Chapitre 28 : Windy Hill
Ciela fut la première à sortir de la gare, le nez levé vers le ciel éclatant de cette douce matinée. On lui avait dit que le climat de la région était plutôt froid, mais actuellement, il faisait délicieusement bon. Elle prit une grande inspiration. Enfin. Enfin, Windy Hill. Elle ferma les yeux quelques secondes, et expira lentement. Après tout ce temps, elle était enfin arrivée en ce lieu dont ils ne cessaient d'entendre parler depuis des jours déjà. Pourtant, son cœur se serra malgré elle. Elle était soucieuse. Elle ne les avait pas contacté depuis plusieurs jours maintenant. Ils devaient être morts d'inquiétude ... Sans oublier que qu'Almarica était rentrée seule, avec Helen, en piteux état, et que l'attaque du Conseil avait fait le tour des infos ... Son père devait être en train de faire une crise cardiaque. Elle s'en voulait beaucoup de ne s'en préoccuper que maintenant, mais elle avait eut l'esprit bien occupé par leur course poursuite pour échapper aux Saint Souls ... Ah, mais quelle histoire cauchemardesque. Elle avait hâte de rentrer au plus vite. Une main se posa sur son épaule, doucement. Elle rouvrit les yeux et se tourna vers Marika, à ses côtés.
- Tout va bien ?
- Je ... m'inquiète pour Papa et Maman.
Un doux sourire éclaira son visage, et elle baissa un peu la tête sur le côté, ses longs cheveux noir brillant balayant ses épaules, qu'elle n'avait pas prit la peine de tresser.
- Ils vont bien. Je n'ai pas eu le temps d'aller les voir pour les rassurer, je te l'avoue, mais je pense que d'autres s'en sont chargés. Quoi qu'il en soit, ils sont en sécurité. Ne t'en fais pas.
Ciela tressaillit, et fronça les sourcils. Pourquoi Marika avait-elle eut le besoin de préciser que ses parents étaient en sécurité ? Ne se rendant pas compte de son malaise, son amie se retourna, la main en visière devant son visage, et grogna à l'attention des jumeaux derrière elle.
- Traînez pas les gars ! On a pas que ça à faire !
- C'est bon ! On est là ! lui cracha Romy, de mauvaise humeur.
Elle leva les yeux au ciel, et lui fit signe de se dépêcher en grognant.
- Plus vite on sera arrivé, mieux ce sera ! Où sont les autres ?
- Derrière, marmonna Crìs en désignant du pouce Ash et Sheena qui arrivaient à leur tour accompagné de Leedna.
- Désolée du retard, s'exclama cette dernière. Je demandais des infos sur Windy Hill à un autochtone.
- Un auto ... s'étrangla Romy, les coins de ses lèvres se relevant en un rire qu'il étouffa de justesse.
Leedna vient se positionner à côté d'elle, et détacha le ruban rose dont elle s'était servi pour attacher les cheveux d'Amélia, avant de faire, avec précaution et douceur, une nouvelle tresse dans les cheveux de son amie. Ciela sourit, amusée par ce geste, et s'assit lourdement sur sa valise, avant de balayer les alentours du regard. Le décor changeait radicalement de New York. La ville semblait bien plus petite, et plus vide, les bâtiments très espacés les uns des autres, laissant place à une nature verdoyante assez sauvage, contrastant beaucoup avec l'effet boite de conserve que faisait les énormes bâtiments tout serrés de la grosse pomme, et ses jardins microscopiques, si l'on exceptait Central Park. On aurait dit une ville typique de celles qu'on pouvait apercevoir dans les séries américaines du style Ghost Whisperer. Ni trop grande, ni trop petite, assez enfoncée dans la cambrousse pour être ignorée, mais pas assez pour être à l'écart de tout. Le peu d'habitants qu'elle voyait passer flânaient tranquillement dans les rues, sans se soucier de rien, ce qui lui rappela quelque peu l'attitude qu'avait les habitants de l'île. Elle pinça les lèvres, en songeant de nouveau à ses parents. Elle avait VRAIMENT hâte de rentrer chez elle.
- Et qu'est-ce qu'on t'as dis à ce sujet ? demanda Ash en tirant sur le col de son tee-shirt, apparemment étonné par la douce chaleur qui régnait en ville.
- Que c'était une petite ville tranquille sans histoire. Rien de spécial, rien d'attirant. Une ville de retraités, surtout. Les touristes se font rare.
Un silence contraignant s'abattit sur eux. Bah voyons. Ils allaient forcément attirer l'attention ... Au moins, à New York, ils pouvaient se fondre dans la masse.
- Et ils n'ont rien dit d'autre ?
Sheena secoua la tête.
- Ils nous ont dit d'aller voir ailleurs et qu'ils avaient du travail.
Crìs claqua de la langue, mécontent.
- On fait quoi du coup ? On ne sait même pas où aller ... s'inquiéta Ciela, en tripotant nerveusement une de ses mèches.
Marika se redressa, le regard fiévreux de réflexion.
- Tout d'abord, on cherche un endroit où on peut rester, ensuite où on peut manger, on vérifie qu'on est en sécurité, et APRÈS, on recherche la rue principale. Et sincèrement, ça devrait pas être bien difficile à trouver, une rue principale ...
Elle hocha la tête, un peu rassurée. Soudain, un grondement sourd les firent tous se tourner vers Sheena, qui rougit jusqu'aux racines de ses cheveux, avant de plaquer les mains sur son ventre.
