » s'enquit-elle en passant la balustrade pour le rejoindre.
« On s'en va. » répondit-il plus gravement cette fois. Les yeux de sa sœur exprimèrent sa perplexité.
« Tu veux dire..., hésita-t-elle, qu'on va au centre pour les gens comme moi ? » Shôyô la serra dans ses bras sous une impulsion subite ― ignorant que ceux qui enserraient son cœur à lui étaient glacés ― et répondit :
« Non. Je vais t'empêcher d'aller là-bas. »
Il entraîna ensuite sa petite sœur loin de leur maison mais celle-ci l'arrêta à quelques mètres à peine de l'endroit où elle avait toujours vécu en tirant fermement sur sa manche.
« Shô, tu es sûr qu'on peut faire ça ? Je... Je suis dangereuse non ? » Ces quelques mots brisèrent le cœur de son aîné.
« Bien sûr que non. Tu es fantastique Natsu. Tu es la meilleure petite sœur dont on puisse rêver. Tu n'es pas dangereuse !
― Mais... Le facteur criminel...
― Il se trompe ! affirma Shôyô en la prenant par les épaules avec douceur. Tu n'as pas ta place parmi les criminels dormants. Tu vaux bien mieux que ça.
― Je... Je ne sais pas si ce soit la bonne chose à faire, partir... » Son frère ouvrit la bouche pour la détromper encore une fois, mais une autre voix le prit de vitesse.
« Elle a raison tu sais. »
Le lycéen sursauta en même temps que sa petite sœur, et ils tournèrent tous deux leurs regards noisette vers la personne qui venait de parler et qui se trouvait juste derrière eux, adossée négligemment à un muret de briques. Il fallut quelques secondes au central pour réaliser qu'il avait devant lui l'ancien champion d'Aoba Johsai, Hajime Iwaizumi. Il ne l'avait pas reconnu sur le coup, trop habitué à le voir dans l'uniforme blanc et turquoise de son lycée.
Le jeune homme avait croisé les bras sur sa veste en jean et les dévisageait avec intérêt. Shôyô se releva pour l'observer avec un peu d'appréhension ― que signifiait l'intervention de son aîné ? Avait-il tout entendu ? Allait-il saisir l'opportunité de les dénoncer à Sybille et de se faire bien voir du système ? L'ancien attaquant lui avait toujours semblé assez amical. Mais, devant son visage impénétrable, il était difficile de trancher.
« Pas la peine de me défier du regard, déclara subitement Iwaizumi en levant les bras en signe d'apaisement. Je ne compte pas traîner ta petite sœur de force devant un scanner de rue. » Malgré le caractère rassurant de la phrase, la principale concernée se cacha derrière son frère, ce qui sembla déstabiliser son interlocuteur. « C'est la vérité, se défendit-il, je ne vais rien faire à part te dire ce que je pense : elle a raison.
― Vous pensez vraiment que ma sœur pourrait commettre un crime ? » Iwaizumi le regarda gravement.
« Être un criminel dormant ne signifie pas que l'on va commettre un crime, mais que l'on a les prédispositions caractérielles et psychologiques pour. Si on la laissait libre, ta sœur ne commettrait probablement jamais de crime. Mais il y a un minuscule pourcentage de chance que cela se produise, et c'est sur ce pourcentage ridicule que Sybille se base pour protéger la population.
― C'est absurde. » A sa grande surprise, l'attaquant opina.
« Ouais. Mais c'est grâce à cette logique qu'on vit en paix. »
Son regard se troubla quelques instants et se déplaça presque imperceptiblement sur la plaque nominative de la maison derrière le muret contre lequel il était adossé. Shôyô suivit son regard et écarquilla les yeux en lisant les caractères gravés.
Oikawa.
