Chapitre 38 : Neuf
- Ça suffit ! T'es qu'un homard !
Un «homard» ? Mais qu'est-ce que ...
- Un point pour l'insulte originale, marmonna Erick en penchant légèrement la tête sur le côté.
- Mouais ... Ça vole pas très haut quand même.
- Ce sont des gosses de six ans ! Normal.
- Même moi à leur âge je savais jurer mieux que ça ...
- Personnellement, j'ai grandi dans un village écossais. À cinq ans, j'avais déjà plus de gros mots dans mon vocabulaire que de mots normaux, ricana le blond.
Elle lui jeta un regard en biais, alors qu'il continuait d'observer les gosses se chamailler, avec un sourire presque insouciant.
Quand il était comme ça ... On aurait pu croire à un simple garçon de dix-sept ans, tout ce qu'il y avait de plus normal. Mais Erick Hunter était tout sauf normal.
- ET TOI T'ES QU'UNE CREVETTE !
- MÊME PAS VRAI D'ABORD !
Nancy secoua la tête, se sentant complètement blasée.
- Ils s'égosillent comme des ...
- Des enfants. On a souvent tendance à oublier qu'avant d'être des petits adultes, c'est surtout de grands bébés ...
Les insultes cessèrent soudainement, attirant leur attention ... Et ils trouvèrent les deux mômes tournés vers eux, rouge de colère ... qui se mirent à hurler de concert :
- FERMEZ-LA LES AMOUREUX ET BÉCOTEZ-VOUS AU LIEU DE NOUS EMBÊTER !
Nancy en laissa lamentablement tomber sa mâchoire, et Erick glissa du banc pour se retrouver par terre, éberlué. Mais qu'est-ce que ...
- ON EST PAS DES BÉBÉS D'ABORD !
- OUAIS, ET ...
Mais l'enfant fut vivement interrompu ... Par un grand jet d'eau, qui les arrosa, lui et son confrère.
- TAISEZ-VOUS OU JE VAIS VOUS NOYER ! rugit un vieux grincheux du quartier, de la fenêtre du premier étage de la maison devant laquelle se disputaient les deux garçonnets.
Erick s'esclaffa, en se tenant les côtes. Le vieil homme était si en colère qu'il paraissait prêt à leur lancer le sceau en métal avec lequel il leur avait jeté de l'eau. Sa moustache grisonnante tremblait même sous le coup de sa colère ...
Les deux petiots se regardèrent, un court instant silencieux ... et se mirent à hurler de terreur, en larmes avant de partir en courant, appelant à grands cris leurs mamans.
Et Nancy explosa de rire. D'un rire si grand, qu'elle en vint elle aussi à tomber du banc, non loin d'Erick. Ses côtes commençaient sérieusement à la faire souffrir, quand le vieil homme se mit à les héler, tempêtant tout son saoul. Il beuglait tellement qu'il ne paraissait pas possible de comprendre ce qu'il disait, mais au vu du seau qu'il agitait toujours comme un gourdin, il ne fallait pas être une lumière pour comprendre ce qu'il était sur le point de faire.
- Erick, on trace ! lui cria-t-elle en l'attrapant par la main.
Il se raidit un instant, surpris, mais la laissa l'entraîner dans sa course, alors qu'elle ne pouvait s'empêcher de continuer à rire.
Ils détalèrent comme des lapins plus vite que jamais, alors que le vieil homme continuait de s'égosiller en secouant son seau. Nancy s'enfonça dans les petites ruelles de la ville, en tentant de réprimer son fou rire, le souffle presque coupé par sa course effrénée, ayant à peine conscience de la présence d'Erick derrière elle ...
Ce n'est que lorsqu'ils débouchèrent sur une petite place vide de la vieille partie de la ville qu'elle s'arrêta, ses genoux tremblants manquant de se dérober sous elle.
- Je n'ai ... jamais couru aussi vite de ma vie ! s'écria-t-elle, son fou rire menaçant de reprendre d'un instant à l'autre.
- Tu n'es pas très athlétique ? lui demanda alors l'Element de foudre, en se postant devant elle, taquin.
Elle se redressa vivement, et secoua la tête.
- Oh, si ! Je suis particulièrement fan de triathlon ...
Il ricana en sentant le sarcasme dans sa voix, et glissa ses mains dans ses poches.
- Moi mon kiff, c'est surtout la course de fond ! Courir, c'est vraiment une sensation extraordinaire. Je ne pourrais pas rester un jour sans ça, je crois.
Elle lui jeta un regard de biais. Le soleil donnait à son regard gris métallique un éclat particulier, aujourd'hui. Et son sourire ... Si d'ordinaire il paraissait arrogant, sarcastique, ou tout simplement forcé ... Il lui semblait surtout ... Sincère, maintenant. Un vrai sourire, comme elle ne lui en avait plus vu depuis son retour à l'académie.
Erick avait bien changé. Mais avec tout ce qu'il avait vécu ... En quoi était-ce étonnant ?
- J'aime bien courir, aussi. Mais je préfère faire de l'escalade.
- Tu en fais ?
- De temps en temps, quand je peux. Je trouve que ça m'aide à me vider la tête.
- Y'a des parcours d'escalades dans le coin ?
- Eh bien, il y a la falaise, au nord de l'île, mais elle n'est pas balisée, alors il vaut mieux éviter d'y aller trop souvent. Sinon, il y a un mur d'escalade, à l'académie.
- Quoi, ce vieux truc tout délabré ? Il tient encore debout ?
- Eh, il est peut-être vieux, mais il est encore solide, tu sais ! répliqua-t-elle en s'asseyant à même les pavés, au sol.
