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Hey, je tenais juste à vous prévenir que ce chapitre contient des scènes abordant "sérieusement" des thèmes pouvant choquer (si ça ne vous concerne pas, vous pouvez passer ce petit paragraphe. Bonne lecture!). 

Si vous vous sentez mal à l'aise par rapport à l'angoisse sociale, le viol, ou toute forme de violence psychologique, s'il vous plait, ne lisez pas ce chapitre. Le but de ma fiction n'est pas de faire mal à qui que ce soit, elle sert simplement à raconter une histoire et à éventuellement à "aider" des gens qui pourraient ressentir la même chose que les personnages de S.E.U.L.S. Merci beaucoup de votre compréhension, 

Loupioty




J'ai toujours trouvé étrange l'influence qu'ont les autres sur notre propre perception (ne vous méprenez pas, même si j'en donne très certainement l'air, je ne suis pas un de ces types arrogants qui vomit sa science sur les autres alors qu'il se contente juste d'écouter son prof de philosophie et de lire des livres dits "psychologiques". De toute façon, au vu de ma cote de popularité, je n'ai aucun intérêt quelconque à jouer au petit génie). Je pensais juste à ça car, sans que je m'en rende compte, j'ai eu tellement d'aprioris, à propos de tellement termes à cause des de l'opinion publique. À cause d'auteurs, de réalisateurs, de philosophes, d'astronomes.    

Pour vous donner un exemple, si je vous dis « enterrement », qu'allez vous imaginer? Un jour sombre, pluvieux, une assemblée en larmes autour d'un tombeau couvert de fleurs s'enfonçant dans les abysses sous les yeux larmoyants des proches de son propriétaire. Une famille au cœur brisé, mais soudée dans le deuil.

Quand ma sœur est morte, ça ne s'est pas passé comme ça. On l'a incinéré, un jour de juillet déjà aride et où la canicule faisait rage. Mes parents et moi sommes allés voir le gardien du cimetière à qui on a payé une taxe d'emplacement, avant qu'il ne nous accompagne sur la tombe de notre famille, qui ne comportait que mes grands-parent paternels, et sur laquelle je ne suis jamais venu. Le soleil nous tapait dessus comme pour nous punir d'un quelconque péché. Nous n'avions pas pleuré, ni les uns, ni les autres. On est resté au moins une heure, muets et interdits devant ma sœur qui n'était plus qu'une photo et un pot en marbre. Ma mère qui à l'époque était une superbe jeune femme et mon père, un grand homme à la barbe mal rasée, avaient les épaules voûtées et le regard vide alors que je les fixais. 

J'aurais aimé qu'ils fassent quelque chose. N'importe quoi. Tomber à genoux, éclater en pleurs. Crier. Me dire que tout ira bien, ou même s'arracher les cheveux en insultant ce monde injuste. Montrer qu'ils sont en vie, eux, au moins. Mais ils n'ont rien dit, rien fait. 

D'un autre côté, je ne pouvais pas leur en vouloir, on était tous coupables, moi y compris. Parce que ma sœur s'était suicidée.     


Je me suis éveillé en sursaut. Ce même souvenir, cette même histoire dont la fin me faisait mal à chaque fois. Faute au temps de cette fin d'été, mes draps me collaient à la peau, j'étais couvert de sueur. C'est dommage, à une époque, j'adorais dormir. Quand on dort, on est ni triste, ni seul, ni en colère, en principe du moins. On est rien. Mon regard se porta sur le réveil. 

Je devais aller en cours. 



*



Après cette fameuse fête, je suis rentré chez moi, et j'ai passé le reste des vacances enfermé à jouer aux jeux vidéos ou à lire (j'aurai pu réviser mes exams de fin d'année, mais je n'estimais pas ça nécessaire. Sans vouloir me vanter, j'étais assez brillant pour passer le trimestre sans trop me fouler). Des fois, je sortais à la salle de sport pour aller taper dans un punching-ball mais mes sorties s'arrêtaient là, Mika allant passer ses vacances à Kyoto, chez ses grand-parents.   

