Chapitre 44 : la trappe

Les ... armes ? Ciela voyait à quoi faisait référence Zelphis, bien sûr ... Et les fameuses armes étaient en effet bel et bien mystérieuses. La curiosité lui brûlait les entrailles !

- Au fait, où sont-elles ? finit par demander Katherina, les sourcils froncées.

- En sécurité, se contenta de répondre Almarica, sèchement.

L'hostilité entre les deux demoiselles était plus que palpable. Katherina la foudroya du regard, et Almarica lui rendit la pareille. Il y avait l'air d'avoir un sacré passif, entre ces deux-là ... Et honnêtement, ce n'était pas difficile de comprendre pourquoi.

Malgré elle, Ciela jeta un coup d'œil à Fenror. Elle n'était pas habituée à voir son petit ami ... ne pas être lui. C'était déjà arrivé, bien sûr, mais ça restait ... perturbant. Heureusement qu'elle avait de bons rapports avec Fenror.

Il perçut son regard, et lui répondit par un petit sourire chaleureux.

- Ash va bien, lui murmura-t-il, sur un don très doux.

Il était vraiment cool, Fenror. Toujours à la rassurer, à lui glisser un mot gentil. Elle ne savait pas vraiment si c'était par égard pour Ash, si c'était parce qu'elle ''abritait'' Svelja, ou tout simplement parce qu'il l'appréciait.

- Je m'en doute ... C'est simplement ... Cette situation est bouleversante. En fait, depuis que je suis arrivée à la Saint Elena Academy, tout e ma vie est devenue ...

Ne trouvant pas de mot assez fort pour exprimer tout ça, elle se contenta de secouer les mains devant elle. Fenror haussa un sourcil, avec un sourire en coin.

- Ah, le mot est faible.

Elle eut un mouvement de recul, un instant ... troublée. Elle n'avait pas pour habitude de voir cette expression sur le visage de Ash ... Ça ... lui allait bien. Elle détourna le regard, un instant, et désigna Almarica et Katherina d'un geste du menton.

- Elles ne s'entendent pas des masses ...

- Oh non, loin de là.

Rapidement, il lui exposa les tenants et les aboutissants de leur relation plus que chaotique. Ciela ne put se retenir de grimacer. Fortement.

- Je me doutais que ... ça avait un rapport avec Philios, mais à ce point ...

- Katherina a toujours été protectrice de son frère. Une maman poule. Voir une de ses ennemies jurées se rapprocher de lui a manqué de la faire s'étrangler.

Il haussa les épaules.

- Si je n'avais pas connu Philios avant qu'Almarica nous rejoigne, à l'époque ... Je pense que j'aurais moi même eu des réticences, quant à leur relation.

- Vous n'en avez jamais eu ?

- Non. Pas même une once de surprise, en réalité. Je crois qu'au fond ... Je m'y attendais, continua-t-il, en posant son regard sur la jeune fille, qui soutenait encore le regard de Katherina.

Le long soupir de Zelphis, un peu las, finit par rompre le silence.

- Les filles, s'il vous plaît. Ce n'est franchement pas le moment.

Almarica claqua de la langue, et détourna le regard. Il avait raison ... Ils n'avaient pas vraiment besoin de querelles ancestrales, actuellement.

- Suivez-moi. Je crois qu'il y a quelque chose que vous avez tous besoin de voir. Et après ce qu'il s'est passé à l'extérieur ... Je crois qu'il vaut mieux aller au plus vite.

Zelphis se sépara de Katherina en grimaçant, jurant sous son souffle ... Et les invita à marcher en son sens. Ils lui emboîtèrent le pas, avec, pour sa part en tout cas, une certaine curiosité. Zelphis s'arrêta non loin de sa petite bibliothèque ... et jeta un regard en coin à Romy et Amélia. Qui sursautèrent, l'air contrit.

- La trappe ... grimaça Amélia.

- La trappe ?

La jeune française soupira, et leur raconta, comment tout à l'heure, après qu'Almarica se soit enfuie, ils avaient trouvé une clé, et chercher ce qu'elle pouvait donc ouvrir ... Avant de trouver une trappe, dans la bibliothèque. Outrée, Sheena les fustigea à voix basse, tandis que Crìs ne pouvait s'empêcher de rire.

- Donc il y a une trappe sous la bibliothèque ... qui mène à un sous-sol ? s'amusa Almarica, en croisant les bras.

Après tout, c'était également grâce à une sorte de trappe qu'ils avaient trouvé le Sous-Sol, à l'Académie ...

- Ce n'est pas l'Inexistante qui a eut l'idée de créer une trappe menant à un sous-sol, répondit Zelphis, avec un sourire en coin. Mais si vous voulez bien vous donner la peine ...

Ils finirent pas entrer un à un dans la petite bibliothèque, Katherina fermant la porte derrière elle. La grande trappe, aux trois quarts ouverte, l'intimidait un peu.

- Si j'entre là dedans, je vais devenir claustro ! s'écria Crìs en secouant la tête.

- Allez, fais pas ton peureux, grogna Romy, en enfonçant son coude dans ses côtes, démarrant le début d'une chamaillerie purement fraternelle.

Ciela s'approcha un peu de la trappe, troublée. Cet endroit ... Cette sensation ... Il y avait quelque chose qui se dégageait de là. Fenror s'accroupit à côté d'elle, son regard doré scannant la trappe et les escaliers ... Le taille du trou était conséquent, mais pas assez pour que deux personnes puissent passer en même temps. Et les escaliers, taillés grossièrement dans du bois, semblaient irréguliers. Il allait falloir faire attention, en les descendant ... Son cœur battait à tout rompre. Qu'y avait-il, au-delà de cet escalier ?

