Chapitre 9.



En montant dans le jet, et en retrouvant la même place dans laquelle je me réveillais plus tôt, je pris conscience de ce que je faisais. C'était mon premier électrochoc : que pouvais-je bien faire ici, en face de cet homme, de son fameux chapeau, et de son regard mystérieux, me fixant amicalement. Certes, je voulais toujours que cette injustice qu'avait établit S.E.L.M.A. soit abolie. Mais, concrètement, quel était vraiment mon rôle ? Depuis que j'avais rencontré M. Fargo, le seul moment où j'avais réellement pu être utile, c'était à l'ouverture de la crypte, pour obtenir la troisième clé. Le reste du temps, je ne suis qu'un boulet qu'il faut traîner.


Cependant, après cette courte remise en question, une vision me réapparu, celle de Carcerem. L'abominable prison devait être fermée, il fallait que je continue à suivre Glen, Cameron et Dembe, au moins pour tous ces gens qui ne peuvent rien, ou plus faire.


Comme lors de notre descente, la jeune femme aux cheveux châtains clair, qui nous avaient prévenus de notre arrivée, nous prévint, cette fois-ci de notre départ immédiat. Pendant le reste du vol, je faisais vaciller le mouvement de mes deux yeux. Tantôt j'observais l'immensité des nuages qui nous entouraient par la petite surface de verre, tantôt j'observais la position dominante de l'homme assis en face de moi : les jambes croisées, journal papier occupant une main, vieux cigare occupant l'autre, et toujours orné de cet éternel chapeau.


Il est évident que de mon point de vue, un inconnu aurait confondu cet homme avec un parrain de la mafia : ils ont tous deux la même dégaine et le même charisme. Cependant, leurs motivations différaient en bien des points... Ce mouvement, bien que finissant par être lassant, vit prendre fin au bout d'une heure et demi de calvaire. Même si ce voyage était le second que j'effectuais en avion, le premier étant l'aller vers Oxford, je n'arrivais pas à me défaire de cette peur des quelques turbulences, qui nous prennent parfois en traître. J'avais bien conscience que du fait que ce soit un plus petit appareil, il soit plus sensible aux turbulences, mais ça n'empêchait pas mon esprit de se focaliser sur la peur qu'un accident se produise.


Cette fois-ci, en survolant la zone dans laquelle nous allions atterrir, je ne reconnaissais rien que je connaissais aux alentours. Tout n'était pas fait que de gris, et, surtout, il n'y avait presque que des étendues de vert si ce n'est une immense ville que l'on pouvait apercevoir, dans laquelle trônait en son centre un bâtiment, aussi vieux que beau et haut : une cathédrale.

— On fait une escale ? demandais-je à M. Fargo, toujours son journal à la main.

— Elle ne sera pas longue, quelques minutes tout au plus.

— Et on peut aller où en moins de dix minutes ? tentais-je de lui tirer les vers du nez.

— Qui a dit que nous allions nous déplacer ? me demanda-t-il malicieusement. On passe simplement récupérer ce que l'on a déposé tout à l'heure.


N'ayant pas pu savoir ce que l'on transportait à l'aller, je n'avais aucune idée de ce que cela pouvait-être. Je priais juste pour que ce ne soit pas en rapport avec les trafics dans lesquels Cameron était impliqué. Je n'avais aucune envie d'être lié de près, en tout cas, avec ses affaires. J'étais déjà le partenaire d'un homme qui utilise tous les moyens dont il dispose pour mettre fin à l'entité gouvernementale, je n'avais pas besoin en plus de tremper dans de sombres trafics !


