Chapitre 04 : confrontation "à la française"

D'une démarche à la fois déterminée et peu confiante, Amélia Loiseau descendait la route qui menait de l'Académie à la ville, appréhendant à chaque nouveau pas la rencontre qu'elle était sur le point de faire.

- Tout va bien ... Tout va bien ... marmonnait-elle pour elle-même.

Sa mère. Elle ne l'avait pas vue depuis ... Le mois de juillet dernier. Presque une année entière. La française ne put s'empêcher de se demander si sa mère allait bien. Elle n'avait généralement aucune nouvelle d'elle. Alors ... La savoir actuellement sur l'île, ici même ... Pour la voir ELLE ... Amélia se sentait à la fois flattée, euphorique ... et morte de peur. L'Element de plante repensa à madame Page. La pâtissière et Ciela avaient une relation mère/fille ... fusionnelle. C'était agréable à voir. Très agréable. Mais ... malgré tout ... La Française ne pouvait s'empêcher de ressentir ... comme une pointe d'envie, en assistant aux démonstrations affectives des deux Pages. Et elle ne pouvait s'empêcher de penser : « J'aurais bien aimé être câlinée ainsi » ou encore « Moi aussi j'aimerais pouvoir faire des gâteaux avec ma mère ». Et à chaque fois qu'elle se surprenait à ressentir ce genre de sentiment, la jeune fille se refermait sur elle même, culpabilisant. Comment pouvait-elle ne serait-ce qu'un instant envier Ciela ?! Après tout, elle, elle avait son père, et Sheena. Ils étaient une famille ! Une vraie famille. Son père prenait soin d'elle comme jamais un autre père n'aurait pu le faire. Et Sheena était comme une sœur pour elle. Non, elle était réellement très heureuse. Juste ... si seulement elle avait pu s'entendre aussi bien avec sa mère ...

C'est lorsque la jeune française faillit emboutir un passant un peu pressé qu'elle se rendit compte qu'elle était presque arrivée. Amélia sentit alors une vague de panique l'envahir. Elle n'était plus qu'à une centaine de mètres de la pâtisserie ! En voyant ses mains trembler, la demoiselle prit une grande inspiration et se retourna vers la vitrine du magasin le plus proche, se détaillant d'un œil critique, remettant en place ses boucles un peu folles, défroissant sa tunique, lissant les plis imaginaires de sa veste. Après cinq minutes de préparation futile, qui ne lui servaient qu'à retarder le moment fatidique, une voix calme la sortit de ses pensées.

« - Amélia. Si tu continues ainsi, tu vas vraiment être en retard. Sauf si tu n'as pas envie ... »

Amélia ne put retenir un petit sourire, et lui répondit d'un murmure.

- C'est ma mère Leedna. Il faut que je fasse de mon mieux. J'ai une responsabilité envers elle !

« - Amélia ... »

- Leedna la Loyale, fière guerrière des Huit Guerriers Légendaires, serais-tu en train de me conseiller de fuir ? demanda Amélia, faussement choquée.

Une sorte de grondement exaspéré résonna à ses oreilles, et elle sentit que que l'Enerienne capitulait.

- Ne t'inquiète pas Leedna. Tout se passera bien. D'accord ? Pas de soucis.

Puis, comme pour se convaincre elle même, Amélia se retourna vers la pâtisserie, et tout en mettant ses sentiments en veilleuse, elle s'engagea prestement à l'intérieur.

