Chapitre 24 : coïncidences
- L-le ... papa ... de Sheena ? Et euh ...
Ciela poussa un long soupir. Et hocha lentement la tête. La situation était en effet très complexe.
Assise sur le canapé qu'occupait précédemment son corps endormi, Almarica réfléchissait pleinement à la situation, voûtée sur elle même, un pli soucieux barrant son front.
- Et bien ... Voilà qui est ... En effet, bien peu commun.
- C'est le cas de le dire. J'ai jamais assisté à un truc pareil. On se croirait dans une télé-novela, marmonna Crìs
- Maximo Augusto Calderòn de la Hoya, et tu te mords la langue au passage, commenta son jumeau de manière totalement inutile.
Almarica haussa les sourcils et se redressa.
- Et vous me demandez si l'Inexistante pourrait être au courant de tout cela ?
Hochement de tête général.
- Tu es celle qui la connaît le mieux, renchérit Ciela.
L'Énérienne se frotta la nuque, pensive.
- Il est vrai que je connais l'Inexistante depuis bien longtemps. Et qu'elle a tendance à mettre son nez dans tout et n'importe quoi. Mais de là à cacher volontairement l'identité de son père à Sheena, et de vous envoyer ici sans rien dire à personne au sujet du concerné ... Honnêtement, non. C'est une coïncidence morbide si vous voulez mon avis. Sa morale biaisée va loin, mais pas à ce point. Et puis bon ... Si Sheena a effectivement suivie Julian comme Leedna le pense, je doute qu'il y est grabuge après tout ça.
A côté d'elle, Crìs poussa un long soupir désespéré. Lorsqu'ils s'étaient rendus compte que leur jeune amie avait disparu sans laisser de traces après le départ de Julian, ils avaient tous cru avoir une crise cardiaque ... jusqu'à ce que Leedna leur annonce tranquillement que la petite demoiselle s'était faufilée derrière Julian. Pour le mieux peut-être. Le père et la fille allaient s'expliquer comme ils le pouvaient en toute paix. Même si, clairement, la situation était tout à fait inhabituelle, et qu'il y avait de grandes chances pour que Sheena congèle Julian. Pourtant, Leedna leur avait assuré avec flegme que la situation irait bien. De toute manière, avaient-ils d'autres choix ? Alors ils s'étaient assis et avaient commencé à expliquer les tenants et les aboutissants de l'histoire à Almarica, qui apparemment, ne s'était pas, mais pas du tout, attendue à ça.
- Tu en es sûre ? Elle est sournoise Brunette quand même, balança Romy tout de go en croisant les bras, d'un air mauvais.
Décidément, les jumeaux avaient encore et toujours une dent contre la petite fille. Compréhensible, remarque. Ils n'avaient jamais vraiment digéré la réaction de la gamine face à la mort de Kiwi et Violet.
- Non, non, je ne plaisante pas. L'Inexistante, les histoires de familles, elle prends ça au sérieux. Elle ne joue pas avec.
- Comment ça ?
Almarica commença à tripoter une des mèches qui s'étaient échappées de sa tresse, l'air partagée.
- Écoutez ... C'est pas mon rôle de dire ça ... Mais bon. Autant le dire clair et nettement. Les garçons, Brunette savait pour votre famille.
Crìs et Romy se raidirent d'un bel ensemble.
- Hein ?
Almarica croisa les jambes, se mettant un peu plus à l'aise sur le canapé.
- Elle se renseigne sur un peu tout, et j'ignore comment elle s'y prend, mais le résultat est là. Elle sait. C'est un peu son rôle, que de veiller sur nous tous. Enfin, celui qu'elle essaie de s'attribuer plutôt. Et inutile de dire que le nom Altafuente ne lui évoquait pas juste deux marmots farceurs et turbulents.
Ciela retint son souffle. Oh oh.
- L'Inexistante protège, et élimine ce qu'elle voit comme une menace, ou une menace potentielle. Si elle avait vu en vous des dangers, elle vous aurez dénoncé sans la moindre hésitation à Helen. Hors, elle ne l'a pas fait, non ? Elle a même aidé.
Les deux espagnols avaient perdu toute couleur.
- Comment ça, elle nous a aidé ?
- Vous vous souvenez de quand vous avez réussi à vous émanciper ?
