Chapitre 21 : vents glacials - partie 02
Julian recula vivement de la fenêtre, en crachant un vif juron. Il avait été idiot de venir ici ! Les deux Saint Souls risquaient de s'en prendre à Liz et les autres ... Heureusement, ils ne paraissaient pas avoir compris dans quelle maison ils étaient. Mais comment ces deux-là avaient-ils pu les retrouver ? Ils étaient à plusieurs pâtés de maison du lieu de l'affrontement. Julian serra la mâchoire. Il fallait les mettre hors d'état de nuire ... Mais comment faire ? Il ne pouvait décemment pas appeler la police ... Julian n'avait pas le choix. Il allait devoir se débrouiller seul. Mais absolument hors de question de mettre Amélia en danger. Il devait d'abord la mettre à l'abri. S'il lui disait comment rentrer à la maison, peut-être pourrait-elle filer par la porte de derrière tandis qu'il distrairait les deux gus ? Il aviserait après. Sa priorité était de mettre la fille de Mathieu et ses amis en sécurité.
En deux enjambées, il fut sur Amélia, et il la secoua sans ménagement, la sommant de se réveiller. Il aurait préféré faire ça en douceur, mais il n'avait pas le choix.
- Amélia, réveille-toi ! Dépêche-toi, les deux ... ils nous ont retrouvés. Amélia, s'il ...
Mais sa supplication mourut sur le bout de ses lèvres lorsqu'il vit la main d'Amélia attraper son poignet avec une rapidité incroyable, et le serrer tellement fort qu'il entendit un craquement. Mais ... ?
- Je suis désolée. Mais veillez à ne plus recommencer, Julian.
Il leva un regard interloqué vers Amélia ... Et rencontra deux prunelles couleur terre. Il eut un temps d'arrêt. Où ... étaient les deux iris émeraudes de l'Element de Plante ? C'est alors qu'il remarqua avec grande surprise que le presque caramel de sa longue chevelure avait viré gris anthracite.
- ... Que ... ? A-Amélia ?
Elle secoua la tête, et lui fit signe d'une manière autoritaire de reculer. Il s'exécuta, stupéfait. Elle se leva souplement du canapé et s'étira souplement. Puis, elle attrapa l'un des nombreux rubans qui parsemaient la petite maison (une des nombreuses manies de Liz) et s'en servit pour s'attacher les cheveux d'une manière experte. Chacun de ses mouvements semblait calculé et précis. Aucun geste n'était superflu. Julian avait l'impression de nager en plein délire.
- Où sont-ils ?
- Comment ça ?
- Les attaquants qui ont blessé ma protégée.
Le ton cinglant d'Amélia le fit frissonner. Sa voix était ... différente. Plus froide, plus sèche, plus ... grave, presque. Mais que se passait-il ?
- D-dehors ... Mais je ne peux ...
Elle l'interrompit d'un geste brusque de la main.
- Il suffit, Julian. Je SAIS me débrouiller. Veuillez rester en arrière et occupez-vous d'empêcher qui que ce soit de m'approcher. Je m'en vais les mettre hors d'état de nuire.
Et sans attendre, elle glissa vers la porte et sortit furtivement de la maison. Complètement choqué, Julian lui courut après sans attendre. Et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il aperçut la demoiselle se tenant bien droite dans la rue, qui émit un sifflement si strident que ses tympans en tintèrent. Immédiatement, les deux Saint-Souls qui étaient au bout de la rue firent volte-face, face à elle.
- Messieurs, bien le bonjour, les salua-t-elle gravement, en se tenant plus droite qu'un «I », les mains croisées derrière elle.
- Mais ... C'est qui ?
- C'est pas la gosse ?
- Elle était pas brune, la gosse ?
- Qu'est-ce qu'on en a à faire ? C'est elle ! Et ma chemise était neuve ! Je vais la ...
- Elle est jeune, vous savez.
La voix grave d'Amélia le fit de nouveau sursauter.
- Cette enfant n'est même pas ce que vous considérez comme étant un, ou une, adulte. Elle est jeune. Et qui plus est, aujourd'hui est ... son anniversaire. Une journée spéciale, selon vos mœurs. Cela est donc doublement ... mauvais, de votre part. En plus de vous être attaqués à une innocente. Objectivement parlant, vous êtes du mauvais côté de la barrière. Subjectivement parlant, je vais vous tuer.