La place était circulaire, mais vide de monde ou de bruit. Seul un petit arbre vert se trouvait là, au centre de la place, à côté d'une vasque vidée depuis longtemps. De l'herbe commençait à pousser entre les pavés décolorés par le soleil, fissurant la roche, et donnant à la place un petit air de ville fantôme. Mais les maisons qui bordaient la place paraissaient totalement vidées de leurs habitants.
La vieille partie de la ville pouvait abriter des maisons datant de quelques siècles auparavant, mais celles-ci dataient probablement du XVIIIème siècle, constata-t-elle en observant leur architecture. Les volets décrépis auraient pu dater d'époque, eux aussi. Ils menaçaient presque de partir en poussière au moindre effleurement.
Elle retint son souffle un instant, et ferma les yeux, profitant du silence ambiant. Rien, pas un bruit, si ce n'était le battement de son propre cœur. C'était ... extraordinaire.
- La vieille ville m'a toujours fait l'effet d'une capsule temporelle, finit par murmurer Erick, craignant probablement de rompre le charme du silence apaisant des lieux.
- Oui, c'est vrai ... Les maisons vides aident à cet effet. Je ne viens pas souvent dans le coin, mais peut-être devrais-je venir m'y promener plus souvent, acquiesça-t-elle en rouvrant les yeux.
Erick hocha la tête, et vint s'asseoir à côté d'elle. Il n'était ni trop proche ... Ni trop éloigné. Juste là où il fallait. Et honnêtement, si à une époque la présence du jeune homme suffisait à lui hérisser le poil ... Maintenant, c'était juste ... apaisant. Elle aurait presque pu dire qu'avec lui, ainsi ... Elle se sentait bien.
Il enroula ses bras autour de ses jambes, et posa son menton sur ses genoux, le regard ancré sur le tronc du jeune arbre doucement remué par la brise marine. Ils avaient beau avoir changé d'univers, l'Inexistante s'était débrouillée pour leur laisser tout de même un semblant de climat ... Même s'ils alternaient constamment entre le jour et la nuit d'une seule et même journée. Celle de leur départ. À force de contempler le ciel, elle aurait pu compter très exactement combien de nuages se trouvaient là-haut. Ils étaient aussi immobiles que les maisons environnantes ... La brise ne semblait pas atteindre le ciel.
- Quand j'étais petit, commença Erick, attirant son attention, avec Ash, on adorait se balader dans le coin. Nous nous prenions pour des explorateurs de cités perdus, à faussement se perdre dans les dédales des ruelles, à la recherche d'un trésor ... On y a passé des après-midis entières, à y jouer. Tout ce qu'on récoltait, remarque, c'était de la poussières et des araignées dans les cheveux. Tu l'as peut-être constaté, mais ça fait des années que les maisons du coin sont vides.
- Oui ... Pas assez d'argent pour les rénovations, c'est ça ?
- Et aussi parce que le côté ville fantôme du coin est un argument touristique imparable, ricana Erick.
Pas faux. Mais Nancy avait aussi compris que le manque de population était ce qui faisait défaut à leur cité.
En effet, la plupart des habitants de l'île étaient les élèves et les professeurs. Quand les vacances scolaires arrivaient, la population passait peut-être de neuf ou dix mille habitants à tout juste deux mille personnes, nombre qui diminuait de plus en plus au fur et à mesure des années. La Saint Elena Island était malheureusement coupée du monde. Quand l'île était en proie aux tempêtes, ou entourée de brume, le ferry qui passait deux fois par jour sur l'île était annulé. Même l'électricité pouvait sauter comme bon lui semblait. Une fois, en 1959, on racontait qu'une tempête avait été si violente qu'elle avait provoqué une panne d'électricité générale, et même fini par entraîner une pénurie d'eau. Certes, c'était il y a longtemps, mais ça prouvait à quel point l'île vivait en autarcie. Malheureusement, ce n'était pas quelque chose qui attirait la jeunesse. La plupart des jeunes de l'île étaient partis à la fin de leurs études. Et très peu revenaient. Les parents de Ciela, qui avaient moins de cinquante ans, constituaient presque une sorte d'exception au sein de l'île. Bon, elle exagérait certainement, mais tout ça pour dire que la jeunesse était ce qui faisait quelque peu défaut, ici. Ironique, pour une île étudiante, remarque.
- C'est triste. Ce coin-là est magnifique, quand même.
- Hu-um. Mais ça nous laisse un peu de tranquillité, pas vrai ?
Nancy haussa les épaules.
- Si on veut. On pourrait presque se croire seuls au monde !
- Pas faux !
Il se redressa, le torse bombé, les yeux pétillants, et s'éclaircit grossièrement la voix.
- Mademoiselle Whitehead, accompagnez-vous votre capitaine à la découverte de ce nouveau monde ?
Elle ne put retenir un grand sourire, et se releva lentement, par égard pour ses jambes encore flageolantes, au garde à vous :
- Aye aye captain !
Il la regarda avec un drôle d'air ... Avant d'éclater d'un grand rire. Le fou rire qu'elle peinait à contenir lui revint alors, et ils se retrouvèrent de nouveau à terre, à en rire aux larmes.
Ce n'est qu'au bout de longues minutes qu'ils réussirent enfin à se calmer. Elle resta là, sur le dos, en contemplant le ciel, ses mains croisées sur le ventre, quand elle remarqua qu'Erick s'était allongé à son tour à côté d'elle. Et durant un instant, elle ne put s'empêcher de penser qu'il était proche d'elle. Leurs coudes se frôlaient presque ...