* * * * *

Assez. Il en avait assez. Marre, marre, marre. Il n'en pouvait plus. Il n'en pouvait VRAIMENT plus. Rageusement il se mit à donner de violents coups de pieds sur le sol. Jouer ainsi la comédie ... Il y a des fois où ça lui pesait plus que d'autres. Et c'était dans ces moments-là qu'il avait envie de tout arrêter. De tout jeter à la poubelle. De se foutre éperdument des conséquences, et de s'en aller le plus vite possible de cet endroit maudit, de courir, courir, courir, sans s'arrêter, et de ne plus jamais revenir. Mais il savait pertinemment qu'il ne pouvait pas. Il ne pourrait jamais. Et ça, là, ça le fichait tellement en colère ... De temps en temps, il perdait tout sens de la mesure, et la frustration ainsi que la haine qu'il gardait contenues en lui explosaient. Durant ces moments-là, il ne songeait qu'à partir, disparaître, ou tout détruire. Il créait des plans irréalisables, ou bien rêvait à des moyens plus loufoques les uns que les autres pour partir façon Expendables, d'une façon ultra classe, avec une gigantesque explosion derrière lui, tandis que tous les méchants mouraient d'une façon très dramatique en criant comme des fillettes. Et après, il se calmait. Il ré-endossait son rôle, et c'était reparti. Jusqu'au prochain ras-le-bol. C'était comme ça que ça fonctionnait. Une crise, et rebelote. Cette fois-ci ne serait pas différente des autres. Il le savait. Attendre que sa frustration et sa rage se calment. Il n'avait que ça à faire. Cependant, ces derniers temps, c'était devenu bien plus dur. Ses crises se faisaient de plus en plus nombreuses, et surtout, duraient à chaque fois plus longtemps. Il atteignait bientôt sa limite.Tout ça parce qu'il savait que ce n'était qu'une question de temps. Dans quelques mois, tout au plus, ce pourquoi il avait tout sacrifié, ce but ultime pour lequel il avait tant souffert, serait enfin atteint. Attendre. Il n'avait qu'à attendre. Pourtant, paradoxalement, sa patience en souffrait d'autant plus. Il en avait tellement envie. Ce moment béni. Ce moment où il pourrait enfin tuer F.

- J'aurai ta peau. Tu n'existeras plus. J'AURAI TA PEAU.

Une question de temps. De patience. Il espérait simplement qu'il en aurait assez jusqu'au bon moment. Et à cet instant précis, il relâcherait tout. Et ce serait un pur plaisir.

* * * * *

Amélia regarda autour d'elle, inspectant lentement chaque table de Cassegrain. Où était donc sa ... La jeune fille se figea. Ce dos si droit. Cette veste taillée sur mesure. Cette coupe si parfaite. Pas d'erreur possible. L'Element de plante prit une grande inspiration, et s'avança.

- Bonjour, mère.

Isabelle Sailor se retourna vers Amélia, et la détailla d'un regard critique, une tasse de thé à portée des lèvres.

- Tu as grossi. Et tu es en retard, lui répondit-elle d'une voix froide en reposant sa tasse, d'une manière stricte. Assieds-toi tout de suite.

Un frisson remonta la colonne vertébrale d'Amélia, et elle s'assit le plus rapidement possible, coinçant ses mains entre ses genoux pour les empêcher de trembler.

- Je ... je suis heureuse de vous voir ici ... C'est une excellente surprise ! déclara Amélia d'un ton à la fois joyeux et fébrile.

- Je rentre d'un défilé au Brésil. Je n'ai fait que profiter d'une escale. Et cesse de déblatérer de choses insignifiantes. Je suis ici pour te proposer de rentrer à Paris avec moi.

Oh. Amélia eut l'impression que son cœur manquait un battement.

- Pas tout de suite bien sûr. Une fois ton année scolaire terminée.

- Mais ... Pourquoi ?! Enfin, je veux dire ... Pourquoi voulez-vous de moi à Paris ?

- Pour t'offrir la chance de devenir mannequin à temps partiel dans mon magazine. Tu es extrêmement bien côtée auprès de nos clients, et les couturiers sont fous de toi. Pour une raison qui m'échappe totalement par ailleurs. Toujours est-il qu'étant donné que tu as enfin seize ans, tu peux enfin entrer dans le monde du travail.

Amélia tremblait. Comme une feuille. Et elle réalisait à peine ce que sa mère venait de lui demander.

- Vous ... vous voulez que j'arrête mes études pour travailler dans votre magazine ?!

- Grands dieux, hors de question. Sans même le BAC, comment pourrais-tu prendre du galon ? Non, non. Hors de question. A Paris, se trouve la meilleure école de mannequinat au monde. Plus élitiste, personne ne fait. Il se trouve que je connais personnellement la directrice, et elle serait prête à t'accueillir dès la rentrée prochaine.

- Mais ... Et ... Et la Saint Elena Academy ?! Ici aussi ... Je suis première de ma classe et ...

- Je sais ! 18 de moyenne. En presque toutes les matières. Tu ne te foules pas trop j'espère !? Moi, à ton âge, j'avais la note parfaite. Toujours est-il que bien que la S.E.A ait un niveau plus que correct, je me dois de le reconnaître, ce n'est absolument pas fait pour toi. L'école dont je te parle pourrait mille fois mieux te convenir.

- ... Une école de mannequinat ?

- Exactement. Je vois déjà la suite. Tu finis l'école, première de ta promotion, tu commences à travailler à plein temps au journal, et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, te voilà à mes côtés, digne et fière. Tu ne volerais pas ta place.