Les deux frères se regardèrent, se demandant sans doute où Almarica voulait en venir.
- Ouais ... C'était complexe. On a pas tout comprit ni trop retenu ... avoua Romy en se grattant la tempe. En plus on venait de revenir de Barcelone, et il y avait Ash et les deuils et ...
Almarica secoua la main.
- Aucun soucis. Mais vous avez conscience que ce n'est pas de l'émancipation pure et simple ?
- Oui. On a changé de tutelle, c'est ça ?
- Exact. Vous savez sous quelle tutelle vous êtes passés ?
- Celle de notre ancien majordome. Enfin, officiellement. Mais on se gère déjà tout seul. De toute manière, vu qu'on habite tout le temps sur l'île, c'est comme si on était déjà indépendant, expliqua Crìs.
- En gros oui, acquiesça Almarica. Et pourquoi vos géniteurs ont accepté ce changement de tutelle ?
- Parce qu'on ne leur était d'aucune utilité, soupira Romy. Plus récalcitrant que des mules. Alors ils ont préféré nous jeter plutôt que de continuer à s'acharner pour rien.
- Ouais, on leur a pas vraiment facilité la tache, ricana l'Element de foudre.
Almarica sourit à son tour, apparemment amusée.
- Oui, c'est une des raisons. Mais en fait ... Si ça s'est fait aussi rapidement et sans bavures, c'est grâce à l'Inexistante.
Ils perdirent leur sourire. Et Ciela cru entendre Ash lâcher un juron. Elle aussi, était restée sans voix. Qu'est-ce que ça voulait dire ?
- Comment ça ? Qu'est-ce qu'elle vient faire là dedans ? siffla Romy d'une voix blanche.
Almarica remua légèrement des pieds, l'air un peu embarrassé.
- L'affaire Malcolm Horace, elle ne l'a que très mal digéré. Alors depuis, l'Inexistante fait un peu la guerre aux adultes comme vos parents. Je suis nulle pour tout ce qui est juridiction et administration, mais vos géniteurs avaient la claire et nette intention de bien mettre le bazar, histoire de faire traîner la procédure en longueur. Certes, ils ne voulaient plus vous avoir dans les pattes, mais tant qu'à faire, que ce soit long et douloureux pour vous.
Le teint des jumeaux était plus blafard que Ciela ne l'aurait cru possible. Entre ce matin et maintenant, la journée était VRAIMENT longue. En l'espace de quelques heures, elle avait l'impression d'avoir encaissé plusieurs semaines, c'était pour dire. Ils allaient tous dormir comme des bûches ce soir.
- Sauf que l'Inexistante est intervenue et a étouffé dans l'œuf la vraie pagaille judiciaire que ça aurait du devenir. Elle a menacé vos parents. Je ne sais comment elle s'y est prise, de nouveau, mais ça a été rudement efficace.
Ciela plaqua sa main sur sa bouche, retenant une exclamation de surprise. Oh, bon dieu. Elle jeta un coup d'œil aux garçons. Ils étaient littéralement assommés par la révélation d'Al'.
- En gros, t'es entrain de dire ... Que c'est grâce à la gamine si on est débarrassé de nos ... géniteurs ? demanda le petit ami de Sheena d'une faible voix.
- Non. Elle a simplement facilité le processus.
- Mais pourquoi ? s'écria Romy. Quel intérêt avait-elle à faire ça ?
- Vous n'avez pas écouté ? Principalement parce qu'elle n'aime pas les adultes malveillants. Et aussi pour mettre un bon coup de pied au derrière des Saint Souls. On ne joue pas avec les histoires de famille. Vos parents avaient l'intention de vous mener la vie dure ? Elle ne l'aurait pas laissé faire. Combien de fois je l'ai vu intervenir en faveur d'enfants battus ou maltraités ?
Toute cette histoire jetait un éclairage nouveau sur l'Inexistante, pour Ciela. L'enfant aidait-elle les autres enfants parce qu'elle en était une aussi, ou par bonté de cœur ? Elle était aussi mystérieuse qu'ancestrale ... Peut-être car l'un était synonyme de l'autre, après tout.
- Elle n'est pas intervenue pour Amélia ou Sheena, gronda Crìs.
L'Element des ténèbres haussa les épaules.
