Chapitre 11.
6h30. Mon réveil sonne et, pourtant, je commençais à peine à m'endormir. Pour une fois depuis très longtemps, je ne me levais pas directement, je préférais rester au lit, essayant de récupérer le manque de sommeil. Seulement, je ne pensais pas me rendormir. J'ai été surpris quand ma mère est entrée en trombe, me réveillant en sursaut.
— Alan !! Tu as vu l'heure ! Ton bus est déjà passée et je ne peux pas t'emmener, il faut que j'aille au boulot. En plus il a neigé cette nuit !
Et merde. Cette journée débutait mal, et bien que ce soit la dernière avant les vacances, elle ne présageait rien de bon. Le point positif, au moins, c'est que je n'aurais pas ma mère sur le dos, étant donné qu'elle ne pouvait pas m'emmener ! Mais, le pire restait à venir... Aujourd'hui, on est le 14 février. Ce n'est pas la pire journée de l'année pour moi, mais ça me rappelle parfois à quel point je peux me sentir seul, ce qui, vous l'aurez facilement deviné, est un sentiment bien désagréable, surtout quand, à longueur de journée, tu vois des couple se peloter et se fricoter pour tout et n'importe quoi. Je vous avouerais que les démonstrations d'amour en publique ne sont pas à mon goût, mais bon, cette observation ne relève que de mon opinion, et simplement de ma subjectivité.
Je me suis donc précipité de sortir de mon lit, pour éviter de m'y rendormir. J'ai accouru à la salle de bain, enfin, aussi vite qu'un mec qui a passé toute sa nuit à lire en boucle et inutilement un carnet. Bref, j'ai été relativement content de ma performance, puisqu'en douze minutes j'ai eu le temps de me préparer, et de commencer à partir, chose, que je faisais généralement en trois quart d'heure. La routine reprenait le dessus sur la fatigue. C'est elle qui contrôlait la majorité de mes déplacements, notamment celui pour aller au lycée, à une cadence militaire. Cependant, j'avais bien être de bonne foi et avancer du plus vite que je le pouvais, la neige rendait mes déplacements plus compliqués, et moins fluides. Sur la fin du boulevard, cette routine m'a d'ailleurs contrainte à accélérer le mouvement en courant lorsqu'elle a vu l'heure. Comme par hasard, la salle où j'avais ma première heure de cours était à l'extrémité du lycée, totalement à l'opposé de là ou j'étais. En un sprint qui me décolla les deux poumons, je parcourus tous les couloirs à l'allure fantaisiste, avec des murs courbés dans tous les sens, mais cependant toujours monotone, et j'atteins finalement la salle, où je savais pertinemment que j'allais passer une salle heure. Je frappais à la porte et j'entrais :
— Bonjour, désolé, j'ai eu un problème sur la route, haletais-je.
Je voyais que tout le monde était étonné de me voir en retard, et, qui plus est dans cet état : un visage rouge, des cernes descendant presque jusqu'à mon nez, des gouttes de sueurs ruisselant sur mes joues, le souffle court et les cheveux en pétards, le tout à la première heure de cours, c'était loin d'être mon habitude ! Le pire dans tout ça c'est que Kleden et Bryan, me regardaient d'un air à souligner l'ironie de la situation.
Le professeur d'espagnol m'invita à aller m'asseoir, ce que je fis avant même qu'il ne me le demande. La place que j'avais me convenait parfaitement, pour une fois. Seul, au fond, loin des autres. Je pouvais tenter de finir la nuit que je n'avais pas vraiment débuté en fin de compte. Je ne pris même pas la peine de me cacher d'une manière efficace, mais simplement de m'affaler sur ma table, le cahier même pas ouvert. Que je sois situé au fond de la salle n'a cependant pas empêché au professeur de la langue que je hais tant de me remarquer et de me rappeler à l'ordre. Malheureusement pour lui, j'étais déjà tombé dans un sommeil plus profond que sa voix ne pouvait me réveiller, et, par conséquent, il était obligé de se déplacer pour venir me réveiller, d'une manière encore plus brutale que ma mère ce matin.
— Alan ! beuglait-il presque au creux de mon oreille. Tu es en retard et tu te permets de dormir en cours ? Si tu continues ce manque de respect, je t'envoie directement à l'infirmerie !
