Chapitre 37 : matinée enflammée
- Le «fantôme» de l'enfant ? Comment ça ?
- Ah, tu ne connais pas cette histoire ?
- Je ne sais pas de quoi tu parles, Aïdan ...
Son meilleur ami se renversa dans sa chaise, en passant une main dans ses cheveux parfaits, un sourire plus que joyeux accroché aux lèvres.
- C'est une légende locale, qui traîne sur l'île depuis des lustres !
Henry se retint de toutes ses forces de lever les yeux au ciel. C'était lui qui était toujours plongé dans les livres d'histoire fantastique ou d'aventure, mais c'était son meilleur ami qui était gaga de paranormal. Loups-Garou, Vampires, Sorcières, et bien sûr, Fantômes, il croyait à tout. «Nous sommes des ELEMENTS ! Selon le bon sens commun des humains, nous ne sommes même pas censés exister ! Pourquoi pas eux aussi ?», ne cessait-il de marteler.
- Ah ... Oui, à bon entendeur.
- Tu veux l'entendre ?!
- Mais vas-y, fais-toi plaisir ...
Il l'aurait racontée de toute manière ...
Avec Aïdan, même le plus simple des récits pouvait se transformer en un long monologue de plusieurs heures. Alors Henry prit le temps de s'installer plus confortablement dans sa chaise, et posa son menton dans le creux de sa paume, faisant bien attention à se composer une expression attentive.
Si son meilleur ami remarquait qu'il ne l'écoutait pas, il n'aurait pas fini d'en entendre parler ...
Ce dernier prit une grande inspiration avant de toussoter légèrement, un sourire mesquin accroché aux lèvres.
Et c'est parti ...
- Je sais ce que tu te dis. «Encore une histoire à la con de ce bon vieux Aïdan.» Mais que nenni, mon ami. Cette histoire, elle est vraie. Et même TOI tu en as été le témoin.
Henry tiqua légèrement. Oui ... Oui, bon, certes, cette gamine avait été étrange, et la manière dont elle s'était fondue dans les ombres l'était encore plus mais ... Ça aurait pu être une illusion d'optique. Ou alors, Aïdan avait réussi à payer la gamine pour qu'elle lui fasse un tel cinéma ... Ce n'aurait pas été la première fois que ça arrivait, après tout !
- Et non, je n'y suis pour rien cette fois-ci.
- J'ai peine à te croire.
- Mec, j'étais parti faire un footing, un samedi matin à sept heures, PARCE QUE TU AS LAISSÉ TON RÉVEIL ALLUMÉ ! Tu crois sérieusement que j'aurais eu la foi de te faire une telle blague ? Je ne sais même pas par où tu es passé pour aller à la bibliothèque, toi qui ADORES couper dans la forêt, d'habitude ...
- ... Par le chemin blanc.
- Ah bah pour une fois ...
Ok, ok, peut-être que ce n'était pas Aïdan ...
- Eh, laisse-moi deviner. Ta gamine, elle faisait environ un mètre trente, de longs cheveux bruns en bataille, et une tenue encore plus rapiécée que la veste en patchwork de monsieur O'Brien, et point bonus si elle était pieds nus ?
Henry ouvrit de grands yeux, ébahi. Et un long frisson lui remonta la colonne vertébrale. Comment pouvait-il ... ?
- Si c'est une blague, Aïdan, je te jure que ...
- C'en est pas une ! Je te le promets ! Je suis sincère !
Comment pouvait-il savoir que ... ?
- Je ne mens pas.
Jamais Henry n'avait vu son ami tirer une telle tête. Oh, bon sang de Dieu. Il était sérieux.
- Je peux raconter mon histoire ?
- Si ... Si ça te fait plaisir ...
- Parfait, alors !
Il prit une grande inspiration, et fixa le bois de la table de la bibliothèque, un instant.
- Tu connais l'histoire de l'île ? Tu sais, la fondation du village, les premiers arrivants ...
- Bien sûr. Des Elements fuyant une Europe en proie à l'inquisition, souhaitant atteindre le Nouveau Monde pour y vivre en paix, loin des persécution. Mais le bateau a été pris dans une tempête abominable, et au sortir de celle-ci, ils ont fini par atterrir sur l'île. Le Capitaine Gilbert Campbell et sa femme en vinrent à fonder le village, et l'académie. C'est ça non ?
- ... Ouais, si on veut.
- Comment ça, si on veut ?
- Tu connais juste le basique ! C'est ennuyeux, tu ne connais même pas la légende, je vais devoir être obligé de tout te raconter ...
Mais bien sûr. Aïdan ADORAIT parler. Comme si ça le dérangeait, de lui expliquer tout ça ...
- Je t'écoute ... soupira-t-il.
Il ne put retenir un grand sourire, et se pencha en avant, vers lui, le regard brillant.