- Pour Amélia, ce n'était pas vraiment dans ses cordes, étant donné que sa mère est humaine. Et ce n'était pas un danger immédiat, si je puis me permettre. Quant à Sheena ... Et bien ... Ce n'est pas simple.
- Accouche ou je vais m'énerver, marmonna Crìs.
Almarica ne put retenir un grand sourire.
- Sheena était un cas un peu particulier. Elle a tenté d'intervenir, à plusieurs reprises. Les mères comme celles de Sheena font parties des pires êtres vivants pour elle. Sauf que ... Shana le lui a interdit.
Romy lui fit signe de développer d'un air las.
- Shana ... Je sais pas. Je crois qu'elle avait encore espoir que leur mère redevienne normale. Elle se voilait la face sans doute. Mais quand Hannah a viré Sheena de l'appartement familial, Shana a enfin comprit que c'était inutile, et elle a suppliée l'Inexistante de l'aider. Et elle s'est arrangée pour que plus jamais Hannah ne puisse recroiser ses deux filles.
- Euuuuuuh ... L'Inexistante a tué Hannah ? intervint Ciela.
- Hein ? Non. Elle a simplement interdit à Hannah de s'approcher de ses filles, dorénavant. Et la tutelle des a été confiée à Matthieu, le père d'Amélia. Hannah s'est suicidée, apparemment.
Un silence pensif s'installa dans la pièce, uniquement brisé par le bruit du robinet mal fermé de la cuisine. C'était très lourd à digérer, toute cette histoire. La mine sombre, les jumeaux devaient en avoir assez encaissé jusqu'à la fin de leur jour. L'être qu'il exécrait le plus (après les Saint Souls) s'était révélé être un protecteur de taille. Ça ne devait pas être facile pour eux ... Ciela savait qu'ils tenaient Helen en haute estime depuis bien longtemps, notamment car ils pensaient qu'ils lui devaient leur liberté. Ce n'était pas entièrement vrai, au final. Et bien. Quelle drôle de journée, bon sang de bonsoir.
- Donc ... je suppose qu'on est à jour dans nos infos respectives, soupira Ash.
- Sans doute.
- Parfait, plus qu'une question donc !
- Je t'écoute Ash.
- C'est toi Maria ?
Elle prit un air interloqué. Puis, petit à petit, un grand sourire désolé étira ses lèvres.
- Oui ... Je suppose que Julian a parlé de moi.
- Donc tu connaissais Julian ? enchaîna l'écossais.
- Plus ou moins. Il traînait pas mal avec Henri et Helen. Je l'ai croisé quelques fois, mais ça s'arrête là. Apparemment, vos parents et Helen l'aimaient bien.
Ciela baissa son regard sur ses mains. Almarica parlait très rarement de l'époque où elle traînait avec leurs parents. Quand ils avaient tenté de lui demander pourquoi, elle avait répondu tristement qu'elle n'aimait pas parler de cette époque, mais qu'un jour, elle le ferait. Après tout, ils étaient en droit de savoir. Toutefois, l'Enerienne ne paraissait pas être prête à en parler. Pas encore
- J'étais très discrète à l'époque, mais Julian faisait toujours attention à tout. C'était quelqu'un d'assez observateur, et j'avoue l'avoir considéré comme une grande nuisance pendant un certain temps, mais je me suis ravisée. C'était déjà une bonne personne à l'époque. Je n'arrive pas à croire ce qui lui est arrivé ... Il ne le méritait vraiment pas. Il a passé sa vie à en baver, il faut croire.
- Et c'est pas fini ... marmonna Ash en croisant les bras, pensant sans doute à Sheena.
- Hum ... Et bien. On verra. Chaque chose en son temps, soupira Almarica en secouant la tête.
Argh, elle avait des fourmis dans les jambes et la nuque raides. Le cumul de stress qu'elle avait vécu ces derniers jours allaient finir par lui donner des cheveux blancs ...
- Excusez-moi, puis-je ?
Ils se tournèrent tous d'un bloc vers Leedna, interloqués. Ils en avaient presque oublié sa présence. Sauf Romy peut-être.
- Je comprends que toute cette histoire soit un vrai choc, mais j'aimerai signaler que si je suis là, c'est parce que des Saint Souls étaient à votre recherche en ville.
