Chapitre 30 : le manoir

Les coups d'Almarica résonnèrent tout autour d'eux, comme un gong. Elle croisa les bras, impatiente. Que cette porte s'ouvre, qu'elle délivre le message, et qu'ils s'en aillent tous... Si ce qu'elle avait vu à l'académie était exact ... elle devait rentrer au plus tôt. Ils devaient tous rentrer au plus tôt.

Elle tendit l'oreille. Rien, toujours rien. Elle serra les dents, et pianota sur son coude. L'impatience allait la tuer. Elle toqua une autre fois, plus longuement, et plus fortement. Le vieux couple était peut-être sourd ? Mais alors qu'elle allait toquer une quatrième fois, des bruits de pas lui parvinrent enfin.

- C'est bon, ça vient ! lui répondit une voix étouffé, avec une grosse pointe d'exaspération.

Almarica recula, puis, la porte s'ouvrit lentement, tout doucement, avec un grincement d'enfer. Elle ne s'ouvrit qu'à moitié, laissant seulement passer une main parcheminée et tannée par le soleil qui s'agrippa à la porte, ainsi que la moitié d'un visage déjà bien marqué par l'âge. Bien soixante-dix ans, au moins. Mais malgré son vieil âge, ses yeux bleus brillaient encore pourtant d'un éclat très vif.

- Halloween, c'est dans six mois. Allez vous-en, leur cracha-t-elle, d'une voix cassée.

- Nous ne sommes pas des enfants en quête de bonbons, rétorqua violemment Almarica, en se dressant de toute sa hauteur.

La vieille femme tressaillit. Et ouvrit entièrement la porte. Son air mêlait la condescendance à la méfiance. Elle avait le port de quelqu'un qui n'avait connu que richesse et luxe durant toute sa vie. Pourtant, ses vêtements ne semblaient pas de première qualité. Qui était elle ? Une ancienne star ayant vécu un retour de fortune ? Une femme dont le riche mari aurait fait faillite ? Peut-être. Derrière Almarica, ça chuchotait furieusement. Le groupe aussi devait se demander ce qu'il se passait. La vieille dame porta son regard sur le reste d'entre eux, et la confusion marqua ses traits.

- Q-qui êtes vous ... ?

- Nous sommes là ... Au nom d'une personne très importante, avança Ciela.

La femme vrilla son regard sur elle, avant de la regarder de haut en bas, et de détourner son regard sur Almarica. Elle la regarda également, de haut en bas. Et soudainement ... Quelque chose sembla marquer ses traits. De la terreur. De la terreur à l'état pur.

- N-nous ne voulons pas vous voir ! Allez vous-en !

Et sans dire ne serait-ce qu'un mot de plus, la vieille femme leur ferma la porte au nez. Estomaquée par la grossièreté de l'habitante, elle toqua de nouveau. Aucune réponse. C'en était trop.

- Je vais défoncer cette porte, éructa-t-elle, en se préparant à y donner un bon coup de pied, quand on la tira en arrière.

Les jumeaux, d'un commun accord, avaient apparemment décidé qu'il était plus sage de la ramener vers eux.

- Calme-toi, Almarica. Calme-toi. Ce n'est pas nécessaire de t'énerver ainsi ! Pense à ce qu'a dû ressentir cette pauvre dame. On est des étrangers qui se ramènent sans la moindre raison devant sa porte en lui demandant à lui parler. Hé, n'importe qui aurait pu réagir ainsi. Surtout une vieille femme devant un groupe de sept ados, tenta de la raisonner Crìs.

Elle serra les dents. Il avait raison, bien sûr. Mais elle n'arrivait pas à se défaire de la sensation si familière. Les yeux de l'inconnue lui avait procuré une sensation des plus troublantes. Une sensation familière. Un vrai sentiment de nostalgie.