- En réalité, lorsque le navire du Capitaine Campbell est arrivé ici, l'île était déjà habitée. Enfin, selon la légende.
Henry fronça les sourcils, et pencha légèrement la tête sur le côté, pensif.
- Hu-um. Mais encore ?
- Mec, sonne plus convaincu là ! Je ne vais pas m'embêter à te raconter quelque chose qui ne te passionne pas pour un sou.
En réalité, il était même ... plutôt intrigué. Mais plutôt mourir que le lui confier.
- Allez, accouche, commère.
- Bon, bon. Donc je disais, en réalité, l'île était déjà habitée. Par deux demoiselles.
- Deux femmes ?
- Ouaip. Et l'une d'entre elle était l'Enfant.
Il sentait la majuscule dans sa voix. «l'Enfant», hein ...
- Et l'autre ?
Il haussa les épaules.
- Différentes versions de la légende racontent différentes choses. Une vieille femme, une splendide beauté, une toute petite fille, la mère de l'Enfant ... On ne sait pas trop, mais ce n'est pas le plus important.
Henry haussa les sourcils, et durant un instant, il se demanda pourquoi est-ce qu'on avait plus retenu une gamine dans une légende que l'autre personne.
- L'Enfant aurait alors accueilli les nouveaux arrivants avec chaleur et bienveillance ... tout en leur conseillant de remonter rapidement sur le bateau pour se barrer au plus vite.
... D'accord, très bien.
- L'île est gigantesque, elle n'était pas prête à partager ?
Enfin, gigantesque. Il se comprenait. Elle n'était pas petite, quoi ...
- Mais ce n'est pas qu'il s'agit de ça ... Quand les arrivants lui répondirent qu'il était impossible pour eux de repartir, sans vivres, et surtout avec un navire dans un tel état déplorable après la tempête, l'Enfant accepta qu'ils résident sur l'île le temps qu'ils récupèrent, avant de continuer leur cheminement vers le Nouveau Monde, à la seule condition qu'ils ne cherchent à pénétrer les terres de l'île. Qu'ils se cantonne au lieu d'arrivée de leur navire, tout en occupant l'espace qu'il leur fallait pour vivre.
Selon la géographie de l'île, seule la côte sud de celle-ci était habitée. Puis il y avait l'académie, non loin de son centre. Mais sinon, le reste était ... ''sauvage''. Quelques petits champs, sur la côte ouest, mais le reste de l'île était plongé dans une forêt verdoyante et indomptée. Des chemins de balades balisés, par-ci, par-là, mais c'était tout. Henry avait toujours pensé que les habitants tenaient à la beauté brute de leur île, simplement. Qu'ils étaient habitués à leur petit espace, sans vouloir en avoir plus. Ou peut-être la cité de l'académie n'avait pas assez d'argent pour agrandir leur petite ville ...
- Au bout d'une année, le bateau était réparé, et ils avaient suffisamment de vivres pour repartir, mais les anciens passagers n'avaient plus envie de quitter l'île. Ils s'y étaient attachés, et la considéraient maintenant comme leur lieu de paix, leur petit paradis. Gilbert alla alors voir l'Enfant, la suppliant de les laisser rester. Ils avaient fui leurs pays natals, pour échapper à la guerre, la famine, les maladies, les persécutions, et maintenant qu'ils ont trouvé un lieu où ils pouvaient vivre en paix, les voilà qui devaient repartir ?
Henry hocha la tête, sans vraiment y penser. Il est vrai qu'à leur place, il aurait probablement songé à la même chose.
- L'Enfant, touchée par les paroles de Gilbert, lui aurait alors révélé un secret. La raison pour laquelle elle était réticente à la venue de tant de personnes sur son île.
- Un secret ? Quel secret ?
Avec un grand sourire, Aïdan se redressa, bien droit, avec un sourire sournois, ménageant son effet quelques secondes.
- Un secret si grand, et terrifiant, que Gilbert en fut ébranlé. Et songea même à quitter l'île. Si l'Enfant souhaitait leur départ, ce n'est pas parce qu'elle les détestait, non, non. Et pas non plus parce qu'elle voulait garder pour elle ce petit coin de paradis. Mais parce qu'elle protégeait quelque chose. Parce qu'elle gardait quelque chose.
- Quoi donc ?
- Eneria.
Henry resta interdit, un court instant ... Avant d'exploser de rire. Aïdan tiqua, mais Henry ne put s'empêcher de continuer à rire. C'était tout bonnement RIDICULE.
- Eneria ! Bah voyons, et pourquoi pas le Père Noël quant on y est.
- Mais je dis la vérité !
- Mais n'importe quoi ... T'es d'une naïveté, Aïdan. Tout le monde sait qu'Eneria n'est qu'une légende ! s'énerva-t-il.
