Chapitre 22 : « Il était une fois ... »
Nancy poussa un long soupir, fixant son verre de grenadine sans vraiment le voir. La situation était ... Aussi étrange qu'iréelle et profondément stressante. Elle savait que ça allait finir par arriver, tout ça. Après tout, l'Inexistante le lui avait bien dit. Mais pour elle, c'était resté loin, bien loin ... Elle ne se doutait pas que ça allait arriver aussi vite. C'est un peu ce qu'elle avait ressenti lors de son examen de fin de collège. Comme une situation flou, qui arrive, mais dont on ne mesure toutes les conséquences et tout le stress que cela apporte qu'une fois le moment venu. Et elle haïssait cette sensation.
Surtout que ... En ce moment même, elle avait l'impression de ne pas être à sa place. Elle avait l'impression de ne pas avoir le droit d'être là. D'être juste une ... Une ... Intruse. Une sorcière, engagée dans un combat qui n'était pas le sien. « Sorcière ». C'était ainsi qu'elle était nommée, avant que les Last Hope et Almarica ne se chargent de faire taire les mauvaises langues, même si elle savait très bien que le sobriquet circulait encore dans son dos. Et elle ne s'en était pas plainte. C'était de sa faute, après tout. Elle avait récolté ce qu'elle avait semée. Le karma n'avait pas été tendre avec elle, mais au moins juste. Pourtant ... Elle estimait ce dépaysement des plus injustes ... Ce n'était pas à elle d'être là ... Elle ne le méritait tout bonnement pas. Et la culpabilité ainsi que la honte et les remords la dévoraient de l'intérieur. Le karma avait été dur avec elle. Juste. Mais infiniment dur.
- Si seulement la vie pouvait être aussi rose que ça ... murmura-t-elle, pivotant sur son siège, son verre de grenadine à la main, s'amusant à observer le décor du bar de Luis à travers cette déformation si vive.
C'était amusant, ainsi. Elle avait des lunettes de soleil rose, quand elle était petite. Elle aimait beaucoup les mettre. La façon dont elle voyait le monde était ... plus joyeuse. Un peu comme en ce moment même. Le ciel gris londonien prenait une forme de barbe à papa, et les monsieur-dames dans la rue devenaient des joyeux habitants du pays du bonheur, où tout le monde était heureux et où rien de mal n'arrivait. Mais elle avait comprit très vite que ce monde ne serait jamais celui de la réalité ... ou du moins, la sienne, de réalité. Mais sa rêverie se brisa au moment où elle aperçut à travers son prisme couleur « fille » une silhouette à la fois familière et détestable.
- Hééééé. Ça fait bien dix minutes que je te cherche.
- Et bien pas moi, gronda Nancy en se retournant vers le bar.
Elle l'ignora purement et simplement, même quand il vint s'installer à côté d'elle. Elle en serra les dents. La relation qu'elle entretenait avec lui était des plus conflictuelle et contradictoire. Un coup elle avait envie de lui coller une claque, un coup elle avait envie de s'asseoir à côté de lui pour discuter de tout et de rien. Nancy ne savait jamais à quoi s'en tenir avec lui. Jamais. A un moment il pouvait agir tel une sorte de grand frère prévenant, à un autre il pouvait être le pire co ... de l'univers.
- Que bois tu ... ? Une sorte de rosée bien appuyé ?
Elle lui lança un regard assassin. Pas de doute possible, il était de nouveau dans sa période de crétin fini. A claquer, donc. Grrrrrrrr ...
- Petite fille, se moqua-t-il, tandis qu'il tendait lentement son corps de l'autre côté du bar de Luis, à l'endroit où le barman avait auparavant l'habitude de se tenir.
Curieuse malgré elle, Nancy suivit son mouvement, et avisa sous le bar une sorte de recoin. Elle haussa les sourcils ... Non ? Luis ne faisait tout de même pas ... ?
- Et si ! s'exclama-t-il en avisant son regard étonné. Si tu pensais sérieusement que Luis tenait un bar strictement cent pour cent sans alcool, alors tu es d'une naïveté affligeante.
Elle ne répondit même pas à sa pique, se remettant normalement en place, avalant une nouvelle gorgée de sa grenadine. Il ricana et se servit une grande dose d'un drôle de liquide brun. La bouteille était étiquetée d'un nom complètement imprononçable. L'odeur dégagée par l'alcool la fit froncer du nez. Elle détourna la tête, songeant à changer de place, quand il l'interpella.
- Hé, Bloody Miss. Que fais-tu ici, cachée aux yeux de tous ?
- J'ai le droit d'y être.
- J'ai pas dis le contraire, mais tu ne m'as pas répondu.
- Et j'ai tout autant le droit de ne pas te répondre, lui lança-t-elle séchement, refusant obstinément de le regarder.
