Chapitre 40 : vérité douloureuse
« Almarica n'en croyait pas ses oreilles. Était-ce ... Était-ce vraiment possible ?
- Ils vont le payer ... siffla Philios, en serrant compulsivement ses poings, son regard ordinairement si paisible, brûlant aujourd'hui d'une flamme dévastatrice.
- Il ... Il faut ... murmurait Zelmaria, en état de choc.
Almarica se laissa choir sur la chaise la plus proche, les jambes fauchées. Non. C'était ... NON.
Le village. Leur village ... Sous la menace de l'armée de sa patrie ? La guerre faisait rage, en effet ... Mais le front était bien loin d'ici. Impossible qu'une troupe de Domitien ait pu arriver jusqu'ici sans se faire repérer. Ce devait être un mensonge. Ce devait ... Non, c'était impensable.
- Le marchand était formel, il ... Il y a perdu sa caravane, et ses partenaires ... balbutia Kryos, d'une voix blanche. Un petit escadron, qui a su se faufiler ici dans le chaos de la bataille de la lune dernière.
La journée avait pourtant si bien commencé. Le soleil brillait, et elle avait passé une nuit fort agréable, peuplée de rêves bien doux. Et puis ... alors qu'elle discutait avec Philios, qui se remettait de ses blessures, Kryos était revenu du village, hors d'haleine ... amenant avec lui les pires nouvelles qui soient.
Qu'allait-il advenir, maintenant ?
Guemnir grimaça, et se frotta le front, vivement, ses pendants d'oreille scintillant doucement dans la lueur du soleil matinal.
- Et on sait de quoi on parle. Quand nous avons quitté le Royaume Domitien, nous avons usé de cet artifice pour traverser la frontière. C'est une tactique bien connue, quoique dangereuse.
Almarica savait de quoi il parlait. Certains réfugiés se servaient parfois du désordre d'une bataille pour passer d'un royaume à l'autre, malgré le danger que ça représentait. Certains s'étaient même instigués passeurs, ayant appris à se repérer à travers les multiples champs de batailles se multipliant depuis quelques temps à la frontière des deux royaumes en guerre depuis beaucoup trop longtemps ...
- Il nous faut intervenir ! s'écria Svelja. On ne peut pas laisser faire ça.
Un débat échauffé sans queue ni tête éclata alors dans la cabane, la faisant grimacer. Et elle ne pouvait s'empêcher de trembler ... Que devaient-ils faire ?
Soudain, Philios s'éclipsa comme une tornade à l'extérieur de la cabane, à l'indifférence générale ... Sauf à la sienne. Poussée par un instinct qu'elle ne comprit pas, elle sortit à sa suite, laissant son frère et leurs amis délibérer quant à l'horreur de la situation.
Elle le vit s'enfoncer dans la forêt à sa droite, au pas de course, et Almarica sentit son cœur bondir lorsqu'elle réalisa qu'il prenait la direction du village ... Sans plus y penser, elle se lança à sa poursuite. N'allait-il tout de même pas partir en chasse des soldats ?! Comme il l'avait fait pour elle et Zelmaria ? C'était hors de question ! Et dire qu'il était encore en convalescence ... Essoufflée, elle eut à peine le temps de l'appeler, alors qu'elle s'échinait à le rattraper, l'archer roux continuant de tracer sa route dans la forêt, l'air de savoir où aller ...
Et puis ... Elle le vit s'arrêter soudainement dans une clairière. Au centre de celle-ci trônait un grand arbre, mort depuis des lustres, éventré par un éclair dévastateur. La foudre avait été si violente que toute végétation avait été exterminée autour du pauvre arbre ... Une zone qu'elle préférait éviter, par superstition. Dans le royaume de Domitien, là où elle avait été élevée, il était commun d'éviter les lieux où la mort était trop présente. Les villages ravagés par la maladie ou les catastrophes naturelles étaient désertés, considérés comme maudits par les dieux. Par réflexe, sans plus y penser que cela, elle avait contourné cette clairière, sans y jeter un œil. Jusqu'à aujourd'hui.
Mais lorsqu'elle vit Philios s'approcher de cette arbre éventré, et y plonger son bras ... Elle n'hésita pas à s'y précipiter.
- Philios !
Il se retourna vers elle en tressaillant ... Et elle aperçut à son poing ... des flèches. Des flèches et un arc.
Son arme de prédilection. Mais ... Elle n'avait jamais ... Vu cet arc là, en question.
Philios usait ordinairement un arc en bois rudimentaire, des flèches qu'il fabriquait lui même ... Là, ce n'était pas ... Le cas. Cet arc était de trop bonne facture pour être celui qu'il usait normalement ... Pour la simple et bonne raison que cette arc était un arc de guerre, au vu de sa forme plus allongée.
Et elle devina d'où venait cette arme lorsqu'elle vit les armoiries sculptées dans la poigne.
Ce n'était pas un arc de guerre. C'était un arc royal. Le sien.
- ... Tu ... Philios.
Il se raidit vivement, mais lâcha l'arc, en levant les mains, une lueur d'inquiétude brillant dans son regard.
- J-je ... Ce n'est pas ce que tu crois !
Almarica tressaillit à son tour, alarmée par son affolement.
- ... Je ne crois rien ? Philios, tout va bien. Que se passe-t-il ?
Il déglutit vivement, et secoua la tête. Puis, il soupira longuement, et baissa son regard sur son arme, caressant le bois poli du pouce.
- Quand je suis arrivé ici, après avoir fui le palais, à la recherche de Svelja ... Je me suis débarrassé de mes anciennes armes. Pour éviter tout conflit avec Fenror, ou les ... villageois, justement. Pour mieux me cacher. Mais là ...
Il secoua la tête.
- Il faut que je sois au maximum de mes capacités, pour pouvoir ... Aider.
Comprenant où il voulait en venir, Almarica ne put retenir une exclamation indignée. C'était ... hors de question. Elle s'approcha rapidement de lui, à grandes foulées, les lèvres serrées.
- Philios, non. Tu es encore en voie de rétablissement. Je ne peux pas te laisser y aller. Tu risques de ...
Il serra les dents, et soudainement, il recula de deux pas, le visage sombre.
- Almarica , je ... Je déteste ce sentiment d'impuissance. Je suis un guerrier, je peux me battre pour le village. Me battre ... Correctement.
Il grimaça soudainement, et elle crut un instant qu'une de ses blessures le faisait encore souffrir, quand elle reconnut la lueur qui animait maintenant son regard émeraude.
- Almarica, je regrette tellement... C'est ma faute. Si j'avais eu le réflexe d'aller chercher cette arme, lors de votre ... enlèvement, à Zelmaria et toi ... J'aurai pu ... Là, je peux faire quelque chose, je peux ... Je peux faire les choses comme il faut !
Quelque chose se brisa en elle, lorsqu'elle réalisa qu'il culpabilisait encore. Il culpabilisait à l'idée de ne pas avoir pu les sauver. Non ... Non. Il ne devait pas tomber là dedans. Il ne le devait pas. La culpabilité était un poison insidieux, mortel. Capable de se faufiler même à travers les armures les plus solides qui soient, capable d'abattre même les plus féroces des guerriers. C'était un piège, dont beaucoup ne ressortaient pas vivant. Et Philios ne méritait pas de tomber dedans.
Alors elle s'avança, encore ... Et prit son visage entre ses mains, le forçant doucement à la regarder.
Il écarquilla les yeux, muet de surprise, et elle commença à parler.
- Ce n'est pas ta faute. Ce n'est pas ta faute, si Zelmaria et moi sommes tombées dans un piège qui nous était malheureusement destiné. Ce n'est pas ta faute si Leedna était en réalité secrètement à notre recherche.
Elle passa lentement le pouce sur une petite cicatrice qu'il avait sur la pommette, comme mue par un réflexe qu'elle ne saisissait pas vraiment, et il frissonna longuement, ne cessant de soutenir son regard.