Un chemin tout tracé. Voilà ce que sa mère était venue lui proposer.

- Et bien sûr, hors de question que tu reviennes chez ton père. Il y a tout ce qu'il faut chez moi.

- P-pardon ?! éructa Amélia.

Sa mère lui fit les gros yeux, lui indiquant d'un geste très autoritaire de se taire.

- Voyons ! Pas en public ! Tsss ... Aussi sanguine que ton père. Hum. Il a décidément une mauvaise influence sur toi. Définitivement, hors de question que tu revoies cet homme.

- Vous me demandez de partir avec vous ... Et de ne plus jamais revoir ... Mon père ? De ... De tout abandonner ? Et Sheena, que va-t-elle devenir ? Et mes amis ?

Les tremblements qui la secouaient depuis tout à l'heure, elle ne cherchait même plus à les cacher. Son cerveau n'était devenu plus qu'un tourbillon d'émotions, et de questions sans queue ni tête. Et quelque chose montait en elle. Sa mère, sa propre mère, était elle en train de lui dicter son futur ?

- Qui ? Voyons, ce n'est pas important ! Pense à ton avenir ! Pas à ... de telles futilités ! Des ''amis'' tu pourras t'en faire à Paris aussi ! Ce seront des jeunes gens issus de la Haute Société. Sauf les boursiers. Mais les Boursiers, tu ne t'approcheras pas d'eux. Qui sait de quoi sont capables ces jeunes issus de Dieu seul sait où !

- Je ...

- Ah et. Amélia Loiseau. Ce n'est pas un beau nom. Cela ferait tache auprès de nos investisseurs. Autant que tu prennes le mien. Amélia Sailor. Hum. Pas si déplaisant comme patronyme, commenta sa mère d'une façon nonchalante, comme si c'était la chose la plus normale du monde.

Amélia Sailor. Mannequin reconnue dans le monde entier, conseillée par sa si belle, si talentueuse, et si charmante mère. Une fille de la Haute Société, fiancée à un riche héritier au dents plus blanches que les ailes d'un ange. Cette fille. C'est ça que sa mère voulait. Elle ne voulait pas d'elle. Pas d'Amélia Loiseau. Non. Sa mère ne voulait qu'une marionnette, malléable à souhait. L'adolescente repensa à Romy. Elle repensa à son père, à Sheena, à Ciela, Ash, Crìs, Nancy, Almarica. Kiwi. Et Violet. Puis elle explosa.

- ASSEZ !

Isabelle Sailor sursauta. Sa fille, Amélia, qui avait bondi sur ses pieds, la fixait avec animosité, les mains sur la table, le visage fermé, les dents serrées.

- Rassis-toi immédiatement ! lui somma-t-elle en jetant un coup d'œil aux clients qui regardaient la jeune fille avec un drôle d'air.

- NON. Je ne te laisserai pas faire de ma vie ton terrain de jeu préféré. Je ne veux pas quitter la Saint Elena Island ! Je ne veux pas quitter mes amis, mon père, et tout ce qui me tient à cœur !

Sa mère la regardait, bouche bée. C'était la première fois qu'Amélia s'opposait à elle.

- Jusqu'à aujourd'hui, j'ai toujours obéis à tes ordres. J'ai fais tout, même l'impossible, pour te plaire, pour que tu puisses un jour, ne serait-ce qu'une fois, être fière de moi ! Je me suis pliée en quatre, je ne t'ai jamais désobéis ! Mais à chaque fois, ce n'était jamais parfait ... Jamais comme il fallait. Jamais, pas une seule fois de toute ma VIE, tu ne m'as sincèrement souris. Ne suis-je donc pour toi qu'une poupée qu'on manipule à sa guise ?! Sans doute, venant de ta part ...

- Comment OSES-TU ?! s'écria la concernée, perdant toute contenance.

- Comment TOI, tu oses ?! Tu débarques, du jour au lendemain, pour me demander de te suivre, sous prétexte que je servirai à tes plans ?! Non. C'est fini.

Et sur ce, Amélia et tourna les talons.

- Je suis ta mère ! lui cria une voix dans son dos.

- Quelle est ma date d'anniversaire ?

- Que ... Quoi ?

- Je ne le répéterai qu'une seule fois. Quelle est ma date d'anniversaire ?

- Je ... M-mais quelle importance !

L'Element de plante ne put retenir un sourire amer, une boule dans la gorge.

- Vous n'êtes pas ma mère, Isabelle Sailor, et vous ne l'avez jamais été.