La manière à la fois froide et monocorde dont elle s'était exprimée le choqua. Ce n'était pas Amélia. Définitivement. Elle n'étais pas Amélia. Alors ... Qui était-ce ?
Quant aux deux autres, ils l'auraient regardée de la même manière si elle leur avait dit qu'une deuxième tête était en train de leur pousser. Ils étaient tellement surpris qu'ils en restaient cois.
- Bon. Et bien si maintenant nous pouvions commencer ...
Les deux attaquants se regardèrent, puis regardèrent de nouveau la « non-Amélia », et l'un d'entre eux avisa une flaque non loin d'elle. Avant qu'il n'ait pu dire quoi que ce soit, la flaque se transforma en véritable fouet d'eau qui la gifla avec une telle violence que Julian en serait tombé par terre lui-même. Il ne put retenir un hoquet de peur, pour elle. Mais elle resta droite, l'air toutefois surprise.
Julian était pacifiste. Il était plutôt du genre à éviter la bataille, ou la fuir. Mais en voyant ce qui était entrain de se passer, il n'avait envie que d'une chose : se jeter dans celle-ci tête baissée. Mais il ne pouvait pas. Parfois, il maudissait sa condition de Blood Element. Plus souvent dans sa jeunesse, mais encore un peu maintenant. Actuellement, il l'insultait copieusement. Julian se sentait tellement impuissant ... Soit il n'était à peine plus serviable qu'un guérisseur, soit il était considéré comme une sorte de vampire. Et actuellement, à peine plus utile qu'une tapette à mouche face à un hippopotame en furie.
- ... Et bien. Le moins que l'on puisse dire, c'est que vous savez y faire, avec votre élément, cher monsieur, grommela la demoiselle en se tâtant le joue du bout des doigts.
Chemise Brûlée, qui était l'Element d'eau, regarda Amélia, bouche bée.
- Mais qu'est-ce que ... Des plus balèzes que ça ont été balayés par moins que ça ! finit-il pas s'écrier à son partenaire.
Baffe grogna et sortit soudainement une arme à feu, pointant la Non-Amélia, son index sur la gâchette. Et un bruit de coup de feu déchira l'air.
* * * * *
Brunette leva brusquement la tête, humant l'air ambiant, tout un coup sur le qui vive.
- Tout va bien ? s'alarma l'autre.
- ... Non. Je crois que le moment est venu. Sale renard. Tu vas voir de quel bois je me chauffe, grinça-t-elle.
Il se redressa sur toute sa hauteur, et la prit par les épaules, la forçant à le regarder droit dans les yeux.
- N'oubliez pas votre promesse.
Elle plissa les yeux, et le saisit vivement à la gorge, l'amenant à seulement quelques centimètres de son visage, plongeant son regard olive dans le sien.
- Écoute-moi bien. Je respecte ton souhait le plus profond, ô combien même celui-ci te dévore, car bien malgré moi, je ressens la même chose. Mais n'oublie pas TOI ce que tu ES. Alors pour une fois n'en fais pas qu'à ta tête. Que tu le veuilles ou non, votre sécurité à tous me PÈSE. Je suis VOTRE gardienne, et un simple faux pas de ta part ou celle des autres pourrait nous coûter tous très, très cher. Alors oui. Je n'oublie pas notre promesse. Ne me répète plus jamais ça. Mais n'oublie pas non plus la tienne. Parce que, maintenant plus que jamais, je crois que tu as bien trop à perdre. Plus que moi.
Un éclair de surprise passa dans ses yeux, et il se dégagea sèchement en se frottant la gorge, évitant clairement son regard. Elle ricana légèrement.
- Ne fais pas ''genre''. Nous savons tous les deux à quel point la situation a changé. Il y a une nouvelle inconnue dans l'équation, n'est-ce pas ? lui dit-elle avec une grimace moqueuse.
Cette fois-ci, il ouvrit la bouche, prêt à la contredire, mais la referma au dernier moment, prenant conscience qu'il ne ferait que s'enfoncer. Son rictus se changea en sourire bienveillant.
- Que tu le veuilles ou non, je ne te laisserai pas finir comme tu le voudrais. Parce que tu as bien trop à perdre.
- ... Je n'ai jamais compris.
- Compris quoi ? Dépêche-toi, je n'ai pas vraiment le temps de baratiner.