- Tu nous as défendu du mieux que tu as pu. Et ... C'est à cause de nous, si tu as été blessé, en réalité. C'est de notre faute, si tu as été capturé à ton tour. Alors ... si faute il y a, elle est partagée.
Il ferma les yeux, lentement ... Et apposa son front au sien, doucement.
Et durant un instant, Almarica oublia comment respirer. Il était tellement proche ... Presque plus proche qu'ils ne l'avaient été, quand il s'était réveillé de son sommeil comateux, quelques jours plus tôt. C'était une sensation ... indescriptible. Son cœur était sur le point d'éclater, mais jamais elle n'avait eut l'impression de se sentir aussi bien. Comme si ... Comme s'il n'y avait nul autre lieu où elle devait être.
- ... Almarica, merci.
Elle ferma les yeux à son tour, et ils restèrent là, l'un contre l'autre, durant ce qui lui parut être une éternité ... Jusqu'à ce qu'il se sépare d'elle, à son grand désarroi.
La douce sensation de chaleur qu'il lui avait apporté s'évanouit en un instant, la laissant ... presque frigorifiée, sur le moment.
Almarica le regarda ramasser l'arc sans un mot, et l'inspecter d'un œil critique, alors qu'il cherchait le moindre défaut pouvant réduire l'efficacité de son arme. Puis il ramassa ses flèches, les glissant dans un carquois poussiéreux qu'il noua à la taille, alors qu'il enfilait une paire de gants étranges, censés l'aider à avoir une meilleure prise sur son arc et ses flèches, lui expliqua-t-il facilement ... Et lorsqu'il lui fit face de nouveau, quelque chose avait changé en lui. Dans son regard, dans sa posture ...
Elle n'avait plus en face d'elle Phil', son ami. Là se tenait Philios Caerris, second prince du Royaume portant son nom, archer d'exception et guerrier admirable.
Elle frissonna ... Et serra les poings, avec détermination.
- Je ne sais pas me battre, pas comme vous. Mais je veux aider.
Son ami darda sur elle un regard compréhensif, et il hocha la tête.
- Alors allons-y.
Mais au moment où elle s'apprêtait à faire demi-tour ... il plongea de nouveau la main dans le tronc d'arbre, pour en ressortir une longue épée ... et une dague. D'apparences communes, Almarica se rendit compte en s'approchant que les deux armes avaient été forgées avec soin ... À nouveau, des armes de guerriers. De guerrier important ... ou puissant.
- Qu'est-ce que ... balbutia-t-elle.
- ... Fenror avait ses armes. Svelja aussi. Quand j'ai appris, grâce à Zelmaria, que Svelja avait peut-être survécu ... j'ai apporté ces deux armes fétiches. J'ai ... Pensé qu'elle aurait pu en avoir besoin.
Il haussa une épaule, presque penaud.
- J'étais loin du compte.
Il glissa la dague à sa propre ceinture, et lui confia l'épée. Almarica s'en empara avec une forme de méfiance, un peu intimidée par la provenance de l'arme. Puis Philios prit une grande inspiration, et la regarda de nouveau.
- Porte-la pour moi, je suis chargé. Mais nous sommes fin prêts. Allons-y.
* * * * *
Nancy ne put s'empêcher d'effleurer la carte du bout des doigts, le cœur gros. Avant son départ avec les autres, Marika, ou plutôt devrait-elle dire Almarica maintenant, avait inspecté cette carte du monde sous tous ses aspects, annotant ça et là des lieux où Philios aurait pu aller se cacher. L'Amazonie, la Sibérie, le Kentucky, le Groenland ... et tant d'autres.
Une fois l'année scolaire terminée, Almarica aurait prévu, grâce à ses talents d'Element de ténèbres, de se faufiler dans le Domaine des Ombres, et de voyager, à sa recherche. Si l'Inexistante ne voulait rien dire ... Alors elle irait chercher par elle-même.
Et elle était désespérée à l'idée de retrouver son fiancé. Et Nancy comprenait ça. Mieux que personne. La personne qui lui manquait le plus au monde ... qu'elle avait perdu par deux fois, maintenant.
Huit mille ans qu'elle le cherchait, qu'elle l'attendait ... Et là, alors qu'elle est sur le point de le retrouver ... Il s'était enfui de nouveau. Et sa plus proche alliée, l'Inexistante, était responsable de cette soudaine disparition, refusant à tout prix de lui dire de quoi il en retournait ...
Elle secoua la tête et retira sa main de la carte, désespérée pour son amie. C'était horrible, comme sentiment. Savoir l'être que l'on aime le plus au monde hors d'atteinte ... Alors qu'il était là, quelque part ... C'était cruel. Et encore plus cruel de la part de l'Inexistante de rester muette quant à son emplacement. Et dire que maintenant, elle et les autres étaient coincés à l'extérieur ... On ne pouvait faire plus frustrant, comme situation.
Elle se détourna de la carte maintenant moins poussiéreuse, et croisa son regard dans le miroir, prise de court.
Ses cernes avaient pris en ampleur. Et ... elle avait perdu du poids, perdu de sa superbe. La Nancy du début d'année, solaire, fière, avait disparu pour laisser place à ... ça. Elle se serait dégoûtée.
Maintenant ... Elle n'en avait cure. Nancy avait malheureusement des soucis plus importants que des cheveux trop secs ou une peau trop grasse.
Lorsqu'elle était rentrée avec Erick, tout à l'heure, ce dernier s'était rapidement éclipsé pour se rendre au chevet d'Helen. Sa tante, encore convalescente, avait du mal à se remettre de sa blessure par balle. Malheureusement pour eux, il n'y avait aucun hôpital sur l'île, et coincé comme ils étaient dans la dimension de poche, ç'aurait été difficile de l'acheminer dans un endroit comme celui-là. Fort heureusement, Walter était un excellent infirmier, et Nancy pouvait donner de son sang.
Ce qui expliquait en partie sa fatigue ... elle était devenue la seule et unique Blood Element de l'île, la seule capable de fournir sa propre version de la panacée. La seule personne en ayant besoin actuellement était Helen, mais elle avait insisté pour que Walter en conserve plusieurs fioles d'avance, au cas où, malgré son dégoût. Il refusait catégoriquement de l'user comme ''une pompe à essence'', mais Nancy avait insisté. Elle ... Elle voulait se rendre utile. Et si elle pouvait l'être, au moins comme ça ... Alors c'était tout ce qui comptait. Pour elle, du moins.
Elle releva sa manche, jusqu'au creux de son coude, et y observa les marques de piqûres, avec un sourire sans joie. Sa mère aurait hurlé comme un cochon qu'on égorge, l'accusant d'être devenue une droguée.
S'il y a bien une chose pour laquelle elle était reconnaissante envers sa famille, c'est de l'avoir envoyée ici. Ici au moins, elle avait connu l'amour ... sous toutes ses formes. Sa famille biologique méritait tout juste le titre de géniteurs ...
Soudain, une voix familière, un peu étouffée, la tira de ses pensées.
- Nancy ? Je peux entrer ?
Son cœur fit un bon, et elle fit volte face vers sa porte, en déglutissant. Elle baissa rapidement sa manche, et se composa un petit sourire. Elle ne s'habituerait jamais à ça ... Jamais.
- Oui, bien sûr.
La porte s'ouvrit sur son amie, et elle entra timidement dans la chambre avec un petit sourire. Nancy frissonna. À chaque fois qu'elle posait les yeux sur elle ... Nancy ne pouvait s'empêcher de se rappeler combien il était injuste qu'elle soit ici, maintenant ...
- Ça n'a pas changé ...
- Et non. Enfin ... si, quand même, un peu.
Elle hocha la tête, en croisant ses bras fins.
- Et oui, maintenant, il y a toi.
Nancy perdit son sourire, et se laissa tomber sur son lit, les épaules affaissées.
- Je ... je suis désolée.
- Non ! Non, ne le sois pas. Je plaisantais ! Et puis, c'est normal. Je suis contente que tu aies pu ... te trouver un refuge.