Il n'avait jamais réalisé que l'ancien capitaine de Seijoh vivait à quelques pâtés de maison de lui, ce qui lui semblait presque invraisemblable quand il pensait à toutes les fois où il avait traversé cette rue en jouant avec ses amis ou sa sœur. Mais jamais il n'avait aperçu cette plaque usée par les affres du temps et porteuse du nom de celui qu'il considérait comme un de ses grands rivaux.
« Je n'ai pas de leçons à te donner, reprit Iwaizumi, mais je te conseille de ne pas porter de décision aussi lourde sur tes seules épaules. » Le jeune homme aux cheveux noirs le gratifia d'un dernier signe de tête avant de tourner les talons, laissant le frère et la sœur de nouveaux seuls.
« Shô, tu le connais ? demanda Natsu une fois qu'il se fut un peu éloigné.
― C'était un de mes rivaux, répondit son grand frère en le regardant s'éloigner les mains dans les poches de son jean. Hajime Iwaizumi. »
Leur conversation avait troublé le rouquin, et dans un sens qu'il n'aimait pas. Les mots de l'ancien champion l'avaient fait douter. Il sentait sa conviction intime qu'il faisait ce qu'il fallait vaciller de plus en plus et cela l'agaçait. Il savait très bien quels risques il prenait en fuyant ainsi la base même de leur société. Mais rester passif lui était insupportable. Iwaizumi avait tort de se reposer sur ces acquis inconscients pour tout justifier. Lui, même s'il n'était pas des plus intelligents, il pouvait se rendre compte que quelque chose clochait dans leur raisonnement. Leur quête du taux de criminalité le plus faible possible leur faisait commettre des actes presque injustes.
« Natsu. » Il s'agenouilla de nouveau devant sa sœur et la regarda droit dans les yeux. « Je sais ce que tu penses. Mais je ne peux pas accepter qu'ils te classent dans une catégorie dans laquelle tu ne seras jamais juste parce que Sybille l'a décidé. De quel droit décide-t-il pour toi ce que tu vas devenir ? Tu es comme tout le monde, comme moi, tu as le droit de vivre comme nous tous. Ça ne va pas être simple au début, mais je t'offrirais cette vie paisible, je te le promets. »
Shôyô n'était qu'un gamin de dix-huit ans même pas encore entré dans le monde du travail et des responsabilités, et il en avait conscience. Il prétendait être capable de faire ce qu'il fallait pour aider sa sœur, mais en vérité il était terrifié par l'ampleur de ses actes. Peut-être était-ce ce qu'Iwaizumi voulait lui faire comprendre. Qu'il ne supporterait pas toutes les responsabilités qui viendraient avec son geste.
Mais il était trop tard pour revenir en arrière, non ?
Sa sœur finit par hocher la tête et ils reprirent leur chemin main dans la main. En quittant la rue, Shôyô jeta un dernier coup d'œil à la maison des Oikawa, qu'il avait remarquée pour la première fois le jour de son départ. Il se demanda si l'ancien capitaine de Seijoh savait, lui, qu'ils étaient presque voisins. Il se demanda aussi ce qu'Iwaizumi faisait planté devant sa maison, comme s'il attendait quelque chose. Oikawa peut-être ? Mais finalement, l'attaquant était parti sans que le brun soit arrivé. Il n'était peut-être même pas chez lui. Le rouquin ne put s'empêcher de songer qu'il s'était éventuellement passé quelque chose entre eux, mais n'avait aucune idée de ce que cela pouvait être ; et de toute manière, il avait d'autres problèmes plus urgents.
Autour de chez eux, il savait exactement où étaient les scanners de rue, mais plus ils s'éloigneraient, moins il serait en mesure de les repérer à l'avance. Or, la moindre erreur leur serait fatale : dès que Sybille identifierait un psycho-pass trouble et un facteur criminel un peu trop élevé, on les sommerait de s'arrêter et on enverrait les inspecteurs de la SP les pourchasser. Ils allaient donc devoir les éviter le plus possible.