* * * * *

« Elle fut réveillée par de maigres sanglots étouffés, et il ne lui fallut qu'un quart de seconde pour que l'intégralité de la situation lui revienne en mémoire. Almarica sursauta, et regarda fixement ce qui se trouvait en face d'elle. L'écorce d'un arbre. Elle prit une vive inspiration. Aucune odeur particulière ne lui vint. Elle était encore dans la forêt, sa joue étant chatouillée par de l'herbe sauvage. Mais où, exactement, dans la forêt ... ? Elle remua légèrement, et sentit son cœur s'emballer. Ses mains étaient entravées, et lourdement. Elle sentait la corde lui meurtrir la chair jusqu'au sang, et le moindre mouvement à ce niveau-là ne ferait qu'aggraver les choses. Ses chevilles étaient aussi durement ligotées, et il n'y avait sans doute aucune chance qu'elle puisse se mettre debout sans aide. Elle étouffa la panique qui commençait à l'envahir et roula sur elle même, de l'autre côté. L'écorce de l'arbre fut remplacée par la vision floue de trois hommes discutant furieusement entre eux, quelques mètres plus loin. Un tout petit feu brillait à leur pieds, allumé sans doute par confort, la lune éclairant sans peine les alentours. Ça ne lui donna toutefois pas de quoi se repérer. Elle se tordit le cou, et à travers les feuilles drues de l'arbre, contre lequel elle avait sans doute été jetée, Almarica réussit à distinguer les étoiles. Rapidement, elle reconnu les constellations qu'elle avait apprit à identifier grâce à Svelja, qui appréciait étrangement l'astrologie, et qui lui avait également confié que la place des étoiles dans le ciel par rapport à leurs positions, pouvait la plupart du temps aider à déterminer leur emplacement terrestre. Il ne lui fallut qu'une trentaine de battements de cœur pour comprendre où elle était exactement. Bien au nord par rapport à la cabane ... À la limite du territoire des bandits.

Ces criminels avaient trouvé refuge dans la forêt au temps du règne de son père, terrorisant les villageois non loin de là, et chassant à tout va quiconque osait s'y aventurer. Svelja avait été la première à leur apposer une résistance, lorsque, alertée par les nombreuses missives de secours envoyées par les villageois, elle était venue dans toute sa grâce et sa grandeur de guerrière quasi légendaire, remettre en place ces vauriens, qui avaient sonné retraite dans les confins de la forêt. Charmée par les lieux, Svelja avait investi l'une des cabanes abandonnées par les bandits, et en avait fait une sorte de maison de vacances. Plus tard, quand ils étaient revenus avec Fenror, décidés à vivre ensemble, ils avaient définitivement renvoyé les misérables hors-la-loi dans leur coin, avec l'interdiction formelle de franchir la frontière invisible dorénavant instaurée entre eux et les bandits. Il y avait eu de temps en temps des petites incartades, mais ça n'avait jamais mené à rien de grave. Les seuls souvenirs qu'elle avait d'eux, c'était la fois où elle était arrivée dans la forêt, et était accidentellement tombée sur une petite troupe, qui, heureux de tomber sur une étrangère à la riche apparence, avait tenté de la détrousser. Fatiguée d'avoir sans cesse voyager dans le domaine des ombres, ses pouvoirs étaient à sec. Heureusement, Philios était venu à sa rescousse et l'avait conduite à son frère. Mais voilà qu'aujourd'hui encore, elle se retrouvait entre les mains de ces saletés. Elle ferma les yeux et tendit l'oreille, tentant d'intercepter des bribes de leur conversation.

- Je te ... pas une ... idée !

- Si ... pas d'erreurs ... corresponds parfaitement.

- Prime surélevée ! rugit un troisième entre deux murmures.

Le premier se redressa soudainement, et gesticula dans tous les sens.

- Je sais la prime est bonne ! Mais imagine ... Garder un Oracle des Sables pour nous ! Avec ça, on aurait même plus à avoir peur de ces sala ...

- Peut-être mais la prime, la prime ! J'ai jamais vu une aussi grosse prime de toute ma vie pour une gosse ! Et je te parle pas de la brunette, là ! Imagine ce qu'on pourrait amasser avec la dernière rejetonne des couronnés de Domitien ... !