Elle se tourna vers Fenror, prête à lui demander son avis ... quand ce dernier, en s'appuyant sur les mains de Ash, se laissa tomber dans le trou. Bouche bée, elle le regarda s'enfoncer dans les ténèbres, dévalant les escaliers à toute vitesse.

- Eh ! Attends !

Elle se jeta à sa poursuite, mais glissa sur les marches irrégulières, tombant en avant ... et sauta, par réflexe. Elle ne connaissait pas la hauteur des marches, ne savait même pas où elle allait atterrir, mais quand l'instinct prenait le dessus ... Elle ferma les yeux, se prépara pour l'impact, et le choc lui coupa le souffle plus rapidement qu'elle ne le crut. Elle bascula en avant, et se retrouva sur le ventre, hors d'haleine.

Ok, sauter n'avait pas été la meilleure des idées. Le sol était dur et froid contre sa joue, mais l'odeur ... De la terre ? Elle palpa le sol de ses doigts, surprise. Elle se serait attendu à ... du bois ? De la pierre ? Mais ... de la terre ?

C'était étrangement, comme contact ...

- Pourquoi tu m'as suivi ? gronda un instant une voix familière, alors que Fenror l'aidait à se relever.

Elle frissonna un instant, légèrement perturbée. Il avait la voix d'Ash, mais la manière dont il s'exprimait n'était clairement pas la sienne. Des inflexions plus lentes, un vocabulaire un peu différent, peut-être parlait-il également avec plus de force ... Elle l'avait constaté, auparavant, mais jamais de manière aussi ... poussée.

- Peut-être parce que tu t'es jeté dans une trappe sans y penser deux fois, grommela-t-elle, en se détachant de lui.

Il haussa un sourcil, peu impressionné.

- C'est pour cette raison que tu t'es jetée à ma suite sans y penser deux fois ?

Elle ouvrit la bouche, prête à lui répondre ... quelque chose, quand d'autres bruits se firent entendre derrière eux.

- Fenror, je t'ai connu plus réfléchi ... s'amusa Zelphis, en les rejoignant, amusé.

Le guerrier se contenta de pencher la tête sur le côté, avec un léger sourire.

- Il faut croire que le petit déteint sur moi ?

Le ... ''petit'' ? Parlait-il d'Ash ?

- Certainement ... Eh bien. Vu que tu sembles avoir ouvert la route ... je t'invite à continuer le chemin.

Derrière Zelphis, elle distinguait déjà Amélia se glisser par la trappe, à son tour, pestant de tout son saoul.

- Vers où ? ne put s'empêcher de demander Ciela.

Plongé ainsi dans la pénombre, la silhouette de Zelphis avait quelque chose de fantomatique ...

- Vers la raison pour laquelle Windy Hill est ce qu'elle est, jeune fille. Cet endroit n'est pas seulement notre maison, pas seulement notre abri. Elle est aussi une gardienne.

- Gardienne ... de quoi ?

- Ah ... À toi de le découvrir.

* * * *

Judith n'en croyait toujours pas ses oreilles. Elle se frotta les tempes, une nouvelle fois, maîtrisant à grande peine sa colère.

- Que ... comptez-vous faire, mademoiselle ? demanda Karen, d'une toute petite voix, anxieuse.

Oh, mais il n'y avait rien à faire, face à une pareille débilité ! Comment tout expliquer à Rezher ?! Les Altafuente, fort de leur nouvelle alliance avec Rezher, avait décidé de lui couper l'herbe sous le pied. Avaient décidé de ... s'occuper de ses cibles sans même attendre son arrivée. Elle ne savait même pas comment ils avaient réussi à arriver là bas avant elle.

Et surtout ... Elle ne savait pas ce qu'il était advenu d'eux. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'un des Elements de feu présents, avait réussi à fuir avant que tout ne dégénère, appelant Karen dès qu'il avait réussi à se mettre en sécurité, expliquant tout ce qui venait d'advenir. L'étrange homme, l'étrange femme, la tornade ... Un Element d'air aussi puissant ... Cela faisait des siècles que ce n'était plus advenu. Elle ne savait plus où donner de la tête. À sa colère, contre ces imbéciles qui pensaient que leur arrogance serait la plus forte ? À sa fascination, quant à ce qui venait d'arriver ? Ou bien ... à la peur ?

Qui donc, pouvait bien posséder une telle force ? Qui donc pouvait bien protéger les enfants qu'elle recherchait si assidûment ... ?

- Mademoiselle ... souffla de nouveau Karen.

- Que penses-tu ?

Elle cligna des yeux, un instant, déroutée, et se redressa doucement, les yeux grands ouverts.

- Je ... je vous demande pardon ?

- Que penses-tu de toute cette situation, Karen ? À ma place, que ferais-tu ? soupira Judith, soudainement lasse.

Oui, peut-être que la lassitude était la meilleure des réponses, à cette situation qui n'avait plus aucun sens.

En vérité, cela faisait bien longtemps que sa vie avait perdu tout sens. Pour honorer sa grand-mère, pour honorer celle qui avait été son mentor, elle avait tout sacrifié. Y compris son sens des valeurs, y compris sa moralité ... Elle était lasse. Lasse de tout cela ... Et son rêve, son rêve si étrange, avec l'Inexistante ...

Que voulait-elle ? Que désirait-elle, au plus profond d'elle même ?

Rendre honneur à sa grand-mère. Mais, en faisant ce qu'elle ... faisait ... était-elle réellement en train de lui rendre honneur ?

Tout était confus, si confus ...

- Je ... Je pense que ... Les Altafuente ont été très peu professionnels. À ne pas vous attendre, mademoiselle, finit par murmurer Karen, d'une petite voix de souris.

Elle lui retourna un regard las, et la petite Karen sursauta, l'air ... inquiète.

- Mademoiselle ... Allez-vous bien ?

- Non. Pas vraiment.