- ... Bon, on mange, et ensuite on cherche un motel, inversa Marika. Ça doit pas être difficile à trouver ici.
Romy pointa un bâtiment un peu rétro en face de la gare. Un diner vintage, à la façade un peu défraîchie, comme tout droit sorti des années cinquante. A ses côtés, elle sentit Ash s'illuminer.
- Je crève la dalle.
- Moi aussi, approuva Crìs.
Romy se contenta de lever la main. Et Marika leva les yeux au ciel, encore une fois.
- Va pour le diner ... soupira la fausse japonaise en secouant la tête.
Ash sauta sur ses pieds, enfila son sac, et attrapa sa valise à bras le corps avant de dévaliser les quelques marches du perron de la gare, les yeux pétillants de joie.
- Allez !
- Eh, doucement Speedy, ricana Romy en se relevant à son tour, avec plus de lenteur.
Et doucement, ils se mirent en marche vers l'autre côté de la route, qu'ils traversèrent sans se soucier d'un possible passage piéton, compte tenu de l'absence abyssale de voitures ou de passage dans la rue. Une fois tous arrivés de l'autre côté de la route ils ouvrirent la porte du diner qui les accueillit avec un bruit de sonnette assez joyeux. Ciela balaya du regard l'intérieur du restaurant, en souriant. Exactement comme elle se l'était imaginée en regardant l'extérieur, avec son long bar blanc cassé, et ses tabouret répartit à distance équivalant les uns des autres le long du comptoir, son sol à carreaux blanc et noir, et ses box rouges, aux banquettes un peu déchirés. Ne manquait plus que les serveuses en rollers et aux bulles de gum roses.
- Bonjour, Grease, ricana Crìs sous son souffle.
Marika lui colla un coup de coude avant de leur faire signe de prendre place dans les deux seuls box se faisant face, tout au fond, leur permettant de s'abriter des regards des curieux qui auraient pu avoir pleine vue sur eux dans d'autres box étant donné les grandes baies vitrés qui permettaient aux doux rayons de soleil d'illuminer la belle salle. Les quelques clients disséminés dans le Diner levèrent à peine la tête sur leur passage, plongés dans leurs journaux, téléphones, ou conversation. L'un d'entre eux draguait lourdement la serveuse derrière le bar, qui restait de marbre face à son ''charme''. Ils prirent place dans les grands box, les menus plastifiés répartis sur les tables. Avec une curiosité amusante, Ash parcouru le menu, avec un grand sourire.
- Oh, ils font des donuts ! Mais pas de chocolat chaud ...
- Prends du café, ricana Crìs.
- Erk, marmonna Ash en fronçant le nez.
Sheena rit un petit peu. Et puis dix minutes plus tard, ils avaient tous fait leur choix. Le silence était de mise, en ce moment. Ils avaient beau être excité à l'idée d'être ENFIN arrivé à Windy Hill, ils étaient plus que fatigués, après ces deux derniers jours de sommeil assez court. Dormir dans un canapé ou dans un train, ce n'était jamais agréable. Ciela rêvait de son lit à l'académie. En face d'elle, Romy somnolait dans la paume de sa main. Les seules à peu près en forme étaient Leedna et Marika, qui parlaient de tout et de rien. Ce ne fut que lorsqu'une des serveuse vint les voir, sa queue de cheval blonde rebondissant à chacun de ses pas, que le groupe se réveilla. Elle prit les commandes d'un ton un peu trop joyeux, et s'apprêtait à repartir en cuisine quand Leedna l'interpella.
- Excusez-moi mademoiselle, mais pourriez vous nous indiquer la rue principale, je vous prie ?
Elle regarda Leedna avec un temps d'arrêt, complètement scotchée, et il fallu une poignée de secondes à Ciela pour comprendre qu'elle s'était exprimée à la serveuse en français. Au final, elle aussi, devait être fatiguée par ce voyage. Ash s'empressa de traduire. Elle hocha rapidement la tête et lâcha quelques explications avec précipitation et un accent qui l'empêcha de comprendre grand-chose. Puis elle repartit aussi vite qu'elle était venue, après leur avoir lancé un drôle de regard.
- En gros, elle m'a dit que la rue juste derrière le restaurant était la rue principale. Y'a un motel à cinq minutes a-t-elle rajoutée.
- Bonne nouvelle ! Et pour ce qu'on cherche ? Le 21 ?
- Ça ... marmonna Ash.
Soudain, un froissement de papier la fit se retourner. Un homme d'âge mur, assit dans le box le plus proche des leur, se retourna vers eux avec un sourire un peu moqueur, le coude sur son dossier. Il leur cracha quelques mots, qu'elle ne fit même pas l'effort de comprendre.
- What do you mean ? répliqua Ash, un peu perdu.
L'homme répliqua avec une voix forte en secouant la tête. Ash se redressa légèrement et enchaîna rapidement. L'homme se mit alors à déblatérer des propos que l'écossais leur traduit de nouveau, tous étant bien trop fatigués pour faire marcher ses connaissances linguistique.