Il éclata de rire, sirotant un peu son verre, comme s'il se croyait dans un film ou un livre policier ... Quel crâneur.
- Si tu refuses de me donner ta réponse, laisse moi deviner alors ... Hum ... Tu es venue t'isoler ici parce que tu n'aime pas le monde. Ou alors ... Parce que tu as peur des autres. Je me trompe ?
Elle se figea.
- Bingo. Tu sais que depuis la première fois que nous nous sommes rencontré toi et moi, tu es sois seule, sois en compagnie de Walter et compagnie. C'est pas très sain d'éviter les gens comme ça.
- C'est mieux ainsi.
- Je veux bien te croire vu tout ce qu'on dit dans ton dos.
Elle se crispa, se recroquevillant sur elle même. Nancy savait parfaitement ce qui se disait dans son dos. Et, encore une fois, elle le méritait pleinement.
- Justifiable, se contenta-t-elle de dire du bout des lèvres.
Il finit son verre et s'amusa à le faire tourner comme une toupie sur la table, dans un équilibre quasi parfait. Il vacillait dangereusement en continuant de tourner, encore et encore ... Mais fini par se rétablir normalement dans un raclement de bois sonore.
- Vu que nous n'avons rien d'autre à faire, je te propose un jeu.
- Un jeu ?
- Oui, un jeu, perroquet. Simple comme bonjour !
- À savoir ?
Il lui lança un sourire en coin.
- Action ou vérité.
Elle se redressa vivement.
- Hors de question.
- Petite peureuse.
- Non, je ne suis pas stupide au point de jouer avec un mec bourré, gronda-t-elle.
Il roula des yeux.
- Bourré juste pour ÇA ... Tu me prends pour qui ? Et puis le danger a quelque chose d'amusant, n'est-ce pas ? Je ne suis pas du genre à jouer pour rien. Que dirais-tu de parier quelque chose ... ?
Elle fronça les sourcils. Nancy n'aimait pas du tout le tournant que cette situation était entrain de prendre, mais d'un autre côté ... Elle détestait son regard et son attitude hautaine.
- Que voudrais tu parier ?
- Vingt balles. Alors ?
Jouer pour de l'argent, c'était d'un classique ... Pourtant, elle se laissa faire. Que pouvait-il bien lui arriver de toute manière ?
- J'accepte.
- Et bien voilààààààà ! s'amusa-t-il. Et bien, je dirais honneur aux dames ! Commence. Ce sera action pour moi je te prie.
Nancy pinça les lèvres. Que pouvait-elle bien lui proposer ... ? L'idée lui vint toute seule. Elle croisa les jambes et prit appui sur sa paume, son coude négligemment posé sur le bar.
- Sers-toi un second verre et bois le cul sec. Et remplis le bien.
Il haussa les sourcils, et Nancy envisagea pendant une fraction de seconde qu'il allait refuser, mais une lueur traversa son regard, et il se resservit sans mot dire, une belle dose, avant de lever son verre vers elle, comme pour lui porter un toast ... et l'avala bel et biel cul sec. Il reposa avec un choc sonore le verre sur le comptoir, en toussant un peu.
- Cul sec ou pas, ça m'a déglingué la gorge, se justifia-t-il, en la voyant doucement ricaner. A mon tour ... Dis moi, Nancy. Pourquoi tout le monde te traite de pestiférée ?
Elle perdit son sourire.
- Tu n'as pas le droit. Je dois d'abord décider si ce devrait être action ou vérité.
- J'ai dis jouons à action ou vérité. Je n'ai jamais dis que ce serait réglo.
Nancy eut la soudaine envie de lui jeter son verre dans ses parfaites dents blanches. Quel ...
- Réglo ou pas, je ne répondrai pas.
Il haussa de nouveau les épaules.
- Je ne vois pas pourquoi tu refuses.
- Si tu veux TANT que ça savoir, alors va demander aux autres. Ils se feront un plaisir de tout te dire.
- C'est déjà fait. Mais je préfère entendre également TA version de l'histoire. Parce que j'ai du mal à croire que tu puisse être le monstre que l'on décrit.
- Crois moi, c'est le cas.
- Je ne veux pas t'accuser ou te forcer à plaider coupable, Nancy Whitehead. Je veux juste savoir.
- Va te faire voir, j'ai aucun compte à te rendre !
- Nancy. Fais moi confiance, tu veux ?
Son ton avait brusquement changé. Sa voix avait prit un timbre plus grave et calme. Ça lui colla presque un frisson. Et Nancy haït cette sensation de tout son être. Il n'était qu'un sale gamin ! Un affreux garnement !
- En quoi devrais-je te faire confiance ?
- Qu'est-ce qui me prouve que je suis une personne de confiance, tu veux dire ?