- Vous êtes ... Vous. Presque une sorte de déesse. Pourquoi est-ce que vous vous intéressez à nous ? Pourquoi prenez-vous notre sort autant à cœur ? Vous avez parlé ... Du fait que vous comprenez mon souhait. Ressentez-vous la même chose à l'égard de LUI ?
Un flot de souvenirs lui remonta, et elle baissa légèrement la tête, portant instinctivement sa main à son écharpe, la caressant du pouce.
- ... Je pense qu'il n'y a pas vraiment de bonne réponse. Et ... Disons que je suppose que je suis quelqu'un qui court après le passé. Et puis, la solitude, c'est surfait. Très surfait.
Il la fixa un instant, presque songeur, puis inclina légèrement la tête, avant de s'en aller. Brunette haussa les épaules. Tsss ... Même pas un au revoir. Enfin, elle se tourna vers la balustrade et y grimpa nonchalamment, chantonnant une très, très vieille berceuse à mi-voix ... avant de se laisser tomber.
* * * * *
Julian regarda avec stupéfaction Baffe tomber par terre, en se tenant le genou dans un couinement d'horreur.
- Oh, mon dieu. Liz !
Sortie de la maison avec un regard sévère, elle tenait fermement entre ses doigts ce qui ressemblait à s'y méprendre à un fusil de chasse. Et il reconnut sans mal celui d'Ernesto.
- Par tous les saints, le premier qui bouge, je le plombe ! Et lâche-moi ce ridicule joujou, le blanco ! rugit-elle.
Liz pouvait être effrayante. Quand ils étaient encore dans la rue, une rumeur stipulait que leur amie était une ancienne femme de mafieux. Ce qui pouvait expliquer sans aucun mal son ... caractère. Elle avait des airs de lionne mère, parfois.
- Roy et Yuan arrive, et je crois que Yuan est encore enceinte. Alors je refuse qu'ils restent ici ! FICHEZ-MOI LE CAMP OU J'APPELLE LA POLICE !
Il bénissait Liz de toute son âme, mais il était absolument hors de question que Liz appelle qui que ce soit, et encore moins la police. Qui plus est, elle risquait de mettre l'autre en colère ... Chemise Brûlée était encore de taille à flanquer une raclée à Liz ... Et à la maison entière. Il fallait faire quelque chose ! Mais alors que Julian ouvrait la bouche, prêt à lancer une menace à l'autre, il aperçut du coin de l'œil la Non-Amélia foncer vers lui ... Et elle se baissa soudainement, lui faisant la plus violente balayette qu'il n'ait jamais vu (hors film d'action ou d'aventure). Il tomba à terre sur la tête et le choc fut si violent qu'il se demanda s'il ne s'était pas fendu le crâne. Ensuite, elle agrippa celui qui venait de se faire tirer dessus par Liz et les tira devant elle, à terre. Elle avait un genou dans une des flaques de la bouche d'égout, mais elle ne semblait pas s'en soucier. C'est alors qu'elle leur murmura quelque chose aux oreilles, serrant leurs cous si fort qu'il en devinrent presque aussi rouges que ses iris. Puis il les vit tourner de l'œil l'un après l'autre, et elle se releva tranquillement.
- J'avais prévu une issue plus sanglante, mais votre intervention m'a épargné quelques efforts. Je vous remercie, chère dame. Vous avez été d'un admirable aplomb.
Liz, mi-surprise, mi-fière, lui sourit et hocha la tête.
- Merci à toi, Amélia.
L'autre se contenta de sourire et attrapa Julian par la manche, le tirant sans ménagement près d'elle.
- Maintenant, veuillez nous excuser, mais nous devions y aller. Nous ne souhaitons pas vous attirer plus d'ennuis. Sur ce, je vous souhaite un bon appétit.
Et elle lui fit un sourire ni joyeux, ni forcé, avant de faire demi tour, tirant toujours Julian. Mais cette fois-ci, il ne se laissa pas faire. Il se dégagea facilement, et la souleva par les aisselles, comme une enfant, et la posa non loin de lui.
- Excusez-moi, mais je dois aller récupérer quelques affaires. Ensuite, partons par la porte de derrière, nous serons moins visibles, et surtout ne passons pas par notre passage d'arrivée.
Elle le fixa pendant deux secondes, stoïque, avant de hocher la tête.
- Vous avez raison, c'est plus prudent.