Et puis, rester chez moi ne me posait pas tant problème que ça, étant donné que je n'avais pas le moins du monde envie de croiser des gens de mon ancien collège.

Mais bref. Tout ça - mon quotidien qui paraîtrait glauque à beaucoup d'entre vous - m'était devenu acceptable. J'avais le souvenir du sourire de Mika. J'avais l'assurance de son amitié. La certitude de ne pas être seul. Rien que ça me suffisait. Et pourtant, à la rentrée, quand je me suis approché vers lui, il m'a tourné le dos. Puis n'a fait que me fuir. Au début, j'ai cru qu'il ne l'avait pas fait exprès mais les heures d'après m'ont rapidement démontré le contraire. Et le lendemain. Et les jours d'après. 

Seul, à nouveau.

Qu'ai-je fait de travers?

Je me suis mis à me reposer les mêmes questions pessimistes qu'auparavant. J'étais fatigué de ne jamais comprendre les gens, fatigué de moi-même, fatigué de ce monde.

Qu'y a-t-il de de si repoussant en moi? Est-ce que j'ai... dégoûté Mika?

Mon esprit devenait de plus en plus confus, au fil du temps. Je glissais à nouveau vers cette entité sombre dans laquelle j'avais élu domicile il y a encore peu de temps. Je retrouvais la compagnie de cette voix lugubre qui résonnait dans ma tête. Ce démon qui m'obligeait à porter mon attention sur chaque petite chose que je faisais, sur ce que les autres pensaient.

« Les humains ne sont pas spontanément gentils entre eux, Yuu. »

C'était vrai. Je l'ai toujours su. Alors pourquoi ça me faisait si mal de me retrouver à nouveau délaissé? Pourquoi je me retrouvais toujours avec ce sentiment d'amertume dévastateur?

Toujours cette même erreur. Espérer. Je n'y ai cru que brièvement, et ça a suffit à me blesser.


Alors que j'avais réussi à ne plus y faire attention, je voyais à nouveau le regard des autres sur moi. Et, je le devinais, c'était un regard de pitié. Trois semaines après la rentrée, j'étais assis à mon bureau, devant un tupperware de riz que je ne comptais pas manger. Je regardais distraitement mes "camarades de classe", persuadé qu'entre deux discussions sur les animés ou sur les émissions dont ils étaient fans, ils se disaient des trucs comme :


« — Hey, t'as vu ce mec? Même Mika l'abandonne? Il doit vraiment être un couillon fini pour que ce type se lasse de lui. Mika est le type le plus sympa du lycée. 

— Si ça se trouve, ce Yuuichiro est un peu attardé? Tu as vu comment il bafouille quand le prof l'interroge? 

— Haha, ça ne m'étonnerait pas qu'il le soit ! »


C'était sûr.

 À chaque pause, tous ces regards, toutes ces discussions qui ne résonnaient qu'en un brouhaha insupportable dans ma tête, tout ça me faisait trop mal. 


« — À quoi ça sert, les gens comme lui? imaginais-je une fille dire à sa copine.

— Il ferait peut être mieux d'aller se pendre. 

— Oh, arrêtez, c'est méchant, il va se mettre à pleurer, le pauvre ! »


Sur ce, j'ai détourné les yeux et ai mis ma tête entre mes bras. Tout ça, c'était trop pour moi. En cet instant, je n'avais qu'une envie : ne rien ressentir. Rester ici, couché sur ma table, ne jamais avoir rencontré Mika, ne jamais l'avoir trouvé... ne jamais l'avoir trouvé essentiel.


" Yuu, tu n'apprends jamais de tes erreurs, décidément. Les gens te détesterons toujours, jusqu'à ce que tu ne puisses plus le supporter. Jusqu'à ce que tu ne trouves plus de raison de respirer, jusqu'à ce que leur haine t'étouffe."


Pourtant, je n'ai jamais perdu mon sang froid face à leurs regards, je n'ai jamais eu envie de m'effondrer ou même de les frapper. Et pour cause, je ne me sentais pas vraiment triste, et je n'avais pas vraiment peur d'eux. 