D'autant plus que lui non plus n'était pas sûr d'être épargné par les scanners, même seul. Ce qu'il était en train de faire constituait une violation de tant de lois que son facteur criminel avait sans aucun doute grimpé en flèche dès qu'il avait commencé son méfait. La vraie question était à combien il était désormais. Parce qu'il était en train de commettre un crime aux yeux de Sybille, pas d'envisager en faire un. De ce fait, il avait potentiellement atteint les trois cents.
Et si c'était bien le cas, il n'y aurait pas de retour possible pour lui.
Parce qu'on ne capturait pas nécessairement les criminels qui avaient passé le seuil.
On avait plutôt tendance à les exécuter.
Cette pensée le fit frissonner et coupa momentanément son souffle dans sa gorge. Le moindre faux pas coûterait sa liberté à sa sœur, et peut-être sa propre vie. C'était une pensée terrifiante, qui lui rappelait l'importance de réussir ce qu'il avait entrepris. Ils devaient mettre le plus de distance possible entre la ville et eux dans un premier temps. Ainsi, lorsque leurs parents signaleraient leur disparition aux autorités, ils bénéficieraient d'un peu d'avance.
Pendant plus d'une heure, ils avancèrent pas à pas dans la ville, passant par les petites ruelles mal surveillées le plus discrètement possible pour éviter ceux qui les fréquentaient pour les mêmes raisons qu'eux. Ils se reposèrent par moments dans les endroits tranquilles. Shôyô songea que le problème le plus évident qui allait se poser était qu'ils n'avaient rien pris avec eux. Il avait rassemblé quelques affaires le matin même dans son sac de cours, mais cela ne les aiderait pas vraiment. Il n'avait cependant pas voulu prendre de risques inutiles car la quasi-totalité de leurs possessions était électronique, et qui disait électronique disait qu'on pouvait les tracer.
Lui-même avait abandonné son téléphone dans son train avant de rentrer chercher Natsu, pour brouiller les pistes. Il avait du mal à croire qu'il parvenait à élaborer une telle stratégie ― dans d'autres circonstances, il se serait extasié devant son intelligence ― et espérait de tout cœur qu'ils s'en sortiraient ainsi. Il avait entraîné Natsu dans cette histoire ; pas question alors de faiblir et de se laisser abattre.
Il était près de vingt-et-une heures quand ils atteignirent la sortie de la ville, et ils n'étaient pas encore tirés d'affaire. Shôyô savait cependant que sa sœur n'irait pas beaucoup plus loin, alors il décréta qu'il était temps de faire un arrêt. Ils s'installèrent à même le sol, cachés derrière les arbres hauts qui bordaient cette ville à la pointe de la technologie, et il tira de son sac les sachets de nourriture qu'il avait emmenés avec lui.
« Mange. » déclara-t-il à sa sœur en lui tendant le sachet. La nuit était tombée autour d'eux et il la distinguait à peine dans la pénombre.
« Tu crois que maman et papa s'inquiètent ? demanda la fillette en commençant à manger.
― Sans doute. Mais ils comprendront ! »
Probablement pas, se contredit-il mentalement. Ils avaient sûrement déjà deviné où étaient passés leurs enfants et avaient dû prévenir la SP. Ils ne pourraient pas rester là toute la nuit, il allait leur falloir une cachette. Le lycéen avait déjà prévu de ne pas fermer l'œil pour monter la garde, mais là, ils étaient vraiment trop exposés. Une fois qu'ils se furent restaurés, il poussa Natsu à repartir et balaya les arbres qui bordaient la ville du regard. Certains avaient des branches assez basses et volumineuses pour permettre une ascension.
Sa petite sœur était terrifiée à la simple pensée de grimper sur une branche mais il l'encouragea patiemment et resta derrière elle pour la rassurer. Il ne la laisserait pas tomber. Ils parvinrent ainsi à atteindre des feuillages suffisamment épais pour s'y dissimuler. Le rouquin espérait que cela ferait l'affaire si la SP venait par là. Utilisaient-ils encore des chiens pisteurs ? s'interrogea-t-il soudainement. Il pria pour que non.