Et sur ces mots aussi froids et durs que pouvait l'être celle qui lui avait donné naissance, la jeune fille ouvrit la porte de l'échoppe, et sortit sans un mot de plus.

* * * * *

Helen Hunter soupira, et refit un chignon à la va vite, à l'aide d'un de ses crayons à papier, en marmonnant dans sa langue natale. Ah la période des examens ... Quel stress ! Entre les paperasses administratives habituelles, celles des travaux de reconstructions terminées il y a peu, et celles qui précédaient les examens, Helen vivait dans un tourbillon de chiffres et de lettres. Elle n'en pouvait plus. Vivement les grandes vacances !

S'accordant une petite pause, elle pivota vers la grande baie vitrée derrière elle, contemplant avec admiration la vue merveilleuse qui s'offrait à elle. Une marée d'arbres verts, suivie par une mer bleu cobalt, et un ciel bleu azur. La Directrice ne s'en lassait pas, et ne s'en lasserait sans doute jamais. Si son boulot devenait trop pesant, hop, un petit demi-tour, et elle laissait son imagination divaguer à travers ce paysage. C'était sans doute ce qu'elle préférait le plus, dans son travail.

Depuis le mois de décembre, Helen avait été occupée plus qu'elle ne l'avait jamais été. La Directrice n'avait pu que se prendre deux jours de repos depuis, c'était dire ! Entre la remise à niveau de l'île entière, rassurer les parents très inquiets, empêcher la police humaine de se mêler des affaires de l'académie, et bien entendu, remettre sur pieds le bâtiment administratif incendié durant le vingt-six décembre, cela avait été un combat de tous les instants. Fort heureusement, elle avait réussi à se dépatouiller de chacune de ses situations avec brio, sans vouloir se jeter des fleurs. Maintenant, les épreuves de fin d'année allaient sans doute lui causer encore du fil à retordre, mais cela allait être du gâteau à côté de ce qu'elle avait vécu ces derniers mois. En fait, il n'y avait que deux choses qu'elle redoutait réellement. La première ... C'était l'anniversaire du 12 mai. Le 12 Mai ... Le jour de la mort des Mult'Up. Elle ferma les yeux, sentant les souvenirs l'envahir une nouvelle fois.

« - ... Pardon ?

- PARDON ?! COMMENT ÇA PARDON ?!

- Maiiiiiiiiiiiiiiiiiiiis ! C'est pas de ma faute !

- Oui, bien sûr ! Et moi, je suis mariée ! PUIS-JE SAVOIR POURQUOI EST-CE QUE TON PROFESSEUR D'SVT A RETROUVÉ SON CASIER REMPLI A RAS BORD DE TÉTARDS ?!

- C'est pas moi !

- A d'autres ! Le principe, quand on fait ce genre de choses, Erick, c'est QU'ON NE S'EN VANTE PAS !!

- ... Il n'avait qu'à pas me dire que j'ai le QI d'un bébé grenouille ! »

- Sale môme ... murmura-t-elle en essuyant prestement une larme.

Oui. Ce jour-là ... allait être déprimant. Comme ceux qui ont précédé, et ceux qui suivront. Mais ainsi allait la vie. Maintenant, tout ce qu'elle devait faire, c'est avancer. Elle se frotta les yeux, en poussant un loin soupir.

Il y avait aussi le second problème. De loin le plus important. Et le plus dangereux.

- Heuuuu ... Madame Hunter ?

Elle se retourna avec indolence. La tête à moitié passée dans l'entrebâillement de la porte d'entrée, son secrétaire la regardait, avec une véritable tête d'enterrement.

- Que se passe-t-il ?

- Vous avez un appel sur la ligne 8, madame, couina-t-il d'une voix anormalement aiguë.

- La ligne ...

Oh non.

* * * * *

Amélia, une fois dehors, se remplit les poumons de tout l'air qu'elle pouvait, tentant de barricader son émoi intérieur. Voilà. C'était fini. Elle n'aurait plus à se préoccuper de ça maintenant.

« - Tu as bien fait. Tu as vraiment bien fait. »

Depuis que Leedna reposait en elle, l'ancienne guerrière avait été d'un grand soutien pour elle.