Elle frissonna, longuement, et les larmes montèrent d'elles-même. Son amie sursauta, et elle agita les mains devant elle, un peu gênée.
- Oh, Nancy ... Ne pleure pas s'il te plaît. Je te promets que ça va, tu sais ...
- Je ... Je suis tellement désolée.
Elle se rapprocha d'elle, et s'assit sur le lit à sa gauche, le visage peiné.
- Tout va bien, Nancy. Ce n'est pas ta faute.
Doucement, elle prit sa main dans la sienne, la douce chaleur de sa paume se diffusant à travers ses doigts gelés. Elle avait un peu froid ...
- Pourquoi tu ne m'en veux pas ? murmura doucement Nancy, le regard légèrement embué de larmes. J'ai été horrible avec toi. Ignoble.
Elle haussa les épaules.
- On fait tous des choses stupides, à notre âge.
- Je vous ai ... blessés.
- Je sais. Mais tu as changé. S'accrocher à de vieilles querelles n'arrangerait rien. Et puis ... J'aime bien ce que tu es devenue ! Aucune raison de me fâcher avec la nouvelle toi ! s'amusa-t-elle. Et puis ... Si on peut se permettre de parler en matière de ''karma'' ... Je pense que tu as déjà suffisamment payé pour ça.
Nancy ferma brièvement les yeux, et le visage d'Alexandre lui apparut de nouveau. Elle dut se tendre, car l'autre jeune fille réagit immédiatement.
- Tu repenses à cette soirée ?
- Comment ne pas y repenser ...
Un léger silence s'installa entre elles, lourd de sens.
- Il ne se passe pas un jour, pas une heure sans que je n'y pense ... au moins une fois, continua Nancy, la voix éraillée par l'émotion.
Les larmes coulèrent de nouveau, et elle ne prit pas la peine de les essuyer.
- ... Je suis désolée. Tu ne méritais pas ça. Tu n'as jamais mérité ça. Et ... Alexandre non plus.
À la mention de son nom, elle soupira, légèrement. Se ferait-elle un jour, à cette absence, à ce vide ?
- Je suis désolée, Nancy ... Je sais ce que c'est.
Elle releva la tête vers son amie, qui lui fit un joli sourire. Un sourire emprunt d'empathie ... de compréhension. Et là, derrière ses lunettes dans son regard marron-orangé, caractéristique des Element de terre ... Elle y vit une lueur de compréhension.
Oui ... Le deuil, Violet Chase savait ce que c'était.
Nancy lui sourit à son tour, et la jeune demoiselle remonta ses lunettes sur son nez, sa peau ordinairement mate s'étant légèrement éclaircie à cause de son absence d'exposition au soleil.
Cela faisait déjà quelques jours que Nancy avait retrouvé Violet, mais elle s'émerveillait encore de sa présence à ses côtés.
Lorsqu'ils étaient arrivés dans la dimension de poche, l'Inexistante leur avait révélé un secret inimaginable. Un secret qui avait manqué de la faire pleurer, et qui avait fait rugir Erick. Un secret qui mettrait tout le monde en joie, à leur retour ... Et qui avait brisé quelques règles universelles.
Peu de temps avant l'attaque des Saint Souls, Léo avait clamé avoir abattu Violet et Kiwi.
Mais la vérité, était en réalité ... Toute autre. La vérité, c'était que l'Inexistante les avait secourus. In Extremis. Les avait sauvés de la mort. Définitivement.
Mais pour cela ... Elle avait dû les changer.
- Ce n'est pas ta faute, Nancy. Je suis même soulagée pour toi que Marika ... Ah, non c'est Almarica maintenant ... marmonna Violet, l'air incertaine de ses propres mots.
Nancy eut un pauvre sourire.
- Elle use encore ... des deux noms.
- Ah, oui ! C'est vrai, tu me l'as dit ... Quelle tête en l'air.
Nancy ne put s'empêcher de laisser échapper un petit rire, peu bruyant ... mais sincère.
- Mais non. Moi aussi, ça m'embrouille, tu sais.
Violet eut un vrai sourire merveilleux, et tira sur l'une de ses mèches couleur miel, l'air prise dans ses pensées. Le peu de joie qui s'était éveillé en elle mourut instantanément quand Nancy vit son expression sérieuse.
- Revenons au sujet ... Ta culpabilité. Nancy, je t'en prie. Ne laisse pas ça prendre le meilleur de toi-même.
Elle désigna la chambre, avec un sourire qui se voulait joyeux. Auparavant, elle partageait cette chambre avec l'Enerienne, à l'époque où celle-ci se faisait encore passer pour Haru Marika. À l'époque où elle-même était encore une des pires garces qui soient. Une époque qui remontait pourtant au début de l'année scolaire ... qui remontait à une autre vie.
Au début, lorsqu'ils avaient tous dû se réhabituer à la présence de Kiwi et Violet, ils apprirent que les deux adolescents avaient été en convalescence durant longtemps ... Mais une fois en pleine forme, l'Inexistante les avait forcés à se cacher au Sous-Sol. Comment expliquer un tel miracle, sinon ? Mais les deux jeunes gens avaient pu se glisser hors de leur cachette un bon nombre de fois ... Et ils les avaient épiés, de loin. Se tenant au courant de la vie de tous leurs anciens amis, à leur manière ... Et Nancy s'était sentie immédiatement coupable. La demoiselle l'avait vue prendre sa place au sein du groupe, l'avait vu prendre sa chambre, emménager avec son amie ... Comment s'était-elle sentie, de voir Nancy la garce l'effacer petit à petit, et prendre jusqu'à son lit ?
Violet du lire en elle son questionnement, car elle se fendit soudainement d'un sourire si bienveillant que les larmes redoublèrent d'intensité.
- J'ai peut-être perdu ça ... s'amusa la demoiselle, en englobant la chambre d'un mouvement de bras.
Et elle se tourna vers elle.
- Mais je les ai encore tous.
Violet posa une main sur son épaule, et la serra doucement, avec chaleur.
- Et je t'ai trouvée toi. Et j'ai bien l'intention de vous garder tous avec moi ! Et d'en profiter un maximum, bien sûr.
Elle semblait si lumineuse, si positive, si ... incroyablement calme. Et pourtant ... Et pourtant ! Le destin qui maintenant s'offrait à Violet Chase ne pouvait l'empêcher de sombrer dans la détresse. C'était ... tellement injuste. Si elle le pouvait, elle étranglerait Léo sur le champ.
- ... Pour le moment.
Sa voix se brisa sur le dernier mot, et Nancy commença, malgré elle, à sangloter.
- J-je suis désolée ... je dois être fatiguée, je ... Je suis désolée Violet.
La jeune fille soupira doucement, et lui passa une main dans le dos, tentant de l'apaiser de son mieux.
- Tout va bien. Je n'ai pas vraiment de regret, tu sais. Vivre ainsi, ce n'est pas si mal.
- Vivre à l'écart de tout le monde, condamnée à ne plus jamais revoir tes proches, tes parents, et jusqu'à présent, tu étais même promise à ne plus jamais revoir tes amis, tout ça en étant coincée dans le corps d'une adolescente pour toujours, tu trouves ça cool ?
Elle haussa les épaules. Comme si tout ça n'avait aucune importance. Comme si tout ça ... n'était que futilité.
- Ne jamais atteindre l'âge adulte, être jeune pour toujours, c'est le rêve de beaucoup, tu sais ! Et puis, ce n'est pas un si grand désavantage que ça ! J'ai pu explorer le Sous-Sol, éviter d'aller en cours, j'ai pu vous espionner de tout mon saoul ... Et tu ne sais pas tous les potins que j'ai pu amasser ! Et j'ai pu apprendre à connaître un peu l'Inexistante, tu sais ! Et elle m'a appris à faire un peu d'Alchimie, à maîtriser plus facilement mon Element ... Et puis, tu sais, vu comment la situation à tourné, je crois que je vais pouvoir retrouver nos amis, et mes parents plus facilement que je ne le pense ! L'Inexistante me l'a promis.