Tout ça pour ça ... n'importe quoi. Henry n'avait jamais aimé l'histoire d'Eneria. Une guerre ancestrale, un grand méchant, une terre engloutie ... C'était tellement facile. Vu, vu, et revu. Et puis quoi encore. L'Atlantide ? Avalon ? Il n'avait pas que ça à faire.
- Pour toi peut-être, mais pas pour moi, et pas pour beaucoup !
Henry eut un léger mouvement de recul. Aïdan paraissait ... vexé. Blessé, même. La dernière fois qu'il l'avait vu comme ça, c'était lorsqu'il s'était moqué de sa passion pour Céleste.
- Écoute, de toute manière c'est illégal de faire des recherches là dessus. Tu veux finir comme la mère de madame Walsh ?!
Aïdan grimaça. Madame Walsh, leur prof de mathématique, était tristement célèbre pour être la fille de Lily Verdana, la célèbre archéologue déchue et ruinée à cause de ses recherches illégales sur Eneria. On raconte que la perte de ses travaux, confisqués par le Conseil, l'aurait poussée au suicide.
- Et pourquoi c'est illégal, d'abord ?
Il roula des yeux, et soupira. Bon sang de dieu, qu'est-ce qu'il pouvait être pénible, vraiment ...
- Peut-être parce que des centaine de milliers de personnes se sont exercées à ça avant toi, et que ça en a résulté des morts et des catastrophes par brassées, sans oublier que ça a risqué à plusieurs reprises de nous faire découvrir par les humains. Tu veux vraiment que ça arrive, idiot ?
- Bah non ... Et puis pourquoi on se cache, d'abord ?
Mais il le faisait exprès aujourd'hui, ou quoi ?
- Si tu veux débuter une toute nouvelle chasse aux sorcières au XXème siècle, je t'invite à le faire ! Crétin ! On a pas besoin d'une troisième guerre mondiale sur les bras !
Aïdan s'affala sur sa chaise en grommelant, le regard dans le vide.
Et c'était lui qui était censé être le rêveur de service ... Qu'est-ce que son meilleur ami pouvait être benêt, parfois.
- Écoute Aïdan, oublie cette histoire de fillette. Ce doit être une mauvaise blague ou des élucubrations. Tu vois, toi, une fillette se balader en haillons dans l'académie, sans que personne ne la repère ?
Il s'apprêta à répliquer, quand ils entendirent un discret toussotement.
- Aïdan Starlight ?
Henry se raidit en reconnaissant la voix, et vit son meilleur ami bondir sur ses jambes, passant d'une pâleur extrême à une rougeur très caractéristique des moments où Céleste Gray était dans les parages ...
Il se retourna, avec un demi-sourire ... Pour le perdre rapidement en constatant que Gloria Weston était avec elle. Il DÉTESTAIT Gloria Weston. Une m'as-tu-vue de première qui avait un don absolument extraordinaire pour lui taper sur les nerfs à chaque occasion. Ils ne s'étaient jamais adressés la parole, mais ça lui suffisait largement. Elle était bruyante, arrogante, malpolie, et SURTOUT c'était une tête de mule doublée d'une mauvaise perdante. Elle n'aimait pas avoir tort, et elle ne se gênait pas pour le faire savoir à tout le monde ...
Mais ce qui lui hérissa encore plus le poil, là, maintenant, tout de suite, c'était le regard dégoûté qu'elle jetait à Aïdan. Il croisa les bras, la mâchoire serrée, et attendit.
- E-euh, oui ? finit par réagir son meilleur ami, avec un sourire un peu hésitant.
Céleste passa une main sur sa jupe plissée, avec l'air légèrement embarrassée.
- C'est Walter Ombrien qui m'a dit qu'on pouvait te trouver ici et ... Ah, euh, bonjour !! Euh ... oui, bonjour. Enfin, rebonjour, plutôt ... marmonna-t-elle, le regard rivé sur ses mains triturant son pull en laine.
Eh bien. Elle avait l'air très à l'aise en société, pas vrai ? Et c'était lui ou ... Elle paraissait un peu rouge ? Aïdan se contenta de lui faire un autre sourire, plus lumineux, et agita la main.
- Oui, rebonjour ! Comment va ta tête ?
- O-oh ! Mieux, merci. Zéro séquelle, apparemment ! Pas même des vertiges.
- Tant mieux ! Ç'aurait été dommage de se briser le crâne le jour même du début des vacances !
Elle rit légèrement et derrière elle, Gloria, les bras croisés, roula des yeux. Ça lui hérissa le poil. Bon sang de dieu, il était à deux doigts de l'étrangler.
- Je voulais te dire merci, sincèrement.
Aïdan se raidit et secoua vivement la tête.
- Oh, non, non. Vaut mieux pas. C'est moi qui ... T'ai renversée. C'est même à moi de présenter des excuses, j'aurais mieux fait de faire attention.