Absolument pas. Tout était un fiasco. Rezher allait ... probablement s'énerver de mesure. Et ... En fait, ce n'était pas plus mal. Ils s'étaient précipités, certes, mais ... Cette menace à laquelle ils avaient fait face ... Si Judith elle même y avait été confrontée, peut-être aurait-elle disparu, à son tour.

Peut-être était-ce un signe, après tout.

Peut-être ... Beaucoup de peut-être. Mais ... Ce rêve. Ce qui venait d'advenir. Et ses doutes ...

- Et au sujet de cette menace, Karen ?

- Vous parlez ... de cet Element d'Air si ... impressionnant ?

- Oui. Qu'en penses-tu ?

- Je ... Je crois que ... Cette personne est ... effrayante. Enfin, je veux dire ... Un être capable de créer une telle tempête ... Je ne croyais pas cela possible.

Les Elements possédaient le pouvoir de contrôler l'élément avec lequel il avait le plus d'affinité. Air, Eau, Feu, Terre ... Et autre dérivé, bien sûr. Jusqu'à à un certain point, bien entendu. À trop user de leur élément, c'était prendre le risque de s'épuiser, ou de se tuer. Provoquer une telle tempête en si peu de temps ... C'était inimaginable. Cela devait demander une puissance phénoménale, une expérience sans pareille ... Elle était elle-même Element d'air. Elle savait de quoi elle parlait. Alors comment ... ?

C'est alors qu'une grande pression lui tomba sur les épaules. Qu'est-ce que c'était que ça .. ? Elle frissonna longuement, et regarda par la fenêtre. Le ciel, d'un bleu limpide, quelques secondes auparavant, venait de se couvrir de grands nuages sombres. Un grondement sournois résonnait au loin ... Et un éclair s'abattit avec une puissance inouïe au loin.

À côté d'elle Karen poussa une exclamation de surprise, venant se coller à la fenêtre avec une surprise non dissimulée. Son regard gris pétillait d'un éclat inhabituel. Une de ses mèches auburn glissa de sa queue de cheval, alors qu'elle commençait à s'agiter, bouche bée.

- Cette tempête ... n'est pas naturelle, souffla-t-elle, en frissonnant à son tour. Mademoiselle Judith ... sentez-vous cela ? Cette ...

- Pression inhabituelle ?

- Oui ! Je ... Ah, si vous ne le saviez pas ...

- Element d'air ?

La jeune Karen se mit à rosir, avant de s'éclaircir la voix.

- En effet ... Je ... Je n'ai jamais senti quelque chose de semblable.

L'obscurité était devenue considérablement plus faible. C'était comme si le jour était devenu la nuit en un clin d'œil.

- C'est extraordinaire ... Oh ! Mademoiselle ... Pensez-vous ... ?

Le train était en approche de Windy Hill. Ils en avaient pour encore quelques heures de route, mais ... Si la tempête provoquée par ce puissant inconnu avait pu se répandre aussi rapidement ... Quelle puissance phénoménale. Peut-être même que Rezher n'aurait rien pu faire, contre cet être.

- Oui. Cette tempête est indéniablement celle déclenchée par celui contre qui les Altafuente se sont frottés.

- Que devons-nous faire, mademoiselle ?

Que faire ? Oui ... Que faire ? Judith avait l'impression d'être ... à un croisement. Continuer, ou rebrousser le chemin, ou bien ... Que faire ?

Elle ferma les yeux, un court instant, et se représenta sa grand-mère. Lily Verdana ... Que voudrait-elle faire ?

Tout ce que Judith avait toujours fait depuis son enfance, avait pour but de lui rendre hommage. Et finalement ...

Au fond d'elle, elle savait quel était le bon choix. Tout ce qui lui fallait ... la seule chose qui lui fallait ... C'est avoir le courage d'aller là où elle voulait être.

- Mademoiselle ... ?

Elle prit une grande inspiration, et ouvrit de nouveau les yeux.

- Nous nous rendons à Windy-Hill.

* * * * *

L'infirmerie s'était vidée, remarqua Erick, alors qu'il releva enfin sa tête. Sa vision était brouillée, et il avait le nez pris, mais il était seul avec Helen. Sa tante. Sa chère tante qui lui avait tant manqué. Deux ans ... Deux longues années. Il se retourna vers elle, alors qu'elle posa une de ses mains contre sa joue, le regard brillant de larmes. Elle n'avait pas changé. Pas même un cheveu blanc ! Sauf si elle se faisait des couleurs ... Mais ce n'était pas vraiment le moment de parler de ça.

- Tu as grandi ... souffla-t-elle, en retirant doucement l'une de ses mèches rebelle de son champ de vision.

- Et tu t'es pris une balle dans l'abdomen, grommela-t-il, en baissant le regard sur sa blessure.

Elle éclata d'un rire silencieux avant de le réprimer d'une vilaine grimace. Non, ça n'était pas vraiment le moment de rire.

- Ce n'est rien. Je serais bientôt sur pieds. Simplement ... affaiblie.

- Tu as pris une balle dans le corps !

- Toujours à dramatiser ... soupira-t-elle. Tu n'as pas changé.

Il fit les gros yeux, et elle lui répondit par un sourire amusé. Un sourire qu'elle perdit bien vite, remplacé par ... Une émotion forte.

- Erick ... Je ... J'ai pensé que tu étais ...

- Failli. J'ai ... failli mourir, mais non, je suis toujours là.

Elle eut un mouvement de recul, et Erick se contenta de faire une moue désolée. Ça ne servait à rien de lui cacher quoi que ce soit. C'était la stricte vérité, qui plus est. Il avait failli mourir un nombre incalculable de fois. Que ce soit de sa propre main ... ou de celle des autres.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé, Erick ? Où étais-tu ?

- Je ...

- Où étais-tu passé ?

- Chez les Saint Souls.