La descente de l'appareil se réalisa sans encombre, du moins pour les personnes dans la cabine de pilotage, de mon côté, mon cœur s'emballa assez rapidement, mais, une fois l'engin posé, il se calma aussi vite qu'il ne s'était enflammé. Enfin, j'allais savoir ce que l'on allait reprendre. Je me demandais d'ailleurs si ce n'était pas notre déjeuner, puisque, étant donné qu'il était déjà treize heures trente passé, et que je n'avais pris, ni déjeuner, ni petit déjeuner, mon estomac commençait encore à faire des siennes. C'est à croire que lorsque je suis en présence de M. Fargo, je peux m'assurer que je ne mangerais rien durant les dix prochaines heures, au moins, si ce n'est plus.


En regardant une nouvelle fois par le hublot, un sentiment de joie m'envahissait. Ce n'était pas un repas, c'était encore mieux. Glen et Dembe s'avançaient vers la porte du jet, lentement. Ils avançaient à cette vitesse pour deux raisons : premièrement, les jambes de Glen ne lui permettent pas de grandes foulées. Ce n'est absolument pas pour dénigrer sa morphologie, unique en son genre, mais il est indéniable de dire que, à cause de sa faible taille, il marche forcément moins vite que le colosse à sa droite. Secondement, et, c'est le point qui m'importait le plus : ils avaient les mains chargées de sacs. Non, ils n'avaient pas fait de shopping, ils s'étaient simplement arrêtés dans un fast-food, ou quelque chose dans le genre. Sur ces sacs en papiers était inscrit la chaîne d'où provenait le déjeuner : « Pat à Pain ». Drôle de nom, mais, tant que je pouvais remplir mon estomac, ça m'allait.


Lorsqu'ils ont franchis les escaliers de ce petit appareil, je me précipitai pour les décharger des poids qu'ils portaient à bout de bras. M. Fargo, lui, se souciait peu, voire pas du tout de la nourriture. Il fut le premier à prendre la parole :

— Alors, la clé ? Vous l'avez ? s'inquiétait-il, nerveux.

— Tu doutais de nous ? lui demanda Glen.

— Bien sûr que non, lui rétorqua le soucieux.


Glen lui tendit alors ses clefs de voitures. Cameron compris immédiatement que Glen le faisait marcher, et pas qu'un peu.

— Ce que tu peux être con, lui dit-il alors.


Après avoir rangé ses clefs dans sa poche de jean, Glen sortit, cette fois la clé qui importait tant à M. Fargo. C'était exactement le même genre que celles que nous avions pour l'instant : une large clé USB qui revêtait d'une couleur gris castor et sur laquelle le chiffre 2 était inscrit. L'intéressé la pris dans sa main, la serra, comme pour vérifier qu'il ne rêvait pas, et la mis avec celle que nous avions déjà récupéré. Alors, Cameron enlaça très sincèrement ses deux compères pendant que j'étais en train de vider les sacs des sandwichs qu'ils contenaient. Glen, remarquant que je faisais mon glouton m'interpella :

— Eh ! Laisse-nous-en !

— J'ai trop faim, lui répondis-je, la bouche pleine.


Remarquant que, dans mon sandwich, il y avait du beurre de cacahuète, je tentais de piéger le reste de la bande, qui venait de finir de se câliner. Je simulais alors une violente toux, me plaignant au passage que j'avais l'impression que mon visage enflait. Je pris soin de laisser mon sandwich ouvert, que je déposais sur la petite table avant de me jeter par terre pour m'y rouler. Ni une, ni deux, Glen se jeta sur moi pour voir ce que j'avais. Dembe lui eu la bonne idée d'inspecter mon repas, remarquant le beurre de cacahuète.

— Il y a du beurre de cacahuète ! Il est allergique à l'arachnide ? demanda-t-il à M. Fargo.

— J'en sais rien, répondit-il, paniqué.


Je continuais de jouer parfaitement mon rôle :

— Je me sens partir, beuglais-je, je m'en vais !

— Appelle les secours, vite ! lança Glen.