- Ça me rappelle quand Ash s'amusait à se cacher, au village. Mais cet idiot n'avait pas compris le principe du jeu ! Dès qu'il voyait que je m'approchais trop de lui, il se carapatait en vitesse, pour se cacher ailleurs. Le nombre de fou rires que ça nous a provoqué ...
Elle tiqua, et tourna sa tête vers le jeune homme, perturbée. Ce n'était pas dans ses habitudes de parler de son ... passé, avant l'académie. C'était très rare. En fait, elle ne l'avait jamais entendu parler de cette période. Tout ce qu'elle savait, c'était que lui et Ash avaient vécu en Écosse avant de venir ici, à la ... disparition de leurs parents. Elle n'avait jamais vraiment su ce qu'il s'était passé, mais au travers de toutes les rumeurs alambiquées et plus improbables les unes que les autres, inspirées par le voile de mystère qui couvrait cette période, Nancy avait réussi à comprendre que leurs parents étaient décédés dans de tragiques circonstances. Puis cette histoire aussi, de 7 Octobre ... C'était sans doute le fameux soir, où ils avaient tout perdu.
Il fixait le ciel, d'un air absent. Le doux sourire qui s'étalait sur ses lèvres n'était quelque chose qu'elle ne voyait que lorsqu'il pensait à Ash. Simple témoignage de tout l'amour qu'il portait à son petit frère. Elle en vint presque à être jalouse. Elle aussi, aurait aimé avoir quelqu'un l'aimant autant ...
L'image d'Alexandre lui traversa alors l'esprit. Elle ferma vivement les yeux, chassant ce qui lui brisait désormais le cœur. À l'époque, Alexandre était ce qui lui donnait le plus de douceur, le plus d'espoir ... le plus d'amour. Maintenant, il n'était plus qu'un symbole de sa culpabilité, de ses erreurs ... De ce qu'elle avait été. Une vilaine, et très cruelle sorcière.
- C'est drôle. Je n'ai jamais vu deux frangins tenir autant l'un à l'autre ...
- Ah, vraiment ? Même pas Romy et Crìs ?
- Si bien sûr, mais vous êtes des cas à part. Le reste du temps, les frères que je connais se tirent dans les pattes, se bousculent, ou se détestent. Une telle affection, j'en ai rarement vue, en fait.
Il secoua la tête, ne se départissant pas de son sourire et de son air apaisé.
- Ah, en extérieur ils ont l'air comme ça, mais crois-moi, au fond, ils s'aiment aussi. Enfin, pas tous, bien évidemment, les liens du sang n'équivalent jamais ceux du cœur, mais parfois, l'amour vache existe. J'ai toujours aimé Ash, mais avant de tout perdre, on était comme eux, tu sais. À se chamailler, se battre, se ''détester'', se traiter de nuls, de ''pas beau'' ...
- De crevette ? avança Nancy d'un ton blagueur.
Il eut un temps d'arrêt et grimaça exagérément.
- Ouais, non, quand même pas.
Son regard s'assombrit soudainement.
- Quand ... nous sommes arrivés ici, nous nous sommes beaucoup rapprochés. Nous étions ... plus que tous les deux. Seuls au monde. Arrachés à nos racines pour être amenés ici par une femme que nous n'avions jamais connue. Même si c'était la sœur de notre père, et qu'elle semblait gentille ... C'était effrayant pour deux enfants comme nous. Elle a mis un moment avant de nous apprivoiser, et nous avons mis un moment avant de faire notre nid ici, à nous refaire des amis ...
Il expira longuement.
- En attendant, ce n'était plus que nous deux contre le reste du monde. Et ce genre de choses ... Ça renforce les liens, tu sais.
- Pas faux.
Depuis la veille, Nancy avait l'impression d'en avoir appris plus sur Erick qu'en l'espace de quelques années ... C'était vraiment une sensation extraordinaire. Un peu flatteuse, aussi. Erick était taciturne depuis son retour, mais ne semblait se dérider qu'en sa compagnie. Et elle avait réussi à confier à lui plus qu'elle ne l'avait fait à quiconque ...
- Tu sais ... Ça m'a fait du bien, de passer la matinée, avec toi, aujourd'hui.
Il se retourna pleinement vers elle, son regard éclairé par une lueur de surprise. Elle eut un léger mouvement de recul, et sentit soudainement son visage la chauffer ... Elle détourna la tête, presque en colère contre elle-même. Elle se sentait rarement embarrassée, et rougissait encore plus rarement. Erick la déstabilisait vraiment ... C'était embêtant. Frustrant même. Il allait se moquer d'elle ... Elle entendait déjà son rire stupide, la manière dont il l'a traiterait d'enfant naïve ...
- Eh bien ... merci. Moi aussi, ça ... m'a fait du bien.
Sa colère fondit comme neige au soleil, la laissant presque bouche bée. Ce ton, cette voix mal assurée ... Jamais elle n'avait entendu parler Erick ainsi. Avec colère, avec sarcasme, avec douceur, avec humour ... Mais avec timidité ? Jamais. Ça paraissait même pratiquement incompatible avec lui.
Se moquait-il ? Sans doute ...
Pourtant, lorsqu'elle se tourna vers lui, sur le flanc ... Elle constata qu'il était sincère. Pleinement sincère. Et probablement aussi embarrassé qu'elle par son propre aveu. Elle lui fit un petit sourire. Il y répondit.
- Tu as changé. Ça fait plaisir.
- La Sorcière a raccroché son chapeau, plaisanta-t-elle.
Il rit de nouveau.
- Tant mieux. Je préfère cette Nancy là.