- En gros, il a entendu la conversation, et il nous conseille de rester éloigner du manoir. C'est le surnom que les gens de la ville donne à la grande maison qui se trouve au bout de la grand rue. Elle est ancienne, au moins autant que les fondations de la ville. Elle appartient actuellement à un vieux couple aussi agréable que ... Euh. Des gens pas cool quoi. La vieille chasse méchamment les gosses qui viennent sonner chez eux à Halloween. On les voit rarement sortir de chez eux, et ils sont pas agréable pour un sous. Plus on est loin de cette baraque, mieux ça vaux. Surtout pour ... des jeunes aussi étrange que nous ? Eh, mais ... ! commença à s'indigner Ash.
Marika secoua la tête, l'incitant à se calmer.
- En même temps, on passe pas facilement inaperçu ... Regarde toi, avec ta dégaine de vampire, commenta placidement leur amie avec un regard en biais vers Ash.
Ciela avait complètement oublié ce détail. Dans le train, et à New York, ils étaient resté discret, et étaient passé de la houlette de Helen a celle de Julian. Et avec tout ce temps passé sur l'île, elle avait complètement oubliée que rien dans leur look était normal. Entre les yeux rouges de leur ami, les cheveux blanc neige de Sheena, et le maintenu un peu trop droit de Leedna, les plus normaux d'entre eux étaient les jumeaux. Avec un soupir, Ash fouilla dans son sac et en sortit une paire de lunette de soleil, qui enfila.
- J'avais prévu le coup, se justifia-t-il.
Puis il en sortit une seconde paire, qu'il lui tendit.
- Au cas où les premières se cassaient, j'en avais une seconde de rechange. Tu les veux ?
Elle lui fit un sourire chaleureux, et les enfila à son tour. Le monde prit des couleurs plus orangées. Sheena rit.
- Ça te fait des yeux de mouches !
- Ouais, et bah yeux de mouches, en attendant, met ça, lui dit Romy avec un sourire en lui enfonçant une casquette à l'effigie d'Iron Man sur la tête, masquant en bonne partie ses cheveux un peu trop voyant.
Leedna et Marika, plus discrète qu'eux, passeraient inaperçues même sans camouflage. Et voilà, ils étaient redevenus des ados ordinaires. Avec un peu de chance, plus personne ne viendrait les embêter. Par contre, la question de la maison était encore à débattre.
- Vous pensez que le monsieur a menti ? Au sujet de la maison ? questionna Sheena, en se penchant en avant.
- Ça m'étonnerais. Il avait l'air assez sérieux.
Une autre serveuse vint les voir, un peu plus âgée, et distribua leurs commandes, toujours aussi souriante que la première. Ils dévorèrent leurs petit déjeuner, en continuant de parler.
- Et si ... Brunette ignorait totalement ce qu'il se passait ? Enfin je veux dire, que des personnes âgées habitent la maison ? avança la petite reine des glaces, avec inquiétude.
- Serait-elle capable de faire une telle erreur ? Je veux dire, elle est bien allé jusqu'à New York pour donner le refuge à Julian. Pourquoi nous enverrait-elle dans un endroit pas sécurisé ? intervint Ciela.
Crìs secoua vivement la tête et désigna Ash.
- Je te signale qu'elle a passé sept ans à lui envoyer de sérieux cauchemars qui le plongeait vachement bas sous prétexte qu'elle voulait l'avertir des dangers que pouvaient lui apporter je ne sais trop quoi. Donc oui, étant donnée qu'elle est complètement barge, je la crois capable d'une telle erreur.
Ash inclina la tête sur le côté avec un grognement, comme mécontent de ce rappel. Et Ciela se rappela ses lourdes cernes et son côté zombifié du début de l'année scolaire ... Wow. Ça lui paressait être à des années lumières. Et dire que c'était il y a à peine quelques mois ...
- Arrêtez de vous casser la tête. Je connais l'Inexistante depuis plusieurs centaines d'années, maintenant ! Et une telle erreur, jamais elle n'en aurait fait, les interrompit Marika, en tapant de la paume sur la table.
- Mais ...
- Pas de mais qui tienne ! Je la connais, je vous dis. L'Inexistante est maligne. Dans les deux sens du terme. Elle peut être mauvaise avec les gens qu'elle exergue, et a, certes, un sens des valeurs un peu ... étrange, mais elle ne laisserait jamais un étranger entrer dans sa maison sans rien faire. Si les deux vieux sont là-bas, elle le sait forcément. Et si elle veut nous envoyer là-bas, et qu'elle a insisté pour que je leur porte un message, c'est que ça doit se faire !
Ciela tressaillit. Le fameux message. Elle avait totalement oublié.
- Donc on dépose les valises au motel, et on va sonner chez eux, conclut Marika, en croisant les bras.
Personne ne trouva rien à y redire.
- Le café c'est vraiment dégueulasse ... rouspéta l'Element de feu.
