Chapitre 7.



— Tu me déposes chez moi ? demandais-je naïvement à Glen.

— Il ne risque pas, petit. Après chaque opération, un débrief. C'est comme ça, m'éclairait Dembe.

— Il ne va pas être très long ! tenta de me rassurer M. Fargo.


Point positif : je faisais réellement partie de l'équipe. Non pas que je doutais de mon implication, mais étant la dernière "recrue", je ne savais pas quelle place je devais prendre. Peut-être fallait-il que je reste moi-même... Cependant, le point négatif, un peu plus rasoir, c'est le problème de sommeil. Même si je n'avais pas toujours besoin d'énormément de sommeil, il m'était primordial d'en bénéficier de quelques heures au moins pour éviter un caractère désagréable...Et pourtant, j'étais loin d'être au bout de mes peines...


« La nuit va vraiment être expéditive ! » pensais-je, en comprenant que ce débrief aurait lieu dans le fameux bureau de Glen, à Lucida.


En arrivant dans le bureau de Glen, je sentais que la fatigue commençait à prendre une part trop importante de moi, mais je devais lutter, c'était bientôt fini, enfin, pour cette nuit du moins. Glen alla s'installer sur son fauteuil, qu'il rehaussa immédiatement. M. Fargo, Dembe et moi, nous installions en face de lui, dans des fauteuils un peu moins confortables que le sien, mais assez pour tout de même s'assoupir. De la poche intérieure gauche de son épais manteau noir, Cameron sortit la fameuse clé USB, celle qu'il avait dénichée dans la crypte. Avant même qu'il ne tendit le bras pour la donner à Glen, je lui demandais, d'une voix fatiguée :

— Vous avez fait comment pour l'avoir cette clé d'ailleurs ?

— Elle était caché derrière une décoration dans le mur, m'expliqua-t-il simplement.

— Ah ! Donc vous saviez exactement où elle était ! m'exclamais-je. C'est pas ça qui aurait déclenché l'alarme ? proposais-je.

— Un piège, à la Indiana Jones ? suggéra Dembe, sur un ton malicieux.

— C'est qui lui ? demandais-je, crédulement.

— Je comprends que tu n'aies pas la référence, petit, me répondit Dembe, même pour nous elle est déjà trop vieille !


Glen et M. Fargo rirent de bon cœur. Moi, je n'avais toujours pas compris, mais la fatigue m'a très vite fais oublier cet écart de génération. Lorsque Glen brancha la clé sur son ordinateur, un sentiment de soulagement apparut dans la prunelle de ses yeux. Il tourna le regard vers Cameron, et lui dit, presque la larme à l'œil :

— On touche au but ! On y est presque ! Enfin !! s'écriait-il.


M. Fargo alla le rejoindre derrière le bureau, et, quand il vit l'écran, il poussa, lui aussi, un souffle de soulagement et pris Glen dans ses bras, l'étouffant presque tellement il était heureux. N'ayant pas la moindre force de me lever, je préférais leur demander ce qui était affiché sur cet écran.

— « 1/3 : Module de désactivation de S.E.L.M.A. », me répondit Cameron, avec un sourire radieux.


Je ne comprenais toujours pas la raison de leur bonheur. Ou plutôt, leur degré de bonheur. Certes nous étions sur la bonne voie, mais de là à exploser de joie comme ils le faisaient...

— Ah, c'est tout ? lâchais-je, un peu déçu.

— C'est largement plus que tout ce que l'on a pu avoir ces dix dernières années. Depuis que nous sommes sur ce projet, on n'a jamais eu de résultat probant, juste de la théorie, des possibles localisations de ces clés. Effectivement que pour toi ce n'est pas une victoire, mais pour nous c'est le fruit d'années de travail et de sacrifices. Et surtout, de sacrifices, insistait M. Fargo.