Sa déclaration lui fit l'effet d'un électrochoc. Elle avait raison. Sheena, bien que remarquable, était avec Julian. Il la protégerait. Mais une fois rentré, il allait falloir s'en aller rapidement. Plus vite ils seraient hors de la ville, mieux ce serait.
- Je pourrais vous emmener ... commença Almarica.
- Il est hors de question. Vous avez passé presque plus de vingt-quatre heures dans le domaine des ombres en l'espace de deux jours ! Vous tenez à peine debout, et ce n'est qu'une question de temps avant que vous ne sombriez de nouveau dans l'inconscience. Je ne vous laisserez guère tenter une nouvelle expédition, gronda Leedna, en croisant les bras, regardant d'un air plus que sévère leur amie, qui gonfla ses joues en une mimique de bouderie plus qu'évidente.
Un rire discret sembla s'élever derrière elle, et il fallu quelques secondes à Ciela pour comprendre qu'il ne venait pas de derrière elle, mais de sa propre tête. Svelja était amusée par la situation.
« - Leedna ne changera jamais. Une féroce guerrière qui se transforme en maman poule dès que Philios ou Almarica sont dans le coin. »
Philios ET Almarica ? Et bien. Parfois, Ciela était curieuse que de connaître le passé des six Eneriens.
- Et donc on fait comment ? Ça va pas être de la tarte que de ...
La porte claqua soudainement, et ils bondirent dans un bel ensemble. Le visage lumineux de Sheena passa par la porte du salon.
- On est rentré !
Ciela expira profondément, et Ash râla non loin d'elle. Ils étaient tous à cran, et voilà qu'ils se faisaient peur tout seul. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils ne se mettent à avoir peur du moindre courant d'air ... Par contre, voir la petite frimousse de Sheena aussi ... détendue, ça faisait chaud au cœur.
- Sheena !
- Almarica ! Bonjour ! s'écria la petite demoiselle en se jetant vers elle, rayonnante.
Derrière elle, Julian arriva et posa les courses sur la comptoir de la cuisine en marmonnant dans sa barbe, sortant de ses sac divers produits alimentaires. Uh ? C'était elle ou ... l'atmosphère était ... presque épanouie ? Son regard navigua de l'adulte à la petite reine des glaces qui discutait joyeusement avec Almarica. Elle était clairement fatiguée ... mais aussi clairement ... heureuse ? Quand à Julian, qui avait l'air d'un cadavre ambulant lorsqu'il s'était précipité dehors tout à l'heure, il avait l'air d'être revenu à la vie. Elle ne le qualifierait pas de joyeux mais une chose était sûre, il était de bonne humeur. Quelle était cette transformation éclair ?
- C'est bien allé avec Julian ? lui murmura Ash.
- Aucune idée. Mais ... Elle a l'air tellement ... bien ? Et Julian est moins stressé qu'en partant. Enfin, si tant et si bien qu'on peut dire que ce pauvre homme n'a jamais été stressé.
Julian toussa fortement, attirant leur attention à tous.
- Bon, les enfa ... hum. Vous tous. Il est déjà presque quinze heures, je suppose que vous avez tous l'estomac dans les talons et ... Je n'ai aucune envie de me mettre à cuisiner quelque chose de compliqué. Pizza ?
- PIZZA ! rugirent-ils tous en chœur, sauf Leedna, bien évidemment.
* * * * *
- AU COMMISSARIAT DE POLICE ? C'est une blague ! hurlait Rezher, en abattant violemment son poing sur le bureau.
Judith ferma les yeux par réflexe, tandis qu'à côté d'elle Jonas se recroquevillait sur lui même. Leur chef fondateur était fulminant. Il bouillonnait de rage, son visage rouge de colère, une veine palpitante sur la tempe.
- L'ENFANT LEUR A ÉCHAPPÉ DES MAINS, ET ILS ONT ÉTÉ ARRÊTÉS POUR AGRESSION SUR MINEUR ?
- Sur témoignage de plusieurs habitants du quartiers, confirma Judith, professionnelle.
- Qui sont-ils ?
- De simples humains modestes. Devons nous nous occuper d'eux ?
Rezher balaya l'air de sa main.
- Laissez les.
Ils jouaient vraiment de malchance. Ces fichus adolescents étaient plus glissant que des anguilles. Toutefois ... La présence sûre et certaine d'Amélia Loiseau à New York confirmait bel et bien celle des cinq jeunes gens en ville. Il fallait les attraper le plus rapidement possible, avant qu'ils ne puissent disparaître.