Nancy serra la main de Violet, sa main si chaude, contre elle, et baissa le regard, en soupirant. Dit ainsi, tout cela paraissait magnifique. Mais Nancy savait à quel point tout cela ... n'était en réalité qu'un cadeau empoisonné.
Ce soir-là, Violet et Kiwi n'étaient pas morts, non. Parce que l'Inexistante, pour les sauver, avait fait d'eux des immortels.
Nancy ignorait comme elle s'y était prise, cette drôle de fillette aux pouvoirs divins, mais elle leur avait offert ce qu'Almarica et Philios possédaient : l'Immortalité au Temps. Cela voulait dire que Violet et Kiwi ne grandiraient plus. Plus jamais. Ils resteraient ce qu'ils étaient, pour toujours.
Violet lui accola une petite bourrade, et lui fit un clin d'œil, joueuse.
- C'est toi, qui devrais être triste. Tu vas devenir une vieille mamie rabougrie, tandis que moi je garderai ma sublime peau de princesse ... s'amusa Violet, tentant un trait d'humour.
- ... Tu es condamnée à nous voir mourir, un à un.
Violet pris une vive inspiration ... et Nancy sut qu'elle avait fait mouche. L'Element de terre faisait de son mieux pour cacher son désarroi ... Mais elle n'était pas dupe. La jeune Element était affectée par cette situation ... bien plus qu'elle ne le disait. Pourtant, elle finit par se composer une moue amusée, et roula exagérément des yeux.
- Eh, si ça se trouve, nous allons mourir avant vous, tu sais ! Nous sommes devenus immortels de vieillesse, pas du reste. Un rhume un peu trop puissant, et pouf !
- Violet ...
- Désolée, c'était morbide, je sais ...
Violet s'assombrit alors, légèrement. Et ... elle sentit sa main se crisper sur la sienne. La demoiselle resta silencieuse, un long moment ... Mais Violet finit par laisser échapper un long soupir, à s'en fendre le cœur.
- ... C'est moi qui suis désolée.
- Quoi ? Mais pourquoi ? s'étonna Nancy en se redressant, brusquement.
- Ce soir-là ... Ce soir-là, si nous avions été plus rapides ... Nous étions suffisamment en forme pour intervenir, si nous avions ...
Nancy se détacha de sa main, et l'attrapa par les épaules, fermement, mais sans lui faire de mal. Et doucement, elle la tourna vers elle.
- Ne tombe pas dans la culpabilité, Violet. Ce qui est fait est fait. Ce n'est pas toi la responsable, c'est ... C'est Rezher. C'est eux.
Lorsqu'ils étaient arrivés dans la dimension de poche, l'Inexistante avait insisté pour qu'ils aillent au Sous-Sol.
Et là bas, en plus d'y trouver des montagnes de trésor ... Ils y avaient trouvé Violet et Kiwi. Là, debout sur leurs deux jambes, l'air en pleine forme ... Mais très inquiets, à l'idée de leur réaction, sans doute. Pourtant ... Erick s'était contenté de hurler avant de les prendre dans les bras. Elle, avait dû s'asseoir. Et Walter ... Walter avait pleuré, tant pleuré.
L'Inexistante, penaude, avait été forcée de s'expliquer. Et maintenant ... Tant bien que mal, ils tentaient de vivre ... normalement. Malgré la dinguerie qu'ils étaient en train de ... vivre, justement.
- ... Tu as raison. Je sais. Mais ...
Ce jour-là, ils étaient encore tous deux en convalescence. À cause de leurs blessures ... et de l'adaptation à leur nouvelle condition. Mais ils ne cessaient de dire que s'ils avaient pu être sur pieds, s'ils avaient forcé un peu plus ... Ils auraient pu aider.
- Et ... je suis ... je suis désolée. Pour ... Pour Alexandre.
Elle frissonna, et Nancy se sentit soudainement ... confuse.
- Pourquoi tu es ... désolée ?
L'Element de terre retira sa main de Nancy, vivement, et ... parut se recroqueviller sur elle même, le visage pétrit d'angoisse. Ça arrivait, de temps en temps. Quand elles discutaient, il finissait toujours par y avoir un moment où la jeune fille devenait soudainement silencieuse, et s'éclipsait avec quelques excuses. Au départ, elle avait mis ça sur le compte de leur lourd passé commun. Malgré la volonté de Violet de faire table rase du passé, c'était plus facile à dire qu'à faire. Et elle comprendrait tout à fait que Violet lui tienne encore rancune. Mais plus les jours avaient avancé, plus elle avait compris ... qu'il ne s'agissait pas exactement de ça. Il y avait autre chose. Mais Nancy n'avait jamais été assez courageuse pour lui demander ce qu'il se passait.
Soudain, Violet prit une grande inspiration, les mains tremblantes ... et elle commença à parler.
- Si l'Inexistante aurait été plus rapide ... Elle aurait put ... Offrir à Alexa ...
Et en un instant, elle réalisa pourquoi Violet se comportait aussi bizarrement. Non. Oh, non. Violet ... Bien sûr que c'était ça. Bien sûr que c'était ça qui pesait tant sur les épaules de ce petit ange incarné.
- Tu as peur que je t'en veuille parce que ... Tu es encore là, mais plus lui ?
Sa voix, rendue sourde par la surprise, acheva de faire paniquer Violet.
Depuis sa ... ''résurrection'', elle avait perdu la timidité maladive qui lui faisait tant défaut auparavant, mais celle-ci refaisait parfois surface dans ses grands moments de nervosité, comme celui qu'elle était en train d'expérimenter, actuellement.
- J-je suis désolée, Nancy, je te promets, je suis désolée, vous ne méritiez pas ça, je te le jure, je suis ... Je suis ...
Les larmes coulèrent de nouveau et ... Elle serra Violet contre elle-même, de toutes ses forces.
- Je t'en supplie, ne pense plus jamais ça. Je t'en supplie, ne ... Ne pense plus jamais ça.
Elle tenta de se figurer Alexandre, dans la condition de Violet et Kiwi ... Non, il aurait détesté. Alexandre n'avait toujours souhaité qu'une seule et unique chose, devenir adulte au plus vite pour pouvoir enfin s'affranchir de sa famille aussi pourrie que la sienne, et de s'arracher à l'Académie. De pouvoir ... devenir qui il voulait, où il voulait. Son rêve était de voyager, de découvrir le monde. Et ce n'était pas en restant bloqué dans le corps d'un mineur qu'il aurait pu profiter autant qu'il l'aurait voulu de tous ces voyages. Définitivement, devenir un enfant perdu n'aurait pas été son plus grand souhait.
- P-pardon, Nancy, je n'aurais pas dû penser que tu ... sanglota Violet. Je ... Oh, quel enfer je suis ...
- Ce n'est pas grave. Je ... Ce n'est pas grave. Tu m'as vue, moi ? On fait la paire, toutes les deux, à battre nos coupes, et à pleurer comme des fontaines ...
Violet la regarda, un instant ... Et elle éclata d'un doux rire, qui se communiqua à Nancy. Un rire ... qui leur fit un bien fou. Qui leur permit de relâcher toute cette pression accumulée depuis si longtemps ... Et rien de tout cela n'était grave.
Non, ce n'était pas grave. Il était naturel que Violet se mette à penser ça, la pauvre. Elle avait toujours été anxieuse ... Et qui n'aurait pas souhaité ça ?
Et il était aussi normal que Nancy s'inquiète des possibles ressentiments de Violet. Comme il était normal que la demoiselle la rassure à ce sujet. Elles ne dérangeaient pas, en se rassurant l'une l'autre. Partager des craintes injustifiées, ou infondées, était parfois mieux que se traîner avec un tel poids sur le cœur, ou de tels non dits ... Après tout, même elle s'était demandé ce qu'il s'était passé, si Alexandre avait pu lui aussi être sauvé par l'Inexistante ...