J'avais ici compris qu'il faisait référence à Conceiçao. Et, maintenant qu'il m'avait expliqué, je comprenais un peu mieux leur enthousiasme débordant. J'en venais, moi-même à ressentir un sentiment de bonheur monter. Peut-être était-ce mon empathie qui me faisait partager le bonheur de ces hommes qui avaient soufferts pendant des années ou simplement mon inconscient qui, pour éviter de plus se fatiguer, calquait simplement les émotions de son proche environnement. Je n'en ai aucune idée, et, à vrai dire, je crois que j'étais vraiment trop épuisé pour réfléchir à une chose si compliquée.


Quand nos esprits se sont calmés, est venue l'heure de réfléchir à récupérer les deux clés restantes. Je me souviens avoir tenté de leur proposer de repousser cette réflexion.

— Impossible, à partir de maintenant, il faut agir vite. S.E.L.M.A. est déjà au courant que nous avons une de ces clés, déclara Glen.


Ce qu'il venait de dire me sortit de mon sommeil paradoxal.

— Quoi ?! S.E.L.M.A. est au courant de l'existence de ces clés ?

— Oui, évidemment. Mais c'est la seule clé dont elle connaissait l'emplacement approximatif. D'ailleurs, maintenant que j'y pense, j'ai bien peur que la protection de ce manoir ait été renforcée par S.E.L.M.A. justement, ajouta-t-il.

— Effectivement, acquiesça Cameron.

— Je propose qu'on se sépare, suggéra Glen. Vous deux allez chercher la première clé, nous on va chercher la deuxième.

— Bonne idée, valida encore Cameron. On prend tous le...


Profitant du peu de confort que je venais d'accumuler, mes paupières prirent un peu de repos, et se fermèrent. Mes muscles, eux, se détendirent tous, un par un. Mon esprit suivi l'effet de masse, se mettant dans un état de relaxation intense, provoquant enfin le début de mon sommeil. Je continuais à entendre leurs voix, mais il était pour moi impossible de comprendre ce qu'ils disaient. Si j'aurais vraiment voulu comprendre leur discutions, j'aurais dû faire l'impossible : me réveiller, et, c'était inconcevable de mon point de vue, quoique sortir de sommeil n'est pas quelque chose qu'on peut décider de la sorte.


À mon réveil, j'ai été... surpris ! Non, choqué ! Je ne pensais pas me réveiller dans mon lit, quoiqu'un excès de gentillesse de la part de ces braves hommes n'ait pas été de trop. Cependant, j'ai repris conscience dans une petite pièce, moi affalé dans un fauteuil en cuir beige, et M. Fargo en face de moi, dans le même type de fauteuil, me fixant. Je ressentais une étrange sensation aux niveaux de mes tympans. Une chose que je n'avais jamais ressentie avant...

— Bien dormi ? se soucia M. Fargo.


Toujours un peu sonné, je hochai la tête en guise de réponse. Terrible erreur : le torticolis ne s'était malheureusement pas envolé. Encore pire, j'eus l'impression que ma nuque se brisa, ce qui me fis pousser un cri, très peu viril, de douleur.

— Un torticolis ? suggéra M. Fargo.

— Oui, depuis hier soir qu'il me suit.

— Tu aurais pu me le dire plus tôt ! s'exclama-t-il. Prends ceci.


Il me tendit un flacon de liquide jaune. Je le pris, et l'ouvrit. En sentant l'odeur pestilentielle qui en dégageait, j'eu presque l'envie de vomir, mais je me retenais du mieux que je pouvais, du moins pour ne pas salir ce beau fauteuil.

— Je sais que ce ne vas pas être le plus agréable à prendre, mais tu verras, c'est très efficace !


J'en pris une gorgée, un peu à contrecœur. Heureusement pour moi, le goût ne pouvait être pire que l'odeur. Elle avait même un peu un côté sucré, qui rendait le tout agréable, enfin, agréable pour un médicament du moins. Amplement réveillé par ce breuvage plus qu'étrange je commençais à inspecter un peu plus en détail la pièce. Quatre fauteuils identiques dont la moitié était inoccupés, une hauteur sous plafond absolument ridicule, des fenêtres ovales nombreuses, mais de petites tailles, et une pièce plus longue que large...