Au départ, Amélia avait été très intimidée. La jeune femme était sèche, froide, et surtout très franche. Du moins, en apparence. En réalité, elle était très sensible, et attentive aux besoins des autres. L'Element de plante avait reçu de la part de Leedna beaucoup de visites ... oniriques. Pour une raison on ne peut plus mystérieuse, la guerrière pouvait sans problème faire irruption dans ses rêves, et engager la conversation avec elle. Amélia avait donc eu la chance de voir à quoi elle ressemblait. Cheveux aussi gris qu'un ciel orageux coupés courts, et yeux marron-orangés à l'appui, une taille plutôt imposante, Leedna avait tout d'une grande guerrière. Les deux Elements s'étaient donc beaucoup rapprochées, au point de devenir plus qu'amies. La Française vouait à l'Element de terre une grande admiration et Leedna lui faisait part un profond respect. L'harmonie entre elles était des plus surprenantes. Et des plus chaleureuses.

- Je sais. Merci. Bon ! Allez, ce n'est pas tout ça mais moi, je dois ...

Alors que l'adolescente s'orientait une nouvelle fois vers l'Académie, son regard en accrocha un autre. Adossé juste à côté de la pâtisserie, les mains dans les poches, Romy la fixait, avec un sourire chaleureux, et affectueux.

- Re, Amy.

C'est en voyant le sourire plein de gentillesse et de compassion que Amélia craqua. Elle se laissa submerger par ses émotions, et se jeta sur Romy, en larmes.

- Je suis désolée ... C'est ma faute ... Tout est de ma faute ... Je ... Je ne suis qu'une idiote ... Je ne suis qu'une fillette débile ... débile ...

Elle sanglotait éperdument. Elle pleurait ses illusions, son rêve d'une famille parfaite, d'une belle relation avec sa mère. Tout. Tout était perdu. Tout avait disparu en poussière.

- Shhhhhhhhh ... Là, là ... lui murmurait-il en caressant les cheveux de l'adolescente.

Romy l'enserrait dans ses bras, sans se soucier du rapprochement effectué entre eux deux. La demoiselle, elle, s'accrochait à l'espagnol comme à une bouée de sauvetage.

- Débile ... Si ... Si débile ... Stupide ... idiote ...

- Non, Amélia. Tu n'es pas idiote, lui répondit-il avec une voix douce. Bien au contraire. Mais pour ces choses-là, que peut-on faire ? Rien.

- Durant ... Durant toutes ces années ... J'ai ... Joué son jeu ... Je ... Je me berçais de ... de mirages. Je voulais ... Simplement ... balbutiait l'Element entre deux hoquets.

- Être aimée. Être choyée. Être chérie. Je sais, Amélia. Je comprends. Je comprends parfaitement.

Les sanglots de la jeune fille s'arrêtèrent et elle leva un visage trempée d'eau salée vers le roux.

- Tu ... comprends ?

- Tsss ... regarde-moi ça. Tu fais presque peur à voir ! dit-il d'un ton rieur.

Et à l'aide d'une de ses manches, il essuya délicatement le visage de la demoiselle, qui se laissait faire, trop secouée pour s'en offusquer.

- Oui, je comprends. Ce genre de sentiments, je ne peux que trop bien le comprendre, Amélia. Moi, j'ai réussi à passer au-dessus, heureusement. Parce que Crìs était avec moi. Parce que Fernando et Maria étaient avec moi, aussi. Et parce que vous étiez tous là, vous, mes meilleurs amis, lui dit-il, tout en continuant à essuyer méticuleusement le visage de la française.

Fernando et Maria. Amélia savait peu de choses sur la famille des jumeaux. Tout ce dont elle avait connaissance, c'est qu'ils étaient sous la responsabilité de ce vieux couple depuis leur dix ans. Apparemment, ces personnes étaient, ou avaient été, domestiques auprès de la famille Altafuente. Et elle n'avait pas cherché plus loin. Mais ... avant d'atterrir chez ces personnes, qu'avaient bien pu vivre les deux frères ?

- Romy ... Tu ...

- Hep, hep. Fin de la parenthèse Romeo Altafuente. C'est de toi dont il est question. C'est toi qui a besoin de soutien. Pas moi.

- ... Désolée.

- Uh ! Amélia Loiseau s'excuse ?! Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de mon amie ?!

Amélia ne put retenir un petit rire, amusée. Puis elle se laissa de nouveau aller contre le tee-shirt de son ami, déjà bien trempé par les larmes.

- Amélia. Ça n'a rien de stupide, ni d'interdit de vouloir être aimé par les personnes que l'ont chérit le plus. C'est même une évidence. Ta mère ne fait pas exception à la règle, continua Romy, d'un ton redevenu sérieux.