- Merci, soupira-t-il.
Puis ils rentrèrent de nouveau dans la maison tandis qu'Ernesto descendait les escaliers, ses vieux os craquant allégrement.
- Mais c'est Julian ! lança-t-il de sa grosse voix grave, grimée comme un vieux disque. Comment vas-tu ?
Et alors qu'il allait saluer Julian, il avisa devant lui la Non-Amélia.
- ... Et bien. Ça a dû te coûter cher, une coloration pareille.
Il était comme ça, Ernesto. Jamais comme on l'attendait. La jeune fille se constitua un sourire de façade parfaitement trompeur et mit ses mains derrière son dos dans une position ... Étrangement militaire.
- Julian, est-ce que tout va RÉELLEMENT bien ? lui demanda Liz en pointant vaguement l'extérieur. Que font ces deux fous à vous attaquer ?
Julian poussa un long soupir et ouvrit la bouche, mais de nouveau, la jeune fille le devança. Il allait vraiment finir par s'énerver.
- Je vous assure que ceci n'est point la faute de Julian, monsieur, madame. Ce ne sont que des personnes qui lui veulent du tort, sans raison. Par manque de chance, vous étiez là. N'appelez pas votre ... police. Débarrassez-vous d'eux comme vous le voulez, mais faites le discrètement. Je crois que vous en êtes capable. Mais je me dois de vous demander de ne rien dire quant à nous, je vous prie, ni de poser la moindre question. Il en va de la sécurité de cette maison, et de ses résidents.
Un éclair de compréhension passa dans le regard de Liz, et elle hocha solennellement la tête.
- Ne t'inquiète pas, petite. Julian est un ami. Et les amis, ça ne se trahit pas. Pas ici du moins. Motus et bouche cousue.
- Merci. Oh et veillez à les ligoter et les aveugler si vous pouvez.
- J'pas saisi grand-chose mais je crois que tu as encore des problèmes collés au miches, Julian. Oh, du thé froid !
Et sans dire un mot de plus, il alla siroter la tasse de thé qu'Amélia avait délaissé. Il revint quelques instants plus tard, et le téléphone de la demoiselle à la main.
- Tiens ma petite. Ton machin vibre plus fort qu'un ...
- Merci Ernesto, l'interrompit Julian en empochant le portable d'Amélia, avant de pousser la jeune fille vers la cuisine, en entendant une voiture arriver, (sans doute celle de Roy et Yuan) la dirigeant vers la porte de derrière.
- On rentre chez vous, Julian ? lui demanda la Non-Amélia.
- Oui.
Puis ils sortirent de la maison en entendant Roy et Yuan rentrer au même moment, l'irlandais se demandant pourquoi il y avait deux hommes évanouis devant la maison, dont l'un avait la jambe percée d'une balle.
Ils marchèrent d'un bon pas pendant quelques minutes, la Non-Amélia tenant parfaitement la cadence. Exaspéré par les vibrations intempestive du téléphone d'Amélia, il avait réussi à éteindre celui-ci. Du coin de l'œil, il détailla cette étrange demoiselle aux longs cheveux gris retenus en une sorte de queue de cheval par un ruban fuchsia détonnant très bizarrement sur sa chevelure de cendre. Elle avait encore cette drôle de position militaire et avançait avec de grandes enjambées. La curiosité le dévorait. Au bout d'un petit moment, Julian ne put retenir sa langue plus longtemps.
- Vous n'êtes pas Amélia.
- Non, en effet. Mais je ne suis pas une menace, soyez sans crainte.
- Pourquoi ... ?
- Pourquoi moi ? Oh, c'est une longue histoire, et je ne suis même pas sûre d'être autorisée à vous la narrer. Pour faire court, disons que je me trouve là. Point barre. Oh, et mon nom est Leedna, si c'est ce que vous cherchez à savoir. Et non, Amélia n'a aucun dédoublement de personnalité. Elle est simplement très choquée. J'ai pris sa place le temps qu'elle se repose.
- Qu'elle se repose ... ?
- On peut-être en parfaite forme physique, mais en très mauvaise condition mentale. Amélia a été affectée par ce qui est arrivé tout à l'heure. Elle a besoin de ... se laisser aller un peu.
La culpabilité de Julian atteignit alors des sommets. Il était tellement pris dans le maelström de ses sentiments, qu'il n'avait pas remarqué qu'Amélia avait des soucis ... Avant d'entendre le bruit de la gifle. Il avait réagit alors au quart de tour. Mais les dégâts étaient déjà faits.