Almarica sentit son sang se figer dans ses veines. Ils avaient l'intention de les livrer. Mais pourquoi ? Et à qui ? Almarica savait qu'ici, au royaume de Caerris, elle risquait gros. Aux yeux de la population alentour, elle n'était qu'une demoiselle parmi tant d'autres, une soi-disante rescapée de la guerre, mais Almarica n'était pas assez stupide pour savoir qu'en ce royaume, sa tête en tant que princesse de Domitien valait plus qu'il n'était possible d'imaginer. Si elle était vendue aux dirigeants du royaume, elle serait sans doute une splendide prise d'otages pour eux ... Jusqu'à ce qu'ils se rendent compte qu'aux yeux de Bellum, elle ne valait que poussière. Si jamais cela arrivait, elle mourrait. La situation était catastrophique. Il fallait qu'elle les abatte au plus vite, ou s'enfuit. Almarica avait apprit à se battre, avec Svelja et Fenror. Philios, Guemnir et Kryos lui avait aussi donné de belles techniques en plus (surtout des coups bas de la part de Guemnir, cependant), et grâce à eux, elle était devenue une redoutable combattante. Ce n'était pas quelques misérables qui allaient pouvoir l'immobiliser. Surtout si l'on comptait son incroyable maîtrise des ténèbres ... Cependant, elle était toujours entravée. Il fallait qu'elle se défasse de ces saletés de cordes. Mais comment ? À moins de s'arracher la peau, ce qu'elle ne préférerait pas faire, il n'y avait pour elle aucun moyen de se libérer de cette fichue étreinte. Alors qu'elle réfléchissait à toute allure, une main ferme l'attrapa soudainement, et la jeta contre l'arbre dont elle s'était, sans vraiment le savoir, éloignée. Une douleur fulgurante lui coupa le souffle, et elle se recroquevilla sur elle-même. La douleur lui avait mis les larmes aux yeux.

- Bouge pas, grogna une voix grave.

Une paire d'yeux violets la fusilla du regard, et elle retint un juron de justesse. Son cœur se mit à battre à toute vitesse. Il était comme elle. Impossible de s'enfuir dans le Domaine des Ombres, il la poursuivrait là-bas. L'option de fuite devenait inenvisageable. Le cinquième bandit, qui devait la surveiller, repartit vers ses camarades en grognant. Il les interpella, et Almarica se désintéressa d'eux, tentant de trouver une position plus confortable. Il devait être celui qui l'avait immobilisée et enlevée, quand elles étaient au lac, avec Zelmaria ... Zelmaria ! Où était-elle ?! Elle tourna vivement la tête, de droite, à gauche ... Et trouva la silhouette frêle de la pauvre demoiselle, aussi ligotée qu'elle, adossée à un autre arbre non loin de là. Son être entier était secoué de sanglots malheureux, qu'elle tentait d'étouffer comme elle le pouvait, craignant sans doute d'attirer l'attention des gredins. Inquiète, Almarica l'interpella doucement, et la fillette releva un visage strié de larmes vers elle. Ses beaux cheveux si bien tressés étaient à la lueur de la lune maintenant sales et emmêlés, et la robe prêtée par Svelja était dans un état semblable à l'originelle. Ses pieds étaient en sang. Une rage sourde prit part d'elle, à la vue de sa nouvelle amie si abîmée.

- J-je suis désolée Almarica ... C'est ma faute si tu es dans une telle situation.

- Bien sûr que non voyons. Pourquoi dis-tu ça ?

Elle renifla et secoua la tête.

- J'ai été naïve, si naïve. Je pensais que le Roi ferait n'importe quoi pour étouffer la situation. J'ai eu tort. Ils ont fait circuler des avis de recherche sur ... moi. Je suis recherchée pour une prime alléchante. En vie, bien sûr.

Les larmes coulèrent de plus belle.

- J'aurais dû m'en douter. À partir du moment où quelque chose de précieux est mit en jeu, il ne recule devant rien.