- La carte de l'effet de surprise est perdue, du coup ... marmonna Jonas.
- A cause de l'incompétence de ces misérables crétins ... répondit sèchement Rezher.
Le jeune scientifique grimaça. Et lui lança un regard de chien battu. Judith fronça les sourcils, et Jonas se détourna d'elle tout aussi rapidement.
- Je ne permettrai pas un autre échec. Je veux une solution, et VITE !
Judith ignora le frisson qui remontait le long de sa colonne vertébrale, faisant marcher ses cellules grises le plus vite qu'elle le pouvait. Une idée lui vint alors soudainement.
- Il faut surveiller les gares et les aéroports. Faire circuler leurs noms et photos le plus rapidement possible. Ce ne sont que des adolescents. Je doute qu'ils aient la capacité d'échapper à notre regard. Cette fois-ci n'était qu'un coup de chance. Nous avons des ressources conséquentes. Autant les user.
Rezher s'assit à son bureau, l'air pensif. Il posa les coudes sur le bureau et croisa les mains.
- Bien. Cela me semble être une solution envisageable.
- Je met cela tout de suite en place.
- Faites ! Au plus vite !
Jonas bondit sur ses pieds et se précipita hors de la salle, en laissant la porte grande ouverte. Judith se leva et salua brièvement Rezher, contactant dors et déjà leurs contacts sur les lieux. Cette fois-ci serait la bonne.
* * * * *
- ... Je vois, vous êtes coincés, donc, résuma Julian, après avoir avalé sa bouchée de margarita.
- Ouais, complètement. Et ce serait bien qu'on se casse genre, au plus vite, acquiesça Crìs en hochant vigoureusement la tête.
- Le séjour aura été court. New York est une sacré ville quand même. J'aurai aimé visiter Central Park ...
- On reviendra si l'occasion se présente, et surtout si on est encore en vie d'ici là, grommela Almarica.
- Almarica, pas quand on est à table, s'il te plaît, grommela Ash en la foudroyant du regard.
Tous réunis autour de la grande table du salon, enfin débarrassée des affaires maintenant inutiles ramenées par Julian, ils avalaient goulûment les pizzas commandées tout frais payés par l'adulte. Même Leedna, qui, convaincue par Almarica, s'était mise à grignoter une part de végétarienne, bien à contrecœur à voir sa tête.
« - Elle n'a jamais aimé manger. » lui avait expliqué Almarica à mi-voix. « Déjà à l'époque c'était une vraie galère que de lui faire avaler quoi que ce soit. »
Romy s'en amusait beaucoup. Leedna était une sacrée demoiselle. Elle correspondait bien au caractère d'Amy. Amy, qui, quand même, commençait à lui manquer ... Malgré lui, il angoissait. Savoir qu'elle avait été attaquée par deux Saints Souls le rendait déjà complètement malade. Alors s'il ne pouvait pas l'avoir sous les yeux, pour s'assurer qu'elle allait bien ... C'était horrible. Surtout que, très certainement, elle n'allait pas bien du tout. Il ne se laissait jamais y penser plus de quelques secondes, sinon, il finirait comme Crìs, quelques heures plutôt. A la différence que ce ne serait pas les ampoules qui exploseraient mais les fenêtres qui voleraient en éclats. Et déjà que leur hôte devait remplacer les bulbes électriques, il ne lui ferait pas faire la même chose avec ces pauvres vitres qui n'avaient rien demandés.
- Donc, quoi qu'il arrive, il faudra partir avant demain, si on ne veux pas mal finir, conclu Almarica d'un ton tendu.
Avoir une conversation aussi morbide autour d'une pizza, ça avait quelque chose d'assez cocasse.
- Malheureusement, j'acquiesce. Mais, si je puis me permettre, j'ai une idée à proposer, déclara doucement Julian en se léchant le pouce.
* * * * *
Il était stupide. Débile. Crétin. Complètement frappadingue. Taré. FOU. Mais il lui était passé quoi par la tête à proposer un truc aussi débile ? Et qu'est-ce qui lui avait prit, à la gosse ? Elle l'avait fait ! Elle l'avait embrassé. Il n'aurait pas cru ça possible. Et ça n'aurait jamais du le mettre dans un tel état. Jamais jamais. Il avait envie de shooter dans quelque chose. Il fallait qu'il se défoule. Il fallait qu'il efface tout ça de sa tête. Il détestait être embrouillé ainsi. Il haïssait ça.