* * * * *
Elle poussa un long soupir avant de frissonner un peu, rabattant derrière ses oreilles les mèches que le vent lui envoyaient en pleine figure. Il faisait un peu froid, ce matin. Les filets de brume marine s'enroulaient encore autour de ses chevilles, tandis qu'elle marchait à petit pas. Malgré le tour de magie de l'Inexistante, la brume de l'océan continuait de monter sur l'île, peut-être même plus qu'avant. Ça l'amusait beaucoup, de voir l'île plongée dans le brouillard alors que le soleil n'était qu'à peine levé. D'ici une demi-heure, elle devrait s'être totalement dissipée avec le plein soleil qui surplombait sans défaut toute l'île, à cette époque de l'année, dès neuf heures du matin. Et la brume commençait déjà à se dissiper lentement à cause des timides rayons de soleil pointant à travers les hauts arbres qui entouraient le cimetière, tels d'inamovibles grands gardiens. Cela pouvait être étrange, de venir au cimetière, surtout si tôt le matin. Les autres jeunes gens de son âge trouvaient que les cimetières étaient glauques, trop morbides, ou uniquement propices à servir pour de stupide jeux d'horreurs. Nancy n'était pas de cet avis. Pour elle, les cimetières étaient des lieux de sanctuaire, et de repos. Des lieux calme, apaisés, et silencieux. Des lieux de paix. Le cimetière de l'île surtout, était un des plus beau qu'elle ait vu. Il était assez grand, pour un cimetière d'une si petite île. Sans doute car les plus anciennes tombes dataient de plusieurs siècles. Elles étaient toutes réparties sur trois étages en arc de cercle, traversés à intervalles régulier de petits escaliers en pierre, parfois craquelés par leur vieillesse, rajoutant en charme de ce drôle de lieu. Elle s'amusait à esquiver les fleurs sauvages qui poussaient à travers les fissures, quand elle grimpa les marches. Tout autour des tombes poussaient avec joie nombre de fleurs et d'herbes, laissant la nature faire ce qu'elle voulaient en ce lieu, sauf un petit cercle autour des pierres tombales, où les herbes étaient soigneusement défrichées. Elle connaissait le fossoyeur. Il avait reprit le métier de son père par obligation, lui qui voulait devenir jardinier. Au final, il avait plus moins trouver le moyen de faire vivre sa vocation. Il était tellement soigneux avec le cimetière qu'on aurait pu le confondre avec un jardin public, s'il n'y avait pas eu les pierres tombales. Les allées pour circuler entre les tombes étaient suffisamment espacées pour permettre de circuler entres elles sans problèmes, ou crainte de buter dans une autre tombe, permettant un passage sans danger pour quiconque. Dans un premier temps, elle s'était inquiétée à ce sujet, se demandant comment les porteurs de cercueils pouvaient circuler dans des allées qu'elle pensait trop étroites, mais elle s'était vite rendue compte que l'architecte du cimetière, qui fut-il, avait prévu le coup pour bien plus gros.
De temps en temps, elle prenait à manger, pour nourrir les oiseaux qui nichaient dans les arbres au alentours, et qui parfois voletaient dans le cimetière en gazouillant. Nancy venait ici à chaque fois qu'elle avait besoin de calme. Et avec ce qu'il s'était passé la veille, elle avait besoin de BEAUCOUP de calme. Voilà pourquoi elle s'était levée aux aurores pour venir ici. Le fossoyeur, en la voyant arriver, lui avait ouvert la petite porte du cimetière avec un grand sourire. Après avoir déambulé sans but pendant quelques minutes, ses pas avaient fini par la conduire devant tombes les plus récentes. Elle s'était accroupie devant elles, le regard dans le vide. Maintenant, ces tombes étaient ...
- Nancy ? Qu'est-ce que tu fous là ?
Elle se retourna, surprise. Mais il la suivait ou quoi ? Elle se releva, en mettant les poings dans ses poches, mécontente.
- Où étais-tu ? Tu n'es pas revenu de la soirée, on s'est fait un sang d'encre.
Il haussa les épaules.
- Ça m'étonnerait. Et ne gueule pas, j'ai mal au crâne.
- Mal au ... Oh, dit-elle, avec une pointe de dégoût, en se souvenant avec quoi il avait quitté le bar de Luis la veille.
Il leva les yeux au ciel, avant de se passer la main dans les cheveux, clairement pas réveillé. Ses vêtements étaient constellés de rosé, détrempés à certains endroits. Il avait passé la nuit à la belle étoile ... Tss. Avec un bâillement mal étouffé, il s'étira, et farfouilla dans sa poche avant de jeter un chewing-gum dans sa bouche. Il commença à mâchonner silencieusement, le regard dans le vide.
- Tu as une apparence de claudo. T'as dormi dehors ? Tu vas chopper froid.
- Ne me fais pas la morale, la Sorcière.
Elle frissonna, et ce ne fut pas à cause du froid.
- Ne m'appelle pas comme ça, espèce de mort vivant ! siffla-t-elle.
Il se crispa.
- Bien renvoyé.
Elle secoua la tête un peu exaspérée, tapant du talon à terre. Pourquoi fallait-il toujours que ça finisse ainsi entre eux deux ?!
- Désolée pour ça, je voulais pas être ...
Il leva la main, l'interrompant sur le coup.
- Ça va, c'est moi qui ai commencé. Tu as raison.
Elle se contenta de hocher la tête, un peu surprise. Ce n'était pas des excuses, mais ça y ressemblaient ... C'était rare de sa part. Elle pencha la tête sur le côté, et remarqua avec surprise qu'il avait une tête mélancolique, ce matin-là.
- Ça ne va pas ?
- J'aime pas le mois de Mai.
Elle tressaillit. Oh, oui. C'est vrai. Le moi de Mai.
- Je suis désolée, Erick.
Ce fut à son tour de tressaillir. Il vacilla légèrement, et il se décala d'un pas. Elle sortit les mains de ses poches et se frotta le coude, mal à l'aise. C'était la première fois qu'elle prononçait son nom, depuis son retour, se rendit-elle compte. Il se tourna un peu vers elle, ses yeux gris métallique luisant légèrement dans les rayons de soleil matinal.