Mais non, elle ne devait pas se laisser aller à ça. Non, elle ne le devait pas. Ce qui était fait était fait. L'on ne pouvait pas refaire le monde avec des «Et si ?». Sinon ... Elle deviendrait folle. Ils deviendraient tous fous.
Ses pensées se portèrent de nouveau à Almarica. Combien de fois avait-elle formulé des «et si ?» Combien de fois devait-elle avoir rêvé de remonter le temps, de comprendre ce qui était passé par la tête de Philios, de ... tout changer ?
Et ... et l'Inexistante ... ? Elle qui avait quasiment traversé les époques ... On ne pouvait vivre une telle vie sans expérimenter les regrets.
Après tout ... n'était-ce pas pour ça qu'elle se démenait ? N'était-ce pas à cause de ses regrets qu'elle tentait de faire tout ce qui était en son pouvoir pour les sauver des Saint Souls ?
Lorsqu'elles cessèrent de rire, elles discutèrent de tout et de rien, à cœur ouvert, durant ce qui lui parut des heures ... Et elles se prirent dans les bras, de nouveau. Nancy ferma alors les yeux, et se laissa bercer par leur respiration, dans ce silence si reposant qu'il faillit l'envoyer dans les bras de Morphée, jusqu'à ce que la voix de Violet ne résonne de nouveau à son oreille, rompant le charme de la presque somnolence.
- Merci, Nancy.
- Tu n'as pas à me remercier.
- Si, j'ai à te remercier.
Elle se recula, doucement, et lui refit face. Son regard brillait intensément, derrière ses belles lunettes rondes, et son sourire apaisant lui réchauffa le cœur.
- Tu as pris soin des autres, pendant que nous n'étions pas là.
- Oh, non, loin de là. C'est même plutôt l'inverse, tu sais ? C'est eux qui ont pris soin de moi, et de mes soucis, et malgré l'enfer que je vous ai fait subir. Et tu étais là pour le voir, en plus, petite espionne.
Violet ricana doucement, mais fronça le nez.
- Nancy, je t'ai déjà dit que le passé ...
- Violet, s'il te plaît, non. J'ai commis des actes horribles, qui vous ont tous blessée. Surtout ... Surtout Sheena. Même s'il est vrai que j'ai changé, ou du moins que je veuille sincèrement le faire, j'ai encore beaucoup de fautes à expier. Je suis loin d'être irréprochable ...
- On est plus à ça près, tu sais. On ... on a vu pire que des chamailleries de collégiens, maintenant.
Nancy tressaillit. Elle avait raison. Mais où était le temps où la pire chose qui pouvait arriver à ses nouveaux amis soit une crasse de sa part ou de son ancienne bande ... ? Le temps de l'insouciance ... Elle soupira. Pas de regret. Non, pas de regret.
- C'est fini, tout ça, renchérit Violet, avec sa douceur caractéristique.
Nancy plissa les lèvres, s'apprêtant à répliquer quelque chose ... Quand on toqua de nouveau à la porte.
- Oui ? répondirent-elles d'un commun ensemble, avant d'échanger un sourire.
Si on lui avait dit qu'un jour elle arriverait à développer un semblant d'amitié avec Violet Chase, elle ne l'aurait pas cru. Et au fond d'elle même ... Nancy souhaitait que ce début de quelque chose ... finisse par évoluer. Nancy avait envie d'apprendre à connaître Violet un peu plus. Et ... Kiwi également.
Qui d'ailleurs, fut celui qui passa la tête dans leur chambre, ses dreadlocks ramenés en un chignon désordonné, aujourd'hui.
- Salut, les filles. Désolé du dérangement, mais ... Vous pouvez me suivre ?
- Que se passe-t-il ? demanda Violet en se relevant doucement, les sourcils froncés.
Son inquiétude ne tarda pas à gagner Nancy. Kiwi avait perdu son éternel sourire, et il paraissait ... mal à l'aise ? Était-ce à cause d'elle ? Non ... Ce n'était pas ça ...
- Et bien ... Helen vient de se réveiller. Et l'Inexistante veut nous voir.
* * * * *
Almarica cessa de respirer. Non. Impossible. Impossible. Impossible.
- ... Attends, comment ça ? Qu'est-ce que tu veux dire par là ? souffla Ciela, tout aussi incrédule qu'elle, quelque part à sa droite.
Impossible. Impossible. Impossible. Impossible. Impossible ...
Son esprit bourdonnait. Tout bourdonnait. Fort, si fort ... Trop fort.
Sa vision était floue, brouillée. Elle ne voyait plus rien. Entendait à peine.
Impossible. Impossible. Impossible. Impossible. Impossible. Impossible.
- Tu es en train de nous dire que tu t'es SUICIDÉ ? rugit un des jumeaux.
Elle tressaillit, si fortement que la chaise bougea sous elle. Quelqu'un poussa un juron, et elle entendit rugir Katherina.
- N'USE PAS DE CE MOT DE MANIÈRE AUSSI DÉSINVOLTE ! C'EST DANGEREUX ! ET PROFONDÉMENT ...
- Katherina, ça suffit. Je commence à avoir mal au crâne, avec tout ce bruit, soupira Fenror. Ou c'est Ash qui a mal ... ?
Fenror. Son frère. Son frère qui ... Non. Impossible.
- Quoi ? Un mot est un mot !
C'était donc Crìs qui gueulait depuis tout à l'heure.
- Espèce de petit ...
- Tout va bien, Katherina. Il ne connaît pas nos us et coutumes. Il n'a pas voulu être insultant.
- Mais il est où le problème, enfin ?! C'est quoi cette histoire ? Je ne ...
- C'est blasphématoire.
Almarica entendit à peine sa propre voix, lorsqu'elle franchit la barrière de ses lèvres. Elle n'arrivait pas à penser, à réfléchir ... Non, impossible.
- C'est blasphématoire. Que de s'ôter sa propre vie. C'est contre ... les Dieux.
- Les Dieux ? Attends ... Vos Quatre Dieux, là ?
- Bizue, Aburilès, Tharna et Nahez ? marmonna Romy.
Katherina sembla encore s'offusquer.
- Ne prononce pas ces noms ... Oh, j'abandonne. Ils sont irrécupérables ! bouillonna-t-elle.
Elle n'avait même pas la force de s'énerver contre cette petite princesse pourrie gâtée, butée sur des principes égoïstes. Dieux qu'elle la haïssait, qu'elle la haïssait ...
- Les Quatre Dieux de notre Panthéon, oui, acquiesça Fenror.
Almarica sentait son regard sur elle. Mais honnêtement, elle n'avait même plus la force de lever la tête. Elle n'avait plus de force pour rien. Mais pourtant, sa langue se remit en marche.
- Les Dieux nous ont donné la vie. La reprendre est un crime. Mais reprendre sa propre vie est un crime encore plus grand.
Un silence de plomb tomba alors. Ou peut-être était-ce elle qui n'entendait vraiment plus rien. Son cœur s'était mis à battre si vite ... trop vite. Beaucoup, beaucoup trop vite. Tout était si flou, maintenant ...
- Le ... suicide est prohibé. Blasphématoire. Qui sommes-nous pour décider de la fin de notre propre vie, alors que les Dieux nous ont fait le privilège de nous la donner ? C'est déshonorant. Une preuve d'un manque de respect colossal pour les dieux.
Elle plissa les lèvres, et ... Elle, qui aurait dû pleurer, n'arrivait pas à verser une larme. Elle était apathique. Si apathique ... Enfin. Après tout ce temps ... Tout se mettait en place. Absolument tout se mettait en place.