Ah ! L'infirmerie ! Quelle blague ! Ce que je trouve assez drôle avec cette infirmerie, c'est qu'elle est constamment fermée, ce qui, dans ce cas si n'aurait servit à rien de m'y envoyer. En tout bon élève qui déteste profondément la matière dans laquelle il se trouve, je me sentais obligé de faire passer la haine que j'éprouvais envers celle-ci pour une mauvaise humeur.
— Ouais, c'est bon ! répondais-je sur un ton insolent.
Et pourtant, le cours continua sans aucune complication pour moi, à mon plus grand soulagement. Pour éviter de me faire virer de cours, ce qui aurait fortement déplu à mes parents, je sortais de mon manteau un petit carnet très abîmé : celui qui m'avait usé toute la nuit. N'ayant vraiment pas la force de relire tout le charabia sentimental qu'il contenait, je me rabattais plutôt sur les schémas, brouillons et quelques mots griffonnés sur ces pages jaunies pas le temps. Je ne comprenais pas grand-chose, mais au moins, ces gribouillis avaient le luxe de me tenir éveillé, en tout cas plus que le cours barbant et incompréhensible de l'homme qui m'avait atrocement sortit de mon si confortable sommeil. Au plus le temps défilait, au plus le déchiffrement de ce que je pouvais lire ou voir était complexe. Même si j'avais du mal à comprendre le sens de tout ce qui était inscrit, une page retenait grandement mon attention. J'y misai mon peu de concentration. Sur celle-ci semblait se trouver un plan, avec des indications d'emplacements. La plupart était très peu lisible, une partie voire même entièrement effacée. Néanmoins, on distinguait facilement la forme de ce croquis : un escalier qui semblait déboucher sur un long couloir étroit qui conduisait lui-même à une petite salle. Je n'avais aucune information supplémentaire, omis ce que je pouvais déduire de ce dessin. Je cogitais plusieurs minutes, avec un résultat aussi juteux que ce que j'avais obtenu cette nuit. En tournant la page, le mystère s'éclaircissait d'un coup. Je me rendais compte que depuis le début je ne cherchais pas au bon endroit. Sur cette double page se trouvait le mot de passe, écrit en toutes lettres et à peine effacé : Crèvecœur. En découvrant à quel point il était simpliste, j'en ai presque même été dégoûté. Comment le gouvernement pouvait-il être protégé alors que le mot de passe pour le désactiver se trouvait être aussi simple quand on connaissait la vie de son créateur ? La partie la plus censé de ce carnet n'était que l'expression de sentiments refoulés. En revanche, la partie incompréhensible était la clé de tout : en deux pages consécutives je venais de découvrir l'emplacement exact de l'Ordinateur Mère et le mot de passe pour désactiver S.E.L.M.A. L'emplacement, lui aussi, semblait maintenant logique : la crypte Pley. L'escalier, le couloir, la salle, tout y était. Quand je pense qu'on était à deux pas de l'Ordinateur Mère quand on était dans la crypte... Maintenant, je devais foncer à Lucida pour tenir les autres au courant. N'ayant bien évidemment aucun moyen de joindre M. Fargo ou qui que ce soit proche de lui, je devais m'y déplacer. Non pas que rater les cours d'aujourd'hui me dérangeait, bien loin de moi cette idée, d'autant plus que les deux heures qui suivirent étaient de la physique, et, au vu de ma grande affinité avec cette matière, j'étais bien heureux d'avoir à "sauver le monde".
Bref, à peine la cloche avait-elle annoncée la fin de l'heure que je me levais sans même prendre la peine de parler à qui que se soit, même Kleden. Le professeur d'espagnol avait d'ailleurs bien remarqué cette envie de sortir au plus vite de son cours :
— Plus vivace pour sortir de cours que pour le suivre, me lançait-il, un peu agressivement ¡ Adiós Alan !
Bien que j'aie entendu ce qu'il me disait, je me confortais dans l'idée que, si je ne me retournerais pas, il aurait peut-être pensé que je ne l'aurais pas entendu. Je ne me suis donc pas retourné, fonçant tête baissée vers la sortie du lycée, et le premier bus en direction de Lucida.