Ce dernier commença à me mettre des claques pour tenter de me garder éveillé. Je voulais bien continuer mon cinéma pour leur faire peur, mais, je n'avais ni envie de faire déplacer inutilement les secours, ni envie de continuer de me prendre des claques d'une petite main, certes, mais qui tape très fort sur les joues. Pour stopper cette fausse crise d'allergie je lançais :

— Ah ! Mais arrêtes, tu fais trop mal ! m'adressais-je à Glen tout en me levant et en révélant la supercherie aux autres.

— Ne fais plus jamais ça petit, me dit Dembe en me frappant gentillement dans le dos.

— C'est trop tard, me rétorqua Cameron, sur un ton un peu énervé, les secours sont déjà en route.


Je me sentais ridicule. J'effaçais rapidement le sourire niais que j'avais gagné en les bernant, le remplaçant rapidement par un manque béant d'expression faciale.

— Oh ! Je déconne, tu devrais voir ta tête ! mugit alors M. Fargo.

— Vous, vous êtes tous cons ici ! braillais-je alors, déçu d'avoir été pris à mon propre jeu sans rien n'avoir vu venir.

— Tel est pris qui croyait prendre, jeune padawan, ajouta Dembe, sur un air moqueur.

— Faut vraiment que tu te mettes à la page Dembe, commenta Glen. T'as des références trop vieilles !


Soulagé, mais frustré de m'être fais piégé, je continuais de manger mon sandwich, rejoint par les autres. Dembe mangeait comme un colosse : il avait déjà enquillé cinq sandwichs, d'affilé, comme si ce n'était que de simples amuses bouches. Impressionnant. Le voyage, si je puis le nommer ainsi se termina de la sorte, le jet décolla, et, pendant tous le voyage, nous nous taquinions comme une bande d'amis le ferait.


De retour à Éternara ! Après avoir pu déambuler sur un sol qui était présent bien avant l'apparition de l'Homme, même s'il était recouvert de béton, et de toutes sortes de matériaux divers, je sentais que celui sur lequel mes deux pieds étaient actuellement posés était différent. Je ne saurais vraiment décrire ce sentiment. Peut-être suis-je simplement devenu totalement fou. Et, au vu de ce que je venais de faire les douze dernières heures... Je me confortais dans cette idée-ci.


Devant nous, se trouvait une nouvelle voiture, pas exactement la même que celle que Cameron avait faite explosée hier, mais très semblable. Naturellement, Dembe se positionna à la place du conducteur, Glen à la place passagère, et nous deux nous nous installions derrière. La voiture n'était définitivement pas la même que celle que je connaissais. Et pour cause, j'arrivais à voir un peu plus la route devant moi, même si la posture, et surtout les épaules de Dembe, m'obstruait toujours la vue.


Sur la route vers Lucida, je regardais le paysage à travers la vitre teinté de la voiture. Il était similaire à celui que j'avais vu il y a quelques heures à côté d'Oxford. Seulement ici, l'herbe faussement verte, avait beau être la meilleure herbe synthétique que l'homme n'ait jamais créée, elle ne pouvait égaler ce que la nature faisait depuis plusieurs milliards d'années. Même si, depuis quelques millénaires déjà, elle était entravé par une des conséquences du hasard : l'apparition de la vie. Bien qu'inoffensive au départ, quoique, elle s'est, très, trop vite développé,ruinant tout ce que cette fabuleuse nature avait à offrir. Quand j'étais plus petit, mon père me répétait souvent une phrase qu'il l'avait marquée, qu'un grand neuroscientifique, Idriss Aberkane,avait prononcé : « La nature est une bibliothèque, dont l'Homme brûle les livres avant même de les lire. ». Je trouve que cette phrase décrit parfaitement le caractère de l'Homme en général. Ambitieux, trop, le rendant excessivement aveugle sur des points pourtant vitaux. Encore une fois, je m'étais entièrement égaré dans mes pensées, ne remarquant même pas que nous arrivions tout juste au niveau de l'entrepôt du supermarché.

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