Pendant toute sa veillée, il pensa à ses proches encore en ville. Pas seulement ses parents, mais aussi Tsukishima, Yamaguchi, et même Kageyama. Ils devaient être chez eux, en train de se reposer en attendant les résultats du test d'aptitudes. Leur futur serait bientôt fixé ; le sien resterait à jamais obscur. Une part de lui se demandait malgré tout quels résultats il aurait obtenus au test. Quelle carrière aurait été faite pour lui selon Sybille ? Cela le rendait curieux, en dépit de tout
Il se demanda aussi ce qu'ils allaient penser de sa fuite. Tsukishima allait le traiter d'idiot, c'était certain. Yamaguchi allait sans doute déplorer sa décision puérile. Et Kageyama... Allait probablement l'insulter aussi. Si Tsukishima et Kageyama réussissaient à entrer à la SP, ils devraient peut-être se lancer à ses trousses, réalisa-t-il. Cette pensée l'attrista encore plus, et il remonta ses jambes contre lui. Il se sentait soudainement frigorifié ― il n'avait même plus sa veste de lycéen, il l'avait donnée à sa sœur pour la réchauffer.
« Hey ! Toi là ! »
La voix agressive le fit sursauter et il manqua de chuter lourdement sur le sol. Natsu s'éveilla aussi en sursaut et se cacha du mieux qu'elle put en se blottissant contre la branche. Son grand frère chercha du regard celui qui venait de crier, et aperçut une silhouette au pied de l'arbre, les mains sur les hanches. Une lampe posée à ses pieds illuminait vaguement son visage ― et il faisait vraiment peur, songea Shôyô en craignant soudainement d'être tombé sur un fou.
« Qu'est-ce que vous fabriquez dans c't'arbre ? lâcha l'inconnu en les toisant. Vous êtes des voleurs ?
― Non ! On cherche juste à... » Shôyô hésita à finir sa phrase. Il ne pouvait pas lui dire ouvertement qu'ils se cachaient du système...
« Vous avez besoin d'une planque ? » reprit cependant l'homme à sa grande surprise.
Il semblait parfaitement sérieux, ce qui déstabilisa grandement son interlocuteur. Qui était cet homme ? Pourquoi est-ce qu'il se baladait en pleine nuit en dehors de la ville ? Et pourquoi leur proposait-il de les cacher comme si de rien n'était ? De tous points de vue, son attitude était étrange et, s'il inspirait confiance, Shôyô ne voulait pas se fier aveuglément à lui.
« On est juste de passage, déclara-t-il finalement.
― Dans un arbre ? releva l'inconnu sur un ton sceptique. Au mois de février ?
― O-On faisait juste un arrêt ! bredouilla le rouquin en commençant à paniquer.
― Écoute petit, reprit l'homme après quelques instants de silence, j'suis pas débile. J'me doute que t'essayes d'échapper à Sybille. Et si c'est l'cas, j'vais t'apporter mon aide. » La déclaration piqua la curiosité de Shôyô, mais il était encore réticent.
« Qui êtes-vous ? demanda-t-il. Pourquoi vouloir nous aider ?
― J'peux pas t'donner mon vrai nom alors appelle-moi simplement Orru.
― Orru ? répéta le lycéen.
― T'as pas intérêt de t'moquer ! s'écria l'homme en agitant le poing dans sa direction. Et, si tu veux savoir pourquoi j'veux vous aider, c'est parce que moi aussi j'ai fui Sybille et sa dictature. Si vous êtes dans l'même cas qu'moi, ça fait d'nous des alliés provisoires.
― Comment je peux être sûr que vous n'êtes pas de la Sécurité Publique ? interrogea finalement le jeune homme aux cheveux roux.