- Il faisait noir, on y voyait pas grand-chose ... J'aurai tout aussi bien fait de faire attention.
Bla, bla, bla ... Incroyable. Pour un peu, Henry se serait cru devant un film romantique à deux balles. Ils étaient aussi gênés et niais l'un que l'autre, c'était pas possible. Même Gloria paraissait consternée.
- Tout ça pour dire ... Merci quand même de m'avoir accompagnée jusqu'à l'infirmerie. Et ... Comment va ton bras ?
- Oh, euh ... Il va bien !
Il souleva la manche ample de son t-shirt pour révéler un bandage autour de son coude, quelque peu proéminent. Wow. Il ne s'était pas raté ! Ou Walter avait dû être un peu plus protecteur que la normale ... Depuis que Walter s'était entiché de sa sœur, Helen, qu'il considérait sur certains points comme une sorte de fille, il s'était aussi prit d'affection pour eux deux : «mes bons petits gars, il faut vous protéger, il faut vous surveiller !», s'amusait-il à dire. Dès lors, à chaque petit souci, Walter intervenait dans les grandes mesures. Un vrai papy poule.
- D'ici demain ce sera réglé. Merci de demander, c'est sympa.
Elle sourit un peu plus, et il crut voir son meilleur ami vaciller du coin de l'œil. Ce sourire lui retournerait la tête probablement jusqu'à la fin de la journée. Ou du week-end. Ou pour toujours. Il était très fleur bleue ...
- J'en suis soulagée. Mais tout de même, ça me gêne ... J'ai aussi dit de sacrées horreurs, tout à l'heure.
- Ça va, j'ai l'habitude ! s'amusa Aïdan, sincère.
Son cœur se serra lorsqu'Henry constata que, en effet, son meilleur ami avait l'habitude de ce genre de réflexion ignoble. Et ce n'était pas normal. Si seulement cette fille, son ''ex'', n'avait pas été aussi horrible ... Il n'avait même pas pu entrer dans l'équipe de football de l'académie à cause de sa réputation, l'année dernière. Ça l'avait anéanti, à l'époque.
Céleste se redressa vivement, et elle fronça les sourcils.
- On ne devrait jamais être habitué à de telles méchancetés. Ce n'est pas normal.
Durant un instant, Aïdan resta sans voix. Et Henry ne put s'empêcher de sourire à son tour. Eh bien, ce soir, il passerait toute sa nuit à se repasser cette scène en boucle dans sa tête.
- Pour me faire pardonner, laisse-moi t'inviter à manger un morceau, en ville.
QUOI ?! Henry en laissa tomber son bras sur la table, et Aïdan ne put s'empêcher de laisser tomber sa mâchoire, lamentablement. Bon sang de Dieu, il avait décroché le jackpot.
Gloria parut s'étouffer toute seule, et finit par attraper la jeune Element de lumière par l'épaule.
- Céleste, ça va pas bien oui ? Et Calvin, il va dire quoi ? T'es folle ou bien ? Ne gaspille pas ton temps avec ce coureur de jupons !
- GLORIA ! s'offusqua Céleste, les yeux ronds.
Le visage d'Aïdan s'assombrit et il détourna le regard, simplement. Il avait l'habitude d'être le grand méchant loup. Il avait l'habitude d'être insulté, mis sur le banc de l'académie. Mais pas Henry. Et Henry, une des choses qu'il aimait le moins, c'est qu'on insulte son meilleur ami devant lui. Et déjà que Gloria lui courait sur le haricot ... Ça, c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase.
Il se leva si brusquement que la chaise derrière lui se renversa, et il fonça vers Gloria pour la tirer loin de leur petit groupe par le coude, sourd à ses protestations.
- Vous m'excuserez trente secondes, s'il vous plaît ? demanda-t-il entre ses dents serrées.
Ils finirent par s'enfoncer dans entre deux rangées de livres, et la colla vivement contre l'étagère réservée au sport nautique, ne la lâchant qu'au dernier moment.
- Mais c'est quoi ton ... commença-t-elle à s'offusquer, jusqu'à ce qu'il la coupe en lui agitant un index sous le nez.
- Je ne veux PLUS JAMAIS t'entendre parler de lui de cette manière ! Aïdan est mon meilleur ami, et je ne te laisserai plus jamais le salir en MA présence !
Il était absolument furieux. Combien de fois l'avait-il entendue discuter dans son dos, de ses ''rapports'' outranciers ... Combien de fois l'avait-il entendue l'insulter sous son souffle, le regarder de haut, comme s'il n'était qu'une tache sur son chemisier haute couture ... Il ne supportait pas Gloria Weston. Il la HAÏSSAIT, même.
Elle le repoussa sa main vivement, et se dressa de toute sa hauteur, furibonde.