Elle se figea, et il cessa de rire. Il ... Il venait de ... dire quoi ? Oh. Erick déglutit alors vivement, et se redressa, avant de bondir sur ses pieds, en se passant les mains sur son jean.
- I-il commence à se faire tard, on devrait probablement rentrer, tu ne crois pas ?
- Ah, si, si. Je devais ... faire un truc, de toute manière.
* * * *
« - Mais quelle horreur ...
Lorsqu'Almarica entra à pas feutré dans la pièce principale de leur cabane agrandie, la première chose qu'elle vit fut la posture voûtée de Svelja. Elle avait enfoui son visage dans ses mains, et ses longues mèches dorées effleuraient maintenant son visage plus pâle qu'ordinaire. Derrière elle, adossé au mur en bois de la cabane se trouvait son frère. Il fixait le vide, les sourcils froncés, l'air pris dans une profonde réflexion ... Et elle ne lui avait rarement vu un air si sombre.
- Que leur arrive-t-il ? coassa Philios, à côté d'elle.
Ils avaient passé la nuit entière ensemble. Il ne pouvait, ni ne voulait dormir, et elle non plus. Alors ils avaient parlé, étaient restés silencieux, perdus dans leurs pensées, et Almarica avait demandé des informations sur Leedna. Avait demandé qui elle était, de quoi elle était capable, ce qu'elle avait fait ...
Philios lui avait appris que la jeune femme était une des plus fidèle soldate du Roi. Une jeune femme solide comme un roc, mais aussi froide qu'un morceau de glace. Efficace et sans émotion. D'une loyauté à tout épreuve pour son frère, et leur famille. Ils avaient combattu ensemble, par le passé. Une femme froide, certes, mais pas mauvaise. Elle avait l'intérêt des Caerris et du Royaume à cœur, et n'aurait pas hésité une seule seconde à faire des choix discutables si cela permettait à d'autres d'avoir une vie meilleure.
Elle en avait eu froid dans le dos. Typiquement le genre de guerrier que son frère, Bellum, aurait aimé avoir sous son coude. Almarica savait que Leedna était un danger pour eux. Qu'allaient-ils donc bien pouvoir faire ... ?
Ils avaient fini par s'assoupir l'un dans les bras de l'autre, à l'aube naissante. Lorsqu'elle avait rouvert les yeux, le soleil était haut dans le ciel, et Philios la regardait fixement, de ses deux yeux vert émeraude, fixement. Il l'attendait pour aller voir les autres.
Malgré ses protestations, Philios avait fait la sourde oreille. Elle avait donc fini par capituler, et ils s'étaient mis en route vers la pièce principale, bon gré mal gré.
- Que se passe-t-il ? finit par demander Philios, à voix haute.
Les deux amants relevèrent la tête au même moment, et Svelja plaqua une main sur sa poitrine en exsudant un petit cri de joie.
- Tu es réveillé !
Elle se leva si vite que sa chaise s'en trouva renversée à terre, et elle se jeta sur lui, de toutes ses forces, englobant Almarica au passage. Une bouffée de parfum de fleurs la submergea alors ... Svelja ...
- J'étais inquiète, si inquiète ... Mais Almarica est une guérisseuse de talent ! Je savais qu'elle arriverait à te soigner.
- Comme toujours, lui dit-il alors qu'elle se décalait de lui, avec un grand sourire.
Le compliment la fit légèrement rougir.
- Que se passe-t-il ?
Svelja perdit soudainement son sourire, et son regard se voila. Derrière elle, Fenror poussa un long soupir.
- Où sont les autres ? demanda Almarica à son tour.
- Guemnir et Zelmaria sont partis au village. Et Kryos garde Leedna, répondit doucement Svelja.
- Quelque chose est arrivé ? devina son ami, soudainement tendu.
Fenror s'approcha de la table, et en tapotant le bois, les invitant à venir s'y asseoir, la mine toujours aussi sombre. Prise d'un mauvais pressentiment, elle alla s'y asseoir, aidant Philios à l'atteindre, soudainement pris de faiblesse. Sa condition était encore fragile, comme son corps enroulé de bandages en témoignait. Pourtant, Philios garda sa main sur son épaule une fois assis, crispé. Elle garda donc la sienne en travers de sa taille, la serrant aussi. Pour lui signifier ... Qu'elle était là aussi.
- Vous en faites, une drôle de tête, ricana Philios ... d'une voix pourtant mal assurée.
Svelja soupira, et s'installa à côté de Fenror, les mains jointes sur la table. Si son frère, ni la jeune femme n'osaient les regarder dans les yeux.
- Nous revenons du village ... Et nous avons reçu de terribles nouvelles.
Almarica sentit son cœur se glacer. Et Philios resserra sa prise, encore.
- L'armée de Bellum a fait une avancée dramatique. Elle a atteint trois cités frontalières, qu'elle a mise à sac et ... On déplore peu de survivants.
Des larmes lui montèrent aux yeux. Non. Pitié, non. Philios était blanc comme neige, à ses côtés.
- Lesquelles ? murmura-t-il d'une voix sortie d'outre tombe.
- Frondemar, Castelder, et Harren.
Il ferma les yeux, et durant un instant, elle crut le voir articuler une prière silencieuse.
- J'ai été en permission à Castelder ... Une cité petite mais charmante ... Comment cela a-t-il pu arriver ?
Son regard était fantomatique. Et durant un instant, Almarica se sentit écrasée par la culpabilité. Elle venait du royaume de Domitien. Elle était la sœur de Bellum, l'homme derrière toute cette folie. Et même si contrairement à Fenror, elle n'avait jamais participé à ça, directement du moins ... Elle ne pouvait s'empêcher de s'en vouloir.