- Exactement monsieur je-suis-bourré.
Il ouvrit les bras, et chercha son regard, ancrant de nouveau ses yeux clairs dans les siens. C'était dérangeant. IL était dérangeant.
- Laisse moi une chance de le prouver, alors. Je ne pense pas que tu sois la telle garce que les autres décrivent. Tu me l'as déjà montré.
Nancy se mordit la lèvre inférieure. Et capitula. Enfin. Pas tout à fait ... Ce type était un grand enfant, elle allait le traiter comme tel.
- ... Il était une fois, dans le royaume de la Saint Elena Academy, vivait une petite fille. La petite fille venait d'un autre royaume. Toute seule, envoyé ici par ses parents parce que la petite fille devait devenir une apprentie sorcière. Elle était contente, la petite fille. L-là-bas ... au royaume de ses parents, elle était moquée à cause de sa particularité physique étonnante. Elle n'espérait qu'un départ à zéro. Et pourquoi pas se faire des amis ? Mais la petite fille avait tort.
Nancy se tut une première fois. Et déglutit difficilement. C'était du grand n'importe quoi.
- Les habitants du royaume de la S.E.A n'étaient en rien différent des enfants de son ancien royaume. Il l'appelait vampire, sorcière, fantôme ... Elle était encore et toujours différente. Et elle détestait ça. Qu'aurait-elle donnée pour être normale ? Mais même ça, elle ne pouvait pas être.
Elle ferma les yeux, s'enfermant dans son récit, se représentant son ''conte'' comme les image d'un des recueuils de Grimm qui prenaient la poussière sur les étagères de Marika à travers son théâtre mental.
- C'est alors qu'un jeune garçon lui a tendu la main. Il lui disait qu'elle ne devait pas se laisser faire par ses affreuses personnes. Qu'elle ... valait mieux qu'eux. Si ces enfants l'avaient maltraitée, alors elle n'avait qu'à leur rendre la monnaie de leur pièce. Elle n'avait qu'à se venger, se surpasser, devenir meilleur qu'eux. Pire qu'eux.
PIRE PIRE PIRE PIRE PIRE PIRE. Elle se haïssait tellement.
- Et de bouc émissaire, la petite fille est devenue bourreau. Oh, elle l'obtint sa vengeance. E-et elle en devint heureuse. Elle avait trouvé en le petit garçon un allié de confiance, quelque chose en quoi se raccrocher ...
« Le monde pouvait bien trépasser, tant qu'il restait à ses côtés », pensait-elle à l'époque. Pensait-elle encore un peu maintenant.
- Et les années passèrent. Et la petite fille devint une affreuse sorcière, soutien principal du grand méchant démon. Elle ... elle était adulée par beaucoup pour sa beauté physique et d'autres choses tout aussi futiles. Détestée par d'autres pour sa nature pourrie et arrogante. Mais la sorcière s'en moquait. Elle avait le démon. Et le démon était à elle, ou plutôt, elle s'échinait pour qu'il devienne ... sien.
Oh, douce ironie. Que se serait-il passé si cette soirée de décembre n'était pas arrivée ?
- Mais un jour ... un ... Une sorte de groupe de rebelles s'opposèrent à elle et aux soldats du démon. Et petit à petit, deux clans grandirent au sein de l'académie ... du royaume, en opposition absolu, indiscutablement à la fois puissant et équivalant.
Elle déglutit de nouveau.
- Ils se haïssaient, précisa-t-elle.
La tête lui tournait, elle était dans un état pas possible. Et tout ça à cause d'elle. Nancy était responsable de son propre malheur, elle le savait.
- Puis un jour débarqua un petit ange. Insignifiant au premier regard, mais en réalité ... tellement, tellement plus qu'il n'y paraissait.
Elle avait ressenti de la jalousie pour Ciela. Une jalousie profonde. Pas seulement parce qu'elle attirait le regard d'Alexandre, mais aussi parce qu'elle était ... Elle était ...
- Et l'ange attira sur lui les regards du grand méchant démon et ... euh ... du très gentil chevalier, grand ennemi du démon, chef des rebelles.
Elle laissa échapper un léger ricanement.
- Je te laisse deviner l'état de la sorcière. Elle était entourée. De beaucoup de personnes, et elle s'en vantait à qui voulait l'entendre. Mais ... au fond, il n'y avait qu'une seule personne qui comptait vraiment pour elle, et une seule personne pour qui elle comptait vraiment.
Elle rouvrit les yeux, mais les referma dès qu'elle se rendit compte qu'elle y voyait flou. Elle ne devait pas se laisser aller, elle ne le pouvait pas. Elle déglutit encore mais la boule d'émotions ne voulait pas descendre.