Sa déclaration fut accueillie par un silence abyssal. Il baissa le regard, soudainement honteux. Elle devait être ... furieuse. Il le serait, à sa place. Le silence s'allongea, et il ne put retenir une mimique dérangée, un peu nerveux. Il se redressa et commença à s'étirer, le cœur tambour battant.

- Tu ... étais chez les Saint Souls ?

- Oui. Je ... Je voulais les abattre. J'ai réussi à trouver où ils se cachaient, et ... J'ai trouvé le moyen d'aller là-bas. Je n'avais d'autres idées en tête que de les détruire. Peut-être tuer Rezher de la même manière dont il a abattu mes amis.

Il se baissa en avant, s'étirant le dos avec un peu trop de brusquerie peut-être, et grimaça légèrement.

- Heureusement, j'ai été arrêté à temps par quelqu'un. Une ... personne de confiance. Une personne contrainte de travailler avec Rezher mais qui ne partageait en rien ses idéaux. Elle m'a aidé à survivre jusqu'ici. Et en retour ... Je l'ai moi-même aidée sur beaucoup de choses.

Lorsqu'il se retourna vers Helen, elle était devenue encore plus pâle qu'elle ne l'était à son entrée dans la pièce. Elle avait posé une main sur sa poitrine, les lèvres pincées. Mais son regard témoignait du tumulte interne qu'elle ressentait. Pour un peu, il aurait rentré la tête dans les épaules, comme un gosse en faute.

- Je n'arrive pas à croire que ... Non. Je rectifie. J'arrive parfaitement à croire que tu aies réussi à faire tout ça.

Elle enfouit son visage entre ses mains, et poussa un très long soupir.

- Il n'y avait que toi pour faire ça, décidément ...

Il resta planté là, ne sachant pas trop quoi lui répondre, quand elle releva la tête.

- Que t'est-il arrivé ?

- Quoi ?

- Là bas ? Que t'est-il arrivé ?

Il resta silencieux, durant ce qui lui parut être un moment un peu trop long.

- Ne cherche pas à me mentir, finit par murmurer Helen, sous son souffle, mais avec suffisamment de force pour qu'il l'entende.

Son regard était perçant. Impérieux, presque. Et Erick savait qu'il valait mieux ne rien lui cacher.

- J'ai été protégé, murmura-t-il. Du mieux que je pouvais l'être, Helen.

- Par qui ?

Il serra ses lèvres, et détourna le regard, en faisant craquer une de ses épaules. C'était ... un sujet qui ne pourrait être abordé maintenant. Et à entendre la grande inspiration que prit sa tante, elle le comprit également.

- Tu étais là bas ?

- Oui. J'ai ... j'ai été proche de Rezher.

Très proche, même. Il était son chouchou, pour ainsi dire. Il aurait peut-être aimé faire de lui un autre Rezher. Mais Erick restait Erick. En y repensant, aux nombreux moments passés en sa compagnie, un courant d'électricité statique le traversa, et l'atmosphère de la pièce s'alourdit.

- Je ... Pardon.

Ce n'était pas une merveilleuse idée, que de se mettre à péter un câble dans la chambre d'une malade ... D'autant plus si la malade était sa propre tante. Crétin.

- Très proche de Rezher ? demanda sa tante, d'une voix un peu trop blanche. Comment ça ?

Il soupira très longuement, et se retourna vers sa tante, abattu. Et elle comprit. Elle comprit en voyant son regard.

Elle plaqua une main sur ses lèvres, et son regard se fit soudain bien plus brillant. Elle avait perdu toute trace de couleur.

- Erick ... murmura-t-elle, alors qu'elle se laissa aller contre ses coussins, un peu plus.

Il revint vers elle, alors que sa tante paraissait se battre contre ses propres larmes.

- Il a très vite compris, souffla-t-il, en s'installant sur le lit de sa tante, infiniment désolé.

Oh ça oui, cet enfoiré avait très vite compris qui il était ... En même temps, il avait toujours partagé une ressemblance frappante avec sa mère. Ash, c'était plus de son père qu'il tenait. Mais lui ...

Lorsqu'il avait appris la vérité, il était resté silencieux pendant près d'une heure. La vérité qu'on lui avait caché toute sa vie. Mais qui expliquait tant de choses ... Qui expliquait ce qu'il s'était passé, le 07 Octobre. Qui expliquait ses rapports si proches, avec Walter Ombrien. Qui expliquait pourquoi lui et son frère avaient grandi dans un petit village écossais ...

Tout. Tout avait trouvé une explication, en ce jour-là. Ce jour où il était arrivé chez les Saint Souls. Et où il avait tout appris. Et Erick avait tout supporté. Avait tout ravalé. Jusqu'au jour où il avait enfin fui les Saint Souls pour venir ici.

- Je ne voulais rien vous cacher.

- Je sais ... Helen, je ne t'en veux pas. Mais ... il est sûr qu'il faudra le dire à Ash, à un moment ou à un autre.

Et ça ... Ça n'allait pas être drôle. Ash allait tout se prendre en pleine figure. Absolument tout. Et déjà qu'Erick l'avait mal vécu ... Son frère était bien plus sensible que lui. Ça ... Il avait peur que ça le détruise.

- Je suis sincèrement désolée que tu aies dû passer par tout ça, Erick ... J'aurais voulu vous protéger ... Bien plus efficacement que cela.

- Tu as fait de ton mieux Helen. Je te le promets. Merci infiniment pour tout ce que tu as fait. Mais quelque chose comme ça ... Ne pouvait rester indéfiniment caché.

Elle soupira, longuement, et se passa le pouce sur le front. Pauvre Helen ... Tout lui tombait dessus. Et encore ... Il restait ... Quelque chose à dire. Mais elle n'était pas encore prête pour ça. Oh non. Pas avant qu'elle ne soit rétablie, au moins.