- Je suis désolée ... chuchota-t-elle d'une petite voix, la gorge enserrée dans un étau de fer.
De l'autre côté de la tête, Svelja secoua la tête avec un petit sourire. Dans son regard, un seul et unique message : «Ce n'est pas ta faute.». Elle répondit maigrement à son sourire, et sentit le poids sur son cœur s'alléger un peu quand elle se rendit compte que la main de Philios était toujours là. C'était stupide, et égoïste, surtout dans un moment pareil, mais ça lui faisait du bien.
- Mais ... Ce n'est pas tout, murmura Fenror.
Le poids revint l'écraser de toutes ses forces, alors qu'elle se demandait quelle catastrophe était sur le point de leur tomber encore dessus ...
- En représailles, reprit Svelja, les armées de Zelphis ont ... été envoyé près du royaume de Domitien. Dans un coin peu surveillé, sans intérêt militaire. Et ...
Elle enfouit son visage entre ses mains, et durant un instant, elle crut que son amie allait se mettre à pleurer.
- Ils ont attaqué quatre villes, continua Fenror.
- Pas attaqué. Ils les ont DÉTRUITES. Rasées ! Démolies ! répliqua Svelja, en hurlant presque.
Elle étouffa un sanglot, et son frère passa un bras autour des épaules de son amante, les yeux bien humides, lui aussi.
Le cœur d'Almarica aurait très bien pu cesser de battre qu'elle ne s'en serait pas rendue compte. Quelle horreur ... Mais quelle horreur. Fenror prononça le nom des villes tombés, mais Almarica n'entendit rien. Simplement le son de son cœur battant dans ses oreilles. Assourdissant, si assourdissant ... Et elle tremblait. De toutes ses forces. Ce n'est que lorsque Philios commença à l'appeler, doucement, qu'elle revint à elle. Son regard, si triste, si désolé, était rivé sur elle. Il inclina légèrement la tête sur le côté, en une question muette qu'elle ne prit pas la peine de déchiffrer. Elle essuya ses joues maculées de larmes d'un revers de la main en haussant les épaules, préférant se concentrer sur les deux guerriers de l'autre côté de la table.
- Il n'y avait que des civils ! Des vieillards, des enfants, des infirmes ... Ça n'aurait jamais dû arriver, jamais ...
Svelja paraissait si abattue ... Et si en colère.
- Le champ de bataille, c'est une chose. Mais là ... ce n'était que de la cruauté gratuite envers des innocents. «Il y aura toujours des dégâts collatéraux», disait-on ! Mais là, ce ne sont pas ... Ils étaient directement visés. DIRECTEMENT. Zelphis ... Il a dépassé les bornes !
- C-ce n'est pas ... le genre de mon frère, que de faire ça. Une attaque sur les civils, en représailles ... Je ... Même lui ... balbutia Philios, perdu.
- Soit quelqu'un a décidé d'outrepasser son commandement, soit ton frère s'est transformé en impitoyable guerrier, déclara froidement Fenror.
Ce dernier n'avait jamais aimé Zelphis. Non pas par son statut d'ennemi héréditaire, mais à cause de son comportement en général. Zelphis était un jeune roi, mais un roi un peu ... capricieux. On rapportait tout un tas de rumeurs sur lui, et Svelja en avait confirmé certaines, tout en réfutant d'autres. Il disait haïr son côté chef de guerre qui n'a jamais côtoyé ses troupes. En réalité, Almarica soupçonnait plus que son animosité était due à la pression qu'il avait mis à Svelja pour qu'elle cède à ses avances ...
- Quoi qu'il arrive ... neuf cités ont été détruites, souffla Almarica, d'une voix rauque.
Elle attira l'attention à elle, et baissa le regard sur ses mains. L'une d'entre elle serrait sa tunique. L'autre ... était agrippée à Philios. Elle ferma les yeux. Quelques lunes auparavant, elle ignorait tout de cette guerre, était persuadée d'être ... Là où il fallait. Maintenant ... Maintenant elle savait que non. Et ... ça ne pouvait plus durer.
- Cette guerre, tout le monde en souffre. Et à qui profite-t-elle ? murmura Almarica.
- À ceux qui ne la font pas, répondit gravement Fenror.
- À ceux qui n'en souffrent pas, corrigea Svelja. Il n'y a pas de bonnes guerres. Il n'y a pas de guerres justes.
Le cœur d'Almarica se serra à leur vue, à leur voix, au fatalisme qui émanaient d'eux.
- Ça suffit.
La voix de Philios manqua de la faire sursauter. Cette intonation, ce timbre ... Si grave, si ... Sombre. Son visage ne laissait rien paraître, si ce n'est une forme de choc dû aux tragiques nouvelles. Mais ses yeux ... Ses yeux ... Jamais elle n'avait vu son regard émeraude briller ainsi. Non pas de peine, non pas d'horreur ... Mais de rage. D'une rage écumante, bouillonnante ... Comme si quelque chose, enfin, semblait s'être libéré.
- Lorsque nous avons prêté serment, nous l'avons fait au nom de la protection de notre royaume. De le protéger, lui et ses habitants, quoi qu'il nous en coûte.
Les épaules de Svelja s'affaissèrent, et Fenror ferma les yeux. Comptait-il ... Comptait-il vraiment leur reprocher ... ?
- Si je me battais, si je tranchais, si je tuais, c'était pour mon royaume. Pour le peuple s'y trouvant, pour la famille qui m'y attendait, pour ... Toi, Svelja.