- T-tu es désolée ... de quoi ? balbutia l'autre Hunter, surprit.
- De ce qui est arrivé. Ça n'aurait jamais du. Personne ... personne ne devrait mourir aussi jeune, murmura Nancy en croisant les bras.
Comme un automate, Erick se retourna vers la tombe à laquelle il faisait face, et s'agenouilla devant, les paumes à plat sur ses cuisses. Il la fixait, sans vraiment la voir.
- On avait quinze ans. Quinze ans bordel.
Elle pinça les lèvres, en l'entendant prendre une grande inspiration.
- Quinze putains d'années. On révisait pour les examens de fin d'années, et j'en avais marre. Alors Shana a proposé qu'on aille dans se balader en ville. Elle voulait nous changer les idées. Ethan rechignait un peu, mais il a accepté. On est parti acheter des glaces, et on flânait dans la ville, mais Séraphina voulait un coin tranquille. Alors on s'est glissé dans des petites rues, vers un coin de la vieille ville où on sait qu'il n'y a jamais personne, où on pourrait être tranquille. Mais Ethan a soudain commencé à paniquer, à hurler, à nous dire de faire demi-tour ... Je l'avais jamais vu comme ça. Il était hystérique. Incontrôlable. Et ...
Il serra les poings sur ses pantalons. Et son cœur à elle se serra.
- Et là, deux mecs habillés en civil nous sont tombés dessus. Ils avaient des couteaux à crans. Ethan hurlait à s'en rompre les cordes vocales, à nous en briser les tympans ... L'un des mecs à tenter de le faire taire en le tirant vers lui. Ethan, avec l'adrénaline, a du retrouver un semblant de lucidité, et a crié à Séraphina de dégager ... et j'ai remarqué que les gars la fixait ... J'ai pas trop pigé mais j'ai réagi d'instinct. Je me suis précipité sur un des gars, et je lui ai envoyé une décharge pour l'assommer. Mais celui qui avait Ethan a réagit plus vite que je m'attendais. Il a placé son couteau sous la gorge d'Ethan, le menaçant de le tuer si on obéissait pas gentiment ... Ils ... ils voulaient Angel ... Séraphina. Ethan nous a dit de dégager. « Allez-vous en, ne vous retournez pas ! » avait-il hurlé. Il était silencieux, Ethan. C'était pas un mec qui hurlait, ni ne s'énervait. Il gardait son sang-froid. En toute circonstance ... Mais là ... Il tremblait, de tous ses membres. Ses dents claquaient. Ses yeux étaient grands ouvert, et il était ... Juste ... terrifié. Il était terrifié à l'idée de mourir. Mais il a quand même trouvé le moyen de nous dire de fuir. Mais on était pas en meilleur état. Le temps que l'info arrive au cerveau ... Le gars que lequel je m'étais précipité a reprit ses esprits son couteau ... En me visant ... J'ai juste vu son regard. Un regard emplit de haine. Je ne me souviens même pas de la couleur. Juste qu'il avait l'intention de me planter. Et il l'aurait fait. Il l'aurait fait si Shana ne s'était pas jetée sur lui pour le déstabiliser. Le gars s'est retourné avec un grognement de rage. Il a enfoncé le couteau dans le cou.
Il fit courir son index sur le côté droit de son cou, de son oreille à son épaule. Heureusement qu'elle n'avait pas mangé ce matin. Elle aurait tout régurgité sinon. Le récit était horrifique. Mais ce qui était encore plus horrifique que le récit en lui même était la façon dont Erick racontait cette histoire. Comme s'il était ailleurs. Son ton était grave, monotone, quasi mécanique. Un cauchemar. C'était un vrai cauchemar.
- Elle est morte sur le coup, je crois. Et j'ai hurlé. De toute mes forces. Je crois qu'ils avaient pas prévu ça, de tuer quelqu'un ce jour-là. Mais Shana est morte. Ethan a pété un câble, commencé à se débattre ... L'autre lui tranché la gorge. Comme ça, d'un trait. Par réflexe ou panique, parce qu'il avait peur qu'Ethan rameute du monde, sans doute. Il l'a lâché, et Ethan est tombé à terre avec un bruit étranglé, les yeux révulsés. Et Séraphina hurlait derrière moi. Hurlait en sanglotant. Mais après, j'ai plus rien entendu. Plus rien. Je voyais juste Shana et Ethan, le sang qui coulait, en deux flaques, en deux flaques énormes, énormes ... Et j'ai craqué aussi. J'ai relâché une immense décharge, qui apparemment correspondait à une la puissance de plusieurs milliers de vols. La fureur, l'adrénaline, la douleur, la peur, le déni ... Tout ça s'est mélangé, et j'ai ... explosé. Au sens propre. J'ai explosé. J'ai senti l'électricité parcourir ma peau. Je l'ai sentis parcourir mes veines. Je l'ai sentis me parcourir partout. De la tête au pied, jusque dans la moelle. Et je l'ai senti se condenser. Encore, encore, encore ... Et ça s'est juste réduit en une toute petite boule. Au creux de mon ventre. Puis ... J'ai eu mal. Mal comme jamais je n'ai eu mal, avant ou maintenant. Je me suis évanoui. En fait, j'ai dû créer une telle tension électrique ... Plus tard, j'ai entendu dire que je les avais grillé sur place. Tous les deux. Séraphina était suffisamment éloignée de moi pour n'être que ... foudroyée par mon attaque. Ça ne l'a pas tué. Juste si gravement blessée qu'elle est tombé dans le coma. Un coma dont elle ne se réveillerait jamais. Tout ça, par ma faute. C'est ma faute. Tout est de ma faute.