- Ne faites pas comme Amélia, je vous prie. La culpabilité ne sert à rien, et sont comme les remords. Des chaînes inutiles.
- Sans la culpabilité ou le remord, nous serions beaucoup plus enclins à commettre l'irréparable, ou à ne pas expier nos fautes, murmura-t-il à mi-voix.
Leedna - car c'était donc ainsi que disait s'appeler la Non-Amélia - coula vers lui un regard pensif, avant de hocher lentement la tête.
- C'est vrai. Mais se noyer dedans est mauvais, Julian. Bien des hommes aigris et amers sont devenus ainsi à cause de la culpabilité, Julian Smith. C'est un poison.
Un bref sourire étira ses lèvres avant de se faner tout aussi vite. Elle avait raison, bien sûr. Mais ... Lui, il le connaissait si bien ce poison. Sans la petite fille, il y aurait succombé.
- Julian ... Pour la petite Sheena, vous comptez faire quoi ?
- E-essayer d'entamer la discussion. Dire ce qu'il s'est passé ... Je n'espère pas de miracle, je veux juste éclaircir la situation ... J-je veux dire ... Je ne connaissais même pas son existence ... Je ... J'ai honte. J'aurais dû ...
- Ne recommencez pas. Le passé est passé. Mais le présent est là. Et ce n'est pas en songeant sans cesse au passé que l'on construira un beau futur. Jamais le futur ne pourra être le passé, quoique que nous puissions y faire, quoique nous puissions souhaiter. Croyez-moi, j'ai essayé, dit-elle avec un pauvre sourire.
- ... Qu'êtes vous exactement ?
- Une guerrière désabusée, je dirais. J'avais voué ma vie corps et âme à la sauvegarde de mon pays. J'y ai donné quasiment toute ma vie. Pour au final ... Rien du tout. La guerre et l'honneur, ça ne vaut rien, au final.
- Comment ça ?
Elle haussa les épaules.
- Ma famille est morte sur le champ de bataille. Je n'ai fait que suivre le mouvement.
- ... Pour l'honneur ?
- Exactement.
Julian hocha la tête, confus. Il ne comprenait strictement rien, mais pour éviter de se griller le cerveau, il avait décidé de raisonner de manière simple : traiter Leedna comme une personne différente d'Amélia sans chercher à savoir plus loin.
- Ça ... ne devait pas être simple.
- Je n'étais pas la seule. Svelja était comme moi.
« Svelja » ? Quel nom étrange. Remarque. Leedna n'était pas commun non plus.
- Vous venez de pays du nord ? Votre nom sonne ... Un peu islandais ou quelque chose comme ça.
Elle repoussa souplement une mèche de cheveux qui s'était échappée de sa queue de cheval enrubannée.
- Hum ... Non. Je venais du centre, personnellement.
Le centre ? Le centre de quoi ? De l'Europe ?
- J-je vois ... Hurm. Vous ... Amélia ?
- Amélia reviendra dans un long moment. Laissez-lui du temps. Et je crois que nous sommes presque arrivé, Julian.
En effet, ils étaient revenus. Mais au moment de monter sur le perron, Julian se figea, un pied à moitié levé en l'air. Leedna, la main déjà posée sur la porte d'entrée, se retourna vers lui en prenant une longue inspiration.
- Il n'y a pas de problème, Julian. Sheena ne risque pas de vous congeler ...
- Non. Ce n'est pas ça ... Simplement ... Les lumières étaient allumées quand nous sommes partis ... Pourquoi sont-elles toutes éteintes ?
Leedna leva un regard intrigué vers l'étage. Puis Julian songea aux jeunes restés à l'intérieur ... Et la pire des possibilités lui vient en tête. Et si les Saint-Souls l'avaient reconnu ? Et s'ils avaient repêché son adresse ? Et s'ils avaient envoyé des sbires ici ? Et si ... Oh, non.
- LES ENFANTS ! s'écria-t-il en ouvrant la porte à la volée.
Il se jeta dans le couloir, et avisa, terrorisé, l'ampoule détruite, et les débris à terre. Il perdit toute mesure de prudence et contenance, et courut vers le salon.
- LES ENFANTS ? hurla-t-il en y entrant en trombe.