- Ne te qualifie pas de chose. Tu es un être vivant, Zelmaria.

- Ils nous ont entendu parler. Ils ont compris ce que j'étais et qui tu étais, pleurait Zelmaria.

Les bandits avaient dû remarquer qu'elle était seule. Ils voulaient sans doute la prendre en otage contre son frère et Svelja, espérant les faire plier et partir de la forêt, mais la conversation qu'elles avaient eu avait totalement changé la donne. Elle ne savait pas que les bandits faisaient encore des incursions hors du territoire dans lequel ils les avaient confinées. Les sa ...

- Il suffit ! hurla soudainement le bandit venait de rejoindre ses acolytes. Faisons les deux à la fois ! Gardons la petite et livrons l'autre.

Zelmaria poussa un petit gémissement, plus terrorisée que jamais, et Almarica sentit la peur prendre petit à petit part d'elle. Il fallait qu'elle trouve un moyen de les sauver toutes les deux, et de rentrer à la cabane, saines et sauves. Mais comment faire ? Comment faire ? Il fallait qu'Almarica trouve une solution, et vite ...

- Ah ouais, pas bête ! Et pour les négociations ?

Prit dans leurs délires, les bandits se replongèrent dans leur conversation, s'imaginant déjà rois de la forêt. L'un d'entre eux avança même l'idée de conquérir le royaume ... Quelle bande de crétins.

- Zelmaria, Zelmaria !

- O-oui ... ?

- Pourrais-tu nous prédire une voie de sortie ? Il y a de la poussière, non, à tes pieds ?

Elle secoua la tête.

- O-oui, mais je vois mieux avec du vrai sable. Et j'ai besoin d'avoir les mains libres.

Almarica rugit à nouveau. N'avait-il donc aucun moyen pour elles de se libérer ? La panique commençait réellement à monter ... Soudain, les arbres furent secoués par une puissante et violente rafale de vent qui déstabilisèrent les criminels.

- C'était quoi ça ? Une tempête se prépare ? s'écria l'un d'eux.

- Mais non idiot ...

Le vent tomba aussi rapidement qu'il était arrivé, et Almarica se plaqua contre le tronc, par réflexe. Qu'arrivait-il ... ? C'est alors qu'elle constata que l'arbre ... BOUGEAIT. Ou plutôt, vibrait. Mais à cause de quoi ? Elle leva la tête, scrutant les branches fournies avec attention, le souffle court. Et elle faillit hurler quand son regard rencontra une masse sombre, mouvante ... Juste au-dessus d'elle.

- Tout va bien ! Je suis là. C'est moi.

Almarica retint de justesse une exclamation de surprise. Philios ! Sa voix maintenant si familière avait agi comme un baume sur elle. Sa panique venait de laisser place au soulagement, la rendant presque tremblante. Il se laissa discrètement et agilement tomber sur la branche la plus basse et proche d'elle, sans bruit, s'étendant à plat ventre de tout son long avant d'étendre son bras vers elle. Elle soupira en sentant les doigts de son ami effleurer sa tête. Et elle cru l'entendre soupirer aussi.

- Tu vas bien ? lui chuchota-t-il.

- Oui. Mais Zelmaria ...

- Je sais, j'ai vu, répondit-il d'un ton sec.

Son visage, dont elle pouvait maintenant distinguer les contours, semblait renfrogné de rage. Ses yeux verts brillaient d'une manière bien singulière. D'un éclat qu'elle pourrait qualifier de meurtrier. Ses pupilles dilatées renforçaient ce drôle d'effet bien particulier, lui conférant une expression haineuse. Ce visage froid et dur, elle ne l'avait vu qu'à deux reprises : le jour de leur rencontre, et quand il l'avait accusée d'avoir empoisonné Svelja. Un frisson incompréhensible la traversa.

- C-comment es-tu arrivé ici ? Je ne t'ai pas vu arriver, pas plus qu'eux ...