Tant, tant de choses à dire ... Mais tout avait un temps, pas vrai ... ?

- En tout cas ... Ce soir-là, j'ai été heureux de te revoir.

- Quel soir ? demanda-t-elle, en rouvrant les yeux, interrogative.

Malgré lui, un grand sourire s'étendit sur ses lèvres. Ouh, il allait s'en prendre une ...

- Le soir où un petit groupuscule de Saint Souls a pénétré les territoires de l'île pour tenter de s'en prendre à Ciela ... Tu avais menacé de nous griller comme des saucisses, s'amusa-t-il.

Elle cligna des yeux, un instant ... Et lui assena une claque sur l'épaule. Puis une autre. Et encore une autre.

- Helen ! Tu vas me faire mal !

- C'était TOI ! C'était toi, espèce de ... Oh, espèce de ...

- F, répondit-il, en ne pouvant retenir un petit rire.

Elle se figea, un instant, et ouvrit de grands yeux.

- F ... C'était toi ?

Il hocha la tête. Elle fronça les sourcils. Et elle lui remit un coup bien plus puissant. Il manqua de tomber en avant.

- Aïe, Helen, enfin !

- Ce soir-là, tu as terrorisé ton frère. Ce soir-là, tu as terrorisé Ciela, tu as ...

- Je m'excuserai ! Crois-moi, ça me court suffisamment sur le haricot ! Et ... Et je souhaite désespéramment me racheter. J'ai déjà commencé, tu sais !

- Comment ça ?

Elle était courroucée, clairement. Si elle avait été en pleine forme, nul doute qu'il se serait fait soufflé dans les bronches jusqu'au lever du soleil. Mais heureusement pour lui, Helen n'était pas au mieux de sa forme. Et il avait ... une dernière carte, dans sa manche.

- Dis-moi ... Si je te parle de ... Unknown. Vas-tu savoir ...

Il se figea lorsqu'il remarqua que sa tante venait de soudainement cesser de respirer. Elle se contentait de le fixer, encore une fois, incrédule.

Et soudainement, en l'espace d'un battement de cœur ... Elle explosa de rire. D'un rire si inhabituel qu'il ne put qu'entrouvrir les lèvres, stupéfait. Un rire presque nerveux, hystérique.

- Ne me dis pas que tu es également Unknown ? réussit-elle à dire, entre deux secousses.

- Eh bien ...

Son rire redoubla de puissance. Pour un peu, Erick se serait retrouvé vexé. Mais son rire eut tôt fait de se retrouver transformé en une extraordinaire quinte de toux, alors qu'elle se tenait l'abdomen en grimaçant.

- Tout ce que tu vas y gagner, c'est de ré-ouvrir ta plaie ! grommela Erick, en posant ses mains contre les épaules de sa tante, pour la forcer à se rallonger.

Elle prit quelques respirations sifflantes, et finit par ancrer son regard de rubis dans le sien. Et elle lui fit un sourire rayonnant.

- Bien sûr que c'était toi. Bien sûr ...

Un sourire rayonnant de fierté. Elle lui prit la main, et la serra. De toutes ses forces. Durant un instant, Erick crut sentir un étau se refermer autour de sa gorge. Et sa vision se brouilla, une nouvelle fois.

- Tu m'as fait passer par un sacré ascenseur émotionnel, mon neveu. Tu sais ... Ciela a une grande confiance en Unknown. Elle m'a raconté tout ce que tu avais fait pour elle. Absolument tout. Tu as sauvé la vie de ta belle-sœur, à plusieurs reprises, le savais-tu ?

Malgré lui, il fut secoué d'un petit rire nerveux.

- Ah oui, j'ai fini par le comprendre. Et même au moment de ''notre première rencontre'', j'avais bien vu comment ce petit monstre avait pété un gros câble.

Il ricanait encore, en se rappelant de sa petite tête courroucée, alors qu'Erick avait tenté de kidnapper Ciela, sous la fausse identité de F. Il les avait insultés de tout son souffle, manquant de les griller sur place. Il s'était fallu d'un cheveux pour qu'il ne se jette sur Judith et l'Element d'eau qui les accompagnait. Il s'en était fallut d'un cheveux pour qu'il ne tente pas de les déchiqueter, parce qu'ils osaient menacer ce qu'il avait de plus cher. Son tendre petit frère ... En l'espace de deux ans, il avait bien grandi ...

Il allait lui faire la tête au carré, quand ils rentreraient ...

- Quand il va apprendre qui j'étais ... Je crains pour ma sublime crinière, soupira-t-il en se passant une main dans les cheveux, théâtralement.

Il allait le rendre chauve ! Le scalper ! Ou tout simplement lui brûler un à un les cheveux de sa caboche ... Et il ne voulait même pas songer à Ciela. Brrr ...

- Oh, tu devrais craindre pour beaucoup de choses ... les jumeaux aussi, auront beaucoup à dire. Et Amélia ... !

- Et toi ? Tu n'as rien à me dire ? Tu ne vas pas me donner la leçon du siècle ?

Elle rit, silencieusement. Et se contenta de presser sa main, tout doucement.

- Mon petit ... Tu es revenu. Pour le moment, pour l'instant ... C'est tout ce qui compte.

Elle porta sa main à ses lèvres, sur lesquelles elle déposa un léger baiser, le regard brillant.

- Mon neveu est rentré ... chuchota-t-elle, presque pour elle-même.

Elle déglutit, son sourire un peu tremblant, mais réussit à reprendre contenance, au dernier moment.

- Même si je pense qu'une fois que j'aurai digéré tout ça ...

Le regard qu'elle lui lança voulait tout dire. Il se contenta de grimacer en retour.

- Mais chaque chose en son temps.

- Oui, oui ...

Elle semblait s'apprêter à rajouter quelque chose, quand la porte de l'infirmerie s'ouvrit ... sur l'Inexistante.