La chance était avec moi aujourd'hui, et j'en avais besoin, puisque je n'ai pas eu à attendre le bus, il était déjà là, à attendre. Comme d'habitude, je jetais un coup d'œil au tableau d'affichage qui remplaçait les anciens chauffeurs : « Vendredi 14 février 2144, Aurion, -2°C, neige à prévoir. Bonjour Alan !» et alla m'asseoir à la place que j'empruntais habituellement dans chaque bus. Le voyage fut plutôt long et désagréable étant donné qu'on s'arrêtait régulièrement aux arrêts de la ligne. Malgré la fatigue qui rendait le voyage insoutenable, je finissais par arriver à Lucida, à quelques pas du fameux supermarché.
J'y étais enfin : le mystérieux rideau de fer pour accéder au bureau de Glen ! Mais, au bout de quelques secondes à attendre naïvement que ce rideau coulisse, j'abandonnai. J'avais totalement oublié qu'il fallait une clef pour l'ouvrir : M. Fargo. Désespéré, je tentais d'agiter la main, dans tous les sens, sans que rien ne bouge. Il fallait donc que je passe par l'entrée principale, comme si j'allais faire mes courses, sauf qu'il n'en était rien. Je me présentai donc à l'accueil et demandai à voir le gérant du supermarché. Le jeune homme qui m'a accueillit était méprisant, il avait un air nonchalant.
— Il ne peut pas vous recevoir, il est en réunion, m'expliqua-t-il d'une voix grinçante, sans même lever les yeux de son portable.
— Il faut vraiment que je le vois, c'est très urgent, vous pourriez le prévenir ? insistais-je.
— Impossible, continua-t-il avec sa voix toujours aussi insupportable.
— Puisque c'est ainsi... concluais-je.
Je passai de l'autre côté de ce comptoir pour accéder à la porte menant à l'administration, sans même qu'il ne s'en rende compte. Quand, enfin, il décrocha ses yeux de son maudit téléphone, il s'élança à ma poursuite, en me beuglant de revenir immédiatement au risque de rencontrer l'équipe de sécurité. Lorsque j'entrais très brusquement dans le bureau de Glen, je l'aperçus, toujours sur son siège rehaussé, étonné de me voir ici, à cette heure. Sur le fauteuil en face de lui se trouvait M. Fargo, les jambes croisées, accompagné de Dembe qui était assis à ses côtés. Peu après moi, débarqua mon poursuivant, à bout de souffle.
— Désolé monsieur, je ne l'ai pas vu entrer, ça ne se reproduira plus.
— Il était surtout scotché à son téléphone, rétorquais-je en l'accablant.
— Vous, s'adressa Glen au jeune homme de l'accueil, retournez à votre poste et laisser ce jeune homme tranquille, vous auriez dû me prévenir qu'il était là !
Je lui fis un sourire malicieux, comme pour me venger de son manque d'attention. Sans discuter, il retourna sur ses pas, fermant la porte du bureau au passage.
— C'est ridicule que je sois obligé de passer par l'accueil alors que j'aurais très bien pu passer par l'entrepôt.
— C'est vrai, acquiesça Glen, j'arrangerais ça dans le futur.
— Qu'est-ce qui t'amène ici ? m'interrogea M. Fargo.
— J'ai tout trouvé. L'emplacement de l'Ordinateur Mère, le mot de passe, tout.
Je voyais très bien que Cameron était sceptique, et, à sa place j'aurais sûrement réagis de la même manière. Cependant, Glen, lui, avait l'air de me croire, et je commençais même à remarquer la lueur qui avait animé ses yeux lorsqu'il avait les trois clés rassemblées face à lui. Pour ôter tous les doutes de l'esprit de M. Fargo, je sortis le carnet de mon sac, l'ouvrit, et lui présenta la fameuse page. Instantanément, il comprit qu'il s'agissait du tombeau des Pley. En tournant la page, à la confirmation de ce qu'il pensait, il vit le mot de passe. À ce moment, il lâcha une quantité d'injures considérables. Il avait l'air content, enfin, je pense, étant donné qu'il m'a sauté dans les bras pour me serrer si fort que j'ai eu l'impression qu'il me brisa les côtes. Quelques longues secondes plus tard, je pu prendre à nouveau ma respiration, et tenter de vérifier que mon corps fonctionnait à peu près bien. Tout allait bien, rien de cassé. À son tour, Glen feuilleta le carnet à la vérification de mes propos.