- Si jamais un suicide venait à être commis par un père de famille, mettons, sa femme, ses enfants, leur lignée, leurs ancêtres ... Tout serait souillé, sali. Des nobles seraient dépouillés de tous titres ou toutes richesses. Des communs se verraient exilés, ostracisés. Le mort est mort, son âme torturée à tout jamais de l'Autre Côté pour son acte inconsidéré. Mais pour les vivants ... Il ne leur laisse que destruction. Un général de Bellum, atteint par la maladie et la folie, s'est ... livré à cet acte. En guise de punition, et pour ''expier son crime'', mon ... frère a mis le feu à sa maison familiale. Ses parents, ses enfants, sa femme, ses domestiques ... Tous ont péri par les flammes, continua Fenror.
Le silence sembla s'alourdir. D'horreur sans doute.
- Si on avait appris que Fenror était mort ainsi ... J'aurais été lynchée. Déchue, tuée peut-être, murmura-t-elle.
Philios. Par les dieux, Philios ...
- Alors il a porté le chapeau. Pour moi.
En se faisant passer pour le meurtrier de Fenror ... Il l'avait protégé. Toutes ces années ... Tous ces siècles d'errance, de chasse ... Et elle commença à pleurer. Les larmes coulaient les unes après les autres, inarrêtables. Encore, et encore. Un véritable torrent, alors qu'elle réalisait ...
- Tu t'es tué. Mais Philios ... Philios m'a protégée. Il est parti, il a quitté sa famille, il a quitté sa patrie, il a ... Il a tout perdu. Pour moi.
Un tel sacrifice. Un tel ... sacrifice. Philios ... Philios, Philios, Philios.
- ... Je suis désolé, Almarica.
Elle releva enfin la tête, toujours en larmes. Ash était là, accroupi devant elle. Non, pas Ash. Fenror. Une lueur étrange donnait un éclat particulier à ses iris dorés ...
- Je suis désolé. Je suis ... je suis si désolé.
Et il pleura. Durant un instant, quelque chose secoua l'apathie qui avait prit possession d'elle. Fenror ne pleurait jamais. Fenror n'avait jamais laissé couler une larme devant elle.
- Tu t'es tué, réussit-elle à articuler. Tu t'es tué, lors de ta dernière bataille. De ... la dernière grande bataille.
Celle qui avait mis fin à la guerre. Une telle boucherie ... les pertes avaient été telles que le continent entier ou presque s'en était retrouvé endeuillé. Et Zelphis en avait profité pour unir toutes les terres d'Eneria sous sa bannière. Avant d'offrir tout cela à Serena. Et de disparaître. Et durant cette bataille ... Cette fameuse bataille ...
- ... Je suis désolé.
Bellum avait été mis en déroute, à la fin de cette bataille. Beaucoup l'avaient déclaré mort. Certains susurraient qu'il s'était enfui, comme un lâche. D'autres encore qu'il avait été trahi. Finalement, ce monstrueux tyran était revenu, plus puissant que jamais, face à Serena et son époux, des années plus tard. Et pour l'abattre, pour l'empêcher de nuire ... Ils l'avaient scellé sur Eneria. Avant de faire disparaître le continent.
Tous les événements se mélangeaient dans sa tête. Tout se chevauchait. Par les dieux, par les dieux ... Philios.
Derrière eux, pas un bruit. Peut-être qu'ils s'étaient décidés à les laisser parler, avant d'exprimer leur curiosité insatiable.
Fenror posa doucement ses mains sur ses genoux, attirant son attention. Une agonie monstrueuse semblait marquer les traits d'Ash. Maigre reflet de celle qui devait dévorer Fenror. Et il continuait de pleurer.
- Quand Svelja est morte ... J'ai tout perdu.
Oui. Almarica se souvenait de cette période. Ce choc. La perte de son amie.
Pourtant, rien n'aurait dû basculé. Rien. Svelja et Fenror allaient se marier. Bellum était sur le point d'être vaincu. Les Huit étaient devenus des légendes vivantes. Et Philios lui promettait une vie merveilleuse. L'avenir qui s'offrait devant eux n'avait jamais été plus radieux. Et soudain, lors d'un après-midi ordinaire ... Un hurlement avait tout brisé. Un hurlement de détresse, si puissant, qu'il avait résonné dans l'entièreté du château des Caerris. Et ils avaient tous accouru pour trouver ... Svelja, morte, dans les bras d'un Fenror en état de choc. Assassinée, par un envoyé de Bellum.
Tout s'était effondré à ce moment-là. Leur rêve de paix et de bonheur s'était brisé avec la mort de son amie. Et ... Son frère aussi. Après la mort de Svelja, la perte de celle qu'il considérait comme l'amour de sa vie, il s'était effondré sur lui-même. N'arrivait plus à sortir de sa chambre, manger, boire ... vivre. Et tous étaient si inquiets pour lui. Et puis ... Zelmaria avait eu une vision. Une vision atroce, qui avait manqué de la rendre folle.
Une vision de destruction et de mort ... Bellum était sur le point d'envoyer le reste de l'armée lui étant encore restée fidèle sur la cité de Vermeille. Une cité marchande, située à un point clé du Royaume de Caerris. Si la cité tombait ... Le royaume tout entier serait perdu, par un effet papillon des plus ravageur.
Et si le Royaume de Caerris tombait ... Ce serait le continent d'Eneria qui tomberait entre les mains de Bellum.
Les prévisions de Zelmaria n'étaient pas bonnes. Aucune d'entre elles. En réalité, s'ils se rendaient à cette ville, à cette bataille ... Aucun d'entre eux n'en ressortirait vivant. Mais ils se devaient d'essayer. Pour le royaume. Pour le possible futur qu'ils pourraient assurer à autrui.
Alors ils s'étaient décidés, à aller sur ce champ de bataille. Elle, Philios, Kryos, Guemnir, Leedna, Zelmaria ... Et Fenror. Qui à l'annonce de cette future boucherie, avait décidé de se reprendre.
Mais la veille de leur départ pour la cité, à la veille de ce qui n'aurait été ni plus, ni moins qu'un carnage ... Elle s'était endormie. Profondément. Bien trop profondément.
Pour ne sortir de sa torpeur que bien après la fin de ce cauchemar. Elle s'était réveillée pour apprendre que la guerre était finie. Que tous ses amis avaient péri ... et que son fiancé avait tué son frère, avant de disparaître.
Et c'était son monde à elle qui s'était effondré. La seule chose qui lui avait permis de tenir n'était ni plus ni moins que sa rage. La rage aveugle qu'elle nourrissait à l'égard de Philios. Philios qui ... qui ne pouvait avoir tué son frère. Philios qui ne pouvait avoir assassiné son meilleur ami. Philios qui ne pouvait pas l'avoir trahie, les avoir trahis.
Tout ça ... pour apprendre ...
- Quand la bataille a eu lieu ... que j'ai assisté à la mort de chacun d'eux ... Zelmaria, Guemnir, Kryos, Leedna ... C'était trop. C'était ... Beaucoup trop. Je n'ai pas ... Je n'ai pas pu ... Je ne voulais pas d'une vie où ils n'étaient plus là. Je ne voulais pas d'une vie où ...
Sa voix se brisa. Il ferma les yeux, et les larmes coulèrent encore.
- Je ne voulais pas d'une vie où je reverrais encore, et encore, et encore leurs morts. Je ne voulais pas d'une vie ...
- Et moi ?
Un cri du cœur, que cette question. Un cri d'un cœur brisé par des millénaires de recherches, de questionnements, de doutes ... Un cœur encore brisé par cette révélation, et les implications ...
- Et moi, Fenror ? Tu n'étais pas tout seul. J'étais là. Philios aussi ...
Mais même Almarica ne croyait pas en ses propres propos. Elle avait vu l'état de Fenror, après la mort de sa promise. Le squelette ambulant qu'était devenu son frère, si flamboyant. Il avait vu Svelja mourir. Elle avait expiré son dernier souffle entre ses bras. Sous ses yeux. Ça l'avait détruit. Alors voir le reste de ses camarades se faire massacrer ... Ça avait dû l'achever. Et même elle, toute petite sœur qu'elle était, n'aurait pu rien faire pour le retenir. Pour le sauver. Son frère était mort parce qu'ils étaient tous partis avant lui.