- Bonjour, Helen. Comment vous sentez-vous ?

Elle inclina la tête, en guise de salut, et esquissa un sourire poli.

- Bien mieux, depuis que j'ai retrouvé ... mon neveu.

L'Inexistante hocha la tête, à deux reprises, l'air de bonne humeur, et tourna son regard vers lui.

- Excuse-moi, Erick ... Mais je dois parler en privé avec ta tante. Puis-je ... ? Ou souhaites-tu passer encore un peu de temps avec elle ?

- Oh, non ! Ce ... Je crois que j'ai dit ce que j'avais à dire.

Il se tourna encore vers sa tante, et lui décocha un sourire amusé.

- Je reviendrais quand tu te sentiras suffisamment en forme pour ça. Ok ?

- Parfait.

- D'ici là ... Tâche de ne pas te mettre au colère au point de vouloir me scalper.

Elle rit, de nouveau. Un son merveilleux, qui lui avait manqué plus qu'il n'aurait voulu l'admettre.

- Promis. Je laisserai cet honneur à Ash.

Il hocha la tête, avant de doucement se libérer de la poigne de sa tante. Puis, il salua l'Inexistante, et se releva doucement, faisant fi de ses jambes flageolantes.

Erick sortit de l'infirmerie sans un mot, et soupira longuement. Il avait envie de pleurer toutes les larmes de son corps. Il avait enfin retrouvé sa tante, et il avait envie de se rouler par terre, et pleurer, encore, et encore, et encore ... Qu'est-ce que ce serait, lorsqu'il retrouverait son frère ?

- Erick ?

Il se retourna, prit par surprise, et se retrouva ... face à Nancy. Qui attendait dans le couloir, précisément là où il se trouvait, lorsqu'elle était arrivée avec Violet et Kiwi, peut-être bien trois quarts d'heure plus tôt.

- Hey, la salua-t-il, avec un petit sourire chaleureux.

Elle le lui renvoya, et s'approcha de lui, les mains dans le dos. Elle semblait ... un peu nerveuse ?

- C'est ... allé ?

Il cligna des yeux, et réalisa ce qu'elle venait de lui demander. Malgré lui, son sourire s'étendit bien plus qu'il ne l'aurait voulu.

- Tu m'attendais ?

- Bien sûr !

- Et pourquoi ?

- Eh bien peut-être parce que tu te cachais derrière Walter comme un enfant apeuré tout à l'heure. Il aurait été triste de te laisser tout seul à la merci de ta TERRIBLE tante ... souffla Nancy, d'un air détaché.

Il ricana doucement. Oh, qu'elle était mesquine ...

- Merci de ton attention, chère Nancy, mais tout s'est bien passé.

- Tu vois ? Je te l'avais dit !

Elle se fendit d'un sourire soulagé. Il secoua légèrement la tête, un instant troublé. Elle était mignonne, à sourire comme ça.

- Eh, Nancy ?

- Oui ?

Il se pencha, doucement ... et la prit dans ses bras. Elle se crispa sur le coup, avec un léger gémissement de surprise.

- J-je ...

- Merci, Nancy. Sincèrement, merci.

Et il était sincère. Absolument sincère. Peut-être que si elle n'avait pas osé parler devant sa tante, malgré l'inconfort que cela lui causait ... Il n'aurait pas eut le courage de se montrer à elle ainsi. Il n'avait pas été difficile de voir combien elle avait été gênée de parler à sa tante. Il se souvenait qu'à l'époque, quand elle était encore une ''bien vilaine sorcière'', il n'était pas rare qu'elle, sa bande et Alexandre se fasse convoquer chez la Directrice pour se faire remonter les bretelles. Sur le coup, ça n'avait l'air de lui faire ni chaud, ni froid, mais avec du recul ... Peut-être que cela lui avait laissé des cicatrices. Ou peut-être, tout simplement, devoir parler avec elle lui avait rappelé cette sombre époque.

Elle avait fait beaucoup de ... saloperies, auparavant. Des saloperies qu'il ne pardonnerait sans doute jamais. Toutes les fois où elle avait harcelé son frère, Sheena, ses amis ... Et même si finalement, c'était pour combattre un mal-être par des habitudes toxiques, le mal était fait.

Mais il était clair que Nancy avait envie de changer. Il était clair qu'elle voulait tirer un trait sur son passé ... sans pour autant l'enterrer. Elle en souffrait, certes, mais ne cherchait pas à se dédouaner. Elle assumait ses crimes. Et honnêtement ... Erick était assez admiratif, de cette initiative. Beaucoup auraient été prêts à juste tout mettre sous le tapis. Mais pas Nancy. Nancy, qui regrettait tant, trop.

Et Erick ne voulait pas la laisser seule. Ne voulait pas la laisser seule, à tant regretter.

Rien que parce qu'elle non plus ne voulait pas le laisser seul, face aux fantômes de son propre passé.

- Merci, Nancy.

Il la sentit soupirer, contre lui, et tout doucement, peut-être même en tremblant un peu ... Elle passa les bras derrière lui, et agrippa son sweat-shirt. Peut-être était-ce son imagination, mais durant un instant, il crut entendre son cœur battre à tout rompre ...

Erick ferma les yeux un court instant, et se contenta de tenir Nancy, entre ses bras, un peu plus longtemps qu'il ne l'aurait dû, peut-être, bercé par sa respiration emballée, et son parfum un peu sucré ...

* * * * *

Le couloir était d'un noir d'encre. Leur seul éclairage se trouvait être une lampe de poche dégainée par Zelphis, qui éclairait cet étrange couloir constitué de terre ... polie ? C'était si étrange ... Elle était bien curieuse. Et elle était loin d'être la seule.