Elle tressaillit, muette. L'intensité dans son regard, dans sa voix ... Et sa main, sa main serrée si fermement autour de son épaule qu'elle lui laisserait probablement des marques ...
- Philios, je ...
Le regard qu'il lança à la jeune blonde acheva de la faire taire.
- J'ai juré de protéger les faibles. Toi aussi. Et toi aussi, murmura-t-il en se tournant vers Fenror. Nous l'avons tous fait. Au nom de notre propre royaume. Mais nous voilà maintenant réunis autour d'une table, à discuter de tragédies qui n'auraient jamais dû arriver.
Fenror serra les dents, et ferma les yeux. Almarica pouvait pratiquement voir d'ici le poids de la culpabilité peser sur ses épaules. Le même qui pesait sur les siennes ...
- Si seulement mon père n'avait pas ...
- Je me MOQUE de qui à commencé et pourquoi. Qui est fautif ou non. Nous le sommes tous. Mais maintenant ... Ça suffit. Ça suffit, Fenror. Ça suffit.
Il répéta ses mots, encore, et encore, et encore, et encore, comme une litanie.
Dans cette guerre qui durait déjà depuis trop longtemps, bien des guerriers étaient tombés sur le champ de bataille. Quelques villages avaient été passés à sac, des innocents étaient déjà tombés. Mais des attaques d'une telle envergure, d'une telle atrocité ... C'était la première fois. Du moins, de ce qu'elle savait. Quatre cités pour trois tombées. Neuf. Un nombre ensanglanté ... Les larmes coulèrent d'elles-mêmes. Almarica avait travaillé à devenir une alchimiste. Elle avait travaillé à concocter les meilleurs potions, les meilleurs soins, les meilleurs poisons ... Elle avait été sous les tutelles des plus grands maîtres de Domitien, guérisseurs et assassins mêlés. Et aucun n'avait tari d'éloges sur elle, sur ses capacités ... Elle avait tué. Autant qu'elle avait sauvé des vies. Même si elle n'avait jamais pris de ses propres mains une vie, par ses pouvoirs, ou par l'épée, elle l'avait fait. Elle savait à quoi ressemblait un cadavre. Hommes, femmes, enfants, elle ne pouvait s'empêcher de les voir étalés dans les rues semblables à celle du village qui était devenu le sien, à côté de la forêt, ne pouvait s'empêcher d'imaginer leurs cris d'agonies, de désespoir ... Des hurlements imaginaires qui se fondirent dans le silence, quand elle se rendit compte que Philios avait clos ses lèvres, sous les regards médusés de Fenror et Svelja.
Qu'avait-il dit ?
Que n'avait-elle pas pu entendre ?
- Nous allons accomplir notre serment, conclut-il d'une voix grave, solennel.
Ses mains tremblaient. Non pas de rage, ou de peur, mais ... de détermination. Une détermination féroce. Si féroce ...
C'est alors qu'elle se souvint. De ses mots qu'elle avait entendu, mais pas écouté.
«- Cette guerre, nous allons y mettre un terme.»
* * * * *
Almarica était épuisée. Tenait à peine sur ses jambes. Les derniers jours avaient été rudes. Si rudes. Elle avait besoin de dormir. Une semaine entière, si possible. Mais elle était bien placée pour savoir que ce n'était malheureusement pas possible. Pour le moment, du moins. L'heure était au déjeuner.
Rina et Zack avaient eut la gentillesse de leur offrir des chambres. Elle les avait visitées, par curiosité. Un style décidément vieillot qui n'était pas sans lui rappeler l'ancien temps. Et des peintures, des peintures merveilleuses, accrochées ça et là, dans les chambres et les couloirs de cette maison coloniale datant d'une autre époque. Almarica n'avait pu s'empêcher de les admirer, époustouflée. Elle ignorait qui avait peint ces paysages de toute beauté, qui avait pris le temps colossal d'y ajouter tous les détails du monde, de la nervure d'une feuille minuscule, à la lueur de l'aube se reflétant sur la carapace d'une coccinelle. Almarica ne s'y connaissait pas vraiment en art, mais crut reconnaître différentes techniques, différents types de peintures. L'artiste s'était amusé à s'essayer à différents styles, ses tableaux tous plus réussis les uns que les autres.
Mais celui qui l'avait le plus intrigué, probablement, était celui représentant au loin, sous un merveilleux crépuscule, une grande cité blanche, où flottaient des bannières rendues presque noires par l'obscurité de la tombée de la nuit. Impossible de les lire ... Mais ce château, ce merveilleux château ... Quelque chose avait résonné en elle, à cette vision. Quelque chose de profond, et lointain. Mais pourtant ... Quelque chose de familier.
Depuis qu'elle était arrivée ici, Almarica se sentait tiraillée par un sentiment au plus profond d'elle-même. Comme si quelque chose en elle, son inconscient peut-être, avait depuis longtemps remarqué quelque chose. Comme si une petite voix lui murmurait doucement, mais avec détermination : «regarde, regarde, regarde, regarde !»
Quelque chose était là sous ses yeux. Quelques chose était à portée de main, à portée de doigts, mais Almarica n'arrivait pas à savoir quoi. Que manquait-elle ? Son instinct ne lui avait jamais fait défaut. Toutefois, mais si elle se sentait alerte, sur le point de manquer quelque chose de crucial, elle sentait, au plus profond d'elle-même ... que ce n'était pas vital. C'était important ... Mais pas quelque chose de menaçant. Alors son être semblait faire moins d'efforts que nécessaire pour se rappeler. Ce n'était pas dangereux, ça ne menaçait pas sa vie. C'était secondaire, alors. C'était frustrant.