― Tu peux pas, répliqua sèchement Orru. Mais j'pense pas que t'ais de meilleure option. »
Shôyô échangea un regard avec sa sœur. Il avait envie de faire confiance à cet homme pour les aider à échapper à Sybille, mais était-ce vraiment sûr ? Commettre une erreur aussi flagrante était la dernière chose qu'il voulait actuellement. Mais il prenait peu à peu conscience que seul, sans le moindre contact, il aurait beaucoup de mal à fuir le pays avec sa sœur. Il avait besoin d'aide, et il allait devoir prendre des risques pour l'obtenir.
Il commença à descendre de l'arbre en aidant sa sœur pour être certain qu'elle ne tombe pas. Orru les attendait, les bras croisés sur sa poitrine en surveillant les alentours. En arrivant à sa hauteur, Shôyô remarqua que, si l'homme le dominait effectivement en taille, il ne semblait pas beaucoup plus vieux que lui. Son visage était partiellement dissimulé par la capuche de son sweat noir mais on devinait qu'il était à peine plus âgé.
« Wow ! s'exclama justement Orru en l'observant à son tour. De là-haut, j't'ai pris pour un collégien mais tu dois avoir quasiment mon âge. » Le rouquin tressaillit à la mention de « collégien ».
« Je sais que je suis petit, ça va ! bougonna-t-il.
― T'es au lycée ?
― En dernière année. Je viens de passer mon examen. » Le jeune homme face à lui hocha la tête d'un air approbateur.
« Paraît que l'examen est super dur. » Shôyô comprit à ces mots qu'Orru ne l'avait pas passé et voulut l'interroger davantage, mais celui-ci s'intéressa ensuite à celle qui se tenait à côté de lui. « C'est ta sœur ?
― Elle s'appelle Natsu. »
Le jeune homme hocha la tête et rabattit un peu plus sa capuche sur son front avant de les dévisager tour à tour.
« Ma planque est pas très loin d'ici mais d'abord, il faut que j'sois sûr que vous ayez aucun appareil électronique avec vous.
― On n'en a pris aucun, lui assura le lycéen.
― Rien de tout, vraiment ? Pas de téléphone, pas de jouets ? Vos vêtements sont authentiques ? »
Sur le coup, Shôyô se demanda quel rapport il y avait entre les objets électroniques et leurs vêtements, puis se souvint que nombre de ses camarades de classe avaient des vêtements synthétiques uniformes qui projetaient des hologrammes de tenues une fois activés. C'était une installation coûteuse mais qui permettait de renouveler sa garde-robe sans encombrer systématiquement ses placards.
« On n'en porte pas, répondit-il, mais ces vêtements ne sont pas électroniques, si ?
― Non, approuva Orru, mais ils fonctionnent quand même avec un système holographique alors on s'méfie. Tout c'qui peut être manipulé avec un appareil est à proscrire si vous voulez échapper à Sybille. »
Il avait l'air de savoir ce qu'il disait alors les deux Hinata hochèrent la tête simultanément. Leur guide se mit ensuite en route sans rien ajouter de plus. Ils avancèrent doucement pendant un petit moment avant d'atteindre ce qui ressemblait à une bâtisse abandonnée en pleine campagne. Une grande partie du toit semblait avoir brûlé des décennies plus tôt, et une large portion des murs de briques s'était effondrée. Le tout semblait dater du siècle précédent au moins, et le rouquin se demandait pourquoi ce simulacre de maison n'avait pas été détruit ― surtout qu'il se trouvait à quelques kilomètres à peine de la capitale du pays.
« C'est un monument historique, indiqua Orru comme s'il avait lu dans ses pensées. Cette maison date du vingtième siècle.
― Du vingtième ?! s'exclama le rouquin, stupéfait.
― Ouais ! Mais, en vrai, on pourrait dire vingt-et-unième parce qu'elle a été construite en 1998 j'crois. Quoiqu'il en soit, elle est préservée par Sybille, même si personne ne vient jamais. C'est pour ça que c'est une planque parfaite pour les gens comme nous.