Il ferma les yeux. Et se pencha en avant, plus, plus, encore plus ... et enfoui son visage entre ses mains, sans un mot, sans un son. Nancy déglutit à plusieurs reprises, des larmes pleins les yeux. Elle ne savait pas pourquoi il lui avait dit ça. Elle ne savait pas pourquoi il venait de lui raconter ça. Surtout à elle. Ils se connaissaient à peine, après tout. Enfin ... Certes, elle lui avait raconté quelques trucs hier, et ils s'étaient rapprochés depuis quelques jours, mais rien de vraiment ... Elle serra les lèvres, et serra les bras encore plus fort. Que faire, dans ce cas-là ? Que faire ?
- E-Erick ? l'appela-t-elle, doucement, n'osant ni ne savant pas quoi faire d'autre.
Elle l'entendit prendre une grande inspiration. Puis, tout aussi lentement qu'il s'était replié sur lui même, il se redressa. Elle ouvrit de grands yeux. Il pleurait. A flot. Ses larmes dévalaient ses joues sans qu'il tente de les arrêter, ou de faire quoi que ce soit pour les éponger. Et c'est alors que Nancy remarqua qu'Erick était devant la tombe de Séraphina. Et immédiatement, d'anciennes rumeurs lui revinrent en mémoire. Des rumeurs d'enfants, d'adolescents immature ... Qui prêtait à Erick et Séraphina une relation autre que de l'amitié. Elle ferma les yeux, réalisant l'horreur de la situation dans laquelle était Erick. Puis, sans prévenir le sourire d'Alexandre lui revint encore en mémoire. Et les larmes qu'elle peinait à retenir s'échappèrent de nouveau. Elle lâcha un sanglot. Et s'écroula à terre. Elle aussi, était devant la tombe d'un être cher. Celle d'Alexandre.
- N-Nancy ... lui dit-il alarmé.
Il était mortifié. Et elle aussi. Puis il sembla réaliser ce qu'il venait de se passer. Ce qu'il venait de raconter. Il baissa la tête en étouffant un juron, et elle le vit serrer le poing.
- Je ... Je sais pas ce qu'il m'a prit ... Je n'aurai jamais du te raconter tout ça, dit-il en un râle.
Elle secoua la tête, encore tremblante. Elle savait que les Mult-Up étaient morts de manière ... Particulière. Mais elle n'avait aucune idée que leurs morts avaient été aussi violentes. Il se releva en titubant, et s'apprêtait sans doute à faire demi-tour, et à disparaître dans un coin de l'île jusqu'à ce que la situation se tasse, sans doute, le connaissant, mais elle n'avait aucune envie de le laisser faire. Pas maintenant, pas après ça. Elle le regarda droit dans les yeux, l'arrêtant net.
- S'il te plaît, lui chuchota-t-elle.
Il ne dit rien, ne fit plus un geste. Il se contenta de soutenir son regard. Et lentement, elle se mit à parler aussi.
- Alexandre est mort foudroyé par Rezher. Je ne l'ai pas vu mourir, mais ... d'autres si. Et ... Et ils m'ont dis, la façon dont il est décédé. Et je rêve encore de lui. Je rêve de lui qui m'appelle, me hurle de l'aider, de le sauver. Mais je n'arrive jamais à temps. Soit il est déjà en train d'agoniser, en me disant que c'est de ma faute, que je n'ai pas pu arriver à temps ... Soit il est déjà mort. Et ça me hante. Ça me hante. Si seulement j'avais été avec lui, à ce moment-là, j'aurai pu faire quelque chose, non ?
Maintenant, ses propres larmes maculaient ses joues, et sa voix n'était réduite qu'à un mince filet tremblotant, alors qu'elle se plongeait dans ses souvenirs. Et Erick ne la quittait toujours pas des yeux.
- Je sais, rationnellement, que ma présence n'aurait rien changé. Peut-être même que je me serais débrouillé pour faire tuer tout le monde. Mais ma tête, ma si stupide tête, me hurle le contraire. Que j'aurai pu faire quelque chose, si j'avais été un peu mieux, si j'avais été un peu meilleure, plus gentille, plus éveillée ... Plus concernée. Alexandre est parti car je n'ai pas assez pris soin de lui, me hurle ma conscience. Peut-être est-ce une punition du karma, aussi, de m'avoir enlevé Alexandre. J'ai été mauvaise pendant tellement d'années ... Dans mes plus mauvaises nuits, c'est même moi, qui suis la meurtrière d'Alexandre.