- J'ai mes techniques. Je suis venu dès que j'ai entendu le hurlement de Zel, au lac. Je n'ai pas mis longtemps à vous retrouver, ces idiots ont fait un feu de bois. Pas difficile à repérer, grommela-t-il en tournant sa tête vers eux, les fusillant du regard.

Elle détourna le regard vers eux, toujours absorbés par leurs fantasmes, ne remarquant rien. En effet, ils avaient fait un feu de bois, mais ce dernier était suffisamment modeste pour ne pas pouvoir émettre de lumière à plus de quelques pieds de distance. Comment Philios avait-il fait pour repérer ce feu, déjà un peu trop minuscule ... ?

- J'aimerais les abattre sur le champ, mais Zelmaria ...

Il ne voulait pas choquer la jeune demoiselle, rien d'étonnant.

- Ne les tue pas, contente-toi de les immobiliser. Une flèche dans le genou, par exemple. Tu crois pouvoir faire ça ? Ils sont tellement pris dans leur conversation délirante, ça ne posera aucun souci, lui dit-elle.

- Bonne idée. Ça devrait pouvoir se faire, acquiesça-t-il.

- Tu es seul ?

- Oui.

- Les autres ... ne savent pas que nous sommes ici ?

- Non. Peut-être que Fenror arrivera à nous localiser s'il se concentre sur la flamme du feu de bois, mais en aura-t-il l'idée ?

- Tu es venu nous chercher seul ? s'étonna Almarica.

- J'étais le seul à pouvoir le faire.

- Comment ça ? demanda-t-elle en levant la tête vers lui.

Il secoua la tête et remonta sa main vers lui, en pleine réflexion, le regard toujours vrillé sur les trois criminels.

- La luminosité est mauvaise, et l'équilibre est horrible, et je suis trop bas pour faire ça ... Je vais prendre de la hauteur.

Il tourna la tête vers lui. Et lui fit un sourire doux, qui se voulait sans doute rassurant.

- Je suis content de vous avoir retrouvées.

- ... Moi aussi.

Au fond d'elle, Almarica avait envie de lui crier qu'elle aurait très bien pu se défendre sans lui, mais son arrivée improbable avait réellement changé la donne.

Il lui fit un dernier sourire, puis remonta sans aucun bruit vers les plus hautes branches de l'arbre. Elle serra les dents, anticipant ce qui allait arriver, n'ayant même pas le temps de conseiller à Zelmaria de détourner le regard.

Soudain, une flèche alla se ficher dans la cuisse de l'un des criminels. Il hurla à la mort en tombant par terre, et les trois autres, comprenant l'arrivée d'une menace, se mirent sur leurs gardes en jurant.

- Les flèches de l'archet ! rugit l'un d'entre eux. Il nous a retrouvés !

Ils allaient voir ce qu'il en coûtait de s'en prendre à eux ! Philios allait les descendre un à un ! Mais alors qu'elle s'attendait à ce qu'une pluie de flèches s'abattent sur eux, rien n'advint. Ceux qui s'étaient recroquevillés sur eux-mêmes se redressèrent lentement, à l'affût, aussi perdu qu'eux. Mais que faisait Philios ? ... C'est alors qu'un cri, et un bruit de chute monstrueux retentirent à ses oreilles, lui glaçant le sang. Mais qu'arrivait-il, au nom des quatre dieux ?

- Non, non, non, pitié, non ... murmura-t-elle entre ses dents.

Où était-il ? Que faisait-il ... ? Le bruit ... L'immense bruit ... Et si c'était ... ? Non, non, non. Ça ne pouvait être le cas. Ça ne pouvait être ...

La peur et l'angoisse prirent possession d'elle, tandis que, le souffle court, elle ne cessait de regarder autour d'elle, tout comme les bandits, se demandant tous ce qui arrivait ... Le moment qui s'écoula était plongé dans un silence pesant, à peine rompu par les sanglots que Zelmaria ne prenait plus la peine de camoufler, et les gémissement de celui que la flèche avait transpercé. En d'autres circonstances, Almarica aurait été très inquiète pour sa consœur, mais en cet instant même, Almarica était soucieuse pour un autre ...