- Je sais, je suis désolé, si désolé ...
Il ouvrit les yeux. Et Almarica lut dans son regard combien il était sincère. Combien il était désolé de l'avoir abandonné.
- J'étais égoïste. J'ai été égoïste, et encore maintenant ...
- Pourquoi Philios s'est-il accusé de cette mort ? N'aurait-il pas été plus simple de ... de dire que tu avais succombé à tes blessures ? Pourquoi Philios ? Pourquoi ? Pourquoi ?
- Parce que lorsque Fenror s'est donné la mort, il n'était pas seul.
Almarica ne se donna pas la peine de porter son regard sur Zelphis. Ce traître ... Ce salaud.
- Philios était proche de Fenror, à ce moment-là. Il a tenté d'empêcher Fenror ... Mais c'était déjà trop tard. D'autres soldats de notre camp étaient là. Plus éloignés, certes, mais pas assez pour pouvoir se laisser berner par une telle supercherie. Alors Philios, en désespoir de cause, a porté le chapeau. Fenror avait été auparavant blessé durant la bataille, mais pas assez pour trouver une autre excuse que ... celle du suicide ou de l'assassinat. Et Philios ... Philios a pris les devant.
Philios qui s'était expliqué face à sa famille, avant de fuir. Avant de la fuir elle, durant des millénaires. Philios ... Philios !
Elle repoussa doucement Fenror, le cœur au bord des lèvres.
- J'ai besoin d'espace, coassa-t-elle.
Et tel un automate, sans trop savoir comment elle s'y prit, elle se faufila dans le couloir, hors de la pièce ... Avant de sortir de la maison. Elle se retrouva dans un petit jardin de plantes, à l'arrière de la bâtisse. Un potager qu'elle aurait trouvé charmant, en d'autres circonstances ... Elle s'avança de trois pas, avant de se laisser rudement tomber sur l'herbe grasse. Si verte ... Verte comme ses yeux.
Durant des millénaires elle l'avait traqué. DES MILLÉNAIRES. Et lui n'avait eu de cesse de la fuir. De la fuir, et de protéger son secret. De protéger ce secret. Celui de la vérité de la mort de son frère.
Si elle avait appris qu'il était mort ainsi ... Ç'aurait été insoutenable. Ça l'était encore maintenant. Son frère, sa seule famille, celui qui avait été le premier à aimer un monstre comme elle ... était mort de sa propre main. Si Philios n'avait pas été là, si la vérité avait éclaté à ce moment-là, l'honneur de son frère, tous ses actes héroïques, tout, absolument tout aurait été traîné dans la boue. Et elle ... Elle n'aurait même pas pu imaginer son sort. Celui d'une alchimiste orpheline dans un royaume ennemi, une Reïsha en plus ... Si Philios n'aurait pas été là, elle aurait peut-être vécu un sort pire que la mort.
Philios l'avait sauvée. Philios les avait sauvés, elle et son frère, en se condamnant pour un crime qu'il n'avait pas commis. Oh, comme il avait dû souffrir ... Philios ... Philios. Philios. Philios. PHILIOS.
Elle entrouvrit la bouche. S'en échappa un sanglot. Et un autre. Et encore un, encore, encore, encore, encore, encore, encore ... Et elle s'enroula sur elle-même, et pour la première fois depuis bien trop longtemps ... Elle se laissa aller à sa peine.
* * * * *
«Philios serra les dents. Le marchand n'avait pas eu tort. L'escouade qui avait réussi à traverser la frontière était là. En train de s'attaquer au village. Fort heureusement, ils étaient arrivés à temps. L'escouade n'était composée que d'une vingtaine de soldats ... Mais de bons soldats. De très bons soldats. Et certains avaient déjà commencé à maltraiter certains villageois quand ils étaient arrivés.
Ses réflexes de guerrier, qu'il pensait rouillés, s'étaient éveillés en un instant. Et à l'aide de ses flèches, il avait abattu d'entrée de jeu quelques uns des ses soldats. Mais malheureusement, ils en étaient venus à l'usage de leurs pouvoirs bien trop rapidement. Ce petit village n'était pas conçus pour résister aux attaques d'une escouade sur-entraînée ...
Mais Svelja et Fenror faisait de leur mieux. Ils étaient les combattants les plus aguerris de leur troupe, après tout. Et ils réussissaient avec brio à défendre ce petit village.
Kryos aussi, faisait de son mieux. Bien qu'étant un combattant moins expérimentés qu'eux trois, qui avaient connu les champs de bataille, il restait efficace.
Mais ce qui restait le plus surprenant ... n'était ni plus ni moins que Leedna. Exceptionnellement, ils avaient décidé de la laisser venir avec eux.
Elle ... les avaient littéralement suppliés. Leedna, la fière guerrière qu'il avait connu, qui aurait été prête à le tuer quelques jours plus tôt pour l'honneur de son royaume ... les avait suppliés, le front contre terre, de les laisser venir avec eux, se battre pour sauver les villageois. Et Svelja avait accédé à sa requête, à la surprise générale. Mais ... Leedna, bien qu'étant leur ennemie, restait selon ses mots, ''au service du peuple de Caerris''. Et même Philios s'était rendu à l'évidence. Leedna restait avant tout une guerrière loyale au peuple. Et elle ferait tout pour le défendre. Y compris s'allier avec ses pires ennemis. Une attaque sur le village d'à côté, sur des innocents qu'elle avait juré de protéger ... ça n'aurait pu la laisser de marbre. Et Kryos avait appuyé sa requête, se portant garant de la demoiselle, promettant de la surveiller.
C'était étrange, que de voir Kryos et Leedna combattre, côte à côte. Elle maniait une épée, ordinairement, mais s'était, dans l'urgence, rabattue sur un long morceau de corde. Grâce à son pouvoir, lié à la terre, elle réussissait à figer ses adversaires sur place avant de les lier ou les étrangler avec son arme improvisée. Et là où il était, Philios était sûr de lire de l'admiration sur le visage de Kryos, qui, grâce à son pouvoir, réussissait à tromper plus d'un soldat ... Ces deux-là formaient une paire bien étrange, mais ... fonctionnelle.
Philios, quant à lui, avait réussi à gravir une maison particulièrement solide, et se servait de ce point en hauteur pour viser les nuisibles. Fort heureusement, grâce à l'agitation ambiante et sa propre expérience, il était rendu quasiment invisible, tout en ayant l'oeil sur tout le monde. Il banda à nouveau son arc ... Et tira d'un coup sec, transperçant un ennemi sur le point d'abattre sa hache dans le dos de Svelja. Sans même le regarder, elle lui adressa un signe de remerciement, et abattit son épée sur un autre soldat.
Philios balaya le village du regard, à la recherche de nouvelles cibles ... ou d'autres habitants. Almarica et Guemnir avaient été chargé d'évacuer tout le monde. Et jusqu'à présent, ils s'en étaient excellemment bien sortis : aucun mort n'était à déplorer. L'horreur de la situation serait bientôt terminée ...
Mais soudain, son regard repéra une tâche noire, brillante, à quatre maisons de là ... Et son sang ne fit qu'un tour.
Pourquoi était-elle là ?!
Almarica se trouvait aux prises avec un des soldats, dans une grande allée. Le colosse semblait s'amuser avec Almarica qui tentait de se défendre comme elle le pouvait, armée d'une simple branche ... Mais où était Guemnir ?! Almarica avait dû être séparée de lui ...
Depuis qu'il était arrivé au sein de la forêt, il avait fait de son mieux pour dissimuler ses ailes, la preuve de son statut de monstre. Et jusqu'à présent, il avait réussi à les cacher à Almarica.
Mais là ... Il n'avait pas le choix. Il était trop loin pour réussir à atteindre correctement le soldat, et ... Il n'avait pas le temps de la rejoindre à pieds.
Alors il sauta, et déploya ses ailes. Ailes qui le portèrent rapidement juste au dessus de sa cible, d'eux, d'elle ...