Aussi frustrant que les arabesques pompeuses décorant son assiette. Et son verre. Et ses couverts ... Ce service de table devait valoir une fortune. Zack et Rina n'étaient certainement pas sur la paille. Et la table était recouverte de bons petits mets. Des mets préparés simplement, mais d'une telle manière que tout semblait appétissant. Et surtout ... c'était des plats qui lui semblaient provenir d'un peu partout. Elle aperçut une salade de tomate recouverte de pesto, non loin d'un bol de pois chiches recouvert d'une étrange poudre lui faisant penser à du curry. Et ... était-ce du tapioca, non loin de ce qui ressemblait à des doritos ? Almarica en aurait presque l'eau à la bouche.
Lorsqu'elle s'installa sans un mot à la table circulaire, Sheena, Amélia, et les jumeaux à sa gauche, Ash, Ciela, et Rina à sa droite, elle remarqua que Zack s'était installé en face d'elle. Avec son air nonchalant, et son sourire de bienheureux, il ressemblait à un benêt ... Ou un homme insouciant. Mais les regards qu'il lui lançait de temps en temps ... Des regards emplis de curiosité. Et d'autres choses ... D'attente, presque. Rina faisait de même, bien qu'avec beaucoup plus de discrétion. Mais chez elle, Almarica ne ressentait que de la tension. De la tension, et de la méfiance ... une dangereuse combinaison. Souvent liée à la peur. Elle avait été agressive avec eux, dès le départ. Une agressivité qu'on aurait pu mettre sur le dos d'une vieille femme ne supportant pas les inconnus, ou les jeunes gens ... mais Almarica était bien placée pour savoir que la meilleure défense était l'attaque. Si l'Inexistante les avait envoyés ici, ce n'était pas pour rien. Ils cachaient tous deux quelque chose ... Et Almarica était déterminée à savoir quoi.
- Ash, pour l'amour du ciel, tiens-toi bien, rouspéta Ciela à voix basse, mais suffisamment fortement pour que tous l'entendent, malheureusement.
Le jeune homme se contenta de répondre par un simple grondement. À moitié affalé sur la table, et emmitouflé dans son sweat, sa capuche trop grande rabattue sur sa tête, Ash paraissait prêt à faire un sacré somme.
Ciela leva les yeux au ciel, et Ash répondit de nouveau avec un grondement, en enfouissant son visage entre ses bras.
- Laisse-le, s'amusa Zack. Ce n'est pas grave.
La jeune Element de lumière lui jeta un regard désolé, presque embarrassé, avant de se tourner vers Rina, qui secoua doucement la tête.
- Quand la fatigue nous clame, les bonnes manières peuvent passer par la fenêtre, grommela la vieille femme, en se saisissant de ce qui ressemblait fortement à un plat de macédoine, posé à quelques centimètres d'elle.
Elle tiqua, et fronça ses sourcils. Où avait-elle déjà entendu ça ... ? Peut-être une simple impression de déjà-vu ... Et pourtant, et pourtant ...
«Regarde regarde regarde regarde ...»
Les jumeaux fondirent sur les doritos plus rapidement que des rapaces sur une proie sans défenses, et Amélia, l'air toujours ailleurs, s'amusait à tourner et retourner dans son assiette une tranche de tomates. Et Ash paraissait s'être endormi sans autre forme de procès, à la grande exaspération de Ciela.
- D'où venez-vous ? demanda soudain Sheena, d'une voix étrangement bien assurée.
Du coin de l'oeil, elle aperçut Rina se raidirent, mais Zack haussa les épaules, toujours avec ce sourire bon enfant ...
- De loin d'ici. Nous ne sommes pas ... américains, de base.
«Regarde, regarde, regarde, regarde, regarde ...»
- D'où venez-vous, alors ? insista-t-elle.
Ciela fronça les sourcils, comme si elle pouvait sentir, elle aussi, que quelque chose n'allait pas.
- De loin d'ici.
- Ça peut vouloir dire beaucoup de choses, loin d'ici ...
- En effet, oui ...
Crìs se tendit soudainement, et cessa de grignoter sa chips. Le ton de Zack n'avait pas changé. Son attitude non plus. Mais quelque chose dans l'ambiance de la pièce avait suffisamment évolué pour que l'attention de tous soit attirée à cette conversation. Même Rina en paraissait mortifiée.
«Regarde, regarde, regarde, regarde, regarde, regarde ...»
- Les tableaux que nous avons aperçus dans le couloir ... ils sont magnifiques !
- Merci. Je les ai moi-même peints.
«Regarde, regarde, regarde, regarde, regarde, regarde, regarde, regarde ...»
Sheena hocha doctement la tête, ne prenant toujours pas la peine de tenter de remplir son assiette, ses mains sagement posée que ses genoux, le dos droit, un sourire ... qu'Almarica aurait pu qualifier de «professionnel» illuminant les doux traits de son joli visage.
- Les peintures ... De bien beaux paysages. Sont-ils ceux que l'on pourrait apercevoir chez vous ... ?
«REGARDE, REGARDE, REGARDE, REGARDE, REGARDE, REGARDE, REGARDE, REGARDE.»
Les peintures.
Le sentiment qui la tenaillait ne la lâchait pas depuis qu'elle avait vu Rina, puis Zack. Mais il s'était aggravé lorsqu'elle avait pour la première fois posé son regard sur ses peintures.
Des peintures ... Peintes par lui.