― Vous vivez ici ? l'interrogea Shôyô.
― Non, s'esclaffa Orru, heureusement ! En général j'habite dans une autre planque bien plus accueillante, mais j'viens parfois passer quelques jours ici. On s'relaye avec le réseau pour surveiller les alentours des grandes villes.
― Le réseau ?
― Installez-vous, j'vais vous expliquer. »
Il désigna de la main des pierres qui avaient été déplacées pour former un petit espace clos, sans doute destiné à abriter ceux qui voudraient dormir. Le lycéen s'adossa à elles avant de se laisser tomber sur le sol, tandis que sa sœur se blottissait contre lui et qu'Orru allumait un feu à couvert des pierres. Le rouquin se demanda pendant quelques instants si cela n'allait pas révéler leur position, mais l'homme devait mieux s'y connaître que lui.
« Avant tout'chose, déclara le jeune homme en s'asseyant près du feu, il faut qu'je sache pourquoi vous avez quitté la ville. » Il observa ses deux interlocuteurs avec sérieux. « Et j'veux pas juste qu'vous me disiez qu'vous vouliez fuir Sybille. Ça, j'm'en doute bien. » Shôyô était un peu hésitant et Orru dut le deviner car il ajouta : « J'veux juste être certain que j'aide pas des criminels. Vous avez l'air d'être de bonnes personnes, mais on est jamais trop prudent.
― Nous sommes tous des criminels dès que nous essayons de fuir. » fit remarquer Shôyô en l'observant longuement. Cette remarque laissa son interlocuteur sans voix quelques instants, puis il s'esclaffa.
« J'ai eu beaucoup de réponses, mais c'est la première fois qu'on m'la fait celle-là. » Le rouquin lui sourit légèrement. Même s'il savait qu'il ne devait pas se fier aveuglément à cet inconnu, quelque chose chez Orru lui inspirait une grande confiance.
« Ma sœur est une criminelle dormante, avoua-t-il finalement.
― Sérieux ? s'exclama leur sauveur en se redressant. Mais elle est si jeune...
― C'est pour ça que nous avons fui ! Je ne pouvais pas les laisser me prendre ma sœur. »
Orru ne répondit pas immédiatement, et Shôyô crut pendant quelques instants qu'il n'approuvait pas ce qu'il avait fait et ne lui apporterait pas son soutien. Le jeune homme, dont le visage restait en partie dissimulé par sa capuche, semblait plongé dans la contemplation du vide, se repassant sans doute des souvenirs dans son esprit.
« J'comprends, finit-il par répondre, moi aussi j'ai vu un proche partir pour un de ces centres pour criminels dormants.
― Je suis désolé, déclara le rouquin en baissant la tête, mais l'autre s'esclaffa de nouveau.
« T'excuse pas ! T'y es pour rien. Au final, c'est grâce à cet événement que j'ai changé radicalement de vie quelques années plus tard. Et je regrette rien, si ce n'est qu'j'peux plus voir mon ami. J'aimerais bien savoir s'il va bien.
― Vous alliez le voir dans son centre ? » s'étonna le rouquin. Les visites aux criminels dormants étaient sévèrement règlementées et arrivaient rarement ― les seuls qui étaient autorisés à aller et venir librement dans les centres étaient les inspecteurs de la Sécurité Publique.
« Non, mais il était devenu exécuteur alors j'l'croisais parfois dans la rue quand il était en opération. On pouvait pas vraiment se parler, mais c'était déjà ça. »
Un exécuteur... Shôyô se demanda si, par hasard, Asahi et Sugawara le connaissaient. C'était plus que probable s'il était encore en service. Peut-être même qu'ils travaillaient ensemble, dans la même unité. Ce serait une coïncidence effrayante !