C'était la première fois. La première fois qu'elle racontait ça à qui que ce soit. Suite aux soucis à l'académie, on avait précipité des psychologues par poignées pour soigner les ''traumas'' des élèves et des habitants. Des rendez-vous obligatoire avaient été mis en place, pour tout le monde, et elle y était allé plusieurs fois, à cause de son rapport proche à Alexandre. Mais elle n'y arrivait pas. Elle n'y arrivait tout simplement pas, à raconter tout ça. A raconter ce qui hantait ses nuits, ses jours, chaque moment de sa vie. Alors elle avait feint, raconté d'autres choses, mis sa fatigue et sa détresse évidente, qu'elle ne pouvait cacher, sur le dos des élèves qui la harcelaient. Et lorsque les rendez-vous obligatoire avaient cessé, elle avait prit l'habitude de feindre et cacher ses vraies sensations. Tout était beaucoup plus simple, de faire semblant, et de cacher le reste. Ça évitait les complications, les mauvais souvenirs ... Mais lorsque Erick avait tout déballé, elle ... Elle avait tout déballé, elle aussi. Peut-être par soutien. Il lui avait parlé à cœur à cœur. Alors elle avait fait de même. Sans filtre. Ni arrière pensée. Et peut-être était-ce stupide. Peut-être cela n'avait aucun sens. Mais elle n'y avait pas réfléchi. C'était ce qui lui était venu naturellement. Il cligna lentement des yeux, et expira lentement. Puis reporta son regard sur la tombe de Séraphina, et les trois autres à sa gauche. Il jeta un coup d'œil à la pierre devant laquelle elle s'était laissée tomber.
- Je suis désolée, Nancy. Ça n'aurait pas du se produire. Alexandre était un sacré chieur, mais il ne méritait pas de mourir ainsi. J'ai échoué.
- Échoué ?
- J'étais perdu. Quand je suis revenu à moi, après cette horreur ... Et que j'ai appris ce que j'avais fait, ce qu'il s'était passé ... Mon monde s'est effondré. Par deux fois, j'avais perdu des êtres chers, sans que je ne puisse rien y faire. La première fois j'étais anéanti de chagrin et de remords. La seconde fois ... J'étais furieux. En proie à une rage noire, folle. Je ne pensais qu'à une chose : les détruire pour ce qu'ils avaient fait, tous. Je n'avais que quinze ans, j'étais un gosse face à quelque chose qui me dépassaient largement, et qui me dépasse encore aujourd'hui. Mais j'étais dans un état qui ne permettait aucune réflexion correcte. Et je n'ai jamais été humble. Alors je suis allé dans le bureau d'Helen, et j'ai tout fouillé, absolument tout, pour tenter de trouver des informations sur les Saint Souls, trouver où ils étaient, comment les détruire ... Je voulais leurs têtes. A tous. Pff. J'étais si naïf, dans ma haine. Mais je n'ai rien trouvé de ce genre. Bien sûr, que pouvais-je trouver dans son bureau à leur sujet ? Mais dans ma fouille intense ... J'ai découvert, derrière une de ses étagères poussiéreuses qui devait appartenir à d'autres prédécesseurs avant elle ... Une sorte de double fond. Et de ce double fond, j'en ai sorti ... Des documents qui appartenaient à Malcolm Horace.
Malcolm Horace. Si Nancy avait bonne mémoire, il était le directeur qui avait précédé Helen. Un homme dépeint comme cupide et orgueilleux, malveillant avec les élèves, et maniaque. Des rumeurs lui prêtaient des rapports plus que proche avec les Saint Souls. Mais sa démission coup de tonnerre qui avait eut lieu deux décennies auparavant l'avait fait disparaître du devant de la scène. Son père, ancien étudiant de l'académie, détestait cet homme.
- Et c'était à vomir. Des lettres morbides, des fichiers de transactions douteux, des pots de vins, des rapports sur des étudiants « gênants » ... Et j'en passe et des meilleurs. Mais parmi tout ça, il y avait des noms. Beaucoup de noms. Les noms de certains sympathisants des Saint Souls, et des adresses. J'ai vu là un parfait début de piste. Alors j'ai pris en photos ce qui pouvait m'être utile, j'ai tout posé sur le bureau de ma tante ... Et je suis parti. J'ai prit de l'argent, un sac, et j'ai mis les voiles hors de l'île.
Puis il se tut. Et serra les lèvres. Nancy n'en saurait pas plus. Mais au vu de la dégaine d'Erick et de son retour sur l'île, il avait du en voir des vertes et des pas mures.
- Je m'étais donné comme objectif, un objectif bien utopique et stupide, de détruire cette organisation. Je voulais que les Saint Souls disparaissent. Que leurs crimes soient punis. Qu'ils meurent comme ils avaient fait mourir tant d'innocents.
Un sourire amer s'étendit sur son visage fatigué.
- j'ai échoué. Rezher a tué ton ami parce que j'ai échoué à accomplir mon objectif désespéré. Et parce que le Conseil a préféré fermer les yeux sur les actes de ce vieux fou dangereux plutôt que de faire quoique ce soit pour l'arrêter, préférant sauvegarder les apparences. Ça n'a rien d'étonnant que tout soit parti en vrille, maintenant. La seule constance dans notre univers pourri, c'est nous même, et la confiance que nous apportons aux autres.
- C'est ... Triste.
- C'est ma réalité.
Elle ne répondit rien. A la place, elle glissa derrière ses oreilles les mèches qui avaient volé, à droite, à gauche. Erick vint s'asseoir à sa droite, laissant un avant bras de distance entre eux.