- Oui ... Mais ... J'aurais aimé me rendre compte un peu plutôt que mes efforts ... étaient vains. Romy, elle voulait ... Elle voulait que j'abandonne tout ! Que je parte avec elle à Paris ! Que je ne vous revois plus jamais, tous ! Même mon père ou Sheena !

- Et tu as refusé. C'était la bonne chose à faire, Amélia.

La demoiselle prit une grande inspiration, de nouvelles larmes aux coins des yeux.

- Je ne voulais pas partir. Je ne voulais pas.

- Je sais. Et je ne t'aurais jamais laissé nous quitter. Je ne te laisserai jamais nous quitter, lui répondit-il en la serrant un peu plus fort.

Amélia ferma les yeux, se laissant bercer par les mots prononcés par l'espagnol. Cela aurait pu être interprété comme une phrase de réconfort, mais ... à ses oreilles, ce n'était ni plus ni moins qu'une promesse. Un serment. Et jamais, au grand jamais, Romy ne trahissait une promesse, quelle qu'elle soit. C'est pourquoi il évitait d'en faire. En très grande majorité. Alors, ces mots, ces quelques mots, lui prouvaient que l'espagnol était sérieux. Très sérieux.

- Merci, Romeo. Merci ... lui souffla-t-elle d'une voix saccadée par l'émotion.

Il hocha la tête en guise de réponse. Et pendant de longues secondes, les deux Elements restèrent ainsi, l'une dans les bras de l'autre, n'osant rompre ce moment à la fois si étrange, et si agréable. Puis, après de longues secondes qui parurent durer des millénaires à Romy, Amélia se détacha de lui, et lui fit un de ses splendides sourires dont elle avait le secret.

- S'il te plaît, tu pourras éviter de dire aux autres que tu m'as vue pleurer ?

- Je n'aurai pas besoin de le faire. Ils le verront tout de suite.

Amélia lui donna un petit coup sur le bras, en guise de vengeance, provoquant un léger cri chez l'Element d'air, qui mimait l'agonie.

- Pfff ... Espèce de carotte !

- Ahahaha ! Bueno ! Allez Amy ... On rentre ? Les autres nous attendent.

Les autres. Ceux qui se préoccupaient réellement d'elle. Ceux qui l'aimaient. Ceux qui ne la laisseraient pas tomber. Sa famille, à elle.

- Yep. On y va.

* * * * *

Elle n'avait pas fait ça depuis des lustres. Depuis le jour où elle avait été élue au titre de Directrice. Légèrement moins d'une décennie. C'est long, sept ans, tout de même. Pourtant, elle n'avait pas le choix. Non, elle n'avait pas le choix. D'un geste rapide, elle ôta ses escarpins, et se dirigea avec maladresse vers le tronc du Pêcher Éternel, évitant de trébucher sur les énormes racines du vieil arbre.

- Bon sang de bois ... Mais quelle idée aussi ... grommela-t-elle en évitant de justesse une belle chute.

Une fois enfin arrivée juste devant l'arbre. Helen prit le temps de se reposer quelques secondes, et commença à le chercher. Ce tout petit symbole. Ce signe à la fois si insignifiant, et pourtant si incroyable. Ce huit couché si élégamment sculpté.

- Le voilà. Enfin.

Puis, elle l'effleura avec douceur, et appuya dessus avec précaution. Ce dernier s'enfonça légèrement dans le bois, et un grand bruit résonna derrière elle, la faisant sursauter. La trappe s'était ouverte. Helen pouvait entrer dans le Sous-Sol. Elle descendit les marches inégales avec lenteur, tout en se couvrant la bouche pour se protéger de l'amas de poussière que l'ouverture de la trappe avait fait s'envoler.

Jamais. Au grand jamais, elle n'avait souhaiter redescendre ici un jour. Mais là ... Il y avait urgence. Seule CETTE personne pouvait l'aider. Et Helen savait pertinemment qu'Elle ne pouvait maintenant résider qu'ici si Elle voulait échapper à son neveu et ses amis. Cet endroit dont Elle avait la charge depuis sa création. Cet endroit qu'Elle protégeait corps et âme depuis si longtemps ... Oui. Elle. La Gardienne des Secrets.