Ciela fit un bon d'au moins dix centimètres en poussant une sorte de mi-cri, mi-couinement, et il vit Ash se réveiller en sursaut du coin de l'œil.
- Oh pour l'amour de ... Julian ? s'écria Ciela, la main sur le cœur. Vous m'avez fichu une trouille monstre !
- Vous allez bien ?
- Oui, oui, on va très bien. On est juste très, très surpris. Et très, très beaucoup réveillés aussi, grommela Ash en se passant la main sur le visage.
Julian poussa un long soupir, en se retenant au mur le plus proche. Il avait eu ... Si peur. Mais tout semblait aller pour le mieux. Ou ... enfin ... ? Pourquoi les jumeaux étaient-ils devant un feu ronflant ? Leedna posa sa main sur son épaule, le faisant sursauter.
- Aucune trace d'un quelconque intrus, Julian. Par contre, je tiens à vous prévenir. Je crois que votre parquet du premier étage est fichu.
- Fichu ?
- Trempé. Oh et vos ... ampoules, je crois, ont toutes explosé.
- Explosé ?
- Il y a plein d'éclats de verre partout, faites attention.
- Des éclats de verre ? Partout ? Hein ?
Il était complètement perdu.
- Julian ... Il faut qu'on parle ! gronda l'un des jumeaux, et s'appuyant sur l'épaule de son frère pour se relever, son nez complètement rouge, et les yeux larmoyants.
Ses cheveux roux étaient tout détrempés et il tremblait comme une feuille.
- Crìs, on avait dit quoi tout à l'heure ? l'interrompit son frère, en fronçant les sourcils.
Le jeune homme répondit par une moue avant de croiser les bras, s'emmitouflant dans l'énorme couverture dont il était drapé. Romy secoua la tête, presque désespéré, puis avisa soudainement Leedna.
- Amy, réponds quand on ... Wow.
Elle fixa Romy durant quatre longues secondes avant de se tourner vers les autres.
- Veuillez laisser Julian respirer un peu. Nous avons dû essuyer quelques problèmes d'ordre ... Méchants.
- Méchants ?
- Des Saint-Souls nous ont attaqués en pleine rue, résuma Julian en s'asseyant dans le fauteuil le plus proche, avisant Sheena qui dormait à poings fermés dans l'autre.
- QUOI ? rugit Ash, cette fois-ci pleinement réveillé.
Ciela laissa sa mâchoire se décrocher, complètement ébahie.
- Qu'est-ce que ça veut dire ?
- Des Saint-Souls sont apparemment à votre recherche, leur dit Leedna, en joignant de nouveau ses mains derrière son dos, de nouveau droite comme un « I », dans cette position militaire qui la caractérisait si bien.
- ... Amélia ... Non. L-Leedna ... ? demanda Romy, en se levant maladroitement.
Elle hocha la tête.
- Amélia ... A eu quelques problèmes. J'ai dû prendre sa place le temps qu'elle se repose.
Romy s'étouffa avec sa propre salive, plus pâle qu'un fantôme.
- Comment ça, quelques problèmes ?
- Les Saint-Souls à notre poursuite ont tenté de s'en prendre à elle. Ou plutôt, s'en sont pris à elle. Sans Julian, ça aurait pu être pire.
Romy s'avança vers elle à grands pas et lui prit le visage entre les mains, remarquant sans souci la marque rouge de son visage qui commençait à peine à s'estomper, à l'endroit où Baffe l'avait frappée, et où elle avait également reçu le fouet d'eau de Chemise Brûlée. Un soudain courant d'air froid balaya la pièce, éteignant le feu d'une grosse bourrasque glaciale qui fit violemment éternuer Crìs.
- Où lui ont-il fait mal ? murmura-t-il, d'une voix d'outre tombe.
Leedna désigna sa joue rouge, le poignet par lequel Baffe s'était saisie d'elle, où un bleu commençait d'ailleurs à s'y étaler, et sa poitrine. Une bise glaciale, aussi froid qu'un vent d'arctique, secoua les rideaux et remua les cendres encore chaudes de la cheminée.
- Ils ... Ils l'ont ... touchée ? cracha-t-il.
- Hum ? Oui, au poignet et à la joue. Oh ! Dans ce sens là tu veux dire. Non. Elle a mal là. Enfin. C'est une figure de style. Je crois ? Une façon de dire.