- Quand j'étais encore à l'académie, et que je vous voyais emmerder mon frère et ses amis ... Surtout les jumeaux ... Ça m'irritait un peu. Plus qu'un peu, en fait. J'avais envie d'aller vous refaire le portrait. Mais ce n'était pas mon rôle que de le faire. Le nombre de fois où j'ai dû retenir Shana ... Elle détestait le fait que vous vous moquiez sans arrêt de sa sœur. Et moi aussi. A de nombreuses reprises, j'ai failli aller me friter à vous, les petits chieurs de première, qui passiez leur temps à bousculer plus jeunes et plus faible que vous.
Elle secoua la tête, un peu hantée par les souvenirs de l'époque où elle était de l'autre côté de la barrière.
- Je sais. On était détestable.
- Plus maintenant ?
- On a plus l'occasion de l'être.
- Ah ! Nous non plus.
Elle ricana, avec l'envie de pleurer.
- Mais qu'est-ce qu'on raconte ... C'est d'un morbide.
- Mieux vaux en rire, qu'en devenir dingue ...
Nancy se recroquevilla sur elle même, enfouissant sa tête entre ses genoux. Elle comprenait un peu mieux comment l'arrogant dragueur du dimanche était devenu ... Ça.
- C'est peut-être pour ça, que je me sens aussi bien avec toi, murmura-t-il si bas qu'elle cru ne pas l'avoir imaginé.
Elle se tourna vers lui, interloquée. Mais lui, garda les yeux rivés devant lui, les mains posées loin derrière lui.
- Tu ... Pardon ?
- Rien, oublie, grogna-t-il.
Un nouveau silence les enveloppa, tandis que le soleil continuait de s'élever dans le ciel, chassant définitivement les dernières bribes de brume. Les reflets dorés des rayons sur l'herbe encore mouillée de rosée et les plantes donnaient un aspect plus que charmant à ce lieu de repos. Elle prit une grande inspiration. Un parfum de fleurs flotta jusqu'à elle, très appréciable. Quelques minutes s'écoulèrent, rythmées par leurs respirations successives. C'était une belle saison. Une saison un peu trop belle pour pleurer. Une saison un peu trop belle pour ce qui était en train de se produire, que ce soit ici ... ou ailleurs. Une question lui vint alors en tête. Une question peut-être un peu idiote ... Mais légitime, pensait-elle.
- Est-ce que Ash t'as manqué ?
Elle cessa de l'entendre respirer. Et il se tourna vers elle, avec une moue sincèrement surprise.
- Je ... C'est la première fois qu'on me demande ça ... depuis mon retour, balbutia-t-il.
- Ça m'a l'air d'être une bonne question, pourtant. Pourquoi on ne te l'as pas posée avant ?
Il haussa les épaules.
- Peut-être parce que ça ne semblait pertinent à personne d'autre. Je ... j'en sais rien.
Il déglutit.
- Mais oui. Bien sûr qu'Ash m'a manqué. Bien sûr que mon frère me manque. Depuis le jour où je suis parti, je n'ai cessé de vouloir le voir. Combien de fois j'ai eu l'envie de l'appeler, lui demander comment ça allait ... Mais j'ai jamais sauté le pas.
- Pourquoi ?
- Parce que je n'avais pas l'intention de revenir, au départ.
Elle ferma les yeux, brièvement. Bien sûr. Bien sûr ...
- Et maintenant ? Tu ... as l'intention de rester ?
- De l'eau a coulé sous les ponts. Non ... Non je ... je sais pas. Je sais pas. Je ne voulais pas revenir. Puis maintenant ... je suis là. Et puis, il y a eut ÇA ...
Il engloba d'un grand mouvement de bras toute l'île.
- Alors honnêtement, aucune idée. Je ... Je VEUX revoir mon frère. Mais j'ai peur. Enfin ... T'as vu qui je suis ? Ce que j'ai sur les mains ? Je ... Je veux pas ... S'il apprends tout ... Il va me ...
Elle se pencha un peu, et posa sa main sur son épaule, le sentant tressaillir sous sa paume.
- Ash porte ton deuil. Quand il parle de toi, il évoque des souvenirs triste, des souvenirs joyeux ... Un manque. Te revoir serait sans doute pour lui un vrai miracle. Bon, certes, il y a des chances pour qu'il essaye de te mettre le feu au pantalon, mais ... Dans tous les cas, ce serait ... Ce serait un véritable cadeau, pour ton frère.
Son regard métallique sembla s'illuminer. Puis il hocha la tête.
- Oui ... Oui. En plus, je dois lui dire quelque chose.
- Quoi ?
- Je dois lui dire la vérité. La vérité ... sur tout. Et sur ce qu'il s'est passé, il y a sept ans.
Nancy se redressa lentement, en sentant ses paumes devenir moites. Elle rencontra son regard gris. Et jamais, elle n'y avait vu un tel éclat.
- Je dois lui ce qu'il s'est passé la nuit du 7 Octobre.
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Et oui. L'inconnu qui est avec Nancy depuis le départ, c'est Erick. Erick qui est revenu sur l'île. Et qui apparemment n'était pas mort. Sinon, ça va chez vous ?
Plus sérieusement, j'espère que le récit d'Erick n'a choqué personne. C'est peut-être un peu violent, mais je voulais qu'il soit un minimum réaliste. Prévenez moi si vous pensez que c'est trop, d'accord ?
Et les huit autres qui sont à Windy Hill ...Ouuuh, vous le sentez le suspens, vous le sentez ?
La situation évolue, change ... Qui sait ce qui adviendra ?
A la prochaine, petites chenilles flemmardes !
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