— Ça explique la sécurité à la crypte ! balançait-il.
Désormais, il fallait établir un plan pour pouvoir atteindre le tombeau des Pley en contournant toute la sécurité mise en place par S.E.L.M.A.
— On fait quoi du coup ? demandais-je.
— On fonce dans le tas ? suggéra Glen.
— Mauvaise idée, le corrigea Dembe, ils sont trop nombreux et largement mieux équipés que nous.
— Ludmilla est encore en contact avec les Mercenaires ? se renseigna Glen
— Je vais voir avec elle, lui répliqua Cameron, c'est très probablement le cas.
M. Fargo sortit de la pièce, avec un très vieux téléphone à la main, pendant que nous continuions à réfléchir de la stratégie d'attaque.
— Il faudrait voir le matos qu'ils ont, s'exprima Dembe, on pourrait facilement se servir des Mercenaires pour faire diversion pendant que nous on court au niveau du chêne pour entrer dans la crypte.
— Ça n'empêche pas que les gardes font des rondes non ? m'inquiétais-je du plan de Dembe.
— Oui, mais si les Mercenaires arrivent à attirer tout de monde, notre voie sera totalement dégagée.
— C'est justement là le problème ! Qu'est ce qu'on fait s'ils n'arrivent pas à attirer tous les gardes, ou pire, s'ils se font capturer ? raisonnais-je Dembe.
— Tu as raison, confirma Glen, mais on n'a pas le choix. Il faut vraiment qu'on fasse le coup aujourd'hui.
— Pardon ?! m'exclamais-je, outré de ce que je venais d'entendre. Vous voulez vraiment qu'on crève ou quoi ?
— On n'a vraiment pas le choix, continuait-il, si on attend, même encore un jour, S.E.L.M.A. nous chopera et on pourra plus rien faire.
Ils sont inconscients. Penser être prêt en moins de quelques heures à submerger un ennemi qui a eu des dizaines d'années pour se préparer était absolument ridicule. Évidemment, je comprenais la peur qu'ils pouvaient ressentir vis-à-vis du danger que représentait la précieuse information que j'avais dénichée. Pourtant, ce n'était, selon moi, pas une occasion pour lancer une mission suicide.
— C'est bon, lança M. Fargo en réentrant brusquement dans le bureau, Ludmilla est en contact avec eux. C'est toujours les douze même, adressa-t-il à Glen.
— Vous allez me dire que nos vies vont reposer sur un plan établit à la va-vite et sur douze mercenaires ?
— Exactement, acquiesça M. Fargo d'un air résigné.
— Vous vous rendez compte que c'est une mission suicide ?
— Je ne me soucie pas trop de notre vie, mais celle de tous les gens qui subissent l'autorité de S.E.L.M.A. et, qui eux, ne peuvent rien faire à part endurer, encore et encore. Certes, ce qu'on va faire est probablement inconscient, mais si c'est notre seule opportunité, je la prendrai, quoi qu'il en coûte.
Encore une fois, son discours m'avait parfaitement convaincu. Penser « eux » plutôt que « je ». En fin de compte, M. Fargo avait beau être l'un des criminels les plus recherché du pays, il était différent du portait qu'on faisait de lui dans les médias : sanguinaire, effrayant, monstrueux... Il avait peut-être fait des choses abominables, mais, de mon point de vue, il était différent.
Pendant tout le reste de la journée, on a tenté d'établir un plan qui tienne à peu près debout, mais je n'ai vraiment pas confiance en celui-ci. La technique de diversion est si vieille et si défaillante que si quelques paramètres sont mal évalués, ils peuvent entièrement retourner la situation, et nous mettre dans une position plus qu'inconfortable. En milieu d'après-midi, on entre en contact avec le commandant des Mercenaires. Ce dernier nous rassure en nous expliquant que ce genre de missions c'est leur quotidien, et que, s'il était nécessaire de tuer pour pouvoir accomplir la mission, ils n'hésiteraient pas à appuyer sur la gâchette. Ses propos me glacèrent le sang.
En fin début de soirée, nous étions fin prêt à partir. La plan, que je trouvais plus que brouillon et pas très original, avait été compris et assimilé par tous dans les grandes lignes. En même temps, il était loin d'être compliqué. C'est à peine si on jouait au chat et à la souris...
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