- Le reste n'était qu'éphèmère, de la véritable poudre aux yeux. Alors ... a-alors voir le grand méchant démon s'éprendre d'une autre ... tandis que cela faisait des années qu'elle tentait d'attirer son attention sur elle ... Ça ... Tu peux comprendre le désespoir dans lequel elle était, la sorcière ?
Elle refermit sa prise sur son verre, tentant d'empêcher ses mains de trembler.
- La sorcière fit tout et n'importe quoi pour faire chuter l'ange, ou le coller dans les pattes du chevalier. Q-que l'ange les laissent en paix, elle et son précieux démon. C'était tout ce qu'elle désirait vraiment ... Vraiment.
Nancy referma la bouche pile au bon moment, empêchant sa voix de déraper. Elle prit une grande inspiration, et reprit le contrôle de ses cordes vocales.
- Elle se croyait devenue reine du monde. Mais elle ... Elle avait tort. La sorcière je veux dire, pas l'ange. Et ... elle le comprit le jour où le grand méchant démon perdit tout.
Le jour où son passé l'avait rattrapé. Alexandre ... Alexandre !
- La sorcière le suivit dans sa chute aux enfers. Il était là pour elle, elle était là pour lui, qu'importe le reste ! Et même ... déchu de leurs statuts si superficiel, qui auparavant leur semblait si important, même alors qu'ils n'étaient ni plus ni moins que traités en pestiférés, eux qui étaient auparavant les rois, ils étaient quand même ensemble. Et la sorcière comprit qu'au final, c'était ça le principal. Après tout ... Ce ... C'était tout ce dont elle avait toujours ... rêvé ? Oui c'est ça, le mot.
Sa gorge était sèche. Nancy but une nouvelle gorgée de sa grenadine. Elle savait qu'elle allait trop loin, mais elle n'arrivait pas à s'arrêter. Et il continuait de l'écouter, sans un geste ou un son. Bloody hell, c'était sensé être une boutade. Une moquerie vite finie. Comment tout ça avait pu se changer en récit déguisé ?
- Mais ... le démon disparut. Et ... la sorcière se retrouva seule, haïe du monde entier.
- Disparut ? intervint-il pour la première fois, d'une voix douce.
- Mort, assena-t-elle, plus brusquement qu'elle ne l'aurait voulu.
Elle cru le voir légèrement vaciller du coin de l'oeil, mais ce n'était sans doute qu'une illusion d'optique dû aux larmes qu'elle peinait à retenir.
- Et elle aurait dû finir seule, la sorcière. Elle aurait dû, ne serait-ce que pour ses ... ses fautes, ses crimes. Mais ... on lui a tendu la main. Deux membres des ''rebelles'' plus si rebelles que ça, au final ... Vu que c'était eux, les ... euh ... Comment dire ... Bah ... C'était eux les Rois, maintenant. Mais les autres rebelles la haïssait, surtout le chevalier.
Nancy revoyait encore le regard de Ash, intransigeant, froid ... dégouté.
- Elle comprenait cette haine ... Elle l'acceptait totalement. Cette haine, celle des ex-rebelles ... Comme celle de tout les autres. Et elle repassa de ... bourreau à bouc émissaire. Et ça continua ainsi pendant des semaines ... des semaines. Jusqu'à ce que l'ange, ange que la sorcière ... Enfin, tu vois. Et bien jusqu'à ce que l'ange découvre que la sorcière était maltraitée ... physiquement par les habitants du royaume.
Elle frotta son genoux gauche par réflexe. Il lui faisait encore mal de temps en temps. Garance n'avait pas retenu ses coups.
- Et ... Elle l'aida. Enfin l'ange aida la sorcière, je veux dire. Ils ... Ils ne pardonnèrent pas, les rebelles. Mais ils aidèrent. Et ils l'acceptèrent. Parce que, selon l'ange, « la haine ne mène nul part ». Et si l'ange et le chevalier avaient pu pardonner au démon, pourquoi pas pardonner à la sorcière ?
Elle sourit inconsciemment, se revoyant Ash et Ciela, souriant avec bienveillance à un Alexandre détruit. Ils avaient pu pardonner. A leur place, elle ne l'aurait pas fait. Elle n'aurait pas pardonnée ses persécuteurs de longue date. Malgré tout ce qu'elle se disait, elle non plus n'avait jamais vraiment pardonné ses anciens bourreau ...
- Elle avait eut son lot de malheur, disaient-ils ... Elle aussi, a droit à une seconde chance ... Enfin, je veux dire ... Selon eux. Et elle eut droit à cette seconde chance. Alors les frappes et les moqueries cessèrent, remplacées par une indifférence pure et froide. La sorcière était toujours détestée, mais plus seulement. Et surtout, plus vraiment seule. Mais malgré tout ça ... La sorcière se disait que cette seconde chance, elle ne la méritait pas.