— On est dans un avion ?! demandais-je un peu perturbé.

— Effectivement, on est dans mon jet, c'était le moyen le plus rapide et efficace pour aller jusqu'en Angleterre.

— Pardon ?! On peut recommencer depuis le début ? Déjà, vous avez un jet privé ?

— Il est vital à mes affaires, sans lui je ne pourrais pas marchander à l'étranger. Éternara est certes une île extrêmement bien développée, riche et remplie de ressources, mais pour un homme qui a soif d'ambition, ce n'est rien, d'autant plus que S.E.L.M.A. est dans cesse aux aguets, à surveiller le moindre faux pas que je pourrais faire.


Je me doutais que les affaires qu'il entretenait à l'étranger, même si j'ignorais l'ensemble des pays dans lesquels il organisait son trafic, et, par ailleurs, cela m'était égal, n'était pas de simples marchandises qu'il distribuait. C'était forcément quelque chose d'illégal au vu du profil de M. Fargo, comme les armes en Pologne. Je repris donc, sans trop aborder ses "affaires", comme ils les appellent.

— Et, comment ça on va en Angleterre, j'ai cours ce matin, moi !

— Je crains qu'il ne soit trop tard pour que tu puisses aller en cours ! m'expliqua-t-il. Nous sommes davantage plus proches de notre destination que d'Aurion. En plus, tes cours ont déjà commencés.


Et, effectivement, en sortant le portable de la poche de mon jean, j'ai pu vérifier l'heure tardive qu'il affichait : « 10h24 ». J'ai ainsi pu prendre conscience que j'avais dormi pendant au moins plusieurs heures d'affilées, sans même être réveillé par le déplacement qu'on avait fait de mon corps, ou le décollage de l'engin. J'avais encore un bon souvenir de ce qui s'était passé hier soir, ou plutôt cette nuit, mais je ne me souvenais plus de ce qu'il avait pu se dire durant le débrief qui suivit l'action.


Je n'eu que peu de temps pour tenter de me souvenir ce qui avait été dit, puisqu'une femme aux cheveux châtains clair sortit de la cabine du cockpit pour nous annoncer que nous entamions notre descente. En attendant que nous puissions atterrir, je regardais, au travers du faible espace de verre qu'était le hublot. J'étais étonné. Depuis très longtemps, je vis un grand espace vert, des champs, et quelques maisons par-ci, par-là. Il est impossible de voir ce genre de paysage, aussi naturel, à Éternara. Chaque petit centimètre, aussi éloigné soit-il de la vie humaine parait artificiel. En fait il ne 'parait' pas artificiel, il l'est, puisque qu'Éternara est un gros bout de terre sortit de la mer par l'Homme, j'eu presque faillit oublier ce détail.


En sortant, en forme, du tas de ferraille étincelant qu'était le jet de M. Fargo, je pus prendre la première bouffée d'aire anglaise de ma vie. En fait, je dis ça, mais je n'ai ressenti absolument aucune différence, excepté une fraîcheur largement plus présente. Je ne savais toujours pas dans quelle ville on allait, ou du moins je ne m'en souvenais plus, mais j'avais hâte de pouvoir plus découvrir ce grand et vieux pays. Dans la voiture, ne pas voir Dembe au volant me troubla. Il n'y avait pas cette carrure imposante qui m'empêchais de regarder devant moi, il y avait juste un corps un peu flasque, très peu musclé et qui parlait avec un accent reconnaissable entre milles : celui que tous les anglais possèdent.

— Dembe est pas avec nous ? demandais-je à M. Fargo.

— Tu t'es endormi très tôt toi ! constata-t-il. Nous nous sommes séparés en deux groupes : nous deux à Oxford pour récupérer la première clé, et Glen et Dembe, dans le centre de la France, chercher la deuxième.