Ce fut lorsqu'elle s'aperçut que la gigantesque porte d'entrée du Sous-Sol était ouverte, que la Directrice sut que le moment était enfin venu. Le moment de la rencontrer une nouvelle fois. Elle s'avança, et entra une nouvelle fois dans le Sous-Sol. Ce qu'elle vit lui coupa le souffle. Rien n'avait vraiment changé par rapport à ses souvenirs, mais ce bric à brac à la fois si précieux et si majestueux rendait l'endroit mystique, et imposant. Helen, qui sans le vouloir, avait bloquée sa respiration, la reprit profondément, et s'engagea dans le labyrinthe d'objets, vers le centre de la gigantesque pièce, où une sorte de no man's land séparait les objets et le grand autel fait de marbre blanc de plusieurs centaines de mètres. Et dessus, entourée de pile de livres plus gros et anciens les uns que les autres, une petite fille, assise de dos par rapport à elle, semblait passionnée par l'un d'entre eux, penchée dessus avec attention.

- Vous saviez que j'allais venir, déclara Helen avec respect et solennité.

- BWAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! Ouuuuuuuh ! Helen, c'est toi ?! Mais ne me fais pas de telles frayeurs par les Dieux ! J'ai cru que mon cœur allait bondir hors de ma poitrine ! Enfin ... Si j'ai encore un cœur. Tiens ? Ai-je encore un cœur au fait ... ?

La fillette, surprise par l'Element de feu, avait sursauté si fort qu'elle s'était surélevée du sol sans le vouloir, et qu'elle se retrouvait maintenant à flotter à une cinquantaine de centimètres au dessus de l'autel blanc, sans s'en rendre compte.

- Euh ... Mais ... Vous ne saviez pas que j'allais venir ?

- Baaah non. Comment veux-tu que je sache que tu allais me rendre visite ! Il n'y a jamais personne qui vient ! Et toi, tu serais bien la dernière personne que j'attendrais.

- Mais ... La porte était ouverte ... lui répondit Helen, complètement décontenancée.

- Oh ? Oups. J'ai oublié de la fermer, grimaça la fillette.

L'Element de feu secoua la tête, éberluée. Il ne fallait pas sous-estimer cette fillette, mais ... parfois, l'écossaise avait sérieusement l'impression de la surestimer.

- Donc, que me vaut le plaisir de ta visite ? Je croyais que tu ne remettrais jamais les pieds ici, pourtant.

La fillette, avait regagné le plancher des vaches, et s'était placée devant elle, son gros livre marron dans les bras.

- C'est ... Urgent. Très, très urgent.

- Je m'en doute bien.

- Je suis venue ici aussi vite que j'ai pu, dès que ...

Mais alors qu'Helen allait se lancer dans le récit, l'Inexistante leva la main droite, lui coupant la parole, et disparu sans laisser de traces. Bouche bée, l'Element se mit à chercher tout autour d'elle où donc avait bien pu passer la fillette.

- Monte ici, Helen.

Elle était réapparue sur l'autel blanc, accompagnée d'un grand fauteuil en velours rose.

- Je crois que ça va être long, alors hors de question que tu restes debout, Directrice ! continua la petite demoiselle avec un grand sourire.

Sans poser de questions, Helen s'exécuta. Elle monta rapidement sur l'autel, et s'installa sur le fauteuil, un peu méfiante. Bien que très ancien, ce dernier se révélait étrangement confortable ... Quelle surprise.

- Un vieux cadeau trop rococo pour moi, commenta simplement la fillette en s'asseyant ... sur l'air, aux environs de sa hauteur. Puis elle croisa les jambes et les bras, et fixa la directrice d'un air neutre, l'invitant à reprendre son récit.

- Je ... Il y a moins d'une heure, j'ai reçu un appel sur la ligne 8.

- La ligne 8 ? Celle utilisée en cas d'extrême urgence ? Ou par des gens haut placés ? demanda l'Inexistante en fronçant les sourcils.

- Oui ... Et là ... C'était ...

- Par des gens haut placés. Ne me dis pas que ...

- Si. Le Conseil Mondial des Elements a appelé.

Brunette ferma les yeux et prit une grande inspiration. Le Conseil Mondial des Elements. Une bande de vieux grigous bureaucrates accrochés à leurs privilèges et au pouvoir. Tout ce qu'elle haïssait. Elle appuya son menton dans une de ces paumes ouvertes, et de mauvais souvenirs lui revinrent en esprit. La dernière fois que ces espèces de saletés de vieux croûtons avaient commencé à tourner leur regard vers la S.E.A, c'était ... lors du Ratage. Avec un grand R. C'était de leur faute, si elle n'avait pas pu sauver ce qui aurait dû l'être. C'est parce qu'elle était occupée ailleurs, à cause de leur magouille sombre et boueuse, pour ne pas dire un autre mot, que Brunette avait échoué une seconde fois. Ouuuuuuh ...

- Je ... Tout va bien ?