Elle se tut de nouveau. Et eut l'envie sourde et violente de se fracasser le crâne contre le bar. Ce qu'elle venait de faire était d'une stupidité ahurissante. C'était elle qui avait de l'alcool dans le crâne, pas lui. Plus morte de honte, il n'y avait pas. Nancy s'apprétait à s'en aller en courant quand l'autre refit tourner son verre vide, brisant encore une fois le silence installé entre eux deux. Le verre tourna, tourna, tourna ... Avant de tomber sur le côté avec un bruit mat.
- Jolie métaphore, se contenta-t-il de dire en le remettant droit.
Elle lâcha un rire pathétique et concentra son regard sur son verre. Nancy avait envie de s'enfoncer trois pieds sous terre. Quelle raison avait-elle eut de lui raconter tout cela ? Aucune. Et pourquoi l'avait-elle fait ? Parce qu'elle n'était qu'une petite idiote. Sérieusement ... Elle renifla un peu, et ferma les yeux. Petit à petit, la boule disparu, les larmes refluèrent. Nancy s'était calmée, et il avait attendu qu'elle se calme ... Pourquoi ? Sérieusement, quel étrange bonhomme.
-À ton tour.
- Comment ça à mon tour ?
- Et bien dis moi ! Je réclame une vérité ! Pose moi une question, et j'y répondrais sincèrement.
- Mais ... On ne jouait pas n'importe comment ?
- Hé, j'ai dit que l'on ne jouait pas selon les règles, pas qu'on était obligé de les dénigrer. Tu fais ce que tu veux ! Mais si tu veux les suivre, je t'en prie ...
Ce type ... Oh, ce type ... ! Si elle le pouvait, elle le massacrerait, lui et son foutu verre ! Elle prit une grande inspiration, et lui fit un énorme sourire.
- Pourquoi es-tu là ?
Il lui fit un grand sourire. Elle ne parlait pas du bar, et il le savait. Il ne tenterait pas de jouer au plus malin, cette fois-ci.
- Parce que je veux me venger. Et que j'en ai enfin l'occasion. Je ne vais pas me rater, déclara-t-il simplement d'une voix tellement macabre que ça lui donna un autre frisson.
Il fit de nouveau tourner son verre, et cette fois-ci, il ne tomba pas. Il le regarda se remettre gracieusement en place avec un sourire victorieux. Nancy capitula avec un soupir. Elle n'aurait pas de réponse plus claire.
- A mon tour ... Alors, action ou vérité ?
- Action.
Question vérité, Nancy avait déjà bien trop donné, et ce pour le restant de ses jours. Elle n'arrivait toujours pas à comprendre pourquoi elle lui avait raconté tout ça, et en plus d'une manière aussi débile que ça.
Il haussa un sourcil, avec un sourire en coin, et mima une grande réflexion. Nancy se crispa. Elle sentait venir le coup fourré ...
- Ah, tu m'en demande beaucoup ... Tiens, j'ai bien un truc ...
Lentement, très lentement, il se pencha vers elle, tant et si bien qu'elle dut se reculer de quelques centimètres. Ses yeux paraissaient voilés et son sourire un peu trop joyeux. Ça y est. L'alcool faisait effet. Tsss ...
- Ma chère Nancy ... Comme défis je te propose ...
Il se lécha briévement les lèvres.
- De m'embrasser.
Elle eut un mouvement d'arrêt. Il allait l'avoir, sa claque. Voir même son poing. Ou sa chaise. Mais avant même qu'elle n'ait pu faire le moindre geste, il se projeta de nouveau en arrière sur sa chaise, mort de rire, oscillant d'avant en arrière comme un jack-in-the-box.
- Mais l'acool t'es monté à la tête, pauvre con, cracha-t-elle.
- Oh oh ! Langage, belle demoiselle. Et tu as peur ? Tu n'ose pas ...
- C'est digne d'un gamin de cinq ans, ce défi ! Tu es puéril.
- Tu. N'oses. Pas !
Nancy grinça les dents de frustration. Ce type n'était ni plus ni moins qu'un grand crétin de gosse.
- Tu en es incapable.
Elle fulminait. Non seulement il agissait comme un pauvre enfant, mais en plus de tout cela, il continuait de la regarder comme s'il était le roi du monde, de sa saleté de moue suffisante, et de son sourire en coin complètement orgueuilleux. Elle avait VRAIMENT envie de lui effacer cette expression si débile de son visage de guignol.
- Ton jeu est aussi stupide que ta personne.
Il essuya la remarque sans broncher.
- In-ca-pa-ble.
Elle allait exploser. Entre le vérité cruel et son action débile, ce type voulait mourir, c'était pas possible autrement.