Un peintre signait presque toujours ses œuvres. Lui l'avait fait aussi. Elle se souvenait de sa signature. Vue plusieurs fois, le plus souvent en lettres blanches, peintes discrètement dans le coin inférieur gauche de ses tableaux.
Deux lettres
Z.C
Zack C-quelque chose ...
Zack. Un Element d'air. Et Rina, une Element d'eau.
Non ... pas un Element d'air. Pas seulement. L'éclat étrange, au-delà de ses lunettes, aurait pu passer pour un reflet, à un non-connaisseur. Mais Almarica connaissait ce domaine, celui des Elements. Elle avait passé toute sa vie, sa longue existence, à l'étudier, commençant alors qu'elle n'était qu'une toute petite fille, sous l'œil acéré de son géniteur, dans un château depuis bien longtemps oublié, dans ce qui lui semblait être une autre vie ...
Zack était un double Element. Un de foudre et d'air. Comme Rezher. Comme ...
La révélation la frappa comme un coup de poing. Et elle se souvint. Elle se souvint de tout. Doucement, sans même s'en rendre compte, Almarica se leva, ses yeux rivés sur lui. Lui qui s'était redressé droitement, ne lâchant pas son regard, les mains croisés devant lui. Dans son champ de vision périphérique, Rina avait enfoui son visage entre ses mains, tremblante.
Et à sa gauche, Sheena hochait doucement la tête. Elle avait compris. Elle avait compris avant tout le monde. Peut-être que Zelmaria le lui avait dit. Ou pas. La jeune femme était suffisamment intelligente pour tout comprendre par elle-même.
Tout faisait sens. La raison de leur présence ici, la raison de leur réactions, de leurs non-dits, de sa nostalgie, de son instinct si perturbé ... Jamais, au grand jamais elle n'aurait cru les revoir ici.
Z.C. ... Z.C., pour ...
- Zelphis Caerris.
Amélia cessa de jouer avec son rond de tomate, et Ciela plaqua une main sur sa bouche, ses yeux dorés écarquillés de surprise.
«Zack», hocha la tête, et retira ses lunettes. Ses cheveux n'étaient plus les mêmes, avaient poussé, sa peau avait noircie ... Mais c'était bel et bien lui. Zelphis Caerris, tout premier Roi du continent unifié de Eneria, et l'aîné de la dernière génération de sa lignée.
Et la vieille femme, à sa droite ...
Soudain, un rire profond, grave, résonna à travers la pièce. Un rire provenant de la personne endormie, juste entre Ciela et Rina. De là où elle était, elle voyait ses épaules se soulever en un rire qu'il n'arrivait pas à étouffer. Puis enfin, il se redressa normalement dans sa chaise, et sa capuche lui tomba de la tête. Révélant une touffe indomptable de cheveux écarlates. Non pas noir de charbon, comme d'ordinaire ... Mais d'un rouge si éclatant, qu'il ne pouvait provenir que d'une seule et unique personne.
Et quand il tourna son regard doré vers elle, Almarica comprit enfin la raison de la fatigue de Ash.
- Tu n'as plus l'esprit très vif, ma sœur.
Fenror Reïsha, dit l'Inconnu, avait refait surface.
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J'adore les cliffhanger ... Je crois que c'est un de mes outils scénaristiques préférés.
J'espère que vous passez un bon été ! Le mien est assez mouvementé ... Mais je suis heureuse de vous retrouver ! Avec des nouvelles, qui plus est ...
Déjà, la toute première, c'est que je vous annonce officiellement que j'arrête Âmes Éthérées, mon autre histoire. Je songe aussi à la retirer de mon profil wattpad, étant donné qu'elle ne sera plus uploadée. La raison à cela est toute simple : je travaille sur un autre projet, qui est ce qu'aurait dû être Âmes Éthérées au départ ... C'est un projet qui me tient à cœur depuis très longtemps, et sur lequel je travaille depuis bientôt trois ans. J'en ai eu honte durant des années, et ce n'est que très récemment, grâce à mes meilleurs amis, (coucou) que j'ai réussi à m'ouvrir à ce sujet, et à m'y consacrer. C'est un projet qui me passionne réellement, et je suis désolée pour ceux qui aimaient Âmes Éthérées ... Je ne pense pas que je pourrai un jour le continuer. Ce n'était pas une histoire que j'étais en mesure de gérer correctement, de toute manière. Je vous remercie tout de même pour le soutien qu'elle a reçu, pour le temps qu'elle fut publiée et mise en ligne. Vous avez été extraordinaires.
Si vous voulez en savoir plus sur ce fameux projet mystère, sachez que je travaille dessus de mon côté, tout en n'abandonnant pas S.E.A, et que je ne pourrai vous en faire part pas avant qu'S.E.A ne soit terminé. Si vous êtes curieux à ce sujet, demandez-moi dans les commentaires, je vous en parlerai peut-être un peu plus le mois prochain !
Enfin, sachez que nous approchons de la fin du tome deux de S.E.A. Et c'est là que vous entrez en scène. Voyez-vous, je comptais faire une sorte de trilogie, originellement, pour vous éviter un autre pavé de quatre-vingt chapitres qu'était le premier tome.
Que voulez-vous ? Un second tome tout aussi long ? Ou un tome deux plus court, avec un troisième tome ? J'ai déjà une idée de ce que je veux faire, mais je voulais quand même vous demander votre avis ... Merci de votre fidélité quoi qu'il arrive, et je vous en serai toujours reconnaissante, pour vos commentaires, vos votes, ou même simplement vos vues, petits lecteurs fantômes. Merci de faire vivre S.E.A !
À la prochaine, mes petits Margoulins en sauce !
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