- Ce n'est pas ma faute si TON meilleur ami fait de mauvais choix de vie ! Les gars comme lui méritent d'être castrés ! Et si tu es taillé dans le même bois que lui ...
Il s'approcha d'elle si brusquement qu'elle en trébucha en arrière, se collant un peu plus contre la pauvre étagère, qui en perdit un livre. Henry s'énervait rarement. Mais selon Aïdan, quand cela arrivait, il était absolument terrifiant.
Et actuellement, il était presque écumant de rage.
- Mon MEILLEUR AMI est un garçon irréprochable. Un gars intègre et loyal, tout ce qu'il y a de plus brave et sincère. Un gars, dont la réputation a été souillée par une fille qui n'a pas toléré qu'on lui dise non, par des rumeurs plus dégueulasses les unes que les autres. Des RUMEURS. Je pensais que TOI, parmi tous les habitants de cette île, serais la plus prompte à le comprendre !
Elle tressaillit, et son regard se chargea de crainte, mêlé à de la méfiance pure.
Henry était au courant des rumeurs plus dégoûtantes les unes que les autres qui circulaient sur Gloria. Une fille facile, se livrant à des pratiques douteuses, même avec des professeurs ... Le regard que lui jetaient certains étudiants le révulsait jusqu'au plus profond de lui même, parfois.
Dans ses meilleurs jours, il la plaignait, et se demandait où elle pouvait bien trouver la force lui permettant de s'en sortir la tête haute. Dans ses plus mauvais, comme celui qu'il traversait actuellement, il se disait qu'elle n'avait que ce qu'elle méritait. Elle n'était probablement pas une jeune fille de mauvaise vie, mais son arrogance et sa méchanceté avaient fini par payer.
- Et tu te prends pour quoi, sérieusement ? À l'insulter sans le connaître ? As-tu seulement déjà essayé de le connaître, avant de prendre ces racontars pour argent content ? As-tu une quelconque raison de l'insulter, autre que les murmures de couloir ? Non ? Alors tu la fermes.
Elle plaqua vivement une main sur son torse, et le repoussa vivement, les joues rouges. Mais l'étaient-elles par colère ou par embarras, là était la question.
- C'est bien joli de ''vouloir'' protéger ton ami ! Mais je vous connais, vous, les mecs ! Vous préférez vous couvrir les uns les autres plutôt que de reconnaître vos torts, gronda-t-elle.
Bon sang de Dieu, il allait la frapper. Il se pinça l'arrête du nez en fermant les yeux, priant tout et n'importe quoi pour ne pas céder encore un peu plus à la colère bouillonnante qui brûlait en lui. Quelque chose en lui lui soufflait que s'il cédait, il s'en voudrait beaucoup.
- C'est plus fort que toi, hein ?
- Je te demande pardon ?
- Tu veux TOUJOURS avoir raison ! Tu veux TOUJOURS avoir le dernier mot ! Tu HAIS être coiffée au poteau, ou avoir le bec cloué. Sauf qu'il va falloir que tu apprennes que TU AS TORT. Et la plupart du temps ! Céleste est peut-être trop gentille pour te le dire, mais si tu es seule au quotidien, ce n'est probablement pas uniquement à cause des rumeurs ! Ton caractère de cochon fait fuir tout le monde ! Et un jour, Céleste aussi finira par décamper, si tu continue à être autant sur son dos !
Elle le regarda, bouche bée, complètement sonnée par ses propos, les bras ballants.
- Apprends à te remettre en question, avant de remettre en question le monde entier, espèce d'idiote !
- Je ne te permets pas de ...
- Et MOI, je ne te permets pas d'insulter encore une fois ainsi Aïdan. Il ne mérite pas ta haine, siffla-t-il, entre ses dents.
Il la toisa, et durant un instant, il se sentit dégoûté par sa personne entière.
- Tu ne vaux pas mieux que ceux qui te traitent de chienne.
Durant un instant, Gloria parut se figer, comme si elle avait cesser de respirer ... Et à celui d'après, elle lui colla une claque si monumentale qu'elle résonna dans toute la bibliothèque.
Elle quitta la rangée, les yeux brillants de rage, l'expression hargneuse, pour rejoindre Céleste, sans doute.
Henry ferma les yeux un instant, et remit ses lunettes en place, en se forçant à compter jusqu'à vingt pour se calmer. Une part de lui le sommait de lui courir après pour la secouer dans tous les sens et lui remettre les idées en place, pour CETTE CLAQUE, mais une autre, la plus logique sans doute, lui soufflait qu'il était allé trop loin. Gloria avait certes besoin qu'on lui remette les idées en place, mais pas qu'on l'insulte ainsi. Sa pauvre mère se retournerait dans sa tombe, si elle l'apprenait. Elle qui avait tout fait pour éduquer un bon garçon ...
- ... Ça va ?