- Héhé ... C'est moi qui ait gagné, si tu ne peux pas faire cette action. Allez, file moi vingt ...
Nancy l'interrompit en plaquant vivement sa paume sur le bar et lui aggripa le tee-shirt ... avant de l'embrasser sans la moindre hésitation. Ça ne dura pas longtemps. A peine une seconde ou deux. Mais ce fut suffisant. Elle avait gagné ce tour d'Action ou Vérité. Elle se rassit aussi vivement qu'elle s'était levée, reprenant son verre en main d'une manière satisfaite. Elle lui jeta un léger coup d'oeil. Il la fixait, éberlué. Elle lui avait coupé le sifflet. Nancy jubilait intérieurement. Puis, comme pour asséner un coup de grâce, elle leva son verre de grenadine vers lui, lui portant un toast, et en termina le contenu. Il sursauta alors, comme s'il venait de s'électrocuter, et croisa les bras, ne cessant de la fixer intensément. Qu'est-ce qui lui arrivait encore ?
- ... Tu as les lèvres douces, pour une sorcière.
Elle piqua le plus gros fard qu'elle n'eut jamais expérimenté, et cru pendant un instant que son visage allait prendre la couleur de ses iris.
- DE QUEL DROIT ...
- Je déclare forfait. Tiens, voilà tes vingts balles.
Il se leva ... Et sortit des poches informes de son grand manteau noir ... vingts balles de tennis de table. Elle dévalèrent le comptoir et roulèrent sous les tables dans un capharnaüm sans nom.
- ... C'est une blague ? murmura-t-elle, interdite.
Il avait prévu son coup ? Mais ... MAIS ...
- A plus, lui répondit-il vivement en sautant de son tabouret, emportant avec lui la bouteille de Luis, sans lui jeter un regard.
Ce n'est qu'en claquant la porte que Nancy lâcha le hurlement de frustration qui lui brûlait les lèvres depuis l'arrivée de l'autre dans le bar.
* * * * *
Lentement, Ash se retourna vers le canapé désigne par Julian. Et laissa sa mâchoire se décrocher. Almarica n'y était plus. Ciela poussa une exclamation sonore qui résuma à peu près leur état d'esprit. Oh bon sang de bonsoir ! Mais où était-elle ?
- On avait beau être inattentif, on l'aurait entendu se lever et partir de la pièce ! s'écria Crìs.
- Exactement. La malette ... Où est sa boite à potion ?
- Là, s'écria Crìs en reniflant un bon coup, pointant la malette qui dépassait clairement de sous le canapé.
- Si Almarica avait voulu partir, elle l'aurait prise sans la moindre hésitation. Elle est dans le coin. Enfin Al', pas la malette, intervint Ciela.
Vrai. A l'académie, la malette était toujours sous son lit, camouflée par deux gros cartons, et quand elle quittait la pièce sans que Nancy ne soit dedans, Almarica fermait à clé. Quant à l'époque où elle n'était que Marika, la boite à potions restaient au Sous-Sol. Conclusion, Almarica était dans le coin, ou partie pour un très court délai. C'est alors qu'il remarqua que le soleil qui quelques minutes auparavant couvrait encore le canapé s'était décalé avec les minutes écoulées ... Laissant le canapé dans l'ombre. CQFD, Almarica était repartie dans le domaine des ombres. Voilà pourquoi ils ne l'avaient pas vu partir de la pièce. Et étant trop absorbé par leurs débacles intérieures, ils ne s'étaient même pas rendus compte qu'elle n'était plus sur le canapé. Génial. Tout bonnement génial.
- Mais où est-ce qu'elle s'est cassée encore ? grogna Romy.
- Là est la question, cher Watson ! grommela Crìs en levant les bras au ciel, impuissante.
En résumé, ils étaient mal barré. Il ne manquait plus qu'un astéroïde tombe sur New York, tiens.
« - Connaissant ta poisse, ça risquerait d'arriver. »
- Mais quand c'est que tu vas apprendre à te taire, bouffeur de plante ? siffla-t-il, mécontent.
Un « ting » sonore les firent lever la tête dans un bel ensemble. L'ordinateur de Julian s'était enfin mis à jour !
- B-bon et bien, je crois qu'il est temps que je vous trouve cette adresse. Qu'au moins, je puis vous être utile pour ça ...
Ciela fit une moue désolée, et jeta un coup d'œil un peu désespéré à Ash. Il haussa les épaules. Que pouvait-il bien faire ? Certes, ce que lui avait dit Julian l'avait ... vraiment secoué, mais ... Ça ne changeait rien. Enfin, si, mais non. De son côté, Julian était pleinement pardonné – tant et si bien qu'il y avait quelque chose à pardonner – mais ça ne relevait pas de lui. Julian croulait sous la culpabilité. Il allait falloir qu'il se pardonne lui même, le pauvre homme. Et que Crìs et Sheena y mettent du leur. Bien qu'il comprennait que cela allait être très compliqué pour la Petite Reine des Glaces.