Et Julian se rendit compte qu'elle ne pointait pas à sa poitrine, mais au côté gauche de celle-ci ... Au cœur. Oh. Amélia avait eu peur, c'était ce que Leedna tentait de dire. Oh, si seulement il avait réagi un peu plus vite ...
Romy soupira profondément et la température de la pièce remonta un peu.
- Amy ... va bien ?
- Non, pas vraiment. Mais elle se repose. Vous la connaissez, elle reviendra secouée, mais ce n'est pas une petite plante fragile.
- Oui ... dit le jeune espagnol en reculant de quelques pas, le regard dans le vague.
Leedna lui adressa un sourire - un vrai cette fois-ci - auquel il répondit par pure politesse, les yeux vides.
Ce fut au tour d'Ash de s'avancer vers Leedna.
- Donc vous êtes Leedna ?
- Affirmatif.
- ... Je crois que Fenror n'avait pas tort.
- À quel propos ?
- Vous êtes une guerrière fidèle dans le style Terminator.
Un des coins de sa bouche se plissa.
- Fenror avait toujours de belles comparaisons. Enfin. En a. Le passé ... n'est plus de mise semble-t-il. Cela me semble étrange. Mais ... Si agréable.
Ses yeux scintillèrent alors d'une étrange lueur, qui s'effaça si vite qu'il crut avoir rêvé.
- Permettez-moi de vous décrire ce qui est arrivé, malheureusement.
Leedna fit un « rapport » clair, concis et détaillé de ce qui était arrivé. Tous l'écoutèrent jusqu'à la toute fin de son histoire, estomaqués.
- Pas le choix. Nous devons nous en aller, conclut Ash, en se massant le front. Zut, j'espérais que nous aurions un peu plus de temps.
- Moi aussi ... soupira Ciela. Mais que pouvons-nous faire ? Nous ne savons même pas où aller ...
- Comment ça ? intervint Julian.
Crìs se leva solennellement et lui tendit sèchement un morceau de papier sans un mot, la mine sombre. Julian grimaça. L'hostilité qui brillait dans ses yeux lui était clairement adressée. Nul doute n'était possible. Crìs devait avoir deviné d'une manière ou d'une autre ce qui était arrivé. Et il devait aussi savoir pourquoi ses ampoules avaient explosé, sans oublier pourquoi son parquet était totalement fichu.
- ... Qu'est-ce que ... Ce sont des coordonnées géographiques ça ? Et ... Je crois que c'est dans l'état. Du moins, si je lis correctement ce qui est écrit dessus.
Les autres jeunes le regardèrent, les yeux ronds. Et bien ? Que leur arrivaient-ils ?
- V-vous seriez capable de nous dire ... Où c'est ? souffla Ciela.
- Sans le moindre problème. J'aurai juste besoin de mon ordinateur portable. Oh, mais où l'ai-je mis ... ?
À voir la façon dont les adolescents le regardaient, on aurait juré qu'il venait d'énoncer une solution au problème de soif dans le monde. Il réussit à dénicher celui-ci dans la cuisine, et l'ouvrit. Mais pas de chance, il décida alors de se mettre à jour. Et d'une manière malheureusement prolongée. Lui et sa manie de toujours remettre à plus tard les mises à jours de son ordinateur ... Ça lui avait causé du tort, à force.
- Alors, vous avez trouvé ? s'enquit Ash en se jetant quasiment sur le comptoir.
- Mise à jour. Désolé, je crois qu'il y en a pour un moment.
Ash lâcha un juron sonore avant de pincer les lèvres, frustré. Il battit en retraire vers la cheminée et la ralluma vivement d'un claquement de doigt. C'était tout de même bien pratique, ça.
- Vous pensez que ce sera fini quand ?
- Aucune idée.
Nouvelle vague de jurons intempestifs. Il soupira de nouveau. Ah, les adolescents ...
- Puisque nous sommes apparemment coincés ... Pourriez-vous m'expliquer pourquoi mon parquet du premier étage est « ruiné », et pourquoi vous êtes dans ce drôle d'état ?
Il souleva la semelle de ses chaussures, y trouvant des morceaux de verre.
- Et pourquoi mes ampoules paraissent avoir explosé aussi.
- ... C'est à cause de ça, lui répondit Ciela qui vint vers lui, les mains dans les poches.