Il releva la tête pour croiser le regard soucieux d'Aïdan, qui pinça les lèvres en voyant son expression blasée.
- Le bruit ...
- A résonné, je sais.
- Tu as besoin de glace ?
- Non, mais d'air, oui.
Il avait besoin d'une promenade. D'une longue looongue, looooooongue promenade.
* * * * *
Gloria pleurait. À chaudes larmes. Et il était rare pour elle, de pleurer. Vraiment rare. La dernière fois qu'elle l'avait fait, c'était le jour où Emmett l'avait quittée. Le jour où elle s'était jurée de ne plus jamais se faire écraser par personne. Et elle avait lamentablement échoué. Ce bigleux allait le lui payer. Et cher.
- GLORIA ! Gloria, regarde-moi !
- Laisse-moi ! cria-t-elle à Céleste, qui lui courait après.
Mais celle-ci finit par la dépasser, et l'arrêta fermement avec un regard courroucé.
- Gloria, qu'est-ce qui ne va pas ?
Elle croisa les bras, et baissa le regard, fâchée de se laisser ainsi aller.
- Il se passe que ... «le meilleur ami» d'Aïdan n'a pas aimé que je lui dise ses quatre vérités.
Elle haussa un sourcil, peu convaincue, et soupira.
- Et je suppose que tu n'as pas aimé qu'il te les dise non plus, pas vrai ?
Gloria essuya rageusement une de ses joues, crispée.
- Il m'a insultée !
Céleste eut un regard désolée, et posa une de ses mains sur son épaule.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je connais Henry. Il n'est pas le genre de garçon à insulter qui que ce soit, bien au contraire.
- Tu le défends lui, plutôt que moi ? s'écria Gloria en repoussant la main de sa meilleure amie.
- Non, mais je te connais aussi. Tu as dû le pousser à bout. Et pourquoi as-tu insulté Aïdan ? Il n'avait rien fait de mal !
- Mais tu le connais aussi bien que moi ! Il ne ...
Elle l'interrompit d'un geste vif de la main, les sourcils froncés. Elles ne se disputaient que rarement. La plupart du temps, Céleste laissait couler avec un soupir. Elle haussait les épaules, secouait la tête, et se replongeait dans un livre ou une autre activité, en attendant que Gloria se calme. Souvent, elle avait honte de son comportement emporté. Mais elle n'arrivait que rarement à se brider. Elle était qui elle était, pas vrai ? Chassez le naturel, et il revient au galop ...
- Justement ! On ne le connaît pas. Les rumeurs, ça veut à la fois tout et rien dire. Et tu es bien placée pour le savoir.
Ses mots firent écho à ceux de Hunter. Et elle ne put s'empêcher de se révolter.
- Mais il n'est pas question seulement de rumeurs ! On a des preuves aussi, qui ...
- Des preuves ? Mais quelles preuves ? Mis à part des histoires racontées par tout le monde, tellement déformées qu'on en viendrait à douter de leur véracité ? Je ne connais Aïdan que depuis ce matin, mais clairement il semble être le contraire de ce qu'il m'a été décrit ! Et Walter nous a bien prévenues qu'il était différent.
Elle se souvint du regard sévère de l'infirmier, et de ses propos, qui à nouveau, la ramena au bigleux.
Gloria était sur la défensive. Elle se sentait coincée. Piégée. Et elle détestait cette sensation. Elle détestait ce regard ... Le regard qu'elle avait vu chez Hunter, qu'elle voyait chez Céleste, qu'elle avait vu chez son père ... De la déception. Du dégoût. De la désapprobation.
Et elle ne voulait pas le voir.
- Fais comme tu veux, marmonna-t-elle d'un ton sec, avant de continuer sa route, bousculant Céleste au passage.
Elle avait besoin de se changer les idées. Elle avait besoin de calme. Mais surtout, elle avait besoin d'être seule.
* * * * *
Lorsque Céleste regarda partir Gloria, impuissante, elle sentit son cœur se serrer. Gloria était quelqu'un de ... difficile, parfois, c'est vrai. Mais elle n'était jamais méchante. Juste surprotectrice. Que ce soit pour elle, Céleste, sa meilleure amie, et malheureusement sa seule ... Ou pour elle-même. Gloria n'avait été que trop de fois blessée par le passé. Elle méritait mieux. Elle méritait d'aller mieux. D'oublier tous ses soucis, et ses peines.
Peut-être avait-t-elle été trop dure avec Gloria ... Mais son comportement avec Aïdan avait dépassé les bornes. Céleste savait à quel point l'Element de foudre voulait simplement la protéger, lui éviter les mêmes horreurs qui lui étaient arrivées. Et c'était tout à son honneur. Mais parfois, c'était contre-productif. À force de se protéger de tout et de rien, il en résultait parfois des problèmes comme ceux-ci : Gloria qui se refermait sur elle-même dès que Céleste la contredisait, ou tenter de lui faire comprendre qu'elle avait mal agit.