- Franchement ? Non. Il est hors de question qu'ils reviennent se mêler des affaires de l'Académie.

- ... Je suis désolée. Je n'ai pas mon mot à dire.

- Je sais, Helen Hunter. Je sais. Dis-toi simplement que le souvenir Malcolm Horace est encore dans mon esprit ...

Elle détourna la tête, sombre. Helen soupira. Malcolm Horace, ou son prédécesseur, était un homme des plus ... détestables. Il avait régné en maître sur l'Académie pendant vingt années, et en menaçait sérieusement son équilibre. Cet homme, pourri jusqu'à la moelle, avait fait bon nombre de choses plus abominables les unes que les autres, faisant sortir l'Inexistante de ses gongs, qui lui avait déclaré une véritable guerre. Après un combat des plus acharné, Malcolm avait été éjecté de son poste, et renvoyé de l'Académie. Il avait pris ses cliques, et ses claques, et était parti le soir même de sa démission. Ce fut à ce moment là que trouva source la haine que l'Inexistante se mit à vouer au Conseil. Elle était si furieuse contre eux, qu'elle les menaça de révéler à tous l'existence du Sous-Sol, ou ses secrets, si jamais ils osaient remettre leur nez dans les affaires de l'Académie. Et Helen fut nommée Directrice. Par la suite, elle apprit que Malcolm obéissait au directives du Conseil, et que celui-ci recevait moult pots de vins de la part de celui-ci, pour qu'il agisse selon leurs ordres et besoins. Cette époque avait été bien sombre ... Et sans l'Inexistante, nul doute que cela se serait très mal terminé.

- ... Ils ... Ils veulent ... les voir. Pour entendre leurs témoignages sur ce qu'il s'est passé, le 26 décembre.

- Rien d'étonnant. Ils ont pris part au conflit bien plus que n'importe qui d'autre ici, et en plus, ils ont maintenant connaissance des Portes, et du Sous-Sol. Ça doit bien les défriser là haut ...

- Ce n'est pas tout. Ils en veulent aussi aux ...

- Huit. J'en suis consciente. Ils veulent savoir ce qu'il s'est passé. Et c'est compréhensible.

- Que ... Que dois-je faire ? J'ai peur pour mon neveu et ses amis.

Brunette se retourna vers Helen. Ses yeux brillaient de manière anormale, et elle était devenue toute pâle.

- J'ai perdu mon frère, et mes plus proches amis. J'ai perdu mon premier neveu. Je refuse de perdre encore quelqu'un. Je vous en supplie. Aidez-moi.

- Helen Abigail Hunter. Ces jeunes gens sont MES protégés. Et je ferai tout, ABSOLUMENT TOUT, pour que personne ne viennent se mettre en travers de leur route.

En voyant l'éclair féroce qui brillait dans les yeux de la petite fille, et son sourire carnassier, Helen comprit alors qu'elle n'avait pas de soucis à se faire. Le Conseil pouvait trembler. L'Inexistante était prête à sortir ses griffes.

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SURPRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIISE ! J'ai encore mentiiii ~ Voilà votre nouveau chapitre ! (MOUAHAHA ! J'ADORE VOUS FAIRE RAGER DE JOIE ! //SHBAAAAAAAAFF//)

Romélia ! Romélia ! Tous en cœur avec moi ! //SHBAAAAAFF//

Et ouais. Amélia et sa mère, c'est une longue histoire.

Les jumeaux cachent un truc avec leur famille ... Mais ça, vous le saviez, non ? ;)

L'Inexistante et Helen ont aussi un passif ... Retenez bien la mention du Ratage. C'est important pour la suite. Très important. (Z'avez pas fini d'en entendre parler. C'est moi qui vous l'dis. //SHBBAAAFF//)

Oh et. Pour mes vacances sans Wi-Fi, je plaisantais pas. Dernier chapitre avant le mois d'Août les gens !

Bref ! Sur ceux, je vous laisse l'esprit en ébullition, pendant trois semaines, et je vous dis,

A LA PROCHAINE BANDE DE BROCOLIS FUME A LA MOUTARDE VERTE ! (Coucou The_Tigresse !)

P.S : Ce ''à la prochaine'' est copyrighté The_Tigresse. Je l'ai trouvé sympa, et je l'ai utilisé, mais c'est le sien. Au fait, si z'avez des idées de « à la prochaine, vous pouvez les mettre en com' ! Si y'en a qui me botte bien, j'pourrais les user et, bien entendu, créditer les auteurs. ^^

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