- Alors, les coordonnées ... Là, et là ... Hum, probablement pas ... marmonnait-il.
- Mais si j'avais su que c'était aussi simple je serai allé à un cyber café, et on aurait perdu moins de temps ! grogna Romy en croisant les bras.
- Si je puis me permettre, on a eu d'autre chose à penser depuis notre arrivée ici, cingla Ash.
L'Element d'air pinça les lèvres.
- Eh, pas la peine de se battre tout les deux. La matinée à VRAIMENT été chargée. On va pas se taper dessus pour ça, les apaisa Ciela.
Instinctivement, le regard du roux dériva sur Leedna, qui paraissait dans le vague. Il expira longuement, et s'apprétait à dire quelque chose lorsque Julian se releva, et vint vers eux, le bout de papier dans une main, son ordinateur dans l'autre.
- J'ai trouvé.
Il installa l'appareil sur la table du salon et tous vinrent s'agglutiner dans son dos, Leedna à part.
- C'est ici, dans le nord de l'état, dit-il en pointant de l'index un petit point rouge. C'est une ville du nom de Windy-Hill. A ... environ plus ou moins six heures de train. Et ce que vous cherchez est une maison ou un appartement dans l'une des rue principale. C'est une petite bourgade qui date du XIXème siècle s'y j'en crois Google. Une ville sans histoire.
Ash sentit sa peau se recouvrir de chaire de poule, et il frissonna violemment. Wow. Il était entrain d'attraper un rhume ou quoi ? Quoi qu'il en soit, ça y était ... Ils avaient trouvé Windy Hill ! Ou plutôt, Google Maps l'avait fait pour eux.
- ... Et bien. Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous me coupez l'herbe sous le pied.
Ash étouffa de justesse un hurlement de surprise, et se retourna vivement. Almarica était derrière eux ... avec leurs valises. Mais que fichaient-elles avec leurs valises ? Et ... Almarica était là ! Mais ... Helen ? Où était Helen ?
- AL' ! hurla Ciela d'une voix tellement suraïgue que ses tympans en retrouvèrent affectés.
Appuyée négligemment contre le fauteuil sur lequel Sheena dormait toujours, elle les regardaient avec plus ou moins d'attention, sa concentration absorbée par ses doigts qui tentaient de déméler sa tignasse.
- Peste ! Pourquoi sont-ils aussi plein de nœuds ? s'exclama-t-elle, profondément exaspérée, se débattant avec sa longue chevelure de jais.
Tout leur regards dérivèrent vers Romy, qui afficha un splendide sourire des plus hypocrites. Encore un peu et Ash s'attendrait presque à l'entendre siffloter.
- Bref tout ça pour dire que ... Julian ? s'interrompit Almarica en remarquant l'homme qui s'était retourné vers elle, les yeux ronds.
- On ... se connaît ? balbutia-t-il.
Elle grimaça et sembla réfléchir à toute vitesse, tandis qu'elle se bataillait encore avec ses cheveux.
- ... Inexistante, vous êtes une plaie, finit-elle par dire.
C'est alors que la silhouette de Leedna se jeta sur elle ... Et la serra contre elle de toutes ses forces.
- Mademoiselle Almarica ! Je suis heureuse de pouvoir vous reparler enfin ! s'écria Leedna, d'une voix d'où transpirait une émotion plus que palpable.
Complètement confuse, Almarica commença à se débattre légèrement, avant de rendre son accolade à Leedna. Cette dernière se détacha, le regard pétillant, un sourire chaleureux et ampli d'émotion étirant ses lèvres. Incroyable. La guerrière avait perdu son expression complètement fermée dès qu'elle avait vu Almarica. Elle rayonnait littéralement de joie.
- L-Leedna ... ! Mais que fais-tu ... Et Amélia ... Et ... ? balbutia Almarica, totalement perdue.
- OUAIS BON STOP ! Ouais, Almarica est revenue, ouais avec nos valises, ouais Leedna et Julian sont là, youpi youpi mais par PITIE, EST-CE QU'ON PEUT REVENIR A NOS MOUTONS ? hurla Ash avec force.
Almarica sursauta vivement, et Leedna se détacha d'elle, le foudroyant du regard. Il répondit à son méchant regard en croisant les bras. Désolée à madame Terminator, mais il avait en ce moment même d'autres priorités que s'occuper de choses aussi futiles. Et Helen alors, hein ? Toutefois, la guerrière sembla obtempérer, et se glissa derrière Almarica, s'attelant à déméler ses mèches.