J'étais simplement vide. Je n'avais jamais été aussi déçu de toute ma vie.



À la fin du second semestre, au début de l'hiver, quand Misaki a de nouveau décrété qu'on devait former des groupes pour un devoir de math et que je me suis rendu compte que, de toute évidence, personne ne désirait se mettre à côté de moi, je me suis simplement levé, et ai calmement avancé vers la sortie.


— Hum... Yuuichiro? Où crois-tu aller? me demanda le CST.


Je me suis demandé si il ne voyait vraiment pas ce que je vivais, de son point de vu de professeur. Pardon : de son point de vu d'étranger.

Levant les yeux vers lui, je lui ai dit:


— Loin de là.


Incrédule, il cligna des yeux plusieurs fois.


— P-pardon?


Tout le monde s'est tourné vers moi, des ricanements commençant à se faire entendre. Ça m'a rappelé le premier jour ou Mika avait pris ma défense et j'ai ressenti une douleur me vriller la poitrine. J'ai rassemblé toutes mes forces pour ne pas jeter un œil à Mika.


— Désolé monsieur, je m'en vais. Ce n'est pas vraiment contre vous. Mais je me casse.

— Yuuichiro! Tu vas avoir de sales ennuis! Je vais appeler à tes parents et te-


J'étais déjà sorti de la salle. J'avais mal. Physiquement. Mettre un pied devant l'autre me faisait souffrir. Je suis dit que je goûtais à ce que les gens appelaient « dépression », avant de me rendre compte que ça avait toujours été une partie de moi. J'ai toujours été aussi mal, toute ma vie. Je m'étais habitué à la douleur, et je l'avais oublié. M'en souvenir était horrible, comme immoler une plaie entrain de cicatriser. 

J'entendis une porte coulisser puis claquer, et pensant que c'est le prof, je me suis retourné effrontément. Mais c'était Mika. 

Soudain, mon bouclier émotionnel s'effrita, et mon estomac fit un triple salto. Ce type qui se tenait en face de moi ne ressemblait pas à la personne que je connaissais. C'était comme si il se retenait de pleurer, d'avoir l'air désolé ou un truc dans le genre. Il n'avait absolument rien à voir avec le gars insouciant et énigmatique qu'il avait toujours été.


— Yuu, je...


Sa voix se brisa. Reprenant contenance, il parvint à prononcer :


— Je dois te parler.


J'ai serré les poings.


— Ah? C'est drôle, je pensais que le don de la parole t'avais été retiré. Heureux que tu te sois remis.

— S'il te plait, laisse moi te-

— Te quoi? Mika, c'est dégueulasse ce que tu as fait. Tu te rappelles quand tu me parlais de l'hypocrisie humaine? C'est exactement ce que tu as fait ces derniers mois, dis-je d'un ton monocorde. Tu m'as évité alors que tu as prétendu être mon ami, tu m'as blessé alors que tu prétendais m'avoir compris. Tu aurais pu me le dire, si tu me détestais, tu aurais pu m'expliquer tes raisons, j'aurais pu comprendre - je ne suis pas idiot à ce point, si? - tu aurais pu me faire moins de-

— Yuu! dit-il d'un ton ferme. 


J'ai levé les yeux vers lui, à bout de souffle. Je ne l'avais jamais entendu élever la voix de la sorte.


— Laisse moi t'expliquer. S'il te plait. À la fin des cours, sur le toit, dans une heure. S'il te plait.



*



Et devinez ce que j'ai fait? J'y suis allé. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Peut être parce que j'avais besoin de réponses à mes questions ou peut être parce qu'il avait dit deux fois « s'il te plait » . Ou peut être parce que je n'étais qu'un idiot.     

Quand j'ai ouvert la porte sur le toit, il était déjà là, et de la buée voletait autour de son visage pâle. Tout comme moi, il avait enfilé ses bottes, son écharpe et son manteau et même ainsi emmitouflé, je ne pu m'empêcher de remarquer qu'il était splendide. Je m'étais interdit de ne lui jeter ne serait-ce qu'un regard depuis qu'on ne se parlait plus, et comme en manque, comme si nous ne nous étions pas vu depuis des années, je ne pouvais m'empêcher de le regarder. Je ne dis rien jusqu'à ce qu'il finisse par m'adresser la parole.