— Vous y croyez vraiment à l'histoire de ces clés ? le questionnais-je timidement.

— Après toutes ces années à chercher, je commence à être fatigué. J'ai sacrifié plus du quart de ma vie pour elles. J'ai sacrifié ma vie de famille, ma femme, tout ce que j'avais. Aujourd'hui je n'ai plus rien, mais je ne peux m'en prendre qu'à moi. Donc, concluait-il, oui, il faut que je garde espoir en ces clés, sinon je risquerais de m'effondrer sur moi...


Chaque jour que je passe en présence de cet homme, que je trouvais curieusement arrogant et faussement charitable, me font changer la perception que je me fais de lui. Désormais, après ces quelques événements, je le trouvais beaucoup plus humain, avec un semblant de cœur.


La route pour atteindre notre destination fut relativement courte, et j'en fus surpris. En l'espace de quelques minutes tout au plus, nous sommes passés d'une campagne, plus que rurale, à une grande ville, dans laquelle chaque personne fourmillait à sa tâche. Les étendues de terre fertiles étaient remplacées par des plages de bétons, la petite ferme familiale était devenue le grand groupe commercial voué aux chiffres, et rien qu'aux chiffres.


La circulation n'était pas à plaindre mais quelques bouchons se présentaient sur la route. Et, sans vouloir faire une médiocre expertise du trafic routier, je soupçonnais tout de même les bus de ville d'être un frein considérable à la fluidité de ce trafic. C'est là que je me rendais compte, que finalement, les voies réservées au bus sont une excellente mesure, bien que coûteuse. Malgré tout, être coincé à un feu rouge pendant quelques temps m'a fait prendre conscience à quel point notre île est certes efficace, mais aussi à quelle point elle peut être fade, morne, terne, parfois même miteuse. Ici, aucun bâtiment ne se ressemble, les hommes ne portent pas tous un costume bien taillés à leur taille et les femmes ne sont pas contraintes de porter une certaine gamme de vêtements. Tout est bien plus pittoresque, coloré, et agréable à admirer. Je profitais donc de ce spectacle, pourtant simplement banal pour ces gens qui traversent cette rue tous les jours. J'aimerais, à chaque fois que je dois aller au lycée à pied, traverser cette avenue, pouvoir contempler, analyser chaque bâtiment, à la pierre taillée près. Et non plus parcourir cet interminable boulevard dans lequel il est très facile de se perdre tellement les bâtiments sont semblables, sans aucune volonté architecturale, simplement un bâtiment construit pour sa fonction principale, rien d'autre, si ce n'est accueillir un écran pour la propagande.


Au fil du parcours de la ville, et de la sortie des minis-embouteillages, causés par ces feux rouges, qui, finalement ne sont pas si interminables que ça, nous entrions dans un quartier résidentiel, délaissant ce magnifique centre-ville. Je changeais relativement vite d'avis sur l'aspect 'magique' de cette ville en remarquant que chaque maison était la même, toutes mitoyennes entre elles, ou presque, la façade blanche,le toit de tuiles rouges. Seules quelques maisons se différenciaient par-ci par-là, probablement les familles les plus aisées, ayant pu réaliser quelques travaux sur leur bâtisse. Maintenant, j'en étais désormais convaincu, tous les quartiers résidentiels sur Terre ont le même niveau de monotonie et de répétitivité. Je pense que c'est même l'un des attributs nécessaire pour en devenir un : ne pas être attractif, mais un peu quand même pour attirer la population. Au milieu de ce havre d'ennui mortel se trouvait notre destination,un cimetière. Oui, encore un cimetière. Je ne sais pas si c'est le destin, ou simplement le hasard qui organise les choses de la sorte, mais je vous assure que je n'ai aucune passion cachée pour l'exploration de cimetières ou de lieux de repos éternel ! Le chauffeur, qui était resté quasiment muet depuis le début du trajet, continua son exploit, en s'arrêtant devant le portail, sans un mot.

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