- Hum, bien. Mais avant tout ... Pourquoi Julian est ici ? Demanda Almarica, en le pointant du pouce.
- Il habite ici, expédia Ciela.
- ... Je l'aurai parié. Bonjour Julian. Ça faisait longtemps.
Il blanchit soudainement. Et ouvrit puis ferma la bouche comme un poisson rouge.
- M-Maria ... ? C'est la voix de Maria ... Tu ...
- C'est une longue histoire.
Ash bouillonnait intérieurement. Ils étaient entrain de discuter de la pluie et du beau temps, à batifoler tour à tour avec Leedna et Julian mais en attendant ... Il prit de grandes inspirations, tentant de calmer son cœur palpitant, et ses mains tremblantes, réfrénant avec force ses pensées noires.
- Almarica ? tenta-t-il.
- Oui ?
- Helen ?
Elle eut un temps d'arrêt. Et ouvrit de grands yeux.
- Mille excuses. J'aurai dû commencer par ça.
Elle soupira légèrement et fixa son regard sur le sol, les lèvres pincées, comme si elle cherchait ses mots. Un spasme violent le secoua et la tête lui tourna.
- Ash, sincèrement, je sais pas vraiment comment te dire ça mais ...
- Mais ? Dit-il d'une voix blanche.
- Helen s'est pris une balle dans l'abdomen.
Une sorte de mi-haletement, mi-gémissement s'échappa de ses lèvres et il commença à y voir flou. Non, non, non, non, non, non ... Pas encore ... Pas encore ...
- Donc voilà elle est en convalescence, mais elle va bien, continua Almarica, sans avoir remarqué l'état de son ami.
Hein ?
- Alors, Al' ?
- Oui ?
- La prochaine fois, tu amèneras ça avec UN PEU PLUS DE RAPIDITE ET DE DELICATESSE s'il te plait, lui demanda Romy en appuyant ses mains sur le dos de Ash, qui s'était dangereusement mis à pencher en arrière. Enfin j'espère qu'il n'y aura pas de prochaine fois ...
Almarica sembla soudainement comprendre et leur fit un petit sourire désolé.
- Héhé ... Pardon. Donc bref ! Helen va bien ... Enfin je veux dire, sa vie n'est plus en danger ?
- Plus ? Répéta Ash en s'étranglant.
- Hééééé ... Longue histoire, mais Helen ... Helen a eut des déboires avec un Saint Soul, et cet enfoiré lui a tiré dessus. Elle a été blessé au niveau des côtes et a perdu beaucoup de sang. J'ai réussi à l'évacuer juste à temps et je l'ai ramené à l'Académie. Du coup elle est entre les pattes de Walter et celui-ci a réussi à plutôt bien s'occuper d'elle. Enfin, de ce que j'ai compris. Et du coup je suis revenu fissa, parce que je voulais pas vous laisser seuls mais ... J'ai eu un léger soucis en arrivant ...
Elle faisait allusion à son évanouissement sur les serviettes Winnie l'Ourson, devina Ash.
- Ouais, donc t'as bioncé buis tu t'es rébeillée et tu t'es barrée ? demanda Crìs de sa grosse voix d'enrhumé.
L'Enerienne le regarda de travers.
- ... Donc, oui, et ... Bien vous étiez devant le feu et j'avais de l'ombre alors ... Je suis repartie au QG du conseil. Vous étiez en sécurité au Refuge, et je voulais savoir comment ça allait, là-bas. C'est un peu le bo ... euh ... un truc sans nom, mais ça se réorganise ... Dans la recherche, j'ai réussi à retrouver nos valises et les aie ramené. En toute discrétion. Sincèrement, je ne m'attendais pas que les Saint Souls soient partis aussi rapidement ... Mais tout va bien, là-bas. Il y a peu de blessés. Avantage : c'est tellement le capharnaüm que personne ne vous cherche ou n'a même remarqué votre départ. Pas étonnant, il y a des disparitions par dizaines, voir même plus. Le navire coule, les rats partent ... Et nous on est des petites souris.
- Comment ça ?
- Et bien il est temps de mettre les voiles pour Windy-Hill.
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MOUAHAHAHAHAHAHAHAHA ! Qui est l'étranger que Nancy a embrassé ? ALLEZ, LES PARIS SONT OUVERTS !
Almarica est enfin réveillée, wouhou ! La Partie Julian Smith est presque terminée ! Encore un ou deux chapitres ... Et on passe à Windy-Hill !
On est fin septembre ! C'est pas un bon mois ... C'est allé pour vous, la rentrée et tout ? Courage, accrochez vous !
Le chapitre est un peu long, mais j'espère qu'il vous plaira. Pas de soucis, les choses vont bouger rapidement !
A la prochaines petites feuilles de papiers !
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