Et il atterrit sur l'homme, avant de le renverser par terre.
Surpris, l'autre tenta de se débattre, mais Philios, réussit à l'étrangler à l'aide de son arc. Et il serra, encore, et encore ... jusqu'à ce que l'homme ne s'évanouisse par manque d'air. Il aurait dû l'achever. Mais sur le moment ... le colosse n'était pas sa priorité.
Il se dégagea du poids de l'impitoyable guerrier, avant de se relever, vivement, déséquilibré par ses ailes toujours déployées, et malheureusement rendues visibles par sa panique ... et se retourna vers Almarica, hors d'haleine.
Elle était là, juste là. Serrant la branche contre elle de toutes ses forces, échevelée, et blessée à certains endroits ... Mais elle allait bien. Almarica allait bien.
Mais elle le regardait, avec une surprise si grande, si énorme ... Ses magnifiques yeux améthystes écarquillés comme jamais auparavant.
- A-Almarica, je ...
Il lâcha son arc, en levant les mains devant lui, soudainement désespéré. Ce n'était clairement pas le moment, mais ... Almarica. Si ... Si jamais elle se mettait à le fuir, à avoir peur de lui, à être dégoûtée, à le haïr de nouveau ... Pitié, tout sauf ça. Pitié, pi ...
- Tu vas bien ? finit-elle par lui dire, en lâchant sa branche, à son tour.
Le souffle soudainement coupé, il laissa sa mâchoire pendre lamentablement, alors qu'elle s'approchait de lui à petit pas. Ses ailes tombèrent à terre, comme désarticulées ... Et il chuta lui aussi.
Mais encore une fois, Almarica le rattrapa au dernier moment.
- Tu vas bien ? s'alarma-t-elle, alors qu'il tournait son visage vers elle. Tu es pâle ...
- J-je ... Je ...
Elle n'avait pas peur ? Pas peur de ses monstrueuses ailes ?
- Philios, réponds-moi !
- Je vais ... bien.
Elle n'avait pas peur de lui ? Elle ... Elle allait bien ?
- Tu es sûr ? Tu as une coupure à la tempe ... Et tu saignes de l'oreille !
- Je vais bien ...
Philios réussit à s'asseoir à terre, ses ailes pendant toujours lamentablement autour de lui. Et il avait atrocement mal au dos ...
Il ne les avait pas entraînées pendant longtemps, s'interdisant de voler durant une trop longue durée de temps. Le saut qu'il avait fait, en se propulsant dans les airs grâce à ses ailes, avait dû lui donner une crampe ... Il était incapable de bouger. Et ses muscles mal entretenus avaient du mal à accuser le choc. Ou alors il n'était pas encore tout à fait guéri de ce qui était arrivé chez les bandits ... Quoi qu'il en soit, il était immobilisé.
Almarica, en bonne guérisseuse, se saisit de son visage pour inspecter son oreille, et les multiples plaies qu'il avait, avec son regard de professionnelle.
- Tu ne sembles avoir rien de grave ... Après tout ce qu'il s'est passé, j'ai eu peur pour toi. Et ce soldat, que tu as réussi à mettre à terre comme s'il n'était qu'un fétu de paille ...
- Et toi ? Hein ? Qu'est-ce qu'il t'a pris de faire demi-tour, ainsi ? De ... de rester seule, et ...
Il tremblait, remarqua-t-il. Sa main tremblait toute seule. Il tremblait de peur à l'idée que quelque chose ait pu lui arriver. S'il ne l'avait pas vue ...
- Si je ne t'avais pas repérée, il aurait pu ... Tu aurais pu ... Je ...
Il ne put s'empêcher de l'imaginer morte, comme il avait déjà vu tant de ...
Soudain, elle enveloppa son visage de ses mains, et elle le força à la regarder. Droit dans les yeux. Et soudainement, toutes ses pensées s'évanouirent.
- Calme-toi, Philios. Prends une grande inspiration. Retiens-la. Expire. Encore. Allez, fais-le.
Par pur réflexe, il lui obéit. Et petit à petit, il réussit à calmer ses tremblements, sa respiration chaotique ... Et ne resta plus qu'une immense fatigue ... Et une tristesse insondable à l'idée de ce qui aurait pu arriver.
- J'ai eu peur pour toi, Almarica, coassa-t-il.
- Je sais. Je suis désolée. Je ... Je voulais m'assurer que personne n'était resté en arrière ...
- J'ai eu tellement peur ...
- Je suis désolée.
Il soupira longuement, et ... elle le prit dans ses bras. Doucement. Presque ... avec tendresse.
- Je suis désolée.
Tous les muscles de son corps se détendirent, et il posa son front dans le creux de son épaule, alors qu'elle glissait ses doigts dans ses cheveux.
- Je suis désolée.
Almarica ... Almarica.
- Ne refais plus jamais ça.
- Je suis désolée.
Il réussit à lever les mains ... Et il agrippa les vêtements de son amie, de toutes ses forces. Il avait ... eut tellement peur.
- Ça n'arrivera plus, souffla-t-elle.
Cette peur, qui lui dévorait les entrailles, encore, et encore ... Il ne pouvait pas se permettre que quelque chose arrive à Almarica. Même si pour une raison qu'il ne comprenait pas, elle n'avait pas peur de lui, et avait même réussi à le prendre dans ses bras, même s'il était confus, faible, pathétique ... Il ferait de son mieux pour que ça n'arrive plus jamais.
Ce jour-là, il se jura de faire tout ce qui était en son pouvoir pour protéger Almarica Reïsha.
Quoi qu'il lui en coûte.»
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Eeeeeet voilà ! Un très long chapitre pour vous ! Très centré Alios ... Et bourré de révélations ! Alors, comment vous vous sentez ? Ça va ?
En vrai, je tiens à m'excuser. Le scénario de S.E.A date d'il y a très longtemps (je dirais entre 2014 et 2016). J'étais jeune. Et ... J'ai du mal à m'en détacher. Avec mes idées de jeunesse, loufoques et un peu stupides faut pas se cacher, je me suis embourbée dans des situations un peu beaucoup tirées par les cheveux et rocambolesques ... Et surtout, vu que c'est quelque chose qui se déroule depuis 2015, soit quasiment cinq ans, ça a vécu tellement d'évolutions et de changements qu'il doit en résulter des tonnes de plot holes et de mauvais raccords qui doivent vous piquer les yeux (hormis les fautes hein ... Rosette a beau être le meilleur, les premiers chapitres qui ne sont pas passés entre ses mains expertes restent des plaies) comme jamais. Je vous remercie de continuer à me supporter depuis aussi longtemps, parce que wow, les cocos, vous vous êtes quand même tapés une sacrée lecture pour être là, et de continuer à aimer autant.
Du coup, si vous êtes confus sur certaines choses, ou que vous avez besoin de précisions, ou que sais-je encore, n'hésitez pas à mettre un commentaire ou à m'envoyer un message ! J'y répondrai au plus vite ! Et je voulais aussi vous faire savoir que je me suis promis, et je vous ai promis, de finir S.E.A, ce que je ferai. Mais bon, c'est déjà bien complexe comme ça, j'aimerais éviter de vous perdre en route ... héhé.
Quoi qu'il en soit, merci pour absolument tout, vous êtes les meilleurs !
J'espère aussi que le récit de Fenror ne vous a pas choqués. Il est lourd, et rempli de sujets sensibles. Si ça vous a choqués, n'hésitez pas non plus à m'en faire part, je me débrouillerai pour mettre des avertissements la prochaine fois que des sujets pareils seront abordés. Et je suis désolée si ce sujet a put vous atteindre de cette manière ... Pensez à vous avant tout !
J'espère que vous avez bien repris les cours. Ça a dû être un mois long, épuisant, et stressant ! Je pense à vous ...
Je vous remercie encore pour votre attention quant à ce long chapitre et ...
Je vous dis à la prochaine, petites chrysalides !
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