« Pour en revenir au réseau, reprit Orru en se raclant la gorge, c'est comme ça qu'on s'désigne entre nous et qu'l'système nous appelle. Le réseau Eitpheil. Notre objectif est d'faciliter le départ des criminels dormants du Japon sans qu'Sybille les rattrape. C'est pour ça qu'on s'place à des endroits stratégiques, comme les sorties des villes, et qu'on cherche des fugitifs comme vous deux. Bon, on aide pas n'importe qui hein ! Seulement les criminels dormants qui ont pas envie d'finir leurs jours dans un centre. Parfois... » Il hésita un peu avant de reprendre. « Parfois on aide de vrais criminels, des gens qui ont dépassé les trois cents, mais ça dépend des circonstances. On aide pas les vrais détraqués !
― Je ne savais pas qu'un tel réseau existait, balbutia Shôyô.
― Tu crois que Sybille nous fait d'la pub ? Les autorités font tout pour nous tomber dessus et nous arrêter. Ils font aussi en sorte que personne n'apprenne nos actions en ville. Ils craignent un psycho-syndrome collectif ― ou une révolution.
― Vous êtes nombreux ?
― J'suis pas autorisé à te donner ces informations, grimaça Orru sur un ton d'excuse, mais sache qu'on est assez pour emmerder le système. Beaucoup d'entre nous ont vus des gens chers se faire emmener par les drones, voire être abattus. On essaye d'épargner à d'autres ce qu'on a vécu. »
Aux yeux du central, leurs actions étaient une bénédiction. Grâce à ce réseau, Shôyô et Natsu parviendraient peut-être bien à s'enfuir. À condition évidemment qu'ils leur apportent leur aide...
« Vous avez du courage, fit-il observer finalement. Vous avez tout quitté pour risquer votre vie ?
― Pour être exact, ma famille m'a suivi, expliqua Orru d'un air un peu gêné, donc ç'a pas été si dur pour moi. Mais oui, j'connais des membres du réseau qu'ont abandonné leurs parents et leurs amis pour venir ici. Certains étaient déjà devenus des criminels dormants, d'autres avaient une vie toute tracée auprès du système. Mais maintenant, on est tous des criminels logés à la même enseigne. »
Le rouquin se demanda à combien était leur facteur criminel. Excédait-il les trois cents ? Ce seuil symbolisait normalement les véritables criminels, qui enfreignaient la loi, mais dans leur société, défier Sybille pouvait être considéré comme un crime équivalent non ? Si jamais ces gens croisaient un dominateur, peut-être qu'ils n'y survivraient pas... Cette pensée le fit frissonner.
« Tu devrais dormir, déclara soudainement Orru en l'observant. J'vais surveiller les alentours jusqu'à ce que le jour s'lève. Ensuite, j'vous emmènerai chez un autre membre du réseau. Il vous aiguillera vers quelqu'un d'autre, et ainsi de suite. C'est comme ça qu'on limite les risques de s'faire attraper, en ayant le moins de contacts possibles.
― Merci beaucoup ! » s'exclama Shôyô en s'inclinant avec respect.
Leur rencontre avec cet inconnu était un vrai coup de chance, songea-t-il avec soulagement. Il se sentait soudainement bien plus rassuré et confiant quant à leur avenir et leurs chances de s'en sortir... mais une branche craqua subitement dans l'ombre à leurs côtés, et fit vaciller ses espoirs.
Orru se redressa immédiatement et porta la main à son dos ― avait-il une arme cachée sous son pull ? ― tout en observant la pénombre dans la direction du bruit. Une silhouette se détacha au bout de quelques instants et s'avança vers eux d'un pas déterminé.
« Qui va là ? » s'écria Orru d'un air menaçant qui fit presque frissonner Shôyô. L'autre en revanche ne cilla pas.
« Je suis seul. » déclara-t-il d'un ton posé, et cette fois le central frissonna pour de bon.
Pas de peur, pas de froid ; il frissonna parce qu'il savait à qui appartenait cette voix. Et que cela ne lui plaisait pas du tout.
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