— Je te félicite.


Je me suis apprêté à m'avancer vers lui avant de me rappeler que nous n'étions pas en de bons termes. Mieux valait garder mes distances.


— À propos de quoi?


— Pour ce que tu as fait tout à l'heure. Avant, tu n'aurais jamais été capable de te lever comme ça et de tenir tête à Misaki, surtout devant toute la classe. J'ai trouvé ça génial, que tu puisses enfin t'exprimer quand tu ne te sens pas bien. 


Mes muscles se contractèrent alors que de la colère montait en moi.


— Et quoi, c'est pour ça que tu m'as fait monté ici?

— Tu t'attendais à ce que je te fasse monter ici pour quoi?


Bon sang, qu'est ce que je m'imaginais encore?

Je sentis des larmes me venir, alors je me suis détourné et me suis préparé à m'en aller. J'étais vraiment trop con. 

Mais il m'attrapa le poignet. Comme à la fête de l'été. Refusant de me retourner vers lui alors qu'une larme roulait sur ma joue, je mis du temps à trouver mes mots avant d'hoqueter :


— Putain, quoi encore? Pourquoi tu t'acharnes sur moi comme ça? Ça t'as pas suffit d'essayer de me détruire, tu continues?

— J-je suis désolé, dit-il d'une voix qui paraissait sincère. Ce n'est pas ce que je voulais dire, Yuu. Je voulais te dire que... Si je ne t'ai plus parlé ces derniers mois c'est que...


De ma main libre j'ai essuyé ma joue et me suis retourné vers lui.


— Je t'écoute?


Il pinçait les lèvres, mais continuait de me dévorer du regard, comme si il essayait de me cerner. Sa main qui tenait mon poignet resserra son emprise.


— La première fois que je t'ai parlé, je t'ai tout de suite admiré. J'ai trouvé que c'était génial, cette façon que tu avait de traiter l'Humain. Pas comme un monstre hideux, pas comme un animal sur-intelligent. Comme un prédateur dangereux. C'est ça qui m'a- 

— Attends, le coupai-je.


On avait déjà eu plus ou moins la même conversation, le jour de notre exposé à ce même endroit.


— Tu ne comprends pas. Je ne suis pas l'imbécile heureux d'être solitaire que tu t'imagines. Je ressens de la jalousie envers tous ces gens. Je leur envie cette insouciance qui n'a jamais été mienne, je leur envie leur logique commune que je n'ai jamais comprise. Je hais être seul, Mika. La solitude me terrorise.


Je me sentais trembler. J'éprouvais un mélange de détresse et de colère qui me blessait un peu plus à chaque nouvelle parole que je prononçais. J'avais envie qu'il me dise de me taire, ou mieux, qu'il parte. Mais comme il ne me coupait pas, j'ai continué :


— Et pourtant, la vie m'a prouvé qu'il vaut mieux me conforter dans cette terreur plutôt que d'aller vers les autres. Tu t'imagines à quel point c'est horrible? Te réveiller chaque matin en te rendant compte que tu es entrain de vivre ton pire cauchemar? Tu vas me dire que tu es capable de comprendre ça?


Il ne dit rien, se contenta de rester face à moi, les épaules voûtées. Cette impassibilité me rendais hors de moi, alors je me suis avancé vers lui.


— Je t'avais prévenu, non? Je t'avais dit que je ne voulais pas d'amis. Pourquoi tu as tout fait pour te rapprocher moi, pour finalement me laisser tomber?


Je continuais d'avancer vers lui, et il recula jusqu'à se retrouver contre le grillage, seule barrière entre le toit et le vide. Il pâlit et souffla :


— Yuu, s'il te plait, ne t'approches pas-


— Tu es comme tous les autres. Tu as leur même but. Faire du mal aux autres pour rehausser ta cote. Tu en as conscience, je le sais. Tu m'as dit que tu te savais hypocrite. Tu ne m'as jamais rien caché, c'est vrai. Mais tu sais, ça m'a fait mal, car...