Il était à peine assez espacé pour qu'ils puissent tout juste y passer deux par deux. Ce n'était pas très agréable, mais ils faisaient tous avec.

Zelphis et Katherina étaient passés devant eux, marchant d'un bon pas. Ciela se trouvait à tout juste quelques pas de distance d'eux, mais elle pouvait sans problème les entendre chuchoter l'un avec l'autre, sans toutefois qu'elle ne puisse les comprendre ... C'était un peu frustrant.

- On arrive bientôt ? grommela Crìs, derrière eux.

- Un peu de patience, les gars ...

- Je vois même pas mes mains ! s'écria Romy, à son tour.

- Ils sont vraiment infernaux ... ricana Fenror, à ses côtés.

«- Ce sont des enfants ... Ce n'est pas étonnant !»

- Svelja les traite d'enfants, lui répondit Ciela, le plus doucement du monde.

Fenror laissa échapper un petit bruit qui parut être les prémices d'un rire étouffé.

- Elle n'a pas tort.

Ciela s'apprêtait à lui répondre à nouveau, quand Zelphis et Katherina s'arrêtèrent.

- On y est, souffla la jeune femme.

Ciela leva le regard vers là où se trouvaient les deux adelphes. Devant eux se trouvait une grande porte en bois, renforcée de barres de fer. Incroyable ... Qu'est-ce que cette porte pouvait bien garder ?

Katherina sortit alors une clé de nulle part, et s'approcha de la porte, avant de s'accroupir devant. Elle glissa la lourde clé dans la serrure, et la tourna, doucement. Le loquet céda sans difficulté avec un déclic assez conséquent.

- Attendez, le temps que j'allume ... marmonna Zelphis, en dépassant sa sœur, entrant dans l'étrange salle.

La salle était d'une noirceur exceptionnelle. C'en était ... flippant. Zelphis s'y enfonça comme si de rien n'était, et elle l'entendit marcher à pas régulier.

Pour un peu, on se serait cru comme dans un film d'horreur ...

- Zelphis ? Tout va bien ?

- Il va bien, laissez-le faire ce qu'il a à faire ... soupira Katherina. Ça lui apprendra à tout laisser traîner ...

Mais de quoi parlait-elle ?

Soudain, une énorme cacophonie retentit. Des bruits de chutes d'objets divers et variés, de verre cassé ... Ouch.

- Oh par les dieux ... soupira Katherina.

- Je vais bien ! finit par s'écrier Zelphis.

À côté d'elle, Fenror paraissait sur le point d'exploser de rire. Ils n'étaient pas sortis de l'auberge ...

Et enfin, la lumière s'alluma.

- C'est bon ! Vous pouvez venir !

Katherina poussa un soupir théâtral, et entra dans la salle à son tour. Qu'était-ce ? Ciela s'avança, à son tour ... Et trouva là une nouvelle flopée de marches, menant ... à une grande salle circulaire. Une très grande salle circulaire.

Tout était ... Bordélique à souhait. Des feuilles de papiers traînaient partout, que Zelphis tentait de ramasser efficacement, en grommelant sous son souffle. Le sol à ses pieds était jonché de débris en tout genre ... Heureusement, il ne paraissait pas s'être blessé. Zelphis s'était cogné à une table, à côté de lui. Une table en bois, assez épaisse. Une table supportant du matériel ... de chimie. Non. Pas de chimie. D'alchimie.

Bordant le long des murs de cette étrange salle circulaire se trouvaient des étagères remplies à craquer de livres, parchemins, et autres feuilles en tout genre. La lumière éclairant les lieux émanait d'une grande coupole opaque, au plafond. Durant un instant, elle se serait crue ... Dans une sorte de petit Sous-Sol. C'était ... extraordinaire.

- Wow.

La voix de Crìs résonna autour d'eux, comme un écho. La confection de la salle faisait que leurs voix portaient. Le moindre chuchotement serait entendu par tous.

Curieuse, Ciela s'accroupit par terre, et toucha le sol. Il était de la même consistance que le couloir. De la terre ... ? C'était fascinant. Elle tenta de le gratter, avec l'ombre ... mais rien ne vint. Pas même une égratignure. Elle aurait put gratter du béton que ç'aurait été pareil. Mais le contact était si semblable à l'argile ...

- Ça me rappelle comment étaient fais les bâtiments de l'époque ... murmura Fenror, en s'accroupissant à côté d'elle.

- Comment ça ?

Il tapota le sol, avec un doux sourire.

- Une technique de ... d'Element de terre. Façonner la terre pour qu'elle prenne un aspect dur comme celui-ci. Cela pouvait se révéler être encore plus solide que de la pierre.

- Ils construisaient leurs maisons ainsi ?

- Certains oui. Sinon, la pierre était beaucoup usée également, bien sûr.

Sidérée, Ciela frappa le sol de son poing. Un bruit mat résonna, et elle secoua son poing, un peu endolorie. En même temps, quelle idée de frapper ainsi le sol ... ?

- C'est amusant, que de revoir une telle technique, après tout ce temps. Vous vous contentez de papier mâché et de béton armé ... Quoique, je ne suis même pas sûr que du béton puisse vraiment être armé ?

Incroyable. Cette technique était incroyable. Comment cela se faisait-il qu'elle ne l'avait vu nulle part d'autre ?

Almarica la dépassa à grande foulées, vers une des étagères, et en attrapa un manuscrit, à pleines mains. Les yeux écarquillés, elle l'ouvrit, commença à le feuilleter ... Et se mit à trembler.

- Dites-moi que je rêve. Dites ... dites-moi que je rêve.

Sa voix résonna dans toute la salle, faible et tremblante.

- Ce sont ... mes formules alchimiques ? murmura-t-elle, en continuant de tourner les pages, les unes après les autres.

- Oui, en effet.

- Vous les avez volées ?!

- Pas volées, intervint alors Zelphis. Conservées.