Voilà bien quinze minutes qu'il circulait ainsi dans le grand parc sans but, telle une âme errante. Nerveux, l'esprit sans doute complètement embrumé par l'alcool, il s'était perdu. Complètement. Mais il s'en fichait. Il s'en fichait éperdument. Il voulait juste tout oublier. Que ça s'en aille de là-haut. Il en était responsable. C'était lui qui avait créé la situation. Mais ... pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Il était incapable d'aligner deux pensées cohérentes. Son cerveau n'était plus qu'une marmelade innommable.
Il trébucha à moitié contre une racine et se raccrocha de justesse à un arbre avant de se laisser glisser lourdement contre son tronc, hors d'haleine. La bouteille presque vide qu'il avait piqué dans la cachette de Luis tomba à terre dans un bruit mat. Il la regarda déverser le reste de son contenu sur un parterre de fleurs blanches à côté de lui en ricanant bêtement. Ça donnerait un coup de boost aux fleurs, tiens.
- Urgh, t'as pas intérêt à laisser traîner ça là.
Il cessa immédiatement de rire. Et il fit rouler sa tête vers la nouvelle venue. Bien que l'alcool ait fait un job impeccable quant à embrouiller ses pensées, il reconnaissait sans problème cette voix un peu trop autoritaire pour ce si petit gabarit tout flou.
- Casse-toi.
Elle l'ignora promptement et ramassa la bouteille avec un grognement.
- Je déteste ça. Tu n'es qu'un gamin écervelé !
- Tu m'as pas entendu ? Fous moi la paix ! grommela-t-il en tentant de la chasser d'un mouvement de la main.
- Tu es insupportable.
- C'pas une nouveauté, répondit-il d'un ton sec en fermant les yeux.
Il ne voyait déjà pas grand-chose, ça n'allait rien changer.
- Qu'est-ce qui te met dans un état pareil ? Ça fait une heure que je te vois cavaler dans la forêt comme un zombie.
Une heure ? Il avait passé bien plus de temps dans la forêt qu'il ne le pensait ...
- Tu peux pas te mêler de tes oignons au lieu de surveiller tout le monde ? Tu fous les jetons.
- Mais qu'est-ce qu'il t'arrive ? Tu t'es regardé ? On dirait une épave !
- L'épave elle t'emm ...
- Surveille ton langage ! gronda-t-elle en lui assenant la bouteille sur la tête, assez fort pour qu'il la sente, sans qu'elle ne lui fasse mal.
- Mais bor ... Tu peux pas me laisser en paix ! C'est tout ce que je demande ! lui cria-t-il, en rouvrant les yeux, ni voyant pas mieux que lorsqu'ils étaient clos.
- C'est ce que tu veux, mais pas ce dont tu as besoin, lui répondit-elle sèchement.
Il en resta sans voix. Elle poussa un long soupir, et s'accroupit en face de lui, son menton dans la paume de sa main, ses grands yeux olive rivés sur lui, insondables.
- Du calme et de la tranquillité, c'est exactement ce dont j'ai besoin.
- Et une bouteille d'alcool en moins dans le sang aussi.
Il aurait voulu lui balancer un juron bien senti mais il se mordit la langue. Génial. Tout bonnement génial.
- ... Es-tu dans cet état là à cause de ta stupide bêtise et de ton jeu des vingt balles ?
- ...
- Je vais prendre ça pour un oui.
- Vous êtes au courant.
- Bien sûr. Nancy a rouspété tellement fort que tout le monde l'a entendu.
Il se revit sa tête incrédule lorsqu'elle s'était rendue compte de ce qu'était réellement les vingt balles. Il pouffa. En vrai, il était très fier de son coup. Si ... S'il n'y avait pas eut ÇA, tout aurait été parfait.
- Elle m'a embrassée.
- Parce que tu lui en avais donné le défis je suppose ?
- ... Oui.
Il crut l'entendre rire, mais il n'en fut pas sûr.
- Ce n'est pas le baiser d'une demoiselle qui devrait te mettre dans un tel état.