- Je l'ai.

Les trois mots la figèrent, et elle eut l'impression d'avoir le cœur au bord des lèvres. C'est alors qu'une grande femme, à l'apparence aussi svelte qu'élancée, s'extirpa des fourrés non loin d'eux, avec une grâce quasi impériale, une expression neutre plaquée sur son visage. De courts cheveux gris lui frôlait les épaules, en une coupe assez singulière, et ses yeux couleur terre témoignait de l'affinité de son élément.

- Leedna ! s'écria l'un des criminels. Tu nous as fait peur.

- J'ai mal, j'ai maaaal ! criait celui qui avait encore la flèche plantée dans la cuisse, se tordant de douleur dans tous les sens.

- Plains-toi à lui, déclara simplement la dénommée Leedna en s'avançant vers eux un peu plus.

Et Almarica avisa avec horreur qu'elle portait quelque chose sur son épaule. Un corps. Qu'elle laissa tomber non loin d'elle sans la moindre considération. Zelmaria hurla de terreur à la vue du sang qui commençait à foncer la chevelure rousse de son cher ami. Philios.

- Il était tout en haut de l'arbre, dit-elle en désignant l'arbre sur lequel était adossée Almarica. Vous êtes stupide. Ne pas se rendre compte de ça est une erreur plus qu'aberrante. Et ne pas être rentrés directement au camp en est une plus grande encore. Vous êtes au su et à la vu de tous ici, prêts à être cueillis comme des fruits mûrs. Si je n'étais pas intervenue, que ce serait-t-il passé ? Vous seriez morts, abattus par les flèches de l'archer.

La réprimande de la jeune femme les statufièrent. Ils ne durent pas apprécier de se faire ainsi disputer par une femme. Mais Almarica ne se soucia pas de ces détails. Elle était focalisée sur autre chose. Entièrement focalisée sur le corps devant elle, qui à peine un instant auparavant, lui dirait que tout irait bien.

Et les cris de Zelmaria se mêlèrent aux siens. »

* * * *

Judith détestait rester les bras croisés. Elle haïssait ça. Et elle haïssait encore plus avoir vu des adolescents lui filer entre les pattes. Heureusement, les informations de son échec n'était pas remontées jusqu'aux oreilles de Rezher. Son équipe avait gardé le silence. Et jusqu'à présent, les recherches étaient focalisées sur les sept fugueurs. Partout aux États-Unis, ses agents cherchaient activement, et en toute discrétion, les sept jeunes gens. Une description très précise avait été faite de chacun d'entre eux, et tous savaient de quoi les enfants étaient capables. Les recherches étaient toujours en cours, depuis neuf heures ce matin. Judith avait échappé à la forte chaleur du coin en se réfugiant dans la chambre climatisée de l'hôtel où elle avait posé bagages, attendant avec impatience des résultats, tout en effectuant des recherches de son côté. Un de ses algorithmes de recherche était en marche (un logiciel de reconnaissance faciale à la pointe de la technologie), sur l'ordinateur portable posé sur la table devant elle, tandis que Judith, une tasse de thé à la main, regardait par la fenêtre les badauds passer dans la rue, plongée dans ses pensées. Si les jeunes gens étaient passer devant ne serait-ce qu'une seule caméra de sécurité, elle le saurait immédiatement. Et pourrait les reconnaître en conséquent. Pourtant ... Toujours rien. Soit ils étaient encore dans le train, soit ils avaient eu l'intelligence d'esquiver les objectifs. Tout de même, ils ne pouvaient avoir disparu, ces jeunes gens, non ?

- Madame !

Judith se retourna vers la porte d'entrée, qui venait de s'ouvrir à la volée. Une jeune femme se tenait à quelques pas d'elle, hors d'haleine. Elle lui fit un salut militaire, et s'approcha d'elle à pas raides.

- Oui ? répondit Judith en posant sa tasse devant elle, se préparant à un long moment de patience.