C'était si compliqué ... Parfois, Céleste aspirait à des choses plus simples. Comme passer du temps avec Aïdan, par exemple. Qui semblait être une personne adorable.
Certes, Calvin ne serait pas content du tout, et Gloria encore moins ... Mais elle avait le droit de fréquenter qui elle voulait, quand elle voulait. C'était ses choix à elle, même si cela se révélait être une erreur. Parfois, elle avait l'impression d'être une enfant incapable de se débrouiller toute seule ... C'en devenait frustrant.
Elle se souvint du ton autoritaire de Calvin lorsqu'elle lui avait fait part de son envie de porter une jupe qu'elle avait vue dans la boutique de vêtement du village. Il avait éclaté de rire avant de la fustiger, lui disant que ce genre de fringues n'était pas pour elle, et que ça ne lui irait pas du tout. Céleste n'était apparemment pas assez grande, ça ne lui donnerait pas d'assez jolies jambes ... Elle avait été au premier abord furieuse envers elle même. Puis ... furieuse envers Calvin. Elle avait bien le droit de porter les vêtements qu'elle désirait, sans que personne ne lui dise quoi que ce soit. Gloria le faisait sans souci. Alors pourquoi pas elle ?
Elle repensa à nouveau à Aïdan. À son gentil sourire, à sa voix douce, à son regard un peu fuyant ... Il lui avait plus fait penser à un garçon agréable et peut-être un peu en retrait qu'au prédateur cruel qu'on lui avait décrit. Sa théorie se confirmait. Soit il était un être vil et manipulateur, soit il avait tout autant été piégé par les rumeurs que l'avait été Gloria. Et c'était infiniment injuste. Céleste avait envie d'apprendre un peu plus à le connaître.
Et c'était une des raisons pour laquelle elle l'avait invité à manger en ville avec elle ce midi. Seul à seule.
Si Gloria et Calvin l'apprenaient, ils deviendraient absolument furieux, mais ... Il n'y avait aucune raison pour qu'ils le sachent, pas vrai ? Elle n'avait de compte à rendre à personne. Et vu l'état de Gloria, il fallait simplement attendre qu'elle se calme. D'ici ce soir, peut-être. En attendant ... Elle avait le champ libre. Et elle avait hâte de pouvoir parler à Aïdan un peu plus en profondeur de la fillette ...
* * * * *
Aïdan fixa le ciel parsemé de nuages un instant, plongé dans ses pensées. À ses côtés, Henry, roulé sur le ventre, s'était plongé dans la lecture d'un livre de Fantasy. Un truc appelé Le Seigneur des Anneaux. Il n'en avait jamais entendu parler avant, mais bon. Henry aimait les trucs bizarres.
Suite au fiasco de la bibliothèque, les deux amis étaient sortis prendre l'air avec soulagement. Ils avaient fini par se trouver un coin d'herbe discret et chauffé par le soleil avant de s'y poser, pour vaquer à leurs occupations personnelles. Henry n'avait pas reparlé de ce qu'il s'était passé avec Weston, mais vu sa tête, ce n'était pas plus mal. Et ... De toute manière, il aurait été incapable de se concentrer correctement sur ce qu'il lui aurait dit. Il se repassait en boucle se qui venait d'arriver dans sa caboche, encore stupéfait de ce qui était arrivé :
« Ils regardèrent Henry emmener Gloria sans un mot. Ils entendaient leurs vociférations d'ici, mais Aïdan connaissait Henry. Une joute de mots endiablée, voilà ce qui en résulterait. Céleste dut en venir à la même conclusion que lui, car elle se retourna dans sa direction, penaude.
- Je suis désolée du comportement dont Gloria a fait preuve. Ce n'était pas ...
- Oh ! Non, non, ne t'inquiète pas ! J'ai l'habitude. Je sais bien ce qu'on dit de moi, ce n'est pas grave.
Elle secoua la tête avec un soupir, avant de lui faire un petit sourire désolé ... Et de se glisser sur la chaise qu'occupait Henry, quelques minutes auparavant.
- Euh ... Excuse-moi de te déranger mais ... Avant que nous ne vous interrompions ... Vous parliez de ... d'une fillette ?
Il se raidit vivement, et secoua la main.
- Laisse, c'est stupide ...
- N-non ! Je veux savoir ... Euh ... Une fillette d'environ cette taille là, demanda-t-elle en levant la main à une certaine hauteur par rapport au sol, avec de longs cheveux foncés, et des yeux noirs ?
Aïdan resta muet de surprise, un instant, mais finit par se pencher en avant.
- OUI ! Oui, c'est exactement ça !
Elle eut un mouvement de recul, et rentra la tête dans ses épaules. Ah, zut ! Il avait dû l'effrayer ... C'était vraiment la dernière des choses à faire !