- La ferme.
Elle se redressa légèrement, clairement amusée.
- Belle inconnue de l'équation ...
- Mais tu vas la fermer oui ? beugla-t-il.
Elle ne dit plus un mot. Mais ne s'en alla par pour autant. Il remua, mal à l'aise.
- J'ai été stupide, je sais. Je ne m'approcherai plus d'elle, si c'est ce que tu demande.
- Ce n'est pas ce que j'ai dis. Ne va pas tout simplement foutre en l'air la seconde chance qui t'es offerte.
Soudain, il sentit un contact chaud sur sa joue. Sa main à elle. Elle lui fit un joli sourire, et la tapota gentiment.
- C'est dur. Je sais de quoi je parle. Et je sais ce que tu traverse. Mais ne te fustige pas. Tu as le droit au bonheur, tu sais.
Il la dégagea avec un autre grognement.
- A ce rythme là, tu vas devenir un hommes des cavernes, commenta-t-elle.
- La ferme.
- Si je veux.
Elle allait le faire pleurer de frustration, cette sale môme.
- Et c'est moi qui suis insupportable ?
Cette fois-ci, elle éclata d'un grand rire franc.
- Et puis en quoi ça vous regarde toute cette histoire hein d'abord ?
- Je suis curieuse.
- C'est un vilain défaut ...
- Et c'est toi qui dis ça ? s'exclama-t-elle, de nouveau hilare.
Un grand râle désespéré s'échappa de ses poumons
- Personne ne demande rien, quand ça arrive. Mais c'est là quand même. Et on y peut rien.
- Vous avez vécu ça, vous ?
- Non, c'est juste ce que les autres disent.
- Et bien les autres ils peuvent aller se faire ...
- Suffit, l'arrêta-t-elle.
Il leva lourdement les bras en l'air, avant de les laisser retomber dans un bruit mat. Elle rit silencieusement, avant de se tourner lentement vers les plantes qu'il avait arrosé d'alcool. Elle en effleura légèrement les pétales.
- Dis, tu sais ce que c'est, comme plante ? murmura-t-elle.
- Non. Tu m'as pris pour un botaniste, ou ça se passe comment ?
Elle passa au dessus de sa pique.
- J'aime le langage des fleurs. Peu de personnes le connaissent sur le bout des doigts, et c'est très amusant, d'en connaître les significations quand d'autres n'en ont pas la moindre idée, s'amusa la petite demoiselle, avec un grand sourire.
Puis, elle lui coula un regard pétillant.
- Je ne pense pas que les coïncidences existent.
Enfin, elle se leva, et enleva la feuille qui s'était accrochée à sa gavroche.
- Essaie de rentrer avant le coucher du soleil. Ce serait bien que tu ne sombres pas dans l'inconscience autre part que dans ton lit, ce soir.
Et elle fit demi-tour d'un pas aphone avant de se fondre dans les ombres des arbres. Il laissa tomber son regard sur le parterre à côté de lui. C'était quoi, comme fleurs, ça ? Il fouilla dans sa mémoire, la maigre connaissance des fleurs qu'il avait, mais hormis les roses et les tulipes, il ne se souvenait pas de grands choses. Et le coup de barre qui était entrain de l'assommer ne l'arrangea en rien.
Pourtant, quelques secondes avant qu'il ne sombre dans l'inconscience, il se souvint du nom de ces fleurs.
Des pensées blanches.
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Je sais, ça fait gros cliché, mais j'adore le langage des fleurs. Je trouve ça tout bonnement adorable. Et en plus ça me fait rire les gens qui offre des fleurs sans savoir ce que ça veut dire. Les orchidées me font le plus rire ...
Un chapitre un peu fourre-tout ! La transition est lente, mais nécessaire ! Allez, Windy-Hill !
Attention à Rezheeeer
Quelle est l'idée de Julian selon vous ... ? Promis, elle est cool.
Et honnêtement, merci. Vos commentaires lors du dernier chapitre m'ont laissés bouche-bée. Juste, wow ? Vous êtes trop gentils ? Tous ? Et adorables ? J'ai de la chance de vous avoir comme lecteur. (Uiui même toi)
Ça fait chaud au cœur.
Hé, le prochain chapitre ce sera pour Noël !
A la prochaine, bandes de laitues des bois !
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