Elle en sortit ... Son cliché. Doux jésus. Il avait dû tomber de son porte feuille quand il avait trié ses papiers tout à l'heure dans le couloir du premier étage ... Il ne s'en était pas rendu compte ...
- J-je ... Ah.
- Sheena a le même cliché sur son bureau. Je l'ai reconnu directement, grommela Crìs, d'une voix enrouée. Alors c'est vrai ? Vous êtes le père de Sheena ?
Julian hocha lentement la tête.
- J-je ... je crois bien que oui ... Mais ... Je l'ignorais.
- Comment peut-on ignorer que l'on a une fille ? rugit Crìs, qui décidément avait bel et bien une dent contre lui.
Julian soupira une autre fois, longuement, et se mit à parler. Il raconta tout. Absolument tout, dans les moindres détails. Du jour où sa boite avait coulé, jusqu'à la nuit de sa rencontre avec la petite fille, celle qu'ils appelaient « Brunette ». Chacune de ses recherches pour retrouver Hannah et Shana. Chaque envie d'en finir. Chaque moment de désespoir. Chaque réveil trop dur. Chaque respiration terrible. Chaque chute, et chaque rechute. Chaque rêve qu'il faisait, chaque cauchemar, chaque dilemme, chaque morceau de culpabilité, chaque larme versée, chaque soupir poussé. Il n'omit aucun détail, ne les épargna d'aucune description. En fait, il ne le faisait même pas par cruauté ou quoi, non. Il décrivait. Objectivement. Mécaniquement. Il notait bien les réactions des jeunes enfants. Par exemple, il voyait Ciela pleurer silencieusement, il voyait le teint d'Ash, d'ordinaire bien pâle, virer presque fantomatique. Mais il ne fit rien pour tenter d'adoucir son récit. Oh, il aurait pu juste se taire. Il aurait pu. Mais ... En fait, il n'en avait pas la moindre envie. Et il comprit pourquoi. Il voulait être honnête avec ces enfants. À cent pour cent. Ils pourraient le juger à leurs souhaits plus tard, mais pour l'instant, il racontait. À eux de trancher. Mais au fond de lui même, il aurait aimé que ces enfants ne le haïssent pas. Parce qu'ils étaient l'héritage des meilleurs moments de sa vie. Ciela et Ash, les enfants de Céleste, Gloria, Henry et Aïdan. Amélia, la fille de Matthieu. Et Sheena ... SA propre fille. Quand à Romy et Crìs, qui étaient les amis fidèles de ceux-ci, mine de rien, lui faisait un peu penser à lui, quand il était plus jeune. Il ne les connaissait tous pas depuis très longtemps, mais il ... les appréciait déjà ... beaucoup. Et il ne voulait pas briser ça. Alors il continua, et continua. Puis soudain, il termina. Et un son étrange envahit son champ sonore. Il mit une fraction de seconde à comprendre que ce son n'en était pas un. Ce n'était que le silence. Le silence assourdissant, qui résultait un long récit. Ils devaient tous digérer ce qu'il venait de leur dire. Son regard se porta sur Sheena qui dormait toujours dans le fauteuil et ... Uh ? Il fronça les sourcils. Et les mots sortirent tous seuls.
- Tiens. Où est votre amie qui dormait sur le canapé ?
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BABABAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAM ! Héhé. Jouons à un jeu. Où est Almarica ?
Et voilàààààààààààààààààààààààààààààààààà ! La confrontation que vous attendiez tant a failli avoir lieu. Ce chapitre pourrait vous paraître bas de gamme. XDD J'en suis désolée.
Mais Brunette, qu'est-ce que tu fais. Vous inquiétez pas hein. Elle va très bien. 'Fin je veux dire, dans la mesure de la définition du très bien. XDDD
Ça y est. Il serait peut-être temps de partir de chez Julian, pas vrai ?
Le prochain chapitre arrivera le mois prochain, même date. :'3 Retour au un chapitre par mois. Enfin ... Peut-être ? Je verrai.
Au fait ! Merci pour le bel accueil que vous avez fait à Âmes Éthérées. Ça m'a beaucoup touchée. Du coup, le second chapitre sort peu après celui-ci.
Merci à Rosette qui trouve le courage de corriger mes pavés de fautes. C'est un.e gentil.le personne. Du moins, quand personne ne tente de lui voler ses cookies.
A la prochaine bandes de farfadets de Brocéliande !
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