Il se recula légèrement, et croisa les mains sur la tête, tremblant d'impatience, mais plus retenu.
- Comment tu sais ça ?
- ... J-je ... Je crois qu'elle est venue me voir, avoua-t-elle, en se tordant les doigts, presque craintivement.
Elle leva un regard timide vers lui, et il réalisa qu'elle avait peut-être peur qu'il ne la croie pas. Si elle savait ...
- J-je connais la légende du fantôme de la fillette, et je n'y accordais pas d'attention jusqu'à aujourd'hui mais ... Je crois que je l'ai rencontré.
Oh, purée, oh, purée, oh, purée, OH MER ... CREDIJEUDIVENDREDISAMEDIDIMANCHE ! Il en frissonna. Céleste avait rencontré la fillette ?! Et elle ne paraissait pas mentir ...
- T-tu crois que tu peux m'en dire plus ?
- Ah, ce serait avec plaisir mais ... Pas ici, je crois.
Oui, parler dans une bibliothèque ... Ce n'était pas une idée merveilleuse.
Soudain, elle se redressa, et lui fit un sourire si lumineux que son cœur en rata un battement.
- Oh, j'ai une idée ! Et si tu me retrouvais à midi, au nouveau bistrot qui vient d'ouvrir, là ? C'était quoi son nom déjà ...
- The Twilight Folks ?
- Oui c'est ça ! Ça te dérangerait ?
- Absolument pas !
Céleste Gray venait de lui donner un rendez-vous. Céleste Gray venait de lui donner un rendez-vous.CélesteGrayvenaitdeluidonnerunrendez-vousCélesteGray ...
- Parfait ! Et puis, ce sera l'occasion de me faire pardonner pour ce matin ...
- Il n'y a rien à pardonner, je t'ai déjà dit ... lui répondit-il, avec un petit sourire.
- Mais bien sûr que ...
Soudain, un bruit sonore résonna dans toute la bibliothèque, les interrompant net. Céleste ouvrit de grands yeux, et Aïdan ferma les siens.
Aïe. Ça, c'était le bruit d'une claque. À s'y méprendre.
Gloria ressortit de la rangée où Henry l'avait entraînée, et passa à côté d'eux comme une furie, de grosses larmes roulants sur ses joues.
- A-Ah ! Gloria ! Gloria, attends-moi ! S'il te plaît, Gloria ! Excuse-moi, Aïdan, à tout à l'heure !
- Oh, euh, oui, à ... À tout à l'heure ! lui lança-t-elle alors qu'elle se mit à courir après sa meilleure amie.
Il regarda le duo de fille quitter la bibliothèque en trombe, et se mit à fixer un instant le livre que Henry lisait un instant plus tôt, encore sous le choc.
Céleste Gray l'avait invité à manger avec elle. Rien que tous les deux.
Il avait envie de hurler.
Même si c'était strictement platonique, bien évidemment. Mais ... Il avait rêvé passer du temps avec elle durant tellement de temps ... Et là, ENFIN, ça arrivait ... Oui, c'était ... Vraiment cool.
Mais d'abord, il devait s'occuper d'Henry.
Il attrapa le livre, et parti rejoindre son ami, en grimaçant lorsqu'il constata la marque rouge qui s'étendait sur sa joue ...»
Il sourit, d'une manière démentielle, et regarda sa montre. Il était tout juste onze heure. Dans une demi-heure, il devrait y aller, prétextant un rendez-vous quelconque, et s'en irait rejoindre Céleste au bistrot.
Et Seigneur, jamais il n'avait eu aussi hâte de toute sa vie.
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Et ouiiii je vous ai euuuus, toutes mes excuses. Je vous adore mes petits poussins, et je suis désolée de vous faire rager ! Mais ne vous inquiétez pas, on retourne à notre petite bande originelle en juillet.
Je ne cherche pas à vous faire mariner juste pour le plaisir, mais sachez que l'histoire de ces quatre là est ... importante. Je ne fais pas ça par hasard ...
On est le 25 Juin ! J'espère que vous avez pu passer tous vos examens, et que tout s'est bien passé ... Profitez de vos vacances, vous pouvez enfin respirer ! Vous avez tout mon soutien pour ceux qui ont encore des épreuves ! Je suis sûre que tout ira bien !
Que pensez-vous de Gloria sinon ? Je suis curieuse d'avoir vos avis sur elle ! Et ça vaut pour toi aussi Rosette ! Je sais que tu ne l'aimais pas trop avant ... (bah je l'aime toujours pas trop mais par contre les expressions d'Aïdan ma vie)
J'espère que cet interlude vous aura plu, on se retrouve le 25 Juillet pour la suite à Windy-Hill !
À la prochaine, mes petits Gomez en écume !
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