Les joues rouges, la jeune femme rangea l'une de ses mèches auburn derrière son oreille, son chignon malmené par sa course ayant dérangé quelques mèches. Elle était clairement mal à l'aise. Elle passa une main moite sur son pantalon réglementaire, et prit une grande inspiration :

- Hum je ... Je sais que vous nous avez demandé des techniques de recherche particulière, mademoiselle, mais j'ai préféré ... euh ... tenter les miennes. Et euh ... Les réseaux sociaux ... Voir s'ils apparaissaient quelque part. Vous savez, des jeunes gens avec une apparence aussi particulière, ça ne passe pas inaperçu ... Alors euh ... V-voilà. Hum.

- Oui ?

- Oh, euh, oui, oui, voilà, bredouilla la demoiselle en lui tendant d'un bras raide et un peu tremblant un petit smartphone, sans doute le sien.

Judith s'empara doucement de l'appareil, et regarda ce qu'elle avait apparemment trouvé.

Un tweet d'un compte quelconque. Quelques mots, et une photo. Sur la photo, l'on voyait la moitié de la tête d'une demoiselle blonde à l'expression fort dérangée. Derrière son épaule, l'on pouvait clairement apercevoir un groupe de jeunes gens, absorbés dans une discussion. Judith bondit sur ses pieds. Elle reconnut clairement le carré blanc de la jeune Reines des Glaces et la chevelure grise de la dénommée Amélia. Le texte accompagnant la photo était incongru, mais révélateur de vérité : « le brun derrière moi il est troooop bizarre ! Genre, il a des yeux rouges ! Il se prend pour Edward, ou quoi ? #superbizarre #twilightc'estgénial #teamjacob ». Pour un peu, Judith aurait embrassé sa sauveuse. Et pour couronner le tout, le tweet était accompagné d'une localisation : Windy Hill, au nord de l'état de New York. Parfait, tout bonnement parfait.

- Bravo pour votre initiative, mademoiselle, la félicita-t-elle, en se tournant vers elle.

Elle rougit jusqu'aux oreilles, dissimulant maladroitement un grand sourire.

- M-merci, mademoiselle.

- Puis-je savoir votre nom ?

- Karen Flores, mademoiselle.

Judith bondit sur ses pieds, manquant de renverser la chaise sur laquelle elle était assise, et termina d'un trait sa tasse avant de refermer son ordinateur. Ils devaient partir sur le champ.

- Merci pour votre excellent travail. Je ne manquerai pas d'en référer à nos supérieurs.

- A-ah ?! Vous n'allez pas me ... réprimander ?

- Pourquoi le ferais-je ? demanda Judith, sincèrement curieuse, se stoppant dans son élan.

Elle remua un peu, rangeant à deux reprises sa mèche rebelle derrière son oreille.

- J-je n'ai pas exactement fait ce que vous me ... euh, nous demandiez de faire. Je ...

Judith l'arrêta d'un geste, puis s'avança vers elle. Elle lui tapota l'épaule, réarrangeant par ailleurs son col chiffonné et hocha la tête.

- Il faut parfois savoir prendre des initiatives. Ce qui compte finalement n'est pas la manière dont vous l'avez fait mais le résultat, à mes yeux. Mes félicitations, Karen.

Le regard gris de la jeune demoiselle s'illumina, et elle hocha rapidement la tête, plusieurs fois, clairement aux anges. Judith rangea rapidement ses affaires, et prévint ses équipes d'un rapide coup de téléphone.

- Allons-y, dit-elle à Karen, par dessus son épaule.

La jeune fille tressaillit.

- Où ?

- À Windy Hill.

- M-mais ... avec vous ?

- Bien sûr. Et bien, qu'attendez-vous ?

La jeune fille lui emboîta très rapidement le pas en poussant une sorte de gémissement silencieux, et se précipita pour lui ouvrir la porte.

- À vos désirs, mademoiselle, s'inclina-t-elle devant Judith.

- Allez chercher vos affaires. Rendez-vous à la réception dans dix minutes, lui dit-elle, le regard fixé sur sa montre.