Je ne pouvais plus m'arrêter de parler. Ma colère prenait complètement le dessus sur moi.


— T'as pas idée de ce que ça fait d'être laissé derrière. Je n'ai jamais fait complètement confiance à quelqu'un, jamais. Alors qu'à toi... Je t'aimais, tu le sais, ça?


Comme si je l'avais poignardé en plein cœur, ses prunelles s'emplirent de douleur et d'un sentiment encore plus violent que je n'arrivais pas vraiment à identifier.

Mais je ne parvenais pas à me satisfaire de cette expression. J'aurai pu me dire « Il peut comprendre un peu ce que je ressens, maintenant. Bien fait pour lui. » , mais non. Je n'avais envie que personne au monde ne ressente ce que je ressentais.

Lui qui avait tout fait pour me fuir, il se retrouvait avec son ex-ami (m'avait-il un jour considéré comme tel?) qui lui avouait ses sentiments... Il n'était pas étonnant qu'il se sente mal. Le contraire serait plus étonnant.

UNE MINUTE.


Je me suis reculé d'un pas. Est-ce que je lui avais vraiment dit que je l'aimais? Je ne m'étais jamais imaginé que je pouvais aimer un garçon mais... 

Est-ce que je l'aime? 

J'étais persuadé de n'avoir jamais aimé les hommes, mais d'un autre côté, je n'avais jamais vraiment aimé personne. Et pourtant, tout me plaisait en lui. Son côté compréhensif, son physique, bien sûr ; son intelligence, le fait qu'il parlait tout le temps sans s'arrêter mais sans jamais dire des choses inutiles, son odeur, un mélange de café et de menthe ; son regard...

Mais pourquoi je lui ai dit ça?

Moi qui me demandais ce qui clochait chez moi, ma réponse était désormais toute trouvée. Écarlate, je me suis apprêté à m'enfuir mais en moins de deux secondes, il attrapa mes deux bras, se pencha et...    

Avant que je réalise quoi que ce soit, ses lèvres se posèrent sur les miennes. Je ressentis le choc de son souffle brûlant et mon corps se réchauffa d'un coup, malgré l'air glacial qui soufflait. Il mordilla ma lèvre inférieure avant de m'embrasser, n'arrêtant que lorsqu'il sentit que je n'avais plus de souffle. J'avais instinctivement fermé les paupières, alors quand je les rouvris et que je vis son regard bleu si proche, maintenant dévoré par l'émotion que je n'avais pas identifié il y a quelques instants, je pris peur. Du désir.


— Mika, qu'est ce que tu... Nous... Tu...


Mon esprit était complètement embrouillé. J'avais l'impression d'être comme une proie entre ses mains. On aurait dit qu'il était entrain de tout calculer. Il savait très bien que passer de l'extrême « je déteste ce connard » à « PUTAIN IL M'EMBRASSE » était la chose la plus déstabilisante qu'il soit. Justement, me voir aussi désappointé semblait le ravir. C'était exactement ce qu'il attendait de moi.

"Et toi, qu'est ce que tu attends de lui?"

Il passa une main sur ma joue, semblant se délecter de l'image qu'il avait sous les yeux. J'essayais de m'empêcher de rougir mais à contrario, je devenais de plus en plus rouge.


Il enleva mon écharpe et commença soigneusement à déboutonner mon manteau.


— Qu-qu'est ce que tu fais? On pourrait - euh - nous voir, je veux dire, la porte est ouverte et je ne veux pas - enfin, je n'ai jamais...


Il me plaqua au sol, dans un geste à la fois brusque et doux. Ma respiration s'accéléra. Alors que son regard devint plus joueur, je reconnus le Mika d'avant, ce qui ne me rassura pas vraiment.


— Et alors? N'est-ce pas plus excitant? sourit-il.


QUOI?


J'ai toujours su qu'il y avait un truc bizarre chez lui mais... quoi? 