Elle referma l'épais volume, d'un claquement sec, interdite.

- Pourquoi ?

- Tu es une des meilleures alchimistes que notre monde n'ait jamais connu. Je ne voulais pas que ce savoir tombe dans les oubliettes.

- Ça ne risque pas. Vu que je suis encore ICI. Et elles sont déjà conservées au Sous-Sol.

Elle balaya l'étrange laboratoire improvisé du regard ... et se mit à blanchir.

- Qu'as-tu fait, ici ?

- De l'alchimie.

- Tu n'en faisais pas, à l'époque.

- Oh, si. Je ... J'en faisais.

Elle cligna des yeux, un instant, l'air déroutée.

- Un Roi ne pouvait décemment se résoudre à s'abaisser ... à de telles pratiques.

Zelphis hocha la tête, le regard soudainement vide, et se laissa tomber sur une chaise, avec un long soupir.

- Non, en effet. C'est pour cela que peu de personnes savaient ce que je faisais. Katherina était la seule. Et ...

Zelphis secoua mollement sa main, en direction de Fenror ... qui s'était relevé. Il croisa les bras, les yeux mi-clos.

- Qu'est-ce que mon frère à avoir là dedans ?

- J'aidais Zelphis, dans ses expériences, chuchota-t-il.

Le silence qui les enveloppa telle une chape de plomb pesa avec un peu trop d'efficacité sur leurs épaules. Katherina soupirait silencieusement, en achevant de remettre en ordre le bazar fait par son frère, restant à l'écart de la conversation.

Cris s'était installé sur la dernière marche, les yeux grand ouverts, son frère s'étant merveilleusement étalé sur ses genoux, tandis que Sheena furetait, à droite, à gauche, son regard illuminé par le contenu des étagères. Seule Amélia restait immobile, les yeux plissés. De suspicion ou de fatigue, Ciela n'aurait vraiment su le dire.

- Quelles expériences ?

Fenror eut un drôle de rictus, avant de soupirer.

- Zelphis ... Zelphis faisait des recherches. Des recherches sur le passé d'Eneria. Sur notre condition. En temps que Maîtres Élémentaires.

- Maître Élémentaire ? C'est ainsi que vous appeliez les Elements à votre époque ? intervint Ciela.

Il hocha la tête en guise de réponse, distraitement.

- Des recherches sur notre passé. Sur pourquoi nous sommes si différents des humains, alors que nous sommes ... Eh bien, si semblable à eux, marmonna Zelphis.

- Bénédiction divine ? suggéra Crìs, en plantant son coude dans le ventre de son frère, toujours vautré sur lui, qui manqua de lui retourner un coup de poing.

Zelphis haussa les épaules.

- Je ne suis pas croyant. Je ne suis même pas sûr que les Quatre Dieux aient vraiment existé.

Bouche bée, Almarica se contenta de fixer Zelphis, sans mots dire.

- Tu te fo ...

- Almarica. Tu ... as fréquenté l'Inexistante durant des siècles. Elle est ce qui se rapproche le plus d'une divinité. Si elle était au courant de quoi que ce soit à leur sujet, je pense qu'elle nous l'aurait dit depuis longtemps, intervint alors Katherina, son timbre claire résonnant contre la paroi tel du cristal.

C'était étrange, comme sensation.

- Elle ... ne s'est jamais exprimée sur ... ça.

- Jamais ?

Almarica se mit alors à fortement grimacer, et Katherina hocha la tête.

- Il est fort probable que ces quatre dieux que nous avons vénéré durant si longtemps ne soient en vérité que de simples ... Elements comme nous.

- Ou les Premiers.

L'intervention de Zelphis attira de nouveau l'attention de tout le monde.

- Comment ça, des ''Premiers'' ? demanda Sheena, les sourcils froncés.

L'ancien Roi lança un bref regard à Fenror, et s'étira, se perdant peut-être un instant dans ses propres pensées. Et alors que Ciela pensait qu'il ne répondrait pas ... Sa voix s'éleva de nouveau :

- Les Premiers Elements à n'avoir jamais existé.

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Bonjour, bonsoir, j'espère que tout le monde va bien !

Nous sommes dans une période troublée, et je sais que ça peut inquiéter, et déstabiliser. J'écris ce chapitre dans le courant du mois de mars 2020, et c'est un message qui sera peut-être rapidement daté, mais s'il vous plaît : restez chez vous. Faites attention à bien vous laver les mains, à ne pas fréquenter de personnes à risque. C'est quelque chose de peut-être redondant à entendre, mais croyez-moi, c'est infiniment important. Prenez soin de vous, et du reste du monde, en faisant attention. Ça ira, je vous le promets, ayez juste un peu de patience ! Et remerciez bien ceux et celles qui font en sorte que notre monde puisse continuer de tourner, que ce soit le personnel soignant, ou les employé.e.s dans les supermarchés, ceux et celles qui s'occupent de faire tourner les serveurs d'internet, les livreurs, les éboueurs, le personnel ménager ... On va y arriver !

Sur une note plus légère, j'espère que vous avez bien apprécié ce chapitre ... Pour une fois que j'arrive à poster à temps ... héhé. Je me demande quelles sont les intentions de Judith ... ? Et je suis heureuse d'avoir enfin put écrire la discussion entre Helen et Erick. Elle me trottait dans la tête depuis un moment ! Qui sait, peut-être cela donne-t-il un avant goût des retrouvailles entre les deux frères ? En tout cas, je me suis bien amusée à écrire ce petit câlin entre Nancy et Erick ...

Quant à ce que Zelphis peut bien cacher, croyez moi, on y approche ... à grands pas. 

Je vous remercie de votre patience, quoi qu'il en soit, et j'espère sincèrement que tout ira bien pour vous et vos proches.

A la prochaine, portez vous bien !

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