Si tout allait comme prévu, elle aurait les enfants dans ses mains avant le coucher du soleil. Et grands dieux, il serait temps.

* * * * *

La vieille femme referma rapidement la porte, hors d'haleine. Non, non ... Impossible. Tout bonnement impossible. Ça ne pouvait pas être ... Non, non. Cela faisait longtemps, si longtemps ... Bien trop longtemps.

- Qui était-ce ?

Elle sursauta et se retourna vers lui, en se frottant les mains. Elle secoua sèchement la tête de gauche à droite, feignant le dédain.

- Personne.

- Personne ? Allons, comment ''personne'' pourrait-il venir toquer à notre porte ?

Elle roula des yeux. Qu'il pouvait être exaspérant, des fois !

- Un groupe de jeunes gens.

Il parut étonné.

- De jeunes gens ? Mais Halloween, c'est dans six mois, non ?

- C'est ce que je leur ai dit. Et j'ai fermé la porte.

Il croisa les bras.

- J'ai cru t'entendre dire autre chose, moi.

Et bien sûr, il avait fallu qu'il écoute aux portes. LITTÉRALEMENT.

- Écoute, sincèrement, ce n'est rien, vraiment. De simples jeunes perdus.

Son visage curieux et nonchalant sembla se durcir. Elle rentra la tête dans les épaules. Elle connaissait ce regard, cette expression. Il se redressa de toute sa hauteur, droit comme un I.

- Ne cherche pas à me mentir. Je lis en toi comme dans un livre ouvert.

Elle détourna le regard. Oh, lui alors ... !

- Ne t'en soucie pas ! Je te le dis, ne t'en soucie pas. Retourne dans le salon ...

- La manière dont tu les as éconduits ...

- N'était pas différente de d'habitude ! Ça suffit maintenant ! s'énerva-t-elle.

Il plissa les paupières, ses yeux se réduisant à deux fentes. Elle tressaillit. Il allait se mettre en colère.

- Écarte-toi.

Son ton n'admettrait aucune contestation. Mais elle ne pouvait se permettre ... de le laisser passer.

- Non.

- Je ne me répéterai qu'une seule fois. Écarte-toi. Si comme tu le dis, ce ne sont que de simples jeunes, ils devraient déjà avoir disparu, n'est-ce pas ?

Prise de court, elle ne trouva rien à répondre. Il en profita et s'avança alors, la poussant doucement sur le côté, la main sur la poignée ... Et avant qu'elle ne puisse faire le moindre geste, il ouvrit la porte de leur sanctuaire à celle qui peuplait tous ses cauchemars.

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TANIN NIN NIN ! Le chapitre précédent se terminait sur une personne qui toquait, et celui-ci sur une qui ouvre. Un peu étrange, oui, je sais.

Et ne dites pas que je traîne en longueur (sic'estunpeuvraimaischut) j'ai mes raisons. Et si les ''récits d'Almarica'' se font de plus en plus nombreux, il y a une raison ... soyez patients. Même si sérieux, vous devez probablement avoir une patience d'ange pour attendre autant waaah !

Leedna était un bandit à l'époque ?! Et Philios est mort ?! (← suspens bien inutile, je sais.) Attendez, ça arrive.

Eh sinon, je voulais vous dire un truc : le bac et autres examens approchent et je sais que ça peut en stresser plus d'un ou d'une. Faites attention à vous, et ne laissez pas le stress et la pression vous dominer. Ce qui arrivera, arrivera. Vous avez tout mon courage et mon soutien !

PS : je suis très sincèrement désolée de ce retard assez dingue, c'était jamais arrivé avant. J'ai eu de gros soucis personnels qui m'ont empêchée de poster à temps ... Je vous prie de m'excuser, et vous donne rendez-vous aussi rapidement que je peux. Pour les mêmes raisons, il se pourrait que le prochain chapitre ait aussi du retard ... Encore une fois, toutes mes excuses. En espérant que vous n'ayez pas trop attendu !

À la prochaine mes petits malamutes nains !

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