Une fois mon manteau jeté par terre, il enleva le sien. Il était littéralement à califourchon sur moi, bloquant mon bassin avec ses jambes. Mon souffle se fit saccadé, mon cœur semblait vouloir s'échapper de ma cage thoracique. Cette figure dominatrice en face de moi, il en émanait un tel charisme que je n'arrivais même plus à coordonner mes pensées. Lorsqu'il commença à déboutonner ma chemise, je lui ai attrapé la main.


— Je t'en prie, je ne veux pas que tu me fasses... quelque chose comme ça.


Avant que je m'en rende compte, il se dégagea, plaqua une main sur ma bouche et de l'autre, maintins mon bras sur le bitume froid. Il s'approcha près de moi et murmura:


— Je crois que tu ne comprends pas, Yuu-chan. Je ne te demande pas ton avis.


Mon rythme cardiaque accéléra davantage, mon regard se troubla. Soudain, je ressentis un besoin irrépressible de m'écarter loin de lui. De l'angoisse.

Sur ce, il passa sa main sous ma chemise et effleura ma peau. J'essayais de crier mais ma voix s'étouffa dans sa paume. Puis petit à petit, je me suis rappelé de ces publicités qu'on voyait à la télé. Ces jeunes femmes au regard brisé, qui parlaient de choses atroces que leur avaient faites des membres de leurs familles ou des amis. Je me rendis compte de ce qui allait m'arriver si je n'agissais pas. J'allais me faire violer. 

Je m'étais déjà fait insulté, frappé, volé, mais on ne m'avait jamais atteint d'une façon si.. intime. 

Le problème, c'est que je pouvais me défendre, techniquement. Je ne crois pas qu'il ait mon niveau en art martial, pouvoir me dégager ne devait pas être un problème. Mais outre sa force physique, quelque chose de plus fort m'empêchait d'agir. Son charme. Comme une sirène, un vampire, une muse, il m'envoutait complètement. J'avais envie d'être loin de lui, mais, même si c'était incohérent, j'avais trop peur de le contrarier. 

Il se pencha et m'embrassa le cou, me mordillant, laissant un suçon. J'essayais de lui parler mais, toujours bâillonné, je ne pouvais rien dire. Sa main glissa vers le bas de mon dos et un frisson me parcouru l'échine. C'était dorénavant impossible de retenir mes larmes, et je me mis à pleurer doucement, de minuscules hoquets s'échappant de ma gorge. Doucement, il retira ses doigts de ma bouche pour les glisser sur ma nuque. 


— Je suis vraiment désolé, murmura-t-il.


Je n'eus ni le temps de penser au sens de ces mots, ni le réflexe d'ouvrir les yeux pour regarder l'expression qu'il faisait. Une nouvelle fois, ses lèvres rencontrèrent les miennes. 

Il m'attirait autant qu'il me terrifiait, mais j'étais certain d'une chose : je n'avais pas envie qu'il me fasse... ça. Pas ici, pas dans l'état où il était, pas avec cette peur qui me comprimait les entrailles. Je me fis violence et essayai de penser.


Est-ce que la personne en face de moi est vraiment Mika? 


« Non. »


Arrête de penser à la fête de l'été, arrête de penser à toutes ces fois où il t'a raccompagné chez toi, arrête de penser à la fois où il t'a sauvé d'une crise de panique devant trente personnes. Réfléchis. Cette personne qui te bâillonne n'est pas celle à qui tu as accordé ta confiance.

Des larmes me montèrent aux yeux. Soudain, l'image de son visage se brouilla dans mon esprit. Il n'était plus qu'un inconnu. Un inconnu qui me terrorisait comme tous les autres, qui allait me faire du mal. Paniquant, je l'ai repoussé brusquement, d'une prise assez simple, qu'il aurait pu facilement éviter si il s'était attendu à ce que je me défende. Titubant, je me remis sur mes deux pieds, réajustant ma chemise. Comme sonné, à terre, il me regarda, les yeux légèrement perdus dans le vide.

Haletant, j'ai rattrapé mon manteau à terre, me suis avancé  jusqu'à la porte et me suis mis à courir jusqu'à